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Saturday, July 24, 2010

La lâcheté de l'un et le courage de l'autre

La Commission d’enquête Chilcot, du nom de son président Sir John Chilcot, poursuit ses auditions pour connaître la vérité sur la participation britannique dans l’invasion de l’Irak au printemps de 2003 et ses conséquences. Le 20 juillet dernier, elle a entendu un important témoin : la baronne Eliza Banningham-Buller, patronne du MI5 (les services de sécurité intérieure) entre 2002 et 2007. Compte tenu du poste stratégique qu’elle occupait, Lady Manningham-Buller est sans aucun doute l’une des responsables britanniques les mieux informés à la fois des combines, manigances et tromperies auxquelles avait eu recours le gouvernement d’alors dirigé par Tony Blair pour imposer la participation de Londres à l’invasion de l’Irak au public britannique, et des conséquences désastreuses de cette aventure sur la sécurité de la Grande Bretagne.
Après sept ans de silence, l’ancienne patronne du MI5 a dit tout ce qu’elle a sur le cœur. Son témoignage est dévastateur pour tout ceux qui s’accrochent encore désespérément au mensonge que la guerre d’Irak était nécessaire pour la sécurité de leurs pays et du monde. Ecoutons-la : « Notre implication en Irak a radicalisé toute une génération, pas toute une génération, mais quelques uns d’une génération de jeunes qui voient en notre intervention en Afghanistan et en Irak une agression contre l’islam. »
La baronne a dit aux membres de la Commission d’enquête « ne pas être surprise » par les attentats dans le métro de Londres du 7 juillet 2005 ni par le fait que « de plus en plus de jeunes britanniques soient attitrés par l’idéologie de Ben Laden. »
Elle va plus loin encore en faisant assumer clairement la responsabilité de la terrifiante montée du terrorisme en Irak aux envahisseurs : « L’envahissement de l’Irak et le renversement de Saddam Hussein ont permis à Al Qaida de s’établir dans ce pays, chose qu’elle n’a jamais pu faire avant. De toute évidence, nous avons offert à Oussama Ben Laden son Jihad irakien, de sorte qu’il pût agir librement en Irak comme jamais auparavant. » Un autre élément important dans le témoignage de Lady Eliza Banningham-Buller : elle a développé l’idée que Saddam Hussein ne constituait aucune menace pour la Grande Bretagne. « Nous ne croyions pas qu’il possédât la capacité d’entreprendre quoi que ce soit contre le Royaume Uni », a-t-elle affirmé devant la Commission Chilcot.
Il serait intéressant de rappeler ici l’idée centrale du témoignage de l’ancien Premier ministre Tony Blair devant la même Commission le 29 janvier dernier : « Si l’on me demande si nous sommes plus sécurisés, si l’Irak va mieux, si notre sécurité est mieux assurée avec Saddam et ses deux fils loin du pouvoir, je réponds, oui en effet, nous le sommes. C’était mieux de faire face à cette menace et de renverser le régime de Saddam. Et, en conséquence, je crois sincèrement que le monde est plus sûr. »
