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Monday, November 30, 2015

Des pyromanes petits et grands

Que de grands pays de la taille des Etats-Unis et de la Turquie nourrissent depuis quatre ans le désir pathologique de voir le président syrien, Bachar al Assad, disparaître de la scène syrienne, et si possible de la surface du globe, en dit long sur la futilité des décideurs qui se trouvent à la tête de ces deux pays. Cette futilité est montée d’un cran cette semaine suite à la réaction parfaitement ridicule des décideurs à Washington et à Ankara face à l’accueil chaleureux réservé au président syrien par son homologue russe à Moscou. La question à laquelle il est difficile de répondre est pourquoi Obama et Erdogan ont-ils eu des crampes d’estomac à la vue des larges sourires et de la très chaleureuse poignée de mains qu’ont échangés à Moscou les présidents Poutine et Al Assad. La question à laquelle ne pourra pas répondre le plus chevronné des psychologues est pourquoi Obama et Erdogan, après avoir fini par accepter le fait accompli de l’intervention de l’armée russe en Syrie, ont-ils piqué une crise de nerfs à la vue du président syrien à Moscou ? Mais revenons aux choses sérieuses. Depuis le déclenchement de la guerre en Syrie en mars 2011, le président syrien n’a pas quitté son pays. Son voyage à Moscou cette semaine est loin d’être protocolaire et n’a pas pour objet de remercier Poutine pour son aide, ni de se payer une promenade sur la place rouge en compagnie de son bienfaiteur. Si les présidents syrien et russe ont décidé de se voir le mardi 20 octobre à Moscou, c’est qu’ils ont des choses importantes à se dire. Il est difficile de savoir qui, au cours de cette rencontre, a parlé et qui a écouté, mais ce qui est sûr ce qui a été dit est d’une grande importance. La preuve est que dès la fin de la rencontre, le président Poutine a appelé les décideurs à Ankara, au Caire, à Ryadh et à Amman. En toute logique et sans être dans le secret des Dieux, les entretiens téléphoniques menés mardi dernier par Poutine avec les acteurs régionaux concernés par le conflit syrien ont trait à une solution politique de ce conflit que tout le monde recherche ou dit rechercher et que personne n’a réussi à trouver jusqu’à présent. Si la solution politique s’est avérée jusqu’à présent inatteignable, c’est parce que dans cette région maudite du Moyen-Orient, il y a beaucoup plus de pyromanes que de sapeurs-pompiers. Des pyromanes petits et grands qui vont de la grande puissance située à dix mille kilomètres à l’émirat minuscule d’un demi million d’habitant en passant par la puissance économique et démographique régionale, la Turquie pour ne citer que ceux-là. Contrairement aux Etats-Unis ou à l’Arabie saoudite par exemple, la Turquie ne compte pas dans son palmarès un grand nombre d’incendies. Disons que ce pays, depuis l’arrivée des islamistes au pouvoir en 2002, avait des prédispositions à foutre la pagaille dans son entourage, mais n’est devenu réellement pyromane que depuis le printemps 2011, c'est-à-dire depuis le déclenchement de la guerre en Syrie, et surtout depuis qu’Erdogan traine sa haine irrationnelle et inextinguible contre le président syrien comme on traine une maladie incurable. Il n’y a pas longtemps, la Turquie menait une vie tranquille et ne comptait pratiquement que des amis. Sans doute, vicissitudes de l’histoire, avait-elle des problèmes à Chypre et entretenait-elle une relation plutôt tendue avec la Grèce. Mais à part cela, la Turquie d’avant l’entrée en scène des islamistes avait de bonnes relations avec pratiquement tous ses voisins et les voisins de ses voisins. Pourtant, ils ont bien commencé les islamistes turcs. Ils ont entamé en 2002 une belle success story de développement politique et économique qui a rehaussé le niveau de vie des citoyens et l’image de la Turquie aux yeux du monde. Mais cette success story s’est transformée en désastre le jour où les gouvernants islamistes ont arrêté de s’occuper de leurs propres affaires et de s’immiscer dans celles des autres. Parce que le chef du parti islamiste turc, Dieu sait pour quelle raison, ne supporte plus de voir Bachar al Assad sur terre, la Turquie s’est transformée de pays respectable et respecté en lieu de transit des hordes de paumés, de frustrés, de délinquants et de mercenaires accourant des quatre coins du monde pour mettre la Syrie à feu et à sang et envoyer des millions d’êtres humains sur les chemins de l’exil et du déracinement. Sans l’accueil des dizaines de milliers de terroristes en Turquie, sans l’ouverture devant eux de tous les postes frontaliers syro-turcs, sans l’aide logistique, militaire et financière qui leur est apportée, le drame syrien n’aurait jamais atteint de telles proportions cauchemardesques. En appelant Erdogan au téléphone après sa rencontre avec al Assad, Poutine savait qu’il parlait à un pyromane, l’un des premiers responsables du désastre syrien. Mais il ne peut pas faire autrement. Quand vous êtes face à un pyromane sur lequel vous n’avez aucune maitrise, vous n’avez guère le choix que de lui parler et de tenter de le faire changer d’avis. Et c’est ce que Poutine fait en parlant aux présidents turc et américain et au roi d’Arabie saoudite dans l’espoir de les voir transformés en sapeurs-pompiers. Concernant Erdogan, cet espoir est réellement minime car, d’après des informations concordantes, le type prépare de nouveaux incendies. Les terroristes fuient par centaines les bombardements russes. Et qui d’autres les accueille et les protège sinon Erdogan ? Mais il ne se contente pas de les accueillir et d’assurer leur sécurité. Des avions turcs font la navette entre Istanbul et la Libye où sont débarqués les terroristes fuyards. Les pays visés par ce nouveau rassemblement de terroristes ? L’Egypte et la Tunisie. Si, à Dieu ne plaise, des incendies se déclenchent dans ces deux pays ou dans l’un d’entre eux, on connaît l’identité du principal pyromane.

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