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Saturday, November 29, 2008

L'indispensable coopération indo-pakistanaise

L’attaque terroriste dont a été victime la capitale économique de l’Inde était si bien organisée et si minutieusement préparée qu’il a fallu pas moins de soixante heures aux forces de sécurité indiennes pour en venir à bout. Les terroristes étaient si bien entraînés et connaissaient si parfaitement les lieux attaqués qu’ils ne pouvaient pas ne pas y avoir séjourné avant. Ils ont bénéficié de complicités certaines puisque plusieurs kilogrammes d’explosifs étaient entreposés dans les hôtels visés bien avant l’arrivée des assaillants.
Même si elles n’ont atteint ni en ampleur ni en gravité les attentats du 11 septembre 2001, les attaques perpétrées contre Mumbai seront sans doute enregistrées dans les annales de l’histoire comme un développement spectaculaire dans le mode de fonctionnement du terrorisme mondial.
En effet le modus operandi choisi par les terroristes de Mumbai est un développement dangereux par rapport aux modus operandi observés lors des attaques de Madrid ou de Londres par exemple. En s’en prenant aux capitales espagnole et britannique en 2004 et 2007, les terroristes suicidaires s’étaient fait tuer en même tant que leurs victimes. L’action avait duré quelques minutes, et le terrain a été aussitôt occupé par les ambulances et les secouristes et le personnel médical.
Dans le cas de Mumbai, les terroristes n’étaient pas moins suicidaires, mais, en ajournant leur suicide, ils ont visiblement décidé de faire payer très cher leur peau. De toute évidence, leur but était de faire le maximum de dégâts et de faire régner le maximum de terreur, et à ce niveau malheureusement leur objectif a été largement atteint.
Alors que l’enquête se poursuit en Inde pour cerner les vrais commanditaires de l’attaque, les spéculations vont bon train sur l’identité des responsables de cette action terroriste inédite à Mumbai. Des groupes pakistanais (Lashkar-e-taiba, Jaish-e-Mohammad) aux groupes extrémistes basés en Inde en passant par Al Qaida, les enquêteurs n’excluent aucune piste pour le moment. Mais si, pour l’instant, il n’y a aucune preuve qu’Al Qaida est derrière ces attaques, tout prouve que son esprit était là et que son ombre a plané dans l’atmosphère sanglante que Mumbai a connue pendant trois jours. Il était clair pour tous que c’est sa conception nihiliste de l’action politique qui a guidé le groupe d’assaillants ayant sévi à Mumbai pendant soixante heures.
Le massacre indiscriminé d’innocents, qu’Al Qaida a inauguré avec éclat le 11 septembre 2001, était la caractéristique principale des attaques terroristes contre Mumbai. Le mitraillage indiscriminé et aveugle par armes automatiques de voyageurs à la gare de Mumbai, le massacre de patients dans un hôpital qui accueille les pauvres, la prise d’otages sanglante dans deux hôtels de la ville, autant d’actions horribles qui sont clairement inspirées de la « philosophie » nihiliste d’Al Qaida où la fin et les moyens (les deux éléments constitutifs de l’action) se confondent et deviennent synonymes de destruction insensée et de mise à mort gratuite d’innocents, ne générant absolument aucun bénéfice de quelque nature que ce soit pour les terroristes.
Outre le nihilisme, l’autre caractéristique des terroristes de Mumbai est qu’ils sont un groupe non étatique qui opère de manière souterraine et surtout lâche puisqu’il s’en prend aux cibles les plus faciles, les plus fragiles et les plus difficilement défendables. Juste après les attaques, des doigts accusateurs ont pointé vers le Pakistan. Peut-être des groupes terroristes pakistanais sont-ils impliqués de près ou de loin dans ces attaques. L’enquête le confirmera ou l’infirmera. Mais il est hautement improbable, impossible même que l’Etat pakistanais y soit pour quelque chose. La raison est simple. L’Etat pakistanais est lui-même très menacé par ces groupes terroristes souterrains et est actuellement engagé dans une lutte à mort contre eux. L’actuel président pakistanais, Asif Ali Zardari, a perdu sa femme, Benazir Bhutto, dans une action terroriste spectaculaire qui a fait des centaines de morts et de blessés. Par conséquent, aucune logique et aucun intérêt objectif ne plaident pour l’implication de l’Etat pakistanais.
Cela est d’autant plus évident que lors des attaques contre Mumbai, une délégation pakistanaise, présidée par le ministre des affaires étrangères, se trouvait à New Delhi pour « renforcer la coopération » entre les deux pays. Ce qui prouve amplement que la nature des relations entre l’Inde et le Pakistan est nettement meilleure maintenant qu’en 2001, quand une attaque perpétrée par Lashkar-e-taiba contre le parlement indien avait failli déclencher une nouvelle guerre entre les deux frères ennemis.
La rationalité veut que quand deux Etats ou plus font face à un même danger, ils coopèrent pour l’annihiler. Signe des temps, les services de renseignement militaire pakistanais (ISI) que, jusqu’à une date récente, l’Inde accusait de tous les maux, va maintenant coopérer à l’enquête à la demande de New Delhi. Et même si ce n’est pas le chef en personne qui va faire le déplacement, mais des enquêteurs d’un grade moins élevé, cela n’enlève rien à l’importance de l’événement. Car, des enquêteurs de l’ISI en Inde est une bonne nouvelle pour l’avenir des relations indo-pakistanaises et une mauvaise nouvelle pour les réseaux terroristes.
Cependant, tout n’est pas acquis pour une amélioration des relations indo-pakistanaises. Au deuxième jour de l’attaque et alors que les forces de sécurité traquaient encore les terroristes, l’extrême droite hindoue a commencé à exploiter cyniquement le drame en vue des élections générales prévues au printemps prochain. Les discours incendiaires des responsables du Bharatiya Janata Party, Narendra Modi et Atal Behari Vajpayee notamment, contre le gouvernement indien et l’Etat pakistanais sont malvenus à un moment où l’Inde, qui vit une tragédie de grande ampleur, a besoin de l’unité de son peuple et de la coopération de ses voisins.

Thursday, November 27, 2008

Terreur à Mumbai

Ce n’est pas la première fois que Mumbai (l’ancienne Bombay) est frappée de plein fouet par le terrorisme. Capitale économique et financière de l’Inde, mégapole de 10 millions d’habitants, Mumbai est depuis 1993 une cible privilégiée des terroristes.
Depuis cette date, trois attaques terroristes majeures ont été particulièrement terrifiantes. En mars 2003, une série de bombes explosèrent de manière coordonnée, faisant 257 morts et 700 blessés. Des hôtels, la bourse de Mumbai, des théâtres et des sites touristiques étaient pris pour cibles. En juillet 2006, sept bombes explosèrent quasi-simultanément dans la gare centrale de Mumbai provoquant un autre carnage : plus de 200 morts et 700 blessés. Enfin, l’attaque perpétrée dans la nuit de mercredi à jeudi 27 novembre 2008 a eu pour cible des hôtels de luxe à Mumbai, un hôpital et des sites touristiques faisant plus de cent morts . Cette dernière attaque contre la mégapole indienne se distingue des autres par l’utilisation de mitraillettes au lieu des bombes habituelles et, fait inquiétant, par une prise d’otages de clients étrangers et hindous des hôtels ciblés. Un fait d’autant plus inquiétant que, plusieurs heures après l’éclatement du drame, la prise d’otages durait encore.
Mumbai n’est pas la seule ville à souffrir de l’activisme destructeur des groupes terroristes hindous. Ceux-ci ont déjà sévi à Jaipur, Bangalore, Ahmedabad et, bien sûr, New Delhi où une série d’explosions dans des marchés très fréquentés a fait des dizaines de victimes le 13 septembre dernier.
Dimanche dernier, le Premier ministre Manmohan Singh, annonçant la formation d’une force de frappe pour contrer le terrorisme a fait cette mise en garde : « Je voudrais seulement souligner ici que le temps n’est pas de notre côté. Nous ne pouvons pas nous permettre une répétition du genre d’attaques terroristes qui ont eu lieu récemment à Delhi, Hayderabad, Bangalore, Mumbai, Ahmedabad, Surat, Guwahati et quelques autres centres urbains. » Trois jours plus tard, les terroristes frappent à nouveau à Mumbai…
Evidemment l’attaque contre Mumbai ne peut pas être une réponse immédiate des terroristes à la mise en garde du Premier ministre Manmohan Singh, pour la simple raison qu’une attaque d’une telle ampleur nécessite une longue préparation. Cependant, cette attaque met encore une fois à nu le grand décalage entre l’ampleur de la menace terroriste qui pèse sur l’Inde et la capacité réduite de l’Etat fédéral indien d’y faire face.
Les autorités indiennes reconnaissent des « défaillances » dans la collecte des informations au niveau des agences de renseignements du pays. Ces défaillances sont autant de brèches par lesquelles s’infiltrent les groupes terroristes pour mener leurs coups et donc, au lieu de réagir avant pour prévenir, les services de sécurité se trouvent dans l’obligation de réagir après pour sévir.
Après chaque attentat terroriste, les musulmans de l’Inde se plaignent de « harassement » de membres de leur communauté par les services de sécurité. Ceux-ci se trouvent après chaque attentat sous une intense pression populaire et politique de trouver les coupables et, par conséquent, peuvent difficilement éviter les excès inhérents aux lendemains d’attentats. Pourtant, les autorités indiennes savent pertinemment que la majorité écrasante de la communauté musulmane en Inde abhorre les actes de terrorisme menés par des éléments extrémistes. Le 13 septembre dernier, juste après les attaques perpétrées contre des marchés à New Delhi, des musulmans ont massivement manifesté dans les rues de la capitale indienne pour dénoncer le carnage et conspuer le « Student Islamic Movement of India » (SIMI) qui a revendiqué l’attaque. Les manifestants ont également demandé au Pakistan de « s’abstenir de s’impliquer dans le terrorisme en Inde. »
Depuis plus de 60 ans, la méfiance et la suspicion sont les principales caractéristiques des relations indo-pakistanaises. Cette méfiance et cette suspicion s’intensifient forcément après chaque attentat terroriste revendiqué par des extrémistes islamistes et où les autorités indiennes voient, à tort ou à raison, la main de mouvements extrémistes pakistanais, « Lashkar e Taibe » et « Jaish Mohammed » notamment.
L’attentat d’hier à Mumbai est intervenu à un moment où une commission mixte pakistano-indienne se tenait à New Delhi. Exprimant avec éclat sa suspicion vis-à-vis du Pakistan, New Delhi a mis fin aux travaux de cette commission, et un déplacement quelque part en Inde du ministre pakistanais des affaires étrangères en compagnie de son homologue indien prévu jeudi a été annulé.
La colère que ressentent la population et les autorités indiennes après les terribles attentats de Mumbai est compréhensible et légitime. Mais il aurait peut-être mieux valu attendre les résultats de l’enquête avant que les autorités de New Delhi n’expriment leur mauvaise humeur vis-à-vis d’un pays lui-même victime impuissante du terrorisme islamiste dont les origines et les causes de son intensification sont connues de tous.
Le terrorisme est un grave fléau pour l’Inde, mais pas au point de menacer l’existence du pays en tant que « plus grande démocratie du monde ». En dépit de son extraordinaire diversité ethnique et religieuse, l’Inde demeure un pays solide et son avenir, loin d’être menacé, est au contraire, brillant si l’on en juge par les réalisations économiques, scientifiques et technologiques du pays.
Le Pakistan, en revanche, se trouve dans une situation problématique et son avenir est plus problématique encore. En effet le pays est menacé dans ses fondements même par le terrorisme islamiste et il faut une réelle unité des classes politiques pakistanaises et une vraie discipline des différents services militaires pour renverser la tendance de la « talibanisation » rampante du « pays des purs ».
Cela dit, nul besoin d’être un stratège chevronné pour conclure que l’Inde et le Pakistan ont un intérêt évident à coopérer contre un même ennemi qui fait des ravages des deux côtés de la frontière. Toute la question est de savoir si cet intérêt commun qui saute aux yeux est en mesure aujourd’hui d’abattre le mur de la méfiance qui empoisonne la vie des deux pays depuis 1947 ?