Quelques semaines plus tôt, Tony Blair avait déjà donné le ton. Dans une interview à BBC1, l’ancien Premier ministre britannique a affirmé que « l’invasion de l’Irak était justifiée, même en l’absence d’armes de destruction massive. »
Voici deux anciens responsables d’un même pays, témoignant devant la même Commission, mais avec des dépositions aux antipodes l’une de l’autre. Ni les lecteurs, ni les observateurs, ni les membres de la Commission Chilcot ne trouveront la moindre difficulté pour décider de quel côté se trouve la vérité. La déposition de Lady Banningham-Buller est conforme à la réalité ; celle de Tony Blair est plutôt conforme à un monde imaginaire dans lequel il vit, un monde où tout un chacun vit heureux et en sécurité grâce à la disparition du danger qui menaçait la planète entière : Saddam et ses enfants.
Mais Blair vit-il réellement dans un monde imaginaire, et croit-il sincèrement à ce qu’il a dit le 29 janvier devant la Commission Chilcot ? Il est difficile d’accepter l’idée qu’un homme de l’envergure de Tony Blair qui a mené son parti trois fois successives à la victoire, qui a gouverné la Grande Bretagne une décennie sans interruption, puisse croire honnêtement que le monde d’aujourd’hui est plus sûr et que l’Irak va mieux aujourd’hui qu’au temps de Saddam.
Tony Blair n’est pas fou et, en déposant devant la Commission, ne peut pas ne pas avoir en tête les millions de morts, de blessés et de mutilés à vie parmi la population irakienne ; il ne peut pas ignorer les millions de déplacés irakiens qui ont vu leur vie détruite ; il ne peut pas ignorer le terrifiant développement du terrorisme suicidaire, rarissime avant l’invasion de l’Irak ; il ne peut pas ignorer le mal dévastateur infligé au droit international et au système onusien d’une manière générale. Mais il a feint d’ignorer tout ça, répétant à l’envi que le monde va mieux sans Saddam, que l’invasion est justifiée même sans armes de destruction massive et que si c’était à refaire, il ne changerait rien à sa décision.
Blair est un cas atypique. Il est à la fois intelligent et lâche. Intelligent par l’impact personnel qu’il a pu imprimer à La Grande Bretagne au cours de la décennie écoulée. Lâche par son incapacité à reconnaître son erreur, en dépit ou, peut-être, à cause de l’immensité de cette erreur. Il demeure une exception dans le mauvais sens du terme. La règle est du côté de la coexistence de l’intelligence et du courage, comme dans le cas typique de Lady Eliza Banningham-Buller. Bien qu’il eût été plus intelligent et plus courageux de sa part de dire ce qu’elle avait sur le cœur sept ans plus tôt. Par exemple le 5 février 2003, le jour où Colin Powell, secrétaire d’Etat américain, et Jack Straw, ministre britannique des AE, faisaient leur cinéma à l’ONU.

