airelibre

Wednesday, November 12, 2008

Quand les jeunes se mobilisent pour "sauver" l'Amérique

Ann Arbor (Michigan)- C'est à environ soixante dix kilomètres à l'ouest de Detroit, dans l'Etat du Michigan, que se trouve cette petite ville originale et un peu trop particulière. Petite suivant le standard américain, puisque Ann Arbor compte tout de même 150.000 habitants, dont la moitié est composée d'étudiants. L'originalité de cette ville est que chaque matin la moitié de la population converge vers la Michigan University, la plus importante et la plus cotée des universités publiques américaines.
Une promenade à Ann Arbor est une vraie partie de plaisir pour deux raisons. D'abord la verdure est omniprésente, et l'on découvre un sentiment inconnu jusqu'alors de ce que l'on peut appeler la sécurité écologique lorsqu'on se promène sous les chênes géants qui ressemblent à d'immenses filtres à air protégeant la ville de la pollution et purifiant son atmosphère. Ensuite parce que les automobilistes sont de moins en moins présents au centre ville (downtown Ann arbor) où les piétons gagnent chaque jour un peu plus de terrain.
Michigan University est l'axe central autour duquel tourne la vie sociale, économique et, bien sûr, intellectuelle de la ville d'Ann Arbor. Le seuil de l'une des nombreuses entrées de l'université comporte un disque en cuivre de 30 ou 40 centimètres de diamètre. C'était à cet endroit précis que le 14 octobre 1960, le candidat démocrate à l'élection présidentielle, John Fitzgerald Kennedy, avait promis à l'Amérique la lune au vrai sens du terme. S'adressant aux étudiants de l'université du Michigan et, à travers eux, au pays tout entier, Kennedy avait affirmé que s'il était élu président, l'Amérique enverrait en moins d'une décennie un homme sur la lune et assurerait son retour sur terre en toute sécurité.
Moins de neuf ans après, la promesse de Kennedy était devenue réalité, même s'il n'était plus là pour savourer l'exploit spatial dont il était le principal initiateur. Le disque de cuivre est l'un des symboles qui fait la fierté de l'université de Michigan. "D'une manière ou d'une autre, on se sent ici à Ann Arbor un peu associés à la conquête de la lune. Ce disque-symbole que vous voyez là prend un relief particulier lorsqu'il est éclairé par la pleine lune", affirme George Conway, étudiant en biologie, d'un air mi-sérieux mi-amusé, et qui n'était visiblement pas né quand Neil Armstrong avait planté le drapeau américain sur la lune le 21 juillet 1969.
Les timides rayons de soleil qui tentent désespérément de transpercer les chênes abondamment feuillus malgré l'automne, sont impuissants face au froid qui vient du Canada voisin. Mais sous l'un des chênes, l'atmosphère est réchauffée par la discussion animée d'un groupe d'étudiants multiracial. Quand George Conway se joignait au groupe, l'un des étudiants était en train de parler de sa frustration de n'avoir pas été à Washington la nuit du 4 novembre pour participer à la fête spontanée des étudiants de Georgetown University devant la Maison blanche. En effet, ce soir là, dès l'annonce de la victoire d'Obama, des centaines d'étudiants de la célèbre université washingtonienne ont convergé vers le 1600 Pennsylvania Avenue (l'adresse de la Maison blanche) et avaient chanté à gorge déployée le vieux tube : Na Na Na Na ! Na Na Na Na! Yé Yé Yé! Good Bye!
Il est peu probable que George Bush ait apprécié à une heure si tardive cette joyeuse agitation des étudiants qui criaient leur soulagement. Le service de sécurité de la Maison blanche, qui regardait la scène les bras croisés, n'avait rien fait pour disperser l'attroupement et aucun incident n'avait eu lieu. Les étudiants de Georgetown s'étaient dispersés dans l'ordre après avoir délivré au président sortant "le message de la jeunesse américaine".
Le message de la jeunesse américaine est clair dans l'élection du 4 novembre: 24 millions de jeunes ont voté. 66% d'entre eux étaient pour Obama et 32% pour McCain. Jamais les jeunes ne s'étaient mobilisés aussi massivement dans une élection américaine pour dire leur mot et peser de tout leur poids sur les résultats. Comment s'explique cette mobilisation? L'idée centrale qui se dégage des diverses réponses données par Georges Conway et ses amis est que "l'administration sortante a été trop loin dans la dérive et est devenue un vrai danger pour les Etats-Unis. Et quand l'Amérique est en danger, la jeunesse se mobilise pour la sauver soit par les armes quand la menace vient de l'étranger, soit par le vote quand le danger vient de gouvernants genre Bush et Cheney. Il fallait donc absolument barrer la route au candidat républicain qui forcément ne pourra qu'être le continuateur de la politique de George Bush et de Dick Cheney."
Pourtant, l'idée qu'on a de la jeunesse américaine à l'étranger est qu'elle est indifférente à la politique et que ce qui l'intéresse en premier lieu c'est de consommer, de s'amuser et de s'éclater, tout en se souciant comme d'une guigne de qui gouverne à la Maison blanche ou de ce qui se passe à l'étranger.
Un étudiant d'origine hispanique approuve. "L'état d'esprit que vous décrivez est prédominant tant que les gouvernants gouvernent dans des limites raisonnables, c'est-à-dire tant qu'ils ne provoquent pas de catastrophes ici ou à l'étranger. L'administration de George Bush a sévi ici et à l'étranger. Elle a vidé les caisses et plongé le pays dans un marasme économique qu'on n'a pas connu depuis 80 ans. Et en Afghanistan et en Irak, elle a déclenché deux guerres désastreuses qui continuent de nous saigner à blanc. Dans ces conditions, la jeunesse ne peut plus se permettre le luxe de l'indifférence ou de l'insouciance. D'où la mobilisation salvatrice de la jeunesse."
Un étudiant d'origine hindoue donne la preuve arithmétique que sans la mobilisation de la jeunesse, c'est McCain qui aurait été élu. "Obama a dépassé McCain de 7 millions de voix. 24 millions de jeunes ont voté. 16 millions ont voté pour Obama, et moins de 8 millions pour McCain. Par conséquent, l'écrasante majorité des sept millions de voix qui ont fait pencher la balance en faveur d'Obama sont celles des jeunes."
La question raciale a-t-elle joué un rôle dans cette mobilisation? Georges Conway ne le pense pas:"Nous avons eu deux candidats qui ont fait deux campagnes diamétralement opposées. L'une efficace, convaincante et posée, celle d'Obama. L'autre superficielle, très peu convaincante et agitée, celle de McCain. En ces temps difficiles, la majorité des Américains ont choisi le meilleur candidat indépendamment de l'âge ou de la couleur de la peau. En d'autres termes, le choix des Américains a été cette fois incontestablement motivé par la nécessité de choisir un président capable de remettre le pays sur la bonne voie. Et Obama a démontré cette capacité tout au long de sa campagne."

1 Comments:

Blogger cactussa said...

t'aurais du nous mettre quelque photos. :)

3:24 PM  

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