Monday, November 24, 2008

Imbroglio indo-pakistano-afghan

La méfiance entre l’Inde et le Pakistan n’est pas le monopole des politiciens. Elle est diffuse aussi au sein des populations. Au cours d’un récent voyage en Inde, nous avons parlé avec des Hindous de différentes conditions, de différents niveaux culturels et de différentes « castes ». L’impression qui se dégage est que la « blessure » de 1947 engendrée par la partition de l’Inde ne s’est toujours pas cicatrisée. Elle reste vive, comme une plaie ouverte. Le ressentiment est grand et il est entretenu en Inde par les attentats terroristes subis au cours de ces dernières années à New Delhi, Mumbai, Hayderabad, Jaipur ou encore Bangalore.
Tous ces attentats qui ont fait de gros dégâts sont attribués à des islamistes. Un journaliste hindou issu des « castes intermédiaires » (son père est potier), fait part de sa conviction toute en nuances. « Vous savez, dit-il, en Inde tous les terroristes sont musulmans, ce qui ne veut pas dire que tous les musulmans sont terroristes. »
En juillet dernier, l’Inde a subi une attaque sanglante contre ses intérêts en Afghanistan : une voiture piégée a explosé devant les grilles de l’ambassade de l’Inde à Kaboul faisant 28 morts et 141 blessés. Aussi bien à New Delhi qu’à Washington, on soupçonne les services secrets de l’armée pakistanaise (ISI) d’être les commanditaires de l’attentat.
L’attentat de Kaboul et les soupçons qui pèsent sur l’ISI ne peuvent évidemment que renforcer la méfiance mutuelle qui empoisonne les relations indo-pakistanaises depuis plus de 60 ans.
Pendant toute la guerre froide, le Pakistan a été l’allié privilégié de Washington qui l’utilisait comme une pièce maîtresse dans sa politique de « Containment » (Endiguement) contre l’Union soviétique. Cette alliance était alors d’autant plus vitale pour les Etats-Unis que, durant pratiquement toute la guerre froide, le cœur de l’Inde penchait plutôt vers Moscou que vers Washington.
L’Inde, qui avait perdu sa frontière commune avec l’Afghanistan en 1947, n’avait pas pu ou voulu mettre à profit l’instabilité chronique qui mine ce pays depuis 1978 pour s’imposer comme une puissance influente dans la complexe équation afghane. D’ailleurs, dans les milieux politiques et militaires pakistanais, « l’exclusion de l’Inde de l’Afghanistan durant les décennies 1980-90 » est jusqu’à ce jour considérée comme « une grande victoire stratégique pour le Pakistan ».
L’intérêt manifesté par le président américain au cours de son second mandat pour l’Inde et sa visite cette année dans ce pays au cours de laquelle il a signé d’importants accords militaires ont ravivé les inquiétudes des autorités politiques et militaires pakistanaises. Celles-ci ne voyaient pas déjà d’un bon œil les importants investissements consentis par l’Inde en Afghanistan, dont la construction d’une route jusqu’à la frontière iranienne qui lui donnerait éventuellement accès au port iranien de Chabanar et lui permettrait de contourner le Pakistan. Sans parler de l’offre de l’Inde d’entraîner les soldats afghans ou de l’ouverture de consulats « le long de la frontière afghano-pakistanaise » qu’Islamabad considère comme des « bureaux d’aide à la rébellion du Baloutchistan ».
Mais les inquiétudes pakistanaises devraient prendre une autre dimension avec cette étrange information publiée par l’International Herald Tribune dans son édition électronique de dimanche 23 novembre : « Les milieux néoconservateurs américains se sont adonnés à un exercice théorique consistant à retracer la carte de l’Asie du sud ». Selon cet exercice, « le Pakistan est réduit à une bande de terre longiligne » après qu’ « une bonne partie de son territoire à l’est a été intégrée à l’Inde et une partie à l’ouest a agrandi l’Afghanistan ».
Il n’a pas fallu plus pour que la vieille obsession du Pakistan de se voir pris en sandwich entre l’Inde et l’Afghanistan refasse surface. « L’une des plus grandes peurs des stratèges militaires pakistanais est que l’Inde et l’Afghanistan ne collaborent un jour pour détruire le Pakistan », a affirmé un responsable gouvernemental pakistanais, cité anonymement par le Herald Tribune du 23 novembre.
Tout cela prouve que l’Afghanistan n’est pas simplement le terrain d’une bataille interminable entre des courants ethniques, politiques et religieux inextricables, exacerbée par l’intervention des forces américaines et de l’Otan, mais aussi et surtout une pièce maîtresse dans le grand jeu stratégique qui vise à façonner l’Asie du sud de demain et dont les deux principaux acteurs régionaux, l’Inde et le Pakistan, possèdent l’arme nucléaire.
Mais le plus grand danger qui guette cette région est ce que beaucoup d’observateurs appellent « la talibanisation rampante du Pakistan ». Voici un pays de 170 millions d’habitants et possédant, selon des sources occidentales, « pas moins de 60 armes nucléaires » qui est menacé d’instabilité. Déjà la grande ville de Peshawar, frontalière avec l’Afghanistan, est partiellement dominée par les talibans. Ceux-ci sont en train de prier pour que les Américains intensifient leur bombardement des régions tribales du Waziristan, car chaque bombe qui fauche la vie d’innocents, renforce les rangs des talibans pakistanais non pas par des individus convaincus mais par des citoyens révoltés.
Le problème est que le président élu, Barack Obama a promis d’intensifier ces bombardements au Pakistan dans l’espoir de détruire Al Qaida et d’éradiquer les réseaux des talibans. Il faut peut-être commencer à prier pour qu’il ne tienne pas parole et pour qu’il ne perde pas de vue l’idée que de tels bombardements, qui, forcément, causent de grandes pertes parmi les civils, génèrent généralement des résultats tout à fait opposés aux objectifs visés.