Wednesday, July 21, 2010

La confession banale de Benyamin Netanyahu

Plus d’une fois on l’a dit et redit dans ces mêmes colonnes. Durant son premier mandat de Premier ministre d’Israël (1996-1999), Benyamin Netanyahu a tout fait pour briser les accords d’Oslo du 13 septembre 1993. Et il a réussi au-delà de ses espérances sans que cela ne provoque de réaction sérieuse de la part des Etats-Unis. Pourtant ce pays avait payé cher, en énergie et en argent, pour voir ces accords signés, et Bill Clinton, le président américain de l’époque, en avait fait une fierté personnelle.
Pendant les trois années qu’il a passées au poste de Premier ministre à la fin du siècle dernier, Netanyahu était engagé dans une véritable course contre la montre, le but étant de faire tout ce qu’interdisaient les accords d’Oslo et de bloquer tout ce qu’ils appelaient à concrétiser. Il avait remporté la course, et ces accords étaient entrés lentement dans le domaine de l’oubli.
Qui parle maintenant des accords d’Oslo ? Qui se rappelle de leur contenu ? Ils ont été enterrés sous les bombes des guerres israéliennes engagées contre les Palestiniens à Jénine, Naplouse, Ramallah, Gaza, Qalqilia, Tulkaram. Pas une ville palestinienne n’a échappé aux campagnes de l’armée israélienne, dont la violence s’est dramatiquement intensifiée depuis le déclenchement de la deuxième intifadha le 27 septembre 2000, suite à la visite provocatrice d’Ariel Sharon à l’esplanade des mosquées.
L’agressivité excessive qui a marqué les campagnes de l’armée israélienne durant la décennie 2000-2010 vise bien sûr à réprimer la combativité palestinienne, mais elle vise aussi à signifier que les accords politiques n’intéressent pas Israël. Ce qui compte pour ce pays, c’est la force militaire. D’autant plus que son usage, aussi excessif soit-il, n’a jamais provoqué autre chose de la part de la communauté internationale que des protestations timides et inoffensives dont l’effet est encourageant plutôt que dissuasif pour la classe politique israélienne.
Morts et enterrés, les accords d’Oslo ont ressuscité la semaine dernière. On en parle depuis quelques jours, non pas parce qu’ils suscitent l’intérêt d’une quelconque force influente dans le monde, ni parce que les Israéliens se sont rendus compte qu’ils ont raté une belle occasion de résoudre un conflit dans lequel ils sont embourbés depuis des décennies. On en parle parce qu’une vidéo montrant Netanyahu parler de ces accords a été rendue publique.
La vidéo a été filmée en 2001 à l’insu de Netanyahu. A l’époque, Ariel Sharon avait entrepris sa large et violente campagne de recolonisation des grandes villes de Cisjordanie. Netanyahu, qui était en chômage temporaire avant de rejoindre le gouvernement Sharon au poste de ministre des Finances, se trouvait en ce jour de 2001 dans une maison de colons située dans l’une des colonies les plus extrémistes et les plus violentes de Cisjordanie, celle d’Ofra qui surplombe la route reliant Jérusalem à Naplouse.
On n’a pas d’idée précise sur le timing choisi par la 10e chaîne israélienne pour passer la vidéo vendredi dernier à une heure de grande écoute. Toujours est-il que, juste après avoir été vue par le public israélien, elle a fait le tour du monde, et les médias internationaux en ont fait leurs choux gras.
Filmé malgré lui donc, Netanyahu était assis sur un sofa et parlait à ses hôtes sur le ton de la confidence. Il leur expliquait comment il trompait Bill Clinton, le président américain de l’époque, en lui faisant croire qu’il appliquait les accords d’Oslo, alors qu’il s’appliquait plutôt à les détruire. Comment ? En faisant des retraits mineurs de la Cisjordanie, tout en intensifiant la colonisation. Il a dévoilé à ses hôtes le « truc » qu’il a trouvé pour arrêter les retraits : redéfinir les endroits de Cisjordanie classés « zones militaires ». Il a inclus parmi ces zones la vallée du Jourdain, de manière à ne pas se retirer de cette partie vitale des territoires palestiniens occupés.
Deux autres confessions ont été faites par Netanyahu. Il a informé ses hôtes de la colonie d’Ofra combien « il est facile d’orienter les Etats-Unis dans la bonne direction ». Il les a informés aussi que loin d’être défensive, la répression impitoyable du soulèvement palestinien (on était en 2001 et la répression de la seconde intifada battait son plein), cette répression donc visait à détruire l’Autorité palestinienne, dirigée alors par Yasser Arafat, afin de l’obliger à se plier aux « diktats israéliens ».
Il est peu probable que la diffusion à grande échelle de cette confession puisse embarrasser son auteur. Car Netanyahu sait que le monde sait, bien avant sa banale confession, que sa politique ainsi que celles de ses prédécesseurs n’ont qu’un seul objectif : barrer la route à toute initiative de paix, violer l’esprit et la lettre de tous les accords signés avec les Palestiniens, tout en transformant sans relâche la réalité sur le terrain de manière à rendre impossible matériellement et géographiquement l’établissement d’un Etat palestinien.
En revanche il est très probable, et même certain, que cette confession et le bruit qu’elle est en train de faire embarrasse assez sérieusement le président américain. Non pas le « trompé » Bill Clinton qui, d’après lui, n’a plus qu’un rêve : « escalader le Kilimandjaro avant de mourir », mais Barack Obama qui, il y a juste quelques semaines, a eu l’imprudence d’affirmer : « Oui, je crois que Benyamin Netanyahu est capable de faire la paix ». Maintenant que le monde entier apprend de la bouche même de Netanyahu qu’il est bien plus capable de tromper les présidents américains que de faire la paix avec les Palestiniens, Obama doit être bien embarrassé.

