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Saturday, November 29, 2008

L'indispensable coopération indo-pakistanaise

L’attaque terroriste dont a été victime la capitale économique de l’Inde était si bien organisée et si minutieusement préparée qu’il a fallu pas moins de soixante heures aux forces de sécurité indiennes pour en venir à bout. Les terroristes étaient si bien entraînés et connaissaient si parfaitement les lieux attaqués qu’ils ne pouvaient pas ne pas y avoir séjourné avant. Ils ont bénéficié de complicités certaines puisque plusieurs kilogrammes d’explosifs étaient entreposés dans les hôtels visés bien avant l’arrivée des assaillants.
Même si elles n’ont atteint ni en ampleur ni en gravité les attentats du 11 septembre 2001, les attaques perpétrées contre Mumbai seront sans doute enregistrées dans les annales de l’histoire comme un développement spectaculaire dans le mode de fonctionnement du terrorisme mondial.
En effet le modus operandi choisi par les terroristes de Mumbai est un développement dangereux par rapport aux modus operandi observés lors des attaques de Madrid ou de Londres par exemple. En s’en prenant aux capitales espagnole et britannique en 2004 et 2007, les terroristes suicidaires s’étaient fait tuer en même tant que leurs victimes. L’action avait duré quelques minutes, et le terrain a été aussitôt occupé par les ambulances et les secouristes et le personnel médical.
Dans le cas de Mumbai, les terroristes n’étaient pas moins suicidaires, mais, en ajournant leur suicide, ils ont visiblement décidé de faire payer très cher leur peau. De toute évidence, leur but était de faire le maximum de dégâts et de faire régner le maximum de terreur, et à ce niveau malheureusement leur objectif a été largement atteint.
Alors que l’enquête se poursuit en Inde pour cerner les vrais commanditaires de l’attaque, les spéculations vont bon train sur l’identité des responsables de cette action terroriste inédite à Mumbai. Des groupes pakistanais (Lashkar-e-taiba, Jaish-e-Mohammad) aux groupes extrémistes basés en Inde en passant par Al Qaida, les enquêteurs n’excluent aucune piste pour le moment. Mais si, pour l’instant, il n’y a aucune preuve qu’Al Qaida est derrière ces attaques, tout prouve que son esprit était là et que son ombre a plané dans l’atmosphère sanglante que Mumbai a connue pendant trois jours. Il était clair pour tous que c’est sa conception nihiliste de l’action politique qui a guidé le groupe d’assaillants ayant sévi à Mumbai pendant soixante heures.
Le massacre indiscriminé d’innocents, qu’Al Qaida a inauguré avec éclat le 11 septembre 2001, était la caractéristique principale des attaques terroristes contre Mumbai. Le mitraillage indiscriminé et aveugle par armes automatiques de voyageurs à la gare de Mumbai, le massacre de patients dans un hôpital qui accueille les pauvres, la prise d’otages sanglante dans deux hôtels de la ville, autant d’actions horribles qui sont clairement inspirées de la « philosophie » nihiliste d’Al Qaida où la fin et les moyens (les deux éléments constitutifs de l’action) se confondent et deviennent synonymes de destruction insensée et de mise à mort gratuite d’innocents, ne générant absolument aucun bénéfice de quelque nature que ce soit pour les terroristes.
Outre le nihilisme, l’autre caractéristique des terroristes de Mumbai est qu’ils sont un groupe non étatique qui opère de manière souterraine et surtout lâche puisqu’il s’en prend aux cibles les plus faciles, les plus fragiles et les plus difficilement défendables. Juste après les attaques, des doigts accusateurs ont pointé vers le Pakistan. Peut-être des groupes terroristes pakistanais sont-ils impliqués de près ou de loin dans ces attaques. L’enquête le confirmera ou l’infirmera. Mais il est hautement improbable, impossible même que l’Etat pakistanais y soit pour quelque chose. La raison est simple. L’Etat pakistanais est lui-même très menacé par ces groupes terroristes souterrains et est actuellement engagé dans une lutte à mort contre eux. L’actuel président pakistanais, Asif Ali Zardari, a perdu sa femme, Benazir Bhutto, dans une action terroriste spectaculaire qui a fait des centaines de morts et de blessés. Par conséquent, aucune logique et aucun intérêt objectif ne plaident pour l’implication de l’Etat pakistanais.
Cela est d’autant plus évident que lors des attaques contre Mumbai, une délégation pakistanaise, présidée par le ministre des affaires étrangères, se trouvait à New Delhi pour « renforcer la coopération » entre les deux pays. Ce qui prouve amplement que la nature des relations entre l’Inde et le Pakistan est nettement meilleure maintenant qu’en 2001, quand une attaque perpétrée par Lashkar-e-taiba contre le parlement indien avait failli déclencher une nouvelle guerre entre les deux frères ennemis.
La rationalité veut que quand deux Etats ou plus font face à un même danger, ils coopèrent pour l’annihiler. Signe des temps, les services de renseignement militaire pakistanais (ISI) que, jusqu’à une date récente, l’Inde accusait de tous les maux, va maintenant coopérer à l’enquête à la demande de New Delhi. Et même si ce n’est pas le chef en personne qui va faire le déplacement, mais des enquêteurs d’un grade moins élevé, cela n’enlève rien à l’importance de l’événement. Car, des enquêteurs de l’ISI en Inde est une bonne nouvelle pour l’avenir des relations indo-pakistanaises et une mauvaise nouvelle pour les réseaux terroristes.
Cependant, tout n’est pas acquis pour une amélioration des relations indo-pakistanaises. Au deuxième jour de l’attaque et alors que les forces de sécurité traquaient encore les terroristes, l’extrême droite hindoue a commencé à exploiter cyniquement le drame en vue des élections générales prévues au printemps prochain. Les discours incendiaires des responsables du Bharatiya Janata Party, Narendra Modi et Atal Behari Vajpayee notamment, contre le gouvernement indien et l’Etat pakistanais sont malvenus à un moment où l’Inde, qui vit une tragédie de grande ampleur, a besoin de l’unité de son peuple et de la coopération de ses voisins.

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