Thursday, November 20, 2008

Aveu d'échec

Après un an de négociations ardues, Américains et Irakiens sont parvenus à se mettre d’accord sur ce qu’on appelle désormais le SOFA (Status Of Forces Agreement) –Accord sur le statut des forces américaines en Irak- et celles-ci ne seront donc pas dans l’ « illégalité » après le 31 décembre prochain, fin du mandat de l’ONU.
C’est l’une des rares fois dans l’histoire, sinon l’unique fois, qu’un pays sous occupation militaire négocie d’égal à égal avec l’occupant, lui refuse ses principales demandes et lui impose même les siennes. C’est d’autant plus remarquable que les autorités du pays occupé ne sont toujours pas en mesure de gouverner sans le soutien militaire et logistique de l’occupant.
Au début des négociations, les Etats-Unis étaient intransigeants et donnaient l’impression qu’ils n’accepteraient jamais de céder sur trois sujets « vitaux » : pas de date pour le départ des forces américaines ; pas de jugement de citoyens américains ayant commis des crimes par les autorités judiciaires irakiennes ; pas de limitation de la liberté de mouvement des troupes d’occupation quand il s’agit de pourchasser des militants irakiens ou de mener des attaques au-delà des frontières irakiennes.
L’accord signé lundi dernier à Bagdad par l’Irak et les Etats-Unis stipule que les troupes américaines seront cantonnées dans leurs bases hors des villes irakiennes en juin prochain et que le dernier soldat américain quittera l’Irak le 31 décembre 2011. Il donne le feu vert à l’appareil judiciaire irakien de poursuivre tout citoyen américain, civil ou militaire, coupable de crimes au regard du droit irakien. Et il interdit formellement à l’armée américaine de mener des attaques à partir du territoire irakien contre des pays voisins de l’Irak.
Il y a encore quelques semaines, des officiels du Pentagone, agacés par l’insistance irakienne de réécrire le projet d’accord, croyaient être en mesure de faire preuve d’arrogance et d’intransigeance en criant haut et fort que « c’est à prendre ou à laisser ». Le gouvernement irakien les a eus à l’usure en affichant sa ferme volonté de refuser un accord aux conditions américaines. Pour lui, il est politiquement plus sûr de demander à l’ONU de renouveler son mandat aux forces d’occupation plutôt que d’accepter un statut de ces forces aux conditions américaines.
En effet, pour Nouri Al Maliki et la coalition de partis chiites et kurdes qui le soutient, s’ils acceptent un tel accord, ils seront considérés par leur opinion publique comme les laquais de l’occupant, qualification qu’aucun politicien irakien ne souhaiterait se voir coller. A partir de là, et durant les longs mois de la négociation, il y a eu une sorte de surenchère entre les politiciens irakiens. Chacun d’entre eux voulant se montrer nationaliste et au service de son pays plutôt qu’à celui de l’occupant, c’était à qui se montre le plus exigeant et à qui place la barre le plus haut dans les négociations.
Ces négociations se faisaient avec une administration américaine finissante et décrédibilisée chez elle et à l’étranger. La Maison blanche et ses collaborateurs au département d’Etat et au Pentagone ont eu recours à toutes les ressources dont ils disposent pour amener le gouvernement Maliki à accepter le projet d’accord tel que conçu initialement. En vain. Coincé si l’on peut dire entre l’échéance du 31 décembre qui s’approche et l’intransigeance des négociateurs irakiens, Bush n’avait que le choix entre accepter les amendements irakiens ou se retrouver le 1er janvier prochain avec 150.000 soldats en Irak non seulement en difficulté, mais sans « statut ».
Un signe qui ne trompe pas et qui prouve que l’accord conclu lundi est plus favorable à l’Irak qu’à la puissance occupante : la réaction iranienne. Après avoir effectué toutes le pressions possibles sur le gouvernement irakien pour qu’il refuse le projet tel que rédigé par les Américains, l’Iran semble aujourd’hui satisfait de l’accord conclu. Commentant cet accord sur une chaîne iranienne, Mahmoud Hashemi Shahroudi, haut fonctionnaire au ministère iranien de la justice, a affirmé que « le gouvernement irakien a très bien fait ».
L’embarras de la Maison blanche est clairement lisible dans la réaction de son porte-parole, Dana Périno, qui, reconnaissant les concessions, les a justifiées en ces termes : « En faisant des concessions, les Etats-Unis reconnaissent que le gouvernement irakien a fait des progrès, et que les Irakiens sont aujourd’hui capables de poursuivre leur propre chemin, de se gouverner eux-mêmes et de se défendre. »
Le 1er mai 2003, Bush, en combinaison d’aviateur, atterrissait sur le porte-avions Lincoln au large de la Californie et se faisait filmer et photographier alors qu’il fanfaronnait sous la fameuse bannière de « Mission Accomplished ». Plus de cinq ans et demi après, ce qui a été « accompli », c’est Abou Ghraib, c’est des centaines de milliers de morts irakiens et quatre millions de déplacés, c’est le réveil brutal des démons de la division confessionnelle et ethnique, c’est l’affaiblissement de l’Irak pour Dieu sait combien de décennies et le renforcement involontaire de l’Iran, ennemi juré de l’Amérique etc.
Les concessions que la Maison blanche a consenties dans le cadre des négociations du SOFA sonnent comme une reconnaissance du bilan désastreux de l’occupation. En acceptant de se retirer au plus tard le 31 décembre 2011, les responsables américains reconnaissent que l’Irak est perdu pour eux, qu’ils n’en feront pas l’immense base militaire au cœur du Golfe dont ils rêvaient et qu’ils ne bénéficieront pas des deuxièmes réserves pétrolières du monde, motif principal de l’occupation.

Sunday, November 16, 2008

Obama: après l'euphorie, les grands défis

L’élection de Barack Obama à la présidence de la République américaine est, dans une large mesure, le résultat logique des excès produits pendant les trente dernières années par ce que certains intellectuels aux Etats-Unis appellent « les deux mamelles de l’Amérique » : le néo-libéralisme économique et le néo-conservatisme politique.
En élisant Ronald Reagan en 1980 et en le réélisant en 1984, les Américains ont permis le développement de ces deux courants dont la propagande intensive a aveuglé l’Américain moyen pendant de longues années.
En élisant George Bush en 2000 et en le réélisant en 2004, les Américains ont permis à ces deux courants d’aller jusqu’au bout de leur logique et sont aujourd’hui en train de récolter les fruits amers du néo-libéralisme et du néo-conservatisme : crise financière sans précédent ; un système d’assurance-maladie détruit ; un système fiscal qui dépouille les pauvres pour engraisser les riches ; un système bancaire artificiellement debout à coups de centaines de milliards de dollars payés par le contribuable ; chaque jour que Dieu fait des douzaines d’entreprises mettent la clef sous la porte et renvoient chez eux sans état d’âme des milliers de travailleurs ; deux guerres qui continuent de « pomper » chaque mois des milliards de dollars dans un budget fédéral vertigineusement déficitaire etc.
Telle est la situation qui a rendu possible la victoire d’un candidat afro-américain aux Etats-Unis. Une situation quelque peu paradoxale dans la mesure où elle a assuré à Barack Obama une grande victoire, mais lui a en même temps légué des défis plus grands encore. Sans doute les plus grands défis jamais rencontrés par un président élu depuis Roosevelt en 1932.
Terence Young, le premier ambassadeur noir américain auprès de l’ONU, plaisantait à peine en disant à un journaliste que « les problèmes du monde sont devenus si complexes et si difficiles à gérer que personne n’en veut. C’est pour cela qu’on a confié cette gestion aux Noirs. » Chaque élection engendre une euphorie de la victoire pour le président élu. Obama, comme tous ses prédécesseurs, a vécu son euphorie de la victoire. Mais contrairement à ses prédécesseurs qui, passée l’euphorie, découvrent peu à peu la réalité du pouvoir, Obama, lui, est en train de découvrir l’étendue des désastres que va laisser derrière lui George Bush le 20 janvier prochain, le jour où il partira à la retraite dans son ranch au Texas.
Obama se penche actuellement sur les impératifs qui incombent à tout président élu : la composition de son prochain cabinet et les briefings qu’il reçoit quasi-quotidiennement des chefs du renseignement américain sur la situation intérieure et extérieure des Etats-Unis. Mais plus il est briefé sur cette situation, plus il mesure l’étendue de la tâche qui l’attend et plus obsédante devient la question : quel est le problème le plus urgent ? Par où commencer ? Par les banques ? Les entreprises ? Le chômage ? L’assurance-maladie ? L’Irak ? L’Afghanistan ? Le Pakistan ? L’Iran ? Le Moyen-Orient ?
Certains n’ont pas manqué pas de mettre en évidence « le paradoxe » entre la frêle silhouette d’Obama et le gigantisme des défis qui l’attendent. Un président ne gouverne pas avec sa silhouette, mais avec sa volonté, sa détermination à réussir, sa capacité à hiérarchiser les priorités, à faire le bon diagnostic et à apporter la bonne réponse.
Le président sortant a fait preuve de grande détermination non pas à réussir, mais à persister dans l’erreur. Sa capacité à hiérarchiser les priorités est plus que douteuse et ses diagnostics ressemblent à ceux du médecin qui pratique la profession avec de faux diplômes. Et, bien que désigné par les juges de la Cour Suprême (cinq voix contre quatre), il a bénéficié du préjugé favorable qu’il a trahi en long et en large huit ans durant.
Le président élu, sur bien des aspects, est l’exact contraire du président sortant. Elu massivement, il dispose d’évidents talents intellectuels ; il a fait preuve, en tant que sénateur et en tant que candidat, d’une claire capacité de discernement et de hiérarchisation des priorités ; et, si on le juge sur ses vues sur la fiscalité, l’assurance-maladie ou l’Irak, on pourra dire que ses diagnostics sont ceux d’un médecin qui a réussi brillamment ses études.
Obama a donc droit au préjugé favorable et, plutôt que de se livrer à des spéculations stériles sur ce qu’il fera ou ne fera pas, mieux vaut attendre et juger sur pièce. Mais ce qui est certain, et tous les cheminots vous le confirmeront, il est beaucoup plus facile de dérailler un train que de le remettre sur la voie. Et à ce niveau, la présidence d’Obama sera sans aucun doute infiniment plus difficile que celle de Bush. Mais, et c’est certain, infiniment moins dangereuse aussi.

