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Tuesday, October 06, 2015

Seul le silence est grand

‘’La mort du loup’’ d’Alfred de Vigny est un poème poignant. Et les deux vers les plus poignants de ce poème sont les suivants : « A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse, Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. » Il n’est pas sûr que beaucoup de politiciens dans le monde ont lu ce poème, et plus rares encore ceux qui ont pris la peine de réfléchir sur la portée philosophique et morale de ces deux vers, autrement ceux qui gouvernent seraient bien plus modestes et plus intelligents et, par conséquent, la vie sur terre serait bien moins tragique. L’une des arènes où l’on compte le plus d’occasions ratées de garder le silence est sans doute l’Assemblée générale de l’ONU où, depuis soixante dix ans, on assiste à un défilé automnal des grands et des moins grands de ce monde qui rivalisent d’éloquence dans des discours qui, sans généraliser bien sûr, brillent souvent par la démagogie, la tromperie et les contre-vérités. La 70e Assemblée générale qui vient de se terminer à New York n’a pas été différente de ses précédentes. De nombreux chefs d’Etat et de gouvernement ont défilé comme d’habitude, et parmi eux le chef de l’Etat le plus puissant de la planète qui, comme d’habitude aussi, est à la fois le plus attendu et le plus décevant. Au lieu de nous expliquer pourquoi après un an de bombardements, 7000 sorties aériennes et des centaines de milliers de tonnes de bombes, les terroristes de l’Etat islamique, d’Annusra et d’Al Qaida sont plus forts qu’avant, le président américain s’en est pris à ses deux cibles favorites : les régimes russe et syrien. Les Russes, par leurs frappes effectives et efficaces contre les cibles terroristes, risquent de dévoiler aux yeux du monde le jeu trouble et ténébreux des Etats-Unis dans une région où, depuis des décennies, ils disent le contraire de ce qu’ils font et font le contraire de ce qu’ils disent. Le régime syrien est abhorré dans les cercles dirigeants américains non pas parce qu’il est anti-démocratique (Washington a des alliés dans la région qui considèrent la démocratie comme une hérésie et ses défenseurs des impies qui méritent la mort), mais parce que Bachar, par sa résistance obstinée, se dresse comme un obstacle au projet de l’ « anarchie créatrice » que l’administration américaine précédente avait mis au point et rendu public en 2006. Devant l’Assemblée générale de l’ONU, le président américain aurait dû garder le silence plutôt que de se ridiculiser en affirmant démagogiquement que Bachar Al Assad « bombarde les enfants syriens à coups de barils d’explosifs ». Une telle ineptie peut être avalée par le citoyen américain moyen, mais pas par ceux qui ont une culture politique minimale et qui observent depuis des décennies la politique étrangère meurtrière des Etats-Unis. Bachar Al Assad est le président d’un pays que les hordes terroristes venus de 100 pays différents tentent depuis cinq ans de mettre en pièces et de décapiter l’Etat et ceux qui sont à la tête de l’Etat. Dans ces conditions que doit-il faire ? Se défendre et défendre son pays contre les tatars des temps modernes par les moyens dont il dispose, ou baisser les bras et attendre dans son palais sans broncher l’arrivée des terroristes pour faire plaisir aux Obama, aux Hollande et autres Cameron ? Cela dit, au lieu de proférer son mensonge éhonté sur le bombardement des enfants à coups de barils d’explosifs, le président américain, qui s’est vanté d’avoir « ordonné en personne le bombardement de sept pays islamiques », aurait dû nous dire combien de femmes et d’enfants ont péri dans ces bombardements qu’il a lui-même ordonnés ; en tant « défenseur » des enfants, il aurait dû nous parler de ses sentiments sur la mort d’un demi million d’enfants irakiens par les sanctions imposées au régime de Saddam dans les années 1990 et que l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright a jugé que c’était « un prix qui valait la peine d’être payé » ; en tant que Prix Nobel de la paix, il aurait dû nous expliquer pourquoi n’a-t-il pas dénoncé une seule fois les crimes de guerre de son prédécesseur dont la décision d’envahir l’Irak a causé la mort de centaines de milliers d’innocents, le déracinement et la souffrance de dizaines de millions, sans parler du virus mortel du terrorisme par lequel Bush II a infecté bon nombre de pays dans le monde. Mais Obama n’est pas le seul à rater des occasions en or de se taire. Dimanche 4 octobre, le Premier ministre britannique, David Cameron, s’est cru obligé de traiter devant la presse le président syrien de « boucher ». Mais il ne s’est trouvé personne pour lui demander qui est réellement le boucher ? Celui qui défend son pays contre l’hydre terroriste ou son prédécesseur, le dénommé Blair (Bliar pour les intimes), qui avait engagé son pays dans une guerre contre un peuple qui ne lui a rien fait et dont les conséquences pour l’Irak, pour la région et pour le monde sont, douze ans après, de plus en plus dramatiques ? En toute franchise, avec toutes les casseroles que ces gens trainent derrière eux, la décence la plus élémentaire veut qu’ils s’appliquent à ne pas rater les occasions de se taire.