Monday, July 19, 2010

Une bougie dans le vent

Le père de Nelson Mandela avait tort de donner à son fils le nom de « Rolihlahla », ce qui signifie, en langue xhosa, celui par qui les problèmes arrivent. Si, en langue xhosa, il y avait un mot qui signifiait « celui par qui les solutions arrivent », il siérait beaucoup mieux à celui qui est devenu dans le monde entier le symbole de la tolérance, du pardon, et de l’humilité.
C’est grâce à ces trois qualités essentielles que Mandela a pu organiser une transition étonnamment pacifique d’un pays qui, durant des décennies, a vécu l’une des plus grandes injustices de l’histoire : cinq millions de Blancs maintenaient, par le fer et le feu, vingt cinq millions de Noirs dans des conditions infrahumaines.
L’ampleur des injustices subies par les Noirs sud-africains de la part des Boers étaient telles que la transition aurait sans aucun doute été terrifiante sans les trois qualités essentielles de Nelson Mandela, et sans son charisme, élément fondamental, qui explique la facilité avec laquelle il a pu convaincre son peuple de se laisser guider par les sentiments positifs (tolérance, pardon, humilité), plutôt que par les sentiments négatifs (intolérance, vengeance, arrogance).
Le 11 février 1990, « le détenu 46664 » était libéré. Ses geôliers n’en croyaient pas leurs yeux. Comment, se demandaient-t-ils, un homme qui a passé 27 ans de sa vie dans une cellule de la prison de Robben Island, en sort équilibré, souriant, sans amertume, malgré les terribles conditions de détention ? Comment, se demandaient-ils, un homme qui a été soumis aux pires traitements par le régime raciste de Pretoria, arrive-t-il à se fixer pour unique objectif de construire une nation arc-en-ciel où Blancs et Noirs travailleraient côte à côte et auraient les mêmes chances, alors qu’il avait tous les moyens de régler des comptes et de se venger des oppresseurs de son pays et de son peuple ?
Mandela s’est vengé à sa manière. Une manière douce, intelligente, noble. Une manière qui consiste à pousser l’ancien oppresseur à se poser les questions les plus dérangeantes et les plus déroutantes, à se torturer lui-même moralement en lui montrant la différence entre sa petitesse et la grandeur d’âme de sa victime, entre son arrogance et l’humilité de sa victime, entre le traitement inhumain de 25 millions d’êtres humains à cause de la couleur de leur peau et le pardon de leurs victimes.
Mandela a pardonné, mais, bien entendu, pardon ne signifie pas oubli. Car ce qu’a fait l’apartheid en Afrique du sud ne s’oublie pas. Cependant, la grandeur d’âme de Mandela, son intelligence politique, sa conception particulière de la justice qui consiste non pas à punir l’ancien oppresseur, mais à le pousser à regretter ce qu’il a fait, à déchaîner en lui l’intolérable sentiment du remords, tous ces éléments, donc, ont balisé le terrain à l’instauration d’un régime politique acceptable à la fois pour les Blancs et les Noirs, et à la transformation de l’Afrique du sud en moins de deux décennies en première puissance économique de continent. Ainsi, en moins de deux décennies l’Afrique du sud est passé du statut de pays méprisé, isolé, honni, à celui de pays respectable, couvert de louanges et dont l’amitié et la coopération sont recherchées par pratiquement tous les pays du monde.
Cette réalisation peu commune, d’une part, et l’esprit de tolérance et de pardon de Nelson Mandela, d’autre part, ont apporté au continent africain et au monde une bouffée de fraîcheur, de paix et de liberté dans une planète secouée par la haine et les conflits sanglants.
Dans le bruit et la fureur qui caractérisent notre monde d’aujourd’hui, l’esprit de tolérance et d’ouverture sur l’autre de Mandela est aussi fragile q’une bougie dans le vent. La célèbre chanson « Candle in the wind » (Bougie dans le vent), écrite par Bernie Taupin, interprétée une première fois par Elton John en 1973 en hommage à Marilyn Monroe, et interprétée une deuxième fois en 1997 en hommage à la princesse Diana, pourrait parfaitement être interprétée une troisième fois en hommage à Nelson Mandela, qui a fêté dimanche son anniversaire, en soufflant 92 bougies…
Et précisément, c’est parce qu’elle est consciente du caractère à la fois précieux et fragile de l’héritage politique et moral de Nelson Mandela, que l’ONU a fait du 18 juillet, jour de son anniversaire, « une journée internationale » pour la promotion de la paix et de la tolérance dans le monde. C’est une décision très inspirée, car elle aide cette bougie qui s’entête à briller au milieu de l’obscurité et de l’obscurantisme ambiants à résister aux tempêtes qui font rage dans de nombreux foyers de tension en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient, dans le Golfe et ailleurs.
Dimanche dernier, on a assisté à une première mondiale : un homme fête en privé et dans l’intimité familiale son anniversaire, célébré en même temps dans le monde entier, dans le cadre de la journée internationale qui lui est dédiée. Mandela le mérite amplement après 67 ans de combat au service de son peuple d’abord, de l’humanité ensuite. Si tous les politiciens avaient le même patrimoine génétique que Nelson Mandela, la planète ne serait-elle pas un paradis ?