Wednesday, November 12, 2008

Quand les jeunes se mobilisent pour "sauver" l'Amérique

Ann Arbor (Michigan)- C'est à environ soixante dix kilomètres à l'ouest de Detroit, dans l'Etat du Michigan, que se trouve cette petite ville originale et un peu trop particulière. Petite suivant le standard américain, puisque Ann Arbor compte tout de même 150.000 habitants, dont la moitié est composée d'étudiants. L'originalité de cette ville est que chaque matin la moitié de la population converge vers la Michigan University, la plus importante et la plus cotée des universités publiques américaines.
Une promenade à Ann Arbor est une vraie partie de plaisir pour deux raisons. D'abord la verdure est omniprésente, et l'on découvre un sentiment inconnu jusqu'alors de ce que l'on peut appeler la sécurité écologique lorsqu'on se promène sous les chênes géants qui ressemblent à d'immenses filtres à air protégeant la ville de la pollution et purifiant son atmosphère. Ensuite parce que les automobilistes sont de moins en moins présents au centre ville (downtown Ann arbor) où les piétons gagnent chaque jour un peu plus de terrain.
Michigan University est l'axe central autour duquel tourne la vie sociale, économique et, bien sûr, intellectuelle de la ville d'Ann Arbor. Le seuil de l'une des nombreuses entrées de l'université comporte un disque en cuivre de 30 ou 40 centimètres de diamètre. C'était à cet endroit précis que le 14 octobre 1960, le candidat démocrate à l'élection présidentielle, John Fitzgerald Kennedy, avait promis à l'Amérique la lune au vrai sens du terme. S'adressant aux étudiants de l'université du Michigan et, à travers eux, au pays tout entier, Kennedy avait affirmé que s'il était élu président, l'Amérique enverrait en moins d'une décennie un homme sur la lune et assurerait son retour sur terre en toute sécurité.
Moins de neuf ans après, la promesse de Kennedy était devenue réalité, même s'il n'était plus là pour savourer l'exploit spatial dont il était le principal initiateur. Le disque de cuivre est l'un des symboles qui fait la fierté de l'université de Michigan. "D'une manière ou d'une autre, on se sent ici à Ann Arbor un peu associés à la conquête de la lune. Ce disque-symbole que vous voyez là prend un relief particulier lorsqu'il est éclairé par la pleine lune", affirme George Conway, étudiant en biologie, d'un air mi-sérieux mi-amusé, et qui n'était visiblement pas né quand Neil Armstrong avait planté le drapeau américain sur la lune le 21 juillet 1969.
Les timides rayons de soleil qui tentent désespérément de transpercer les chênes abondamment feuillus malgré l'automne, sont impuissants face au froid qui vient du Canada voisin. Mais sous l'un des chênes, l'atmosphère est réchauffée par la discussion animée d'un groupe d'étudiants multiracial. Quand George Conway se joignait au groupe, l'un des étudiants était en train de parler de sa frustration de n'avoir pas été à Washington la nuit du 4 novembre pour participer à la fête spontanée des étudiants de Georgetown University devant la Maison blanche. En effet, ce soir là, dès l'annonce de la victoire d'Obama, des centaines d'étudiants de la célèbre université washingtonienne ont convergé vers le 1600 Pennsylvania Avenue (l'adresse de la Maison blanche) et avaient chanté à gorge déployée le vieux tube : Na Na Na Na ! Na Na Na Na! Yé Yé Yé! Good Bye!
Il est peu probable que George Bush ait apprécié à une heure si tardive cette joyeuse agitation des étudiants qui criaient leur soulagement. Le service de sécurité de la Maison blanche, qui regardait la scène les bras croisés, n'avait rien fait pour disperser l'attroupement et aucun incident n'avait eu lieu. Les étudiants de Georgetown s'étaient dispersés dans l'ordre après avoir délivré au président sortant "le message de la jeunesse américaine".
Le message de la jeunesse américaine est clair dans l'élection du 4 novembre: 24 millions de jeunes ont voté. 66% d'entre eux étaient pour Obama et 32% pour McCain. Jamais les jeunes ne s'étaient mobilisés aussi massivement dans une élection américaine pour dire leur mot et peser de tout leur poids sur les résultats. Comment s'explique cette mobilisation? L'idée centrale qui se dégage des diverses réponses données par Georges Conway et ses amis est que "l'administration sortante a été trop loin dans la dérive et est devenue un vrai danger pour les Etats-Unis. Et quand l'Amérique est en danger, la jeunesse se mobilise pour la sauver soit par les armes quand la menace vient de l'étranger, soit par le vote quand le danger vient de gouvernants genre Bush et Cheney. Il fallait donc absolument barrer la route au candidat républicain qui forcément ne pourra qu'être le continuateur de la politique de George Bush et de Dick Cheney."
Pourtant, l'idée qu'on a de la jeunesse américaine à l'étranger est qu'elle est indifférente à la politique et que ce qui l'intéresse en premier lieu c'est de consommer, de s'amuser et de s'éclater, tout en se souciant comme d'une guigne de qui gouverne à la Maison blanche ou de ce qui se passe à l'étranger.
Un étudiant d'origine hispanique approuve. "L'état d'esprit que vous décrivez est prédominant tant que les gouvernants gouvernent dans des limites raisonnables, c'est-à-dire tant qu'ils ne provoquent pas de catastrophes ici ou à l'étranger. L'administration de George Bush a sévi ici et à l'étranger. Elle a vidé les caisses et plongé le pays dans un marasme économique qu'on n'a pas connu depuis 80 ans. Et en Afghanistan et en Irak, elle a déclenché deux guerres désastreuses qui continuent de nous saigner à blanc. Dans ces conditions, la jeunesse ne peut plus se permettre le luxe de l'indifférence ou de l'insouciance. D'où la mobilisation salvatrice de la jeunesse."
Un étudiant d'origine hindoue donne la preuve arithmétique que sans la mobilisation de la jeunesse, c'est McCain qui aurait été élu. "Obama a dépassé McCain de 7 millions de voix. 24 millions de jeunes ont voté. 16 millions ont voté pour Obama, et moins de 8 millions pour McCain. Par conséquent, l'écrasante majorité des sept millions de voix qui ont fait pencher la balance en faveur d'Obama sont celles des jeunes."
La question raciale a-t-elle joué un rôle dans cette mobilisation? Georges Conway ne le pense pas:"Nous avons eu deux candidats qui ont fait deux campagnes diamétralement opposées. L'une efficace, convaincante et posée, celle d'Obama. L'autre superficielle, très peu convaincante et agitée, celle de McCain. En ces temps difficiles, la majorité des Américains ont choisi le meilleur candidat indépendamment de l'âge ou de la couleur de la peau. En d'autres termes, le choix des Américains a été cette fois incontestablement motivé par la nécessité de choisir un président capable de remettre le pays sur la bonne voie. Et Obama a démontré cette capacité tout au long de sa campagne."