Réalisent-ils ce qu'ils ont fait

En marge de la 70eme assemblée générale de l’ONU, le président français a tenu une conférence de presse le lundi 28 septembre dans laquelle il est revenu sur la question de la « zone d’exclusion aérienne » au nord de la Syrie. « Dans les jours qui viennent, Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères) va se pencher sur la question de la démarcation, voir comment cette zone pourrait être sécurisée et qu’en pensent nos partenaires », a affirmé le président français selon une dépêche de l’Agence « Reuters ». M. Hollande ajoute : « Ceci ne va pas seulement protéger ceux qui vivent dans ces zones, mais permettrait également le retour des réfugiés. » Enfin, le président français estime qu’une telle proposition « pourrait être officialisée par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui donnerait à cette zone une légitimité internationale.»… On n’a pas besoin de l’intelligence d’Albert Einstein pour comprendre que répéter plusieurs fois la même chose et attendre à chaque fois un résultat différent relève de la stupidité absolue, pour ne pas dire de la pure folie. Visiblement, certains dirigeants dans ce bas monde, dont François Hollande et Recep Tayyip Erdogan, ont justement besoin de l’intelligence d’Einstein pour comprendre qu’on ne peut répéter la même chose et en attendre à chaque fois un résultat différent. Ne parlons pas de l’Irak où les années de sanctions paralysantes et d’exclusion aérienne au nord et au sud étaient le prélude à la destruction programmée du régime. Non, ne parlons pas de l’Irak où les scénarios les plus cauchemardesques restent bien en deçà de ce qui s’y passe aujourd’hui, plus de douze ans après sa « libération » par Bush II. Parlons plutôt de la Libye, plus proche de nous et dont les effets de l’anarchie qui y sévit depuis 2011 sont dévastateurs pour le peuple libyen bien sûr, mais aussi pour des millions de Tunisiens en termes de sécurité, de commerce et d’économie. Les auteurs des deux attaques les plus dévastatrices dans l’histoire du pays, celles du Bardo et de Sousse, ont été formés au maniement des armes dans les camps d’entrainement terroristes qui pullulent en Libye. Et il y a juste quatre jours, deux voitures pleines à craquer d’armes et de munitions ont été saisies par les forces de l’armée et de la garde nationale, et une troisième a réussi à faire demi-tour et à s’enfuir vers la Libye. Tout ça pour dire que les malheurs qui pleuvent sur nos têtes depuis quatre ans ont pour origine l’anarchie terrifiante qui sévit chez notre voisin du sud-est. Si l’on va plus loin dans la réflexion, on peut dire que l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, n’est totalement innocent des malheurs qui s’abattent sur nous, du délabrement économique du pays et de son recul de la 40e à la 92e place en quatre ans, selon le classement de Davos. Car Sarkozy était aussi obsédé par la destruction du régime du colonel Kadhafi que l’est aujourd’hui son successeur Hollande par la destruction du régime de Bachar Al Assad. Il était un défenseur acharné de la création de zones d’exclusion aérienne visant à clouer au sol l’aviation de Kadhafi, et un fervent avocat de l’intervention militaire de l’OTAN pour « libérer le peuple libyen ». On connaît la suite. Ni démocratie, ni liberté, ni progrès, mais le portes de l’enfer ouvertes par l’OTAN et ceux qui l’ont poussée à détruire le régime de Kadhafi, dont entre autres Nicolas Sarkozy. Voilà qu’aujourd’hui, un autre président français rêve de rééditer en Syrie ce que son prédécesseur a contribué à réaliser en Libye : la destruction de l’Etat national et l’instauration de l’état d’anarchie. M. Hollande peut invoquer la protection des réfugiés et la nécessité de leur retour, mais la vraie raison qui l’anime est son désir ardent de voir l’aviation syrienne clouée au sol afin de priver Bachar de son principal moyen de défense contre l’hydre terroriste et précipiter ainsi sa chute. Quant à la possibilité de voir sa zone d’exclusion aérienne « légitimée par une résolution du Conseil de sécurité », on reste pantois, car on ne sait pas comment le président d’un aussi grand pays que la France puisse nourrir de telles idées, alors que tout le monde sait que la Russie et la Chine ne laisseront jamais passer