Saturday, July 17, 2010

A propos d'un "Comité d'urgence pour Israël"

Ils rasent les murs pendant un moment, font profil bas, tentent de se faire oublier, puis émergent de nouveau et, comme si de rien n’était, comme s’ils n’avaient provoqué aucun malheur, comme s’ils n’avaient contribué à aucun désastre, reprennent leur travail de sape de la paix dans le monde en général, et au Moyen-Orient en particulier.
On se rappelle comment les néoconservateurs américains se sont alliés aux chrétiens sionistes et aux évangélistes. On se rappelle comment ils ont profité de la naïveté politique de George W. Bush pour le convaincre qu’il est un bienfaiteur de l’humanité, que Dieu l’a chargé de la mission sacrée de « terrasser l’axe du mal » et qu’il devait commencer par abattre son premier pilier : le régime baathiste de Saddam Hussein.
Après avoir contribué de manière décisive à embourber leur pays dans les sables mouvants mésopotamiens, les pseudo-intellectuels du courant néoconservateur américain se sont inscrits pendant un certain temps aux abonnés absents. On n’entendait plus beaucoup les Paul Wolfowitz, Richard perle, Robert Kagan, William Kristol, Elliot Abrams, Michael Ledeen, David Frum, John Bolton etc.
Certes, les deux organes principaux de ce courant, « Commentary » et « The Weekly Standard », n’ont pas cessé de paraître, mais ils ont perdu beaucoup de leur crédibilité et de leur influence. Le désastre irakien a été pour ces gens du néoconservatisme américain un coup fatal, signalant une triple banqueroute : intellectuelle, morale et politique.
Cependant, en dépit de cette banqueroute, on vient d’apprendre par la presse américaine que les durs à cuire de ce courant, William Kristol, Michael Goldfarb, Noah Pollack, Rachel Abrams et quelques autres, se sont associés avec l’évangéliste Gary Bauer pour créer un… « Comité d’urgence pour Israël ».
Mais avant de commenter cette nième trouvaille américaine pour la défense d’Israël, on doit avouer qu’il est réellement difficile de conclure si ces revenants sont conscients de leur banqueroute multiforme et font comme si elle n’existe pas, ou alors, tout comme le fou de Gogol qui se prend pour le roi d’Espagne, ils se prennent pour la crème des intellectuels américains, convaincus que non seulement les intérêts d’Israël et des Etats-Unis sont intimement liés, mais que les intérêts du reste de la planète ne peuvent se concevoir qu’en fonction des intérêts israélo-américains.
Quoiqu’il en soit, ces pseudo-intellectuels pensent qu’Israël court un grand danger et a besoin, en plus de l’armée la plus puissante du Moyen-Orient, en plus des deux cents têtes nucléaires, en plus du soutien inconditionnel financier et militaire américain, en plus de tout cela donc, Israël a besoin d’un « Comité d’urgence » évangélisto-néoconservateur pour terrasser les dangers qui le menacent.
C’est un fait qu’Israël a besoin de toute urgence de ce genre de Comité. Non pas parce qu’il est en danger, mais parce qu’il est un danger. Un danger pour ses voisins d’abord, pour lui-même ensuite.
Depuis sa création, Israël s’est révélé être un Etat incroyablement agressif. Si l’on fait le bilan de la période historique allant du 5 juin 1967 (guerre des 6 jours) au 28 décembre 2009 (guerre de Gaza), on restera bouche bée face au nombre monstrueusement élevé de guerres et d’agressions contre ses voisins, face à son appétit gargantuesque d’avaler les terres des autres, face à l’inhumanité foncière qui l’habite et qui le pousse à détruire en une journée des infrastructures que ses victimes mettent des années à construire. Les Palestiniens et les Libanais en particulier ont vécu cela dans leur chair et peuvent citer mille et un exemples sur la férocité de ce pays qui, depuis 43 ans au moins, constitue pour eux un danger permanent.
Mais Israël s’est révélé aussi être un danger pour lui-même dans la mesure où, durant près d’un demi siècle, son comportement d’Etat agressif, injuste, impitoyable et au dessus des lois internationales devrait un jour ou l’autre avoir l’effet d’un boomerang. Et de fait, de par son isolement international de plus en plus prononcé, de par l’inimitié ou le mépris que lui vouent des milliards d’êtres humains dans le monde, de par l’impasse dans laquelle il s’engage inexorablement, Israël est en train de vivre cet effet de boomerang, se transformant chaque jour un peu plus en danger pour lui-même.
Danger pour lui-même et pour ses voisins, Israël n’a pas besoin d’un « Comité d’urgence » évangélisto-néoconservateur, mais d’un véritable Comité d’urgence que créerait un groupe de pays pour traiter ce cas pathologique inédit dans les relations internationales. Il y a un groupe de pays qui, en plus du crédit international dont il dispose aux yeux d’une bonne partie du monde, possède les moyens politiques et matériels pour créer un tel Comité : le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).
Ces quatre pays sont suffisamment honnêtes et suivent des politiques suffisamment équilibrées avec les uns et les autres. Par conséquent, ils ne peuvent qu’être assurés du soutien le plus large possible pour toute initiative par laquelle ils viseraient à assainir les relations internationales de la pollution provoquée depuis des décennies par les excès de la politique israélienne.
Pour revenir aux néoconservateurs, il faut relever ici le paradoxe qui veut qui ceux qui ne cessent de mette Israël en difficulté en le poussant à commettre les plus grandes folies, sont aussi ceux qui s’inquiètent le plus de ces difficultés au point de créer des comités d’urgence pour lui venir en aide. Cela dit, le meilleur service que ces gens du néoconservatisme américain puissent présenter à Israël, à leur propre pays et au monde, c’est de s’abstenir d’aider. C’est de ne plus rater les occasions en or de se taire.