Tuesday, November 11, 2008

Rencontre avec une famille noire à Detroit: la dignité retrouvée des Johnson

Detroit (Michigan)- C'est l'explorateur français Antoine Laumet de la Mothe de Cadillac qui fonda en 1701 la ville de Detroit qui sera la capitale de l'automobile aux Etats-Unis. C'est lui qui donna ce nom à connotation française à la ville. Il faut dire qu'il ne s'était pas trop torturé les méninges pour trouver un nom original. En explorateur, il avait remarqué un petit détroit qui relie le lac Huron au lac Erié à proximité de la frontière canadienne et c'est ainsi qu'il avait appelé la future ville, Détroit. Beaucoup plus tard, les ingénieurs de General Motors, qui cherchaient au milieu du XXeme siècle un nom à leur voiture de luxe, ne s'étaient pas trop fatigués non plus et avaient donné à leur "bijou motorisé" le nom aristocratique de "Cadillac", en hommage au fondateur français de la ville.
Detroit est pratiquement l'unique ville aux Etats-Unis de laquelle il est possible de voir des Canadiens à bicyclette ou en plein exercice de jogging sur l'autre côté du lac. Il est courant que de jeunes américains aillent passer leur week-end au Canada. Il suffit de traverser le petit détroit qui relie les deux lacs Huron et Erié. Il y a même eu des Américains qui avaient traversé ce détroit pour aller demander l'asile politique au Canada "plutôt que d'aller se faire tuer dans les guerres stupides et désastreuses de George Bush", explique Kenneth Johnson, un Afro-Américain à la carrure d'athlète et à la bonne humeur débordante.
Fuyant la pauvreté et la discrimination, les parents de Kenneth avaient émigré dans les années 1950 du Mississipi vers Detroit, alors en plein essor économique grâce à une industrie automobile florissante. Le petit Kenneth n'avait que cinq ans quand de terribles émeutes éclatèrent dans la plus grande ville du Michigan le 23 juillet 1967, laissant derrière elles 43 morts, des centaines de blessés et 2000 bâtiments détruits. Six ans plus tard, Detroit élit son premier maire noire, Coleman Young. Cet événement était rendu possible par le départ massif des Blancs vers les banlieues après les émeutes et, du coup, les Noirs étaient devenus majoritaires à Detroit.
"Les émeutes et l'élection du premier maire noir de la ville étaient les deux événements qui avaient marqué mon enfance l'un négativement, l'autre positivement", affirme Kenneth Johnson.
C'est pour un oui ou pour un non que Kenneth Johnson éclate d'un rire sonore qui fait retourner les passants et leur arrache le sourire. La bonne humeur de Johnson est devenue "permanente" depuis l'élection de Barack Obama au poste "le plus convoité aux Etats-Unis et le plus envié dans le monde", selon ses propres termes.
Kenneth Johnson et sa femme Kathy s'étaient réveillés de très bonne heure le mardi 4 novembre pour "voter parmi les premiers". Ils étaient devant le bureau de vote à 5H30 du matin, une heure et demi avant son ouverture. "Malgré cela, nous avons trouvé du monde devant nous, et pas seulement des Noirs", explique Kathy, une Afro-Américaine de 40 ans qui passe son temps entre son travail de cheffe de rayon au Macy's (une chaîne commerciale célèbre aux Etats-Unis) et l'éducation de ses trois enfants.
La famille Johnson vit un "intense bonheur inconnu jusqu'ici", en dépit du fait que Kenneth, le chef de famille, technicien dans une chaîne de montage à Chrysler, est au chômage depuis quelques semaines, "victime à 45 ans de la terrible crise qui frappe le secteur automobile".
Le bonheur de la famille Johnson s'explique par "trois niveaux de satisfaction": "D'abord, en nous levant tôt, nous avons été parmi les premiers à contribuer à l'élection de Barack Obama; ensuite nous nous sentons beaucoup plus sécurisés et beaucoup plus dignes avec un président noir à la Maison blanche"; enfin on ressent un soulagement physique et moral immense dans la mesure où l'élection d'Obama constitue pour tous les Noirs américains, qu'ils le reconnaissent ou pas, une sorte de revanche sur un passé honteux. Honteux pas seulement pour les Noirs victimes de la ségrégation raciale, mais aussi et surtout pour les Blancs qui, pendant si longtemps avaient institué cette ségrégation en système de gouvernement", explique Kenneth Johnson avec une fierté évidente.
Ce que vivent aujourd'hui les Noirs aux Etats-Unis, Kathy ne l'a pas imaginé dans ses "rêves les plus fous". Il est vrai que le chemin parcouru en un demi siècle est époustouflant. " J'éprouve encore de temps en temps le besoin de me pincer pour me convaincre que je ne suis pas en train de rêver", affirme Kathy avec une mine rêveuse. Son beau frère Saul Johnson rappelle l'une des histoires terrifiantes vécues par les Noirs au milieu du siècle dernier. "Il y a un demi siècle en Caroline du nord, en 1958, une petite fille blanche embrassa innocemment sur la joue le petit Hanover, un garçon noir de neuf ans. La police arrêta Hanover et, malgré son jeune âge, lui colla l'accusation de 'tentative de viol et d'attentat à la pudeur', et le traîna devant un tribunal où un jury raciste condamna l'enfant à douze ans de prison. Après que la presse eût parlé de l'affaire et souligné le ridicule de la chose, Hanover était relâché. Aujourd'hui, un Noir qui a moins de dix ans que Hanover est élu président des Etats-Unis, n'est-ce pas fabuleux?"
"Mieux encore", enchaîne Kenneth, "vous vous rappelez ce qu'avait dit en 1991 Bill Clinton à son rival à la candidature du parti démocrate, le gouverneur de New York, Michael Cuomo? Que l'Amérique n'était pas prête à élire un président dont le nom se terminait par un 'O' ou par un 'I'. Aujourd'hui l'Amérique a non seulement élu un président dont le nom est beaucoup plus étrange que Michael Cuomo, mais en plus, il est noir". Kenneth était parti ensuite d'un rire si sonore et si communicatif que toute l'assistance en riait aux larmes.
La famille Johnson est maintenant fière de faire partie de "la grande famille américaine". Saul, le frère de Kenneth est un intellectuel qui a fait des études universitaires et occupe aujourd'hui un poste important dans l'administration de l'Etat du Michigan, à Lansing la capitale. Ce que Saul admire le plus, "c'est la capacité incroyable des Etats-Unis d'écorner les tabous. Sans doute faudrait-il du temps, mais ce pays a prouvé à maintes reprises qu'il finirait tôt ou tard par venir à bout des tabous les plus ancrés dans son psyché."
Kenneth approuve, amis ajoute une importante nuance:" Il faut du temps, mais il faut aussi et surtout les conditions adéquates. Imaginons un instant que Bush était un bon président et que, aux lieu de toutes ses bêtises, il a fait de bonnes choses pour le pays et pour les citoyens comme l'avaient fait par exemple Roosevelt et Eisenhower, Barack Obama n'aurait jamais été élu président."
Kathy s'empresse de verser de l'eau au moulin de son mari: "C'est tout à fait vrai. Et c'est là une superbe ironie de l'histoire: voilà une famille patricienne, les Bush, conservateurs de père en fils et méprisants à l'égard des classes défavorisées, dont le dernier rejeton, George, a préparé, grâce aux monumentales erreurs qu'il a commises pendant huit ans, le terrain à l'élection du premier président noir des Etats-Unis."
Mais Barack Obama, élu en plein marasme économique n'a pas eu la chance de Bush quand il a succédé à Bill Clinton en plein boom économique et avec des caisses pleines à craquer. Saul rappelle le commentaire mi-figue mi-raisin fait il y a quelques jours par Terence Young, le premier ambassadeur noir américain auprès des Nations Unies, dans l'émission télévisée de l'humoriste et présentateur Stephen Colbert:" Le monde est devenu si problématique et si difficile à gérer que personne ne veut plus s'en occuper. C'est pour cela qu'on a confié sa gestion aux Noirs."
Pour la nième fois, Kenneth Johnson est secoué par son rire sympathique et communicatif.

Sunday, November 09, 2008

Obama et "le moule de l'Empire"

Lansing (Michigan)- Située au cœur de la région des grands lacs, l'Etat du Michigan qui porte le nom du célèbre lac est une presqu'île baignée à l'ouest par le lac Michigan, au nord-est et au centre-est par le lac Huron et au sud-est par le lac Erié. Au nord, la jonction entre le lac Michigan et le lac Huron transforme l'Etat en presqu'île accessible par voie terrestre seulement à travers de l'Etat de l'Indiana.
Lansing, la capitale du Michigan, comme pratiquement toutes les capitales des Etats américains, a son capitole (siège du Congrès local), autour duquel est construite la ville. Le capitole de Lansing est une bâtisse imposante qui mesure 83 mètres de haut (du sol jusqu'au sommet du dôme), 130 mètres de long et 83 mètres de large. Il s'étend sur une superficie de 4700 m2.
L'entré du capitole est dominée par la statue d'Austin Blair, gouverneur de l'Etat du Michigan pendant la guerre civile, grand adversaire de l'esclavage et de la sécession des Etats sudistes. Il était très en avance sur son temps puisque, déjà au XIX eme siècle, il défendait les droits civiques des minorités et le droit de vote pour les femmes et les Noirs.
A Lansing, le capitole est la référence géographique par excellence. Connu de tous et visible de partout, le dôme de l'imposante bâtisse joue le rôle de phare qui guide celui qui cherche son chemin. L'Etat du Michigan abrite une forte minorité d'Arabes, principalement du Moyen-Orient (Libanais, Syriens, Egyptiens et Palestiniens essentiellement). Le plus grand nombre se trouve dans la grande ville de Detroit, capitale de l'automobile qui surplombe le lac Erié.
"Les membres de la communauté arabe de Lansing", explique Jamil Massous, un Américain d'origine libanaise, "ne sont pas aussi nombreux que ceux de Detroit, mais ils se comptent tout de même en milliers. Il n'y a pas de vie associative propre à la communauté arabe, il y a très peu de clubs particuliers où se rencontrent les membres de la communauté. Toutefois, le gros des contacts se font soit sur les lieux de travail, soit dans les cafés et les restaurants".
Le restaurant dans lequel nous amène Jamil Massous est situé à quelques 300 mètres du capitole. "On y goûte des mets succulents concoctés en fonction des recettes des cuisines libanaise et syrienne", explique Jamil, en signe d'encouragement.
Jamil nous entraîne vers une table où se trouvent déjà quatre Américains d'origine arabe (deux d'origine palestinienne, un d'origine égyptienne et un d'origine syrienne). Cela semble idéal pour entamer une discussion sur la communauté arabe et les problèmes qu'elle rencontre. "On est passé par des moments très difficiles après les attentats terroristes du 11 septembre", dit l'Américain d'origine égyptienne. "Les problèmes que nous vivions alors étaient de nature politique. Aujourd'hui, nous vivons des problèmes de nature économique tout aussi éreintants pour la communauté arabe. Prenez Detroit, la capitale de l'industrie automobile des Etats-Unis. Des milliers d'Américains d'origine arabe vivent directement ou indirectement de cette industrie. Or les trois grands groupes, General Motors, Ford et Chrysler sont en train de licencier massivement…"
L'Egypto-Américain est interrompu net dans son élan oratoire par l'irruption de Barack Obama sur CNN. La première conférence de presse du premier président afro-américain fraîchement élu était programmée à 13H30 en ce vendredi 7 novembre. Barack Obama a parlé des difficultés économiques de plus en plus dévastatrices pour les Américains de condition pauvre ou moyenne. Comme pour rassurer ceux qui l'ont élu, il avait aligné tous ses conseillers économiques derrière lui et, les montrant aux téléspectateurs d'un geste large de sa main, il a affirmé qu'ils sont en train de se pencher sur les meilleurs moyens de renverser la vapeur.
Quand Barack Obama a parlé de sa "fierté" d'avoir nommé son ami Rahm Emanuel au poste hautement stratégique de secrétaire général de la Maison blanche, l'un des Palestiniens a sauté au plafond. "Non, je n'arrive pas à le croire. Pourquoi ce nouveau président qui a bénéficié de la sympathie de centaines de millions d'Arabes et de Musulmans à travers le monde leur lance-t-il ce signal méprisant seulement deux jours après son élection? Savez-vous qui c'est ce Rahm Emanuel? C'est un citoyen israélien qui a servi dans l'armée israélienne et dont le père était membre actif et influent de l'organisation terroriste, l'Irgun, que présidait Menahem Begin et qui avait commis des atrocités indescriptibles contre les Palestiniens dans les années 1940. Les Israéliens jubilent après cette nomination. Visitez les sites internet de 'Haaretz' ou de 'Yediot Ahronot' et vous verrez le degré de soulagement qui a remplacé l'inquiétude en Israël."
Le Syro-Aéricain s'étonne de l'étonnement de son ami et l'interrompt en ces termes:" Quand vous avez un candidat qui non seulement marque sa présence au forum annuel du lobby israélien, mais va plus loin que tous les autres en martelant pendant son discours devant les 5000 délégués de l'AIPAC que Jérusalem est la capitale éternelle et indivisible d'Israël, pourquoi s'étonne-t-on d'une banale décision de nomination d'un haut fonctionnaire?"
Jamil Bassous est d'avis qu'"aussitôt élu, le président se trouve dans un moule préparé, et c'est à lui de s'adapter au moule et non le contraire. Le moule américain est façonné par une conjonction d'immenses intérêts qui, comme ils se sont imposés aux précédents présidents s'imposeront aussi inéluctablement à Obama. Ce sont les intérêts de l'empire qui guideront le nouveau président et non les sentiments ou les bonnes intentions ou les hauts principes de justice et de démocratie."
L'Américano-Egyptien intervient pour dire que "si Obama suivait la même politique que Bush vis-à-vis de la question palestinienne, ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose. Cela finirait par mettre fin à la tragi-comédie du processus de paix qui dure depuis le 13 septembre 1993 (date de la signature des accords d'Oslo), période durant laquelle Israël a intensifié follement la construction des colonies. Il est dans l'intérêt du peuple palestinien que l'Autorité installée à Ramallah s'auto-dissout et invite Israël à venir assumer son rôle de puissance occupante et d'engager aussitôt la bataille pour l'égalité des droits civiques entre Israéliens et Palestiniens dans le cadre d'un Etat binational. Je suis sûr qu'alors les Etats-Unis, quel que soit leur président, n'auront d'autre choix que de soutenir cette bataille comme ils ont fini par le faire en Afrique du sud."
Encore une fois, l'Egypto-Américain est stoppé net dans son élan oratoire, mais cette fois par le patron du restaurant qui amène la note. Il fallait payer et partir. Elle était un peu plus salée que la nourriture.