une telle résolution. Le plus étonnant est que ces idées lumineuses du président français ont été exprimées à New York juste après le discours du président russe qui équivaut à un cours magistral à l’intention des dirigeants occidentaux qu’il a interpellés par cette terrible question : « Avez-vous réalisé ce que vous avez fait ? » Mais visiblement, ni le grand discours de Poutine ni sa question terrible n’ont secoué un tant soit peu le président français et ses homologues d’Occident qui s’entêtent à vouloir répéter la même chose tout en escomptant un résultat différent. Il faut croire que si nous vivons aujourd’hui dans cet état d’anarchie indescriptible, c’est parce qu’il y a une pénurie de grands hommes et une inflation de nains politiques. L’ère des nains fut inaugurée par le plus petit d’entre eux, George Walker Bush. Quatorze ans après sa guerre contre le terrorisme en Afghanistan, les talibans sont plus combatifs que jamais et se permettent même d’occuper Kunduz, l’une des plus grandes villes afghanes. Douze ans après sa guerre contre le terrorisme en Irak, les terroristes occupent Mossoul la deuxième ville du pays, Al Anbar, la plus grande province du pays, et la moitié de la Syrie.

Le dictateur du monde

En 1963, John Fitzgerald Kennedy prononça son plus important discours à l’Université américaine de Washington. La guerre froide faisait rage à l’époque et Kennedy, dans une tentative de réduire la tension internationale, conspuait les va-t-en guerre et louait les efforts déployés en faveur de la paix. Il avait alors prononcé quelques paroles mémorables visant à rapprocher les hommes et les nations : « Notre lien de base le plus commun, dit-il, est que nous habitons tous la même planète. Nous respirons tous le même air. Nous chérissons tous l’avenir de nos enfants. Et nous sommes tous mortels. » Kennedy n’était pas le premier à vouloir moraliser la politique américaine. Près d’un siècle et demi avant lui, John Quincy Adams, secrétaire d’Etat de 1817 à 1825, avait mis en garde son pays contre des dévoiements politiques qui pourraient s’avérer catastrophiques pas seulement pour les Etats-Unis, mais pour le reste du monde : « L’Amérique, dit-il, ne s’aventure pas à l’étranger en quête de monstres à détruire (…). Elle sait bien que si jamais elle se rangeait ne serait-ce qu’une fois sous d’autres bannières que la sienne, fussent-elles celles de l’indépendance d’autres peuples, elle s’impliquerait sans pouvoir s’en extraire dans toutes les guerres d’intérêt et d’intrigue, d’avarice individuelle, d’envie et d’ambition, qui adopteraient les couleurs et usurperaient l’étendard de la liberté. Elle pourrait devenir le dictateur du monde. Elle ne serait plus maitresse de son propre esprit. ». Les désirs de paix de Kennedy ne se sont pas concrétisés et les mises en garde de Quincy Adams sont restées lettre morte, mais les craintes du secrétaire d’Etat, exprimées au début du dix neuvième siècle, sont, elles devenues réalité en ce début du XXIe siècle, c'est-à-dire près de deux cents ans plus tard. En effet, aujourd’hui, les Etats-Unis, ivres de leur puissance militaire inégalée, certains de leur impunité quoiqu’ils fassent, ont toutes les caractéristiques de dictateur et se comportent comme tel. Le dictateur ne respecte ni la Constitution ni la loi internationale. Pour un oui ou pour un non, il se déchaîne contre tout le monde, opprimant, emprisonnant et torturant impunément. Il n’a aucun respect ni pour sa parole ni pour ses engagements. Le dictateur fait aux autres ce qui ne leur plait pas, mais n’accepte pas qu’on le paye de retour. Sa devise est : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Autant de caractéristiques qu’on décèle aisément dans les comportements et les attitudes de la plus grande puissance militaire de tous les temps. Si les Etats-Unis respectaient leur Constitution et la loi internationale, s’ils se comportaient en puissance bienfaitrice comme beaucoup de citoyens américains le croient par naïveté ou par ignorance, il n’y aurait eu ni attaques du 11 septembre 2001, ni invasion de l’Irak, ni d’émergence spectaculaire du fléau du terrorisme. Si les Etats-Unis respectaient leur parole et leurs engagements, nous ne serions pas maintenant au bord d’une deuxième guerre froide. Aujourd’hui, si