Wednesday, July 14, 2010

Manipulation à des fins répugnantes

Cela fait trois ans maintenant depuis que les Jordaniens ont découvert 65000 tonnes d’uranium enfouis dans le désert, non loin d’Amman, mais ils continuent toujours d’importer 95% de leurs besoins en énergie électrique, principalement d’Arabie Saoudite. Les milliards de dollars dépensés chaque année pour payer la facture d’électricité sont une charge intenable pour la trésorerie jordanienne, ce qui constitue un obstacle majeur au développement économique et social du pays.
Le roi Abdallah II de Jordanie a mis la chose sur la place publique en juin dernier dans une interview qu’il a accordée au quotidien américain « The Wall Street Journal ». A la lecture de l’interview, on apprend que les relations israélo-jordaniennes n’ont jamais été aussi mauvaises qu’aujourd’hui depuis 1994, date de la signature du traité de paix entre les deux pays par Feu le roi Hussein et le Premier ministre israélien d’alors, Yitzhak Rabin.
La dégradation des relations est due à l’interférence d’Israël dans les affaires jordaniennes. Cette interférence israélienne est d’une extrême gravité pour l’avenir de la Jordanie dans la mesure où elle vise à perpétuer la dépendance énergétique et l’hémorragie financière qui s’ensuit, en empêchant l’exploitation de l’uranium jordanien.
Il est à rappeler ici que la Jordanie a mis au point un plan ambitieux consistant à exploiter l’uranium de son sous-sol et de l’utiliser dans la production de l’électricité. Le plan prévoit dans un premier temps l’autosuffisance en matière d’énergie électrique, et dans un deuxième temps, l’exportation aux voisins de cette même énergie, ce qui constituerait un développement prodigieux pour le pays.
On imagine la consternation des Jordaniens quand Israël s’est manifesté aussitôt pour leur mettre les bâtons dans les roues. Au début, Israël a proposé à la Jordanie une exploitation en commun de leur uranium fraîchement découvert. Un peu comme si, sans rime ni raison, votre voisin vient vous demander de partager avec lui vos biens. Après le refus légitime de cette demande incongrue, Israël a décidé d’agir sur deux axes. D’une part, il s’est tourné vers la France et la Corée du sud chez qui la Jordanie a commandé des réacteurs nucléaires pour les presser de ne rien fournir aux Jordaniens. D’autre part, il a demandé à Washington de faire ce qu’il faut pour empêcher Amman d’aller de l’avant dans la concrétisation de son programme nucléaire civil.
Pour l’instant aucune information n’est disponible sur l’effet des pressions israéliennes sur la France et la Corée du sud, et on ne sait pas si ces deux pays vont fournir les réacteurs commandés ou ils vont se défiler.
Pour les Etats-Unis, les choses sont claires et limpides. Ils ont adopté comme étant les leurs toutes les objections et les exigences israéliennes. Pourtant, ce ne sont pas les arguments qui manquent pour remettre Israël à sa place et laisser les Jordaniens s’occuper de leurs affaires comme ils l’entendent, du moment qu’ils ne nuisent à personne.