Friday, November 07, 2008

L'extraordinaire destin de Barack Obama

Chicago (Illinois)- Difficile de trouver une demeure à moins d'un million de dollars à Kenwood, l'un des quartiers huppés de Chicago, situé au sud de la mégapole du Midwest. C'est en 2005 que Barack Obama s'est installé dans sa belle maison avec sa famille, une maison coquette, du moins d'après ce qu'on peut voir de loin, payée cash 1,6 million de dollars. Il n'est pas un homme riche. Sa maison de Kenwood, il l'a payée grâce à ses droits d'auteur, et surtout grâce à son livre "The Audacity of Hope" (L'Audace de l'Espoir), devenu un best seller.
Déjà en février 2007, quand il a annoncé son intention de se porter candidat à la candidature présidentielle du parti démocrate, il n'était plus tout à fait facile de s'approcher trop de la maison d'Obama, dont la sécurité en tant que sénateur et candidat était déjà prise en charge par le FBI. Quand il a battu Hillary Clinton et est devenu le candidat officiel du parti démocrate, des barrières d'acier étaient disposées tout autour de la maison. Maintenant qu'il est élu président, c'est tout le quartier de Kenwood qui est sous haute surveillance, et quiconque s'avise à faire le déplacement dans ce beau quartier du sud de Chicago pour voir où habite le nouveau chef de la plus grande puissance du monde, il restera sur sa fin.
Une consolation toutefois. A défaut de pouvoir s'approcher de la maison d'Obama pour assouvir sa curiosité, le visiteur peut s'approcher autant qu'il veut de la maison de Mohammed Ali Clay, située dans le même quartier huppé de Chicago. Une maison immense avec une barrière imposante en fer forgé. On peut admirer la pelouse impeccablement taillée, les arbres géants qui se dressent majestueusement et dont on ne peut voir les sommets sans incliner fortement la tête en arrière, on peut aussi prendre autant de photos qu'on veut, mais les volets et les portes de la demeure demeurent désespérément fermées, et personne pour vous renseigner ou vous donner la moindre information sur l'ancien grand champion.
Bien que pratiquement toutes ses photos d'enfant le montrent souriant et serein, on ne peut pas dire que Barack Obama a eu une enfance réellement tranquille. Né le 4 août 1961 d'un père kenyan, Barack Obama Sr., et d'une mère américaine blanche du Kansas, Ann Dunham, ses parents ont divorcé quand il avait trois ans. Son père était reparti pour son pays après des études à Hawaï et le jeune Barack ne l'avait revu qu'une seule fois avant sa mort en 1982 dans un accident de voiture.
Sa mère, Ann Dunham, se remaria avec un Indonésien et, en 1967, le jeune Barack accompagna sa mère et son beau père en Indonésie où il étudia trois ans à Djakarta avant de revenir à Honolulu vivre chez ses grands parents maternels.
Ses études secondaires et universitaires, il les fera entre Los Angeles, New York et Chicago. Des études brillantes qui lui ont permis de décrocher facilement des postes d'enseignant de droit et de science politique.
En 1988, six ans après la mort de son père, il visita le Kenya où il fit pour la première fois la connaissance de sa famille paternelle. Dans son libre "Dreams from my father" (Rêves de mon père), Barack Obama prend un plaisir évident à parler de l'extraordinaire diversité de sa grande famille. Un père, une grand-mère, des oncles, des tantes, des cousins et des cousines de la tribu Luo du Kenya, Une mère et des grands-parents du Kansas avec des racines en Angleterre et en Irlande, un beau père et une demi sœur d'Indonésie etc… Dans une interview donnée à la presse américaine en 2006, Barack Obama, parlant de sa grande famille, a affirmé au journaliste qui l'interviewait : "Michelle (sa femme) vous dira que quand on se rencontre à Noël ou à Thanksgiving, c'est un peu comme une mini-Nations Unies."
Après avoir enseigné le droit constitutionnel pendant douze ans à la faculté de droit de Chicago, Barack Obama se lance dans la politique. Il se fait élire et réélire facilement au sénat de l'Illinois entre 1996 et 2002. Ambitieux, Obama lorgne à partir de 2002 vers le sénat fédéral où il réussit à se faire élire en 2004 et prend officiellement son siège au sénat en tant que cinquième sénateur afro-américain de l'histoire américaine le 4 janvier 2005.
Deux ans plus tard, plus exactement le 10 février 2007, Barack Obama annonce sa candidature à la présidence des Etats-Unis. Il semble pressé et donne l'impression de vouloir brûler les étapes au point d'inquiéter ses plus fervents supporters. Bob Herbert, est l'un des éditorialistes les plus brillants du New York Times. Il est afro-américain et naturellement il soutient Barack Obama. Mais le jour où celui-ci annonça sa candidature, Bob Herbert lui répondit par un éditorial au New York Times le conseillant de ne pas se montrer trop pressé, de prendre son temps et de ne pas gaspiller ses chances maintenant. "Tu es encore jeune, il faut savoir attendre", suppliait-il dans son éditorial.
La suite est connue. Poussé par la force de son ambition, Barack Obama entama le 10 février 2007 sa marche irréversible vers la Maison blanche. Il encaissait avec une extraordinaire sérénité les coups bas les plus douloureux de la part de Hillary Clinton d'abord et de John McCain ensuite, tout en poursuivant imperturbablement sa marche irréversible vers le sommet de l'Etats fédéral.
Patricia Foray est journaliste à NPR (National Public Radio) et supporte avec ferveur Barack Obama. Elle a fait la fête mardi dernier à Grant Park à Chicago et a pleuré comme des milliers d'autres quand le nouveau président s'est montré accompagné de sa femme et de ses deux filles. Patricia a pleuré de joie pas seulement pour Barack Obama, mais aussi de "tendresse pour l'Amérique qui vient d'infliger un démenti cinglant à tous ceux, Américains et étrangers, qui ne cessaient de répéter que ce pays ne pouvait être gouverné que par des WASP (White Anglo-Saxon Protestant) et que l'élection du catholique John Kennedy en 1960 n'était qu'une exception qui confirmait cette règle."
Comment Barack Obama, un Afro-Américain parmi des millions d'autres, est-il passé du statut d'homme ordinaire à ce destin extraordinaire? Patricia donne une série de raisons dans le désordre:"sa grande ambition, son éloquence, son charme, la crédibilité de son programme électoral, le besoin intense de changement, Bush qui est sorti par toutes les narines américaines, l'assimilation de McCain à Bush et, enfin, la grande crise financière qui est arrivé au meilleur moment pour Obama et au pire moment pour McCain."