Washington et Moscou sont à couteaux tirés, c’est parce que ni les deux Bush, ni Clinton, ni Obama n’ont respecté les engagements pris par Ronald Reagan lors de ses négociations avec Mikhaïl Gorbatchev entre 1986 et 1988. Le dictateur est souvent aveuglé par la taille excessive de son égo. Il manque lamentablement de grandeur d’âme pour pouvoir considérer l’une des vertus cardinales, l’humilité. Par conséquent, il se trouve dans l’incapacité de tirer les leçons de ses erreurs ou de celles des autres. Là aussi, le parallèle avec les Etats-Unis saute aux yeux. Ce pays n’a tiré les leçons ni de la guerre du Vietnam, ni de celles d’Irak et d’Afghanistan. Bien que ces trois guerres soient des désastres gigantesques sur tous les plans, bien qu’elles aient entaché gravement et durablement la réputation de l’Amérique, on trouve aujourd’hui dans l’establishment washingtonien de hauts responsables qui vous expliquent tranquillement et sereinement que seul le bombardement de l’Iran est de nature à assurer la paix dans le monde. Bien que le monde ait vécu pendant plus de quatre décennies le calvaire de la guerre froide, avec des périodes de véritable terreur de voir la planète détruite par un conflit nucléaire majeur, on trouve aujourd’hui des apprentis-sorciers à Washington dont la fonction est de rallumer à nouveau la guerre froide et de ressusciter le spectre terrifiant d’un conflit nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie. Parmi eux, on peut citer la néoconservatrice Victoria Nuland, secrétaire d’Etat adjointe, qui a orchestré le renversement de l’autorité légitime en Ukraine et son remplacement par une autorité de fait, mais anti-russe et pro-occidentale. Et c’est cette même Victoria Nuland qui aujourd’hui met la pression sur la Bulgarie et la Grèce pour les pousser à interdire le survol de leurs territoires par les avions cargos russes transportant une aide militaire de Moscou à Bashar Al Assad, ultime barrage contre la mainmise totale des terroristes sur la Syrie… Dans le discours susmentionné, Kennedy avait affirmé que « nous habitons tous la même planète ». La pratique politique américaine sur un demi-siècle nous convainc du contraire. L’Amérique vit dans sa propre planète, une véritable forteresse protégée par deux immenses océans et une armée surpuissante. Là aussi on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le dictateur qui sévit tout en prenant soin de se terrer dans son bunker.

Les coûts élevés de la médiocrité^politique

Deux douzaines d’avions de combat et des centaines de militaires russes sont déjà sur place dans la ville côtière syrienne de Lattaquié. L’implication directe de la Russie dans la guerre contre les terroristes de l’ « Etat islamique » est imminente. Elle commencera très probablement après le discours que prononcera le président Poutine devant la 70e Assemblée générale de l’ONU à New York, le lundi 28 septembre. La Russie souhaite évidemment qu’elle sera rejointe par le maximum de pays, en particulier les Etats-Unis, et en cas de refus, elle ira toute seule. Dans une déclaration à l’Agence américaine ‘’Bloomberg’’, Elena Suponina, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut d’études stratégiques de Moscou, a affirmé : « la Russie souhaite que le bon sens prévaudra et qu’Obama prendra la main tendue de Poutine. Mais si cela n’arrive pas, Poutine agira seul de toute manière. » Bien qu’il ne compte passer qu’une journée à New York, le président russe rencontrera très probablement le président américain pour justement lui tendre la main et tenter de le convaincre que quelles que soient les difficultés qui entravent un développement serein des relations russo-américaines, elles ne sont rien face à l’immense danger que pose l’expansion de l’ « Etat islamique » et les autres organisations jihadistes extrémistes, pour la paix et la stabilité mondiales. Depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir en Russie en tant que président, ensuite en tant que Premier ministre, et à nouveau en tant que président, Vladimir Poutine ne cesse de démontrer qu’il est un politicien chevronné. Sa dernière décision de s’engager fermement en Syrie pour combattre le terrorisme à côté du régime syrien démontre une intelligence politique et une capacité d’analyse qui tranchent