La Jordanie est un pays signataire du TNP, et, à ce titre, elle a le droit de construire des centrales nucléaires et d’enrichir son uranium. De plus, pays pauvre, la Jordanie ne cherche qu’à développer son économie et à améliorer les conditions de vie de son peuple. Par conséquent, l’idée qu’elle puisse un jour constituer une menace pour ses voisins est absurde.
Au lieu d’opposer ces arguments aux Israéliens et de leur demander d’arrêter un peu de tirer le diable par la queue, les Etats-Unis ont adopté leurs points de vue et, avec une frivolité indigne d’une grande puissance, ont soumis les Jordaniens à un chantage en règle : ou ils « coordonnent » leur programme nucléaire civil avec Israël, ou ils mettent une croix su l’aide annuelle qu’ils reçoivent de Washington. En termes concrets, pour donner l’autorisation à Amman, Washington a besoin de l’autorisation de Tel Aviv. Voilà où en sont aujourd’hui les relations internationales…
Apparemment cet ultimatum a été transmis à la Jordanie lors de la récente rencontre entre la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, et le ministre jordanien des Affaires étrangères, Nasser Judah. Cette rencontre n’a pas dû pas être très cordiale et le ministre jordanien a sûrement quitté son homologue américaine avec une amertume profonde. La même amertume que ressent quelqu’un qui, vivant à l’étroit et inconfortablement dans sa maison, et qui, ayant eu les moyens d’améliorer son sort et celui de sa famille, s’est vu refuser les travaux nécessaires par son voisin qui a pu lui imposer sa volonté rien que parce qu’il est bien introduit et a des relations haut placées.
Israël a des relations haut placées dans le monde. On sait que depuis des décennies, ce pays utilise ses relations pour se comporter impunément en hors-la-loi. On sait qu’il les utilise pour coloniser, déclencher des guerres, détruire des infrastructures, bombarder où et quand il veut, transformer la vie de millions de personnes en enfer. Mais Israël utilise aussi ses relations haut placées pour maintenir des pays dans la pauvreté et le sous-développement.
Derrière les guerres répétées contre le Liban, n’y a-t-il pas l’idée de couper les ailes de ce pays chaque fois qu’il s’apprête à décoller ? Derrière la dépossession du peuple palestinien de ses terres, les bombardements rituels de ses infrastructures et les blocus à répétition, n’y a-t-il pas une volonté de maintenir ce peuple dans la misère afin qu’il n’ait jamais les moyens de recouvrer ses droits légitimes ? Derrière ces pressions visant à empêcher la Jordanie de développer ses propres sources d’énergie, n’y a-t-il pas une détermination à maintenir le peuple jordanien dans la pauvreté afin qu’il demeure dépendant de l’aide étrangère, et donc sans aucun moyen de refuser les ordres venant de Washington et de Tel Aviv ?
Voici la vérité que la propagande israélo-américaine tente de cacher aux yeux du monde. Israël se sert de ses relations avec les Etats-Unis pour semer la destruction et perpétuer la misère au Moyen-Orient. Jusqu’à quand la République fondée par George Washington et ses amis va-t-elle se laisser manipuler à des fins aussi répugnantes ?