Thursday, November 06, 2008

La nuit où l'Amérique a fait sa mue tant attendue

Chicago (Illinois)- L'histoire a des fois de ces clins d'œil qui vous laisse rêveur. Le premier et le seul président de l'histoire américaine originaire de l'Etat de l'Illinois, Abraham Lincoln, avait aboli l'esclavage en 1863. Près d'un siècle et demi plus tard, l'Illinois donne à l'Amérique un deuxième président originaire de Chicago, il est afro-américain.
Jusqu'à la dernière minute, les anti-Obama ont tenté de s'opposer à la vague déferlante du changement qui va modifier la face de l'Amérique et produire des réverbérations dans les quatre coins de la planète. Ils ont utilisé les méthodes les plus impitoyables et les plus immorales pour bloquer la route au candidat démocrate. Mais rien n'a arrêté la déferlante. Ni les mises en garde affichées dans les quartiers noirs de Philadelphie mettant en avant la fausse information suivant laquelle "les personnes qui ont une amende impayée, même de stationnement interdit, seront arrêtées dans les bureaux de vote", ni les ultimes prières des évangélistes au Dieu chrétien pour qu'il éloigne "le mauvais sort que les sorciers kenyans ont jeté à John McCain".
Chicago a vécu le plus grand événement de son histoire dans la nuit de mardi à mercredi où 125 000 personnes s'étaient rassemblées à Grant Park et autant dans les rues adjacentes. Un quart de million de personnes dans un espace aussi réduit était un cauchemar pour les services de sécurité qui s'étaient acquittés de leur tâche avec brio. Il faut dire que la foule, bien que surexcitée et anxieuse à mesure que l'heure de vérité approchait, était coopérative et se prêtait volontiers aux fouilles corporelles systématiques à l'entrée de Grant Park.
Un immense écran géant visible de plusieurs angles déployé à Michigan Avenue a fortement allégé les frustrations ressenties par les dizaines de milliers de personnes qui n'avaient pas eu la chance de pénétrer à l'intérieur de Grant Park.
L'extraordinaire excitation de la foule composée d'hommes et de femmes de tous âges, de toutes les couleurs, de toutes les conditions ressemblait à un spasme joyeux qui a saisi l'Amérique alors qu'elle s'apprêtait à faire un saut psychologique gigantesque que beaucoup considéraient il y a peu comme hautement improbable.
La mue historique que s'apprêtait à faire l'Amérique était devenue réalité mardi 4 novembre à 10 heurs du soir (mercredi 5 novembre, 5 heures du matin à Tunis) quand l'écran géant de Michigan Avenue annonça la victoire de Barack Obama. Ce qui a suivi était pathétique. On saute, on applaudit, on crie, on pleure, on s'embrasse entre Blancs, entre Noirs entre Blancs et Noirs. Qu'ils se connaissent ou pas, les gens se jettent dans les bras les uns des autres. Un moment historique de fraternité entre Américains. Le moment dont avait rêvé près d'un demi siècle plus tôt Martin Luther King.
L'excitation de la foule s'est fortement intensifié au moment où l'idole Obama a fait son apparition sur l'estrade dressée à son intention à Grant Park, accompagné de sa femme et de ses deux filles. On criait son nom jusqu'à l'épuisement. Beaucoup ont perdu la voix et se contentaient d'ouvrir et de fermer la bouche, produisant des balbutiements incompréhensibles.
"S'il y a quelqu'un là-bas qui doute encore que l'Amérique est un endroit où tout est possible, qui se demande encore si le rêve des Pères fondateurs est toujours vivant, qui remet en cause la vigueur de notre démocratie, cette nuit est votre réponse". C'était la première phrase prononcée par le président fraîchement élu face à une foule ivre de joie.
C'est un fait que l'Amérique peut être méchante et agressive, elle peut commettre de grosses bêtises en politique étrangère et intérieure, mais c'est un fait tout aussi certain que cette même Amérique donne la possibilité de monter aux plus hautes fonctions sociales et politiques à quiconque qui a la force et la détermination de grimper.
Barack Obama est le dernier grand bénéficiaire de ce trait de caractère unique d'une Amérique qui sait être généreuse quand elle le veut. D'une Amérique qui ouvre finalement les portes de la Maison blanche à un président noir après avoir fait subir les pires calvaires à sa population afro-américaine. Un ami américain de fraîche date rencontré au bord du lac Michigan à Chicago a commenté à sa manière la première phrase prononcée par Obama après l'annonce de sa victoire:"L'Amérique qui a permis à Schwarzenegger, né en Autriche et ayant plus de muscles que de matière grise de devenir gouverneur de Californie, pourquoi ne permettrait-elle pas à Barack Obama, né ici et ayant plus de matière grise que de muscles, de devenir son président?"
Le même ami, tout aussi excité que les milliers de personnes qui nous entouraient à Chicago, ne cessait de faire l'éloge de ses concitoyens qui, "après avoir élu à deux reprises George Bush, n'ont pas commis une troisième bêtise en l'élisant, par McCain interposé, pour un troisième mandat".
Dans son numéro du mercredi 5 novembre, le "Chicago Tribune", le quotidien phare de la ville qui a vu naître et grandir le nouveau président, a écrit un éditorial d'autant plus remarquable qu'avant Obama, il n'a jamais soutenu un candidat démocrate. On y lit notamment ceci:"A un moment où l'Amérique est défiée par le fondamentalisme musulman et affaiblie par la politique abusive de George Bush, le nouveau président aura des relations personnelles avec le monde en développement. Il a des membres de sa famille qui vivent en Afrique, son deuxième nom –Hussein- vient du monde arabe, et il a passé son enfance en Asie où il a vécu avec sa mère et son beau père indonésien."
Dans un précédent article, nous sommes demandés si l'Amérique s'apprêtait à faire le saut et à accepter de se faire gouverner par un président noir ? La réponse est maintenant évidente. Elle vient d'accomplir un saut psychologique énorme qui l'honore et qui contribuera sans aucun doute à rétablir sa réputation que la politique de l'administration sortante a fortement endommagée pendant huit longues années.

Wednesday, November 05, 2008

Une journée électorale en Amérique profonde

Madison (Wisconsin)- A 230 kilomètres au nord-ouest de Chicago, on est dans un autre Etat et dans un autre environnement. Madison, bien que nettement moins grande que Milwaukee, est la capitale du Wisconsin, l’un des Etats de la région des grands lacs, baignée du nord au sud sur des centaines de kilomètres par le lac Michigan.
Madison est le prototype des petites villes calmes et tranquilles qui font la particularité de l’Amérique profonde. L’air et les chaussées sont propres et au centre ville, les cyclistes sont presque autant nombreux que les automobilistes. Quand aux bus, on peut dire qu’ils sont littéralement pris d’assaut lorsqu’ils sont aux trois quarts vides.
Justement, en ce jour de vote aux Etats-Unis, les bus, désespérément vides, ont commencé de très bonne heure à sillonner les rues de Madison moins pour transporter d’improbables voyageurs que pour rappeler aux passants qu’il faut voter aujourd’hui. En effet, le panneau lumineux qui, d’ordinaire indique la destination du bus, est devenu clignotant pour la circonstance et indique alternativement la destination et le devoir du citoyen (Vote Today – Votez aujourd’hui).
Martin Luther King Jr. a droit à un boulevard au cœur du centre administratif de la capitale du Wisconsin. Le State Capitol (parlement de l’Etat), le bureau du gouverneur, le City Hall, et les divers bâtiments municipaux ont au moins une entrée dans le boulevard Martin Luther King ou à proximité immédiate.
Tout comme à Washington, le Capitole (Congrès de l’Etat) est situé sur une colline et surplombe toute la ville, et tout comme à Washington, aucune bâtisse ne dépasse en hauteur le centre législatif de l’Etat de Wisconsin.
Johnson Street est situé à quelques centaines de mètres de la colline du Congrès. C’est là que se trouve le Madison Area Technical College, transformé en la circonstance en principal bureau de vote (Polling Center) de la ville de Madison.
Ouvert à sept heures du matin (14 heures en Tunisie), ce bureau de vote a reçu pendant douze heures les électeurs qui, compte tenu de la taille modeste de Madison, n’ont pas eu à attendre longtemps dans les files d’attente, contrairement à ceux qui ont voté dans les grandes villes où l’attente dans les files ne se compte pas en minutes mais en heures.
La disposition des bureaux de vote est partout la même. Deux personnes au minimum sont affectées au service d’ordre qui guide et renseigne les votants alignés dans la file d’attente ; deux tables en L comportant chacune trois personnes au minimum. A la première table, le votant décline son identité et s’assure qu’il est bien inscrit sur la liste électorale. A la deuxième table, on fournit « le matériel électoral », c'est-à-dire la liste des candidats. Le votant se dirige ensuite vers une machine où il vote électroniquement, mais laisse une trace de son vote sur papier « pour le cas où l’on aura besoin de recompter les votes », explique Lynn Phelps, le chef de bureau de vote (Chief Examiner).
Lynn Phelps, un retraité de 70 ans, affable et souriant, s’est excusé presque de ne pas avoir visité la Tunisie, « mais seulement le Maroc et le Kenya », avant de nous donner quelques détails sur le déroulement des élections dans le bureau dont il est le chef.
« Beaucoup de votants », explique en aparté Lynn Phelps, « qui viennent voter pour Obama ou McCain sont étonnés de se voir livrer une liste comportant neuf candidats à la présidence et neuf à la vice présidence. » En effet, si en Amérique et dans le monde, les gens ne connaissent que les deux principaux candidats et leurs deux colistiers et ne soupçonnent même pas l’existence sur terre des sept autres et de leurs colistiers, la faute revient aux médias américains qui ne parlent que des deux principaux candidats, et à la quasi-inexistence de ressources financières des sept autres.
Voici la liste totale des candidats qu’a reçue hier chaque électeur aux Etats-Unis : Barack Obama-Joe Biden (Démocrates), John McCain-Sarah Palin (Républicains), Cinthia McKinney-Rosa Clemente (Wisconsin Green Party), Bob Barr-Wayne A. Root (Libertarian Party), Brian Moore-Stewart A. Alexander (Socialist Party USA), Gloria LaRiva-Robert Moses (Party for Socialism and Liberation), Ralph Nader-Matt Gonzales (Indépendants), Chuck Baldwin-Darrel L. Castle (Constitution Party), Jeffrey J. Wamboldt-David J. Klimisch (We, the People –Nous le Peuple-).
Inutile de dire que très rares sont ceux qui prennent la peine de lire toute la liste des candidats. Comme on le voit, théoriquement, les Etats-Unis sont un pays multipartisan, mais dans les faits, c’est un pays bipartisan avec une domination absolue des partis républicain et démocrate de la vie politique américaine.
Becky Fichtner, employée administrative à Madison, ne cache pas sa préférence: « Pour qui je vais voter ? Pour McCain, bien sûr. Parce qu’il est plus expérimentée et parce que, si c’est lui qui dirige, je me sentirai plus rassurée et plus en sécurité. » Cassie Thiel, étudiante en biologie, elle aussi votera pour McCain. « Nous sommes une famille républicaine, de tradition conservatrice. Nous avons voté toujours pour les candidats républicains. Nous ne ferons pas exception cette fois ». La décision de voter pour tel candidat se prend en famille ? « Oui au sein de la famille, mais pas au niveau de la grande famille. Mes deux oncles maternels votent eux pour Obama, mais cela n’affecte en rien notre relation. »
Brigitte Daly travaille dans le commerce et a déjà voté pour Obama. Les raisons ? « Il est plus convaincant et plus crédible quand il parle de changement. Et dans ce pays, le changement, on en a bien besoin. » John Colbert, un jeune à peine sorti de l’adolescence, a voté lui aussi pour Obama à peu près pour les mêmes raisons que Brigitte.
Dans ce bureau de vote, et dans d’autres que nous avons visités dans la région de Madison, il est pratiquement impossible de voir dégagée une tendance en faveur de l’un ou l’autre candidat. Les petits sondages de sortie des urnes que nous avons pu effectuer donnent des résultats très serrés, ce qui ajoute à l’incertitude de l’issue de cette élection historique.
En prenant la peine d’observer pendant de longues minutes les électeurs de cette Amérique profonde alignés dans des files d’attente et attendant leur tour pour donner leur précieuse voix, on ne peut réprimer un sentiment de malaise qui accentue l’impression d’étrangeté que dégage l’ordre du monde. Ce sont ces personnes d’une fragilité saisissante, les unes à peine sorties de l’adolescence, les autres en pleine activité ou ayant leur avenir derrière elles, ce sont ces personnes avec leur limites, leur ignorance de ce qui se passe dans le monde et leur incapacité à saisir les grands enjeux de ce début de millénaire tumultueux qui décident non seulement de la politique qui doit être suivie aux Etats-Unis, mais aussi de la politique qui, de toute évidence, affectera la vie de milliards d’hommes et de femmes dans les quatre coins du monde. Les votes de Becky Fichtner et Cassie Thiel ou ceux de Brigitte Daly et John Colbert affecteront d’une manière ou d’une autre des pays dont ils n’ont jamais entendu parler et dont ils ne soupçonnent même pas l’existence sur la terre.