avec la médiocrité et l’imbécilité politiques qui prévalent en Occident en relation avec les deux crises majeures qui secouent le monde : l’Ukraine et la Syrie. La provocation gratuite, et donc la médiocrité politique, de l’Occident, les Etats-Unis en particulier, en Ukraine, a été traitée avec intelligence et sagesse en Russie. Qu’a gagné l’Occident en provoquant la chute du pouvoir légitime ukrainien et son remplacement par un pouvoir de fait anti-russe et pro-occidental ? Rien, sinon fournir à la Russie une chance inespérée pour reprendre la Crimée, ce « cadeau surprise » offert par Khrouchtchev en 1954 à l’Ukraine ; semer l’anarchie dans un pays pauvre, devenu très pauvre depuis la « manip » mise au point dans les laboratoires politiques de Washington ; et convaincre des millions d’Ukrainiens qu’ils n’ont plus d’avenir dans leur pays, lorgnant ainsi vers l’Occident en proie déjà à une migration massive en provenance du Moyen-Orient et qui pourrait se compliquer gravement à tout moment par une autre migration massive en provenance d’Ukraine… Au Moyen-Orient, la médiocrité politique occidentale dans le traitement des crises est beaucoup plus lourde de conséquences. Derrière le désastre moye-oriental se trouve l’idée obsessionnelle, mais trop sélective, de détruire des régimes dictatoriaux et de les remplacer par des démocraties. Qu’il s’agisse de l’Irak, de la Libye ou de la Syrie, l’absurde atteint des proportions affolantes quand on voit l’Arabie saoudite et le Qatar participer activement à ces campagnes militaires anti-dictature et pro-démocratie… Si la Syrie n’est pas tombée entièrement sous la barbarie islamiste du trio infernal Daech-Annusra-Al Qaida, c’est grâce au coup de maître de Poutine. Rappelons les faits : après que la médiocrité politique occidentale ait transformé la Libye en chaudron anarchique, l’euphorie était telle que l’on se préparait à Washington, à Paris et à Londres à faire subir à Bashar al Assad le même sort que Kadhafi et à la Syrie le même sort que la Libye. Consumés par leurs démangeaisons anti-syriennes, Barack Obama et François Hollande ne se tenaient plus en place. Et leur ardent désir de détruire l’Etat syrien se serait concrétisé, n’eût été l’idée géniale de Poutine de troquer les armes chimiques syriennes contre l’annulation des bombardements de Damas décidés par Obama et Hollande. Le deuxième coup de génie de Poutine est sa décision d’intervenir, seul au besoin, contre les hordes islamistes qui, depuis quatre ans et demi, sèment la mort et la destruction en Syrie. Si le président russe a finalement décidé d’intervenir, c’est parce que la médiocrité politique occidentale est toujours à l’œuvre. Elle a empêché pendant longtemps les décideurs à Washington, Paris et Londres de comprendre une chose d’une simplicité consternante : s’entêter à faire subir à Bashar al Assad le sort de Kadhafi, c’est donner au terrorisme une seconde opportunité historique égale ou supérieure à celle qui lui fut offerte par George W. Bush en Irak en 2003. Grâce à la résistance héroïque de l’armée syrienne, grâce à la politique intelligente de Moscou, les dirigeants occidentaux, l’un après l’autre, montrent des signes de guérison de leur obsession pathologique anti-Bashar al Assad. Pour eux, celui-ci ne fait plus partie du problème, mais de la solution, et ils n’ont plus d’objection à ce qu’il se maintienne « provisoirement » au pouvoir. Mieux vaut tard que jamais… Poutine a eu donc gain de cause et se prépare militairement et logistiquement à confronter l’hydre terroriste. Avant de s’engager pleinement dans cette confrontation existentielle, le président russe, chrétien orthodoxe, a tenu à se présenter au monde comme le défenseur de vrai islam et de ses valeurs positives. Accompagné des présidents turc et palestinien, Poutine a inauguré la « plus grande mosquée d’Europe » à Moscou dont la reconstruction a coûté au contribuable russe la bagatelle de 170 millions de dollars. « Nous voyons », a dit Poutine « ce qui se passe au Moyen-Orient où les terroristes du prétendu Etat islamique sont en train de compromettre cette grande religion et de semer la haine. (…) Cette mosquée sera une source d’éducation et de promotion des idées humanistes et des vraies valeurs de l’islam. » Encore un coup de maître.