Monday, July 12, 2010

La tragi-comédie du Proche-Orient

Il semble que Barack Obama a battu George Bush à plate couture, le dépouillant de son titre de président le plus pro-israélien des Etats-Unis. C’est en tout cas l’avis de MJ Rosenberg, l’un des analystes politiques les plus en vue à Washington qui a analysé le « match » Netanyahu-Obama de mercredi dernier à Washington, une partie qui, dit-t-il, s’est terminée « 1-0 » en faveur du Premier ministre israélien.
Dana Milbank, du Washington Post, est allé plus loin encore. Ayant fait remarquer que le drapeau israélien flottait sur Blair House, où résidait Netanyahu lors de sa récente visite à Washington, et que, à quelques dizaines de mètres de là, la bannière étoilée flottait sur la Maison blanche, le journaliste du Washington Post a ajouté cette phrase assassine : « les responsables de la Maison blanche auraient très bien pu arborer à la place le drapeau blanc de la reddition. »
Tout d’abord, considérons ce passage d’une déclaration d’Obama après sa rencontre avec Netanyahu : « Nous avons discuté des questions relatives à la conférence sur la non-prolifération nucléaire, et j’ai répété au Premier ministre qu’il n’y a aucun changement dans la politique américaine à ce niveau. Nous croyons fermement que, compte tenu de sa taille, de son histoire, de la région dans laquelle il se trouve, et des menaces qui nous guettent et qui le guettent, Israël a des exigences de sécurité uniques. Il doit être capable de répondre à toute menace ou combinaison de menaces dans la région. Et c’est pour cela que nous demeurons inébranlables dans notre engagement à l’égard de la sécurité d’Israël. »
Les mots clés dans cette déclaration sont « les exigences de sécurité uniques ». Le message est clair : à pays unique et peuple unique, des exigences de sécurité uniques et un engagement unique de la part de l’unique superpuissance. En d’autres termes, tous les autres pays du monde peuvent estimer qu’ils ont des exigences de sécurité, mais aucun n’a droit à l’adjectif « unique ». Quiconque pense avoir les mêmes exigences de sécurité qu’Israël et commence à agir en conséquence, est mis à l’index, diabolisé, dénoncé, honni, traîné devant les instances onusiennes et forcé de subir les sanctions les plus lourdes.
La faute, la très grande faute de pays comme l’Iran et la Corée du nord, par exemple, est qu’ils ont pensé eux aussi avoir des exigences de sécurité uniques, tout comme Israël, et d’avoir estimé que le droit international est suffisamment juste et objectif pour les laisser se doter des moyens de se défendre, en les traitant sur le même pied d’égalité qu’Israël. Ils ont fini par se rendre compte à leurs dépens, sanctions à l’appui, qu’il n’en est rien et que, dans ce bas monde, n’est pas Israël qui veut.
Pour revenir à Obama, il a le doit de tenir une année un discours, et celle d’après le contraire. Après tout, comme disent les Français, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Mais ce qui est inacceptable, c’est la duplicité, le double jeu et cette manière bien américaine de soutenir par la parole le processus de paix au Proche-Orient, tout en le minant par l’action.
La puissance américaine a le droit de soutenir sans retenue Israël, si elle estime que c’est là et nulle part ailleurs que se trouve son intérêt vital. Les Etats-Unis ont le droit d’accorder tous les avantages fiscaux qu’ils veulent aux institutions américaines qui financent les colonies de Cisjordanie, s’ils ne savent plus quoi faire de leur argent. Le président Obama a le droit de dire que son pays ne demandera jamais à Israël de faire la moindre concession qui mettrait en danger sa sécurité, si telle est sa conclusion à quatre mois d’échéances électorales vitales pour son administration. Les Américains ont le droit de considérer les armes nucléaires israéliennes et la colonisation qui se poursuit depuis 43 ans comme des éléments fondamentaux de la sécurité israélienne, si telle est leur conception de la sécurité. Mais ils n’ont aucun droit de continuer indéfiniment à prendre les Palestiniens pour les dindons de la farce et de les maintenir sous pression pour qu’ils continuent à jouer ce rôle malgré eux.
Les Etats-Unis, tout en laissant à Israël la bride sur le cou, ont mobilisé leur puissante machine diplomatique pour presser les Palestiniens à reprendre les négociations directes avec le gouvernement israélien actuel. La question centrale est la suivante : négocier quoi ? Les Américains n’ont aucune réponse à cette question, parce qu’ils savent pertinemment qu’au rythme où va la colonisation, qu’ils n’ont même pas eu le courage de discuter avec Netanyahu la semaine dernière, les négociations n’ont plus d’objet.
Les Palestiniens, qui ont discuté pendant 17 ans directement avec Israël en vain, savent mieux que quiconque qu’il n’y a rien à discuter. Le président Abbas a eu raison d’affirmer dimanche qu’« il est futile et inutile » de reprendre les négociations directes avec Israël. Les Palestiniens savent pertinemment aussi que les pressions américaines de les faire revenir à la table des négociations n’ont rien à voir avec la paix au Proche-Orient, mais avec la volonté israélo-américaine de maintenir aux yeux du monde la fiction d’un processus de paix enterré depuis longtemps sous le béton des centaines de colonies dont certaines, à l’exemple d’Ariel et de Ma’ali Adumim, sont de véritables villes israéliennes au cœur de la Cisjordanie, sans parler de la judaïsation de la ville sainte de Jérusalem.
Il est inacceptable que les Etats-Unis utilisent les quelques dollars qu’ils donnent aux Palestiniens pour les obliger à tenir un rôle peu glorieux dans ce qu’il faut bien appeler désormais la tragi-comédie du Proche-Orient. Il serait plus honnête de reconnaître la triste vérité et de l’annoncer au monde. Le cancer des colonies israéliennes a fait sa métastase et est devenu incurable. Par conséquent, et si l’on veut être honnête avec soi et