Tuesday, November 04, 2008

Jour J des élections US : L'Amérique s'apprête-t-elle à faire le saut?

Chicago (Illinois)- Les hôteliers de la grande ville du Midwest n’ont jamais vu ça. Tous les hôtels de Chicago affichent complet pour ce mardi 4 novembre. Les Américains arrivent de partout pour assister à la grande soirée électorale que tiendra ce soir à partir de 20 heures (heure de Chicago) Barack Obama à Grant Park. Situé à proximité de Michigan Avenue, la principale artère de downtown Chicago, l’endroit est un immense espace vert, baptisé en 1901 Grant Park, en l’honneur du président Ulysse Grant. Des milliers de fans du candidat démocrate sont attendus ce soir et chacun s’active à décrocher son ticket d’entrée au Park avec une passion qui n’a rien à envier à celle des finales de coupe du monde.
Est-ce à dire que les jeux sont faits, que c’est dans la poche et qu’Obama tiendra ce soir son grand meeting non plus en tant que candidat mais en tant que président élu ? Beaucoup ici, dans l’Etat de l’Illinois, dont Obama est le sénateur, en sont convaincus. D’autres, moins nombreux, gardent les pieds sur terre en estimant que rien n’est sûr à cent pour cent. Le journaliste Kevin Pang, du grand quotidien du Midwest « Chicago Tribune », estime que « le meeting de mardi soir sera soit la célébration de la plus grande victoire tapageuse de l’histoire des élections américaines, soit alors on assistera au plus grand rassemblement des inconsolables que le monde ait jamais vu. »
Quelques heures nous séparent de la vérité. Dans quelques heures on saura si la grande énergie dépensée pendant près de deux ans par Barack Obama pour s’imposer avec fracas sur la scène politique américaine et l’immense espoir suscité par sa candidature auront leur impact, forcément durable, sur l’Amérique et le monde, ou ils n’auront été qu’un rêve partagé par des centaines de millions de citoyens américains et du monde, un rêve qui n’aura duré que le temps du show rituel que met en scène l’Amérique tous les quatre ans.
En attendant d’y voir plus clair, les Américains se préparent à aller voter dans quelques heures, et leur mobilisation a étonné pratiquement tous les observateurs. Ici à Chicago, et même dans tout l’Etat de l’Illinois, acquis dans son écrasante majorité au candidat afro-américain, il est quasiment impossible de rencontrer un seul électeur ou une seule électrice indifférente.
L’Obamania se lit dans les vitrines et les devantures des magasins, des restaurants et des cafés qui affichent des photos du candidat démocrate arborant une mine sympathique et un sourire attachant ; elle se lit sur la poitrine des passants portant des badges circulaires vert pistache avec deux noms et un chiffre dessus : « Obama-Biden-2008 » ; Elle se lit même sur les chaussées et les trottoirs de Chicago où les fans d’Obama ont écrit à la craie blanche et en gros caractères « Vote for the hope, vote for Obama » (Votez pour l’espoir, votez pour Obama ». De sorte que le promeneur dans les grandes artères de Chicago, qu’il regarde les vitrines, qu’il regarde les passants ou qu’il fixe ses chaussures, il est toujours interpellé et sollicité pour donner sa voix au candidat métis.
Si l’on en juge par les quelques opérations de vote qui ont déjà eu lieu (la loi américaine permet dans certaines circonstances et sous certaines conditions des votes avant le jour J), de très longues files d’attente se formeront aujourd’hui partout en Amérique devant les bureaux de vote. Cette perspective prend les proportions d’un problème que certains journaux tentent d’aider les votants à résoudre en leur suggérant « le meilleur moment » d’aller faire son devoir de citoyen, ou de leur proposer « quelques trucs » à faire pour rendre l’attente dans la file supportable.
Cette extraordinaire mobilisation n’est pas unilatérale, elle existe aussi chez les républicains, bien qu’elle soit nettement plus massive chez les démocrates. La mobilisation de ceux-là ressemble à une tentative désespérée pour « barrer la route aux socialistes qui s’apprêtent à faire main basse sur l’Amérique ». Cette idée grotesque reste bien ancrée chez les citoyens qui se sont laissés influencer par les dérives de la campagne du couple McCain-Palin et qui, de l’avis de tous les observateurs a atteint des pics en termes d’immoralité.
Mais les plus sérieux ont une autre vue de cette mobilisation. Georges Hassler, un universitaire qui vit dans la banlieue de Chicago, voit dans cette mobilisation des citoyens « une chance pour l’Amérique pour faire une mue semblable à celle qu’elle avait faite en 1861 au moment de l’abolition de l’esclavage. L’élection d’Obama aux hautes charges de l’Etat aura un impact psychologique semblable à celui produit par la décision historique du président Abraham Lincoln. Toute la question est de savoir si aujourd’hui l’Amérique est prête à faire ce saut psychologique qui lui permettra à la fois de se débarrasser une fois pour toutes du complexe de l’homme noir qui a causé de grands malheurs dans ce pays et de retrouver sa réputation perdue dans le monde. »
Georges Hassler n’est pas le seul à penser ainsi. Le « Los Angeles Times » a reproduit hier le témoignage d’un « descendant de propriétaires d’esclaves ». Will Hairston, 47 ans, est originaire de Virginie où ses ancêtres étaient de grands propriétaires terriens et d’esclaves. Dans un entretien avec le journal californien, il a affirmé franchement que « le jour du vote, je prendrai en considération la couleur de Barack Obama. Pour moi, ajoute-t-il, le phénomène Obama est un immense pas en avant pour l’Amérique. Elire un candidat noir prouverait que nous ne sommes pas seulement une nation d’esclavage, la nation de Jim Crow » (1).
La grande question que beaucoup se posent donc ici aujourd’hui est que l’Amérique qui a donné Abraham Lincoln et Jim Crow se résoudra-t-elle à franchir un pas historique de nature à honorer celui-là et à enterrer celui-ci avec fracas ? Réponse dans la soirée, mais très tard, décalage horaire oblige.

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(1) Les lois Jim Crow sont celles qui, au XIXeme siècle se sont attachées à vider de leur sens les acquis réalisés par les Noirs au lendemain de la guerre de sécession en instaurant la ségrégation raciale dans les écoles et les transports publics, principalement dans le sud des Etats-Unis. La ségrégation scolaire a été déclarée inconstitutionnelle en 1954 par la Cour constitutionnelle (Arrêt Brown versus Board of Education) et les autres lois Jim Crow ont été abolies par le Civil Rights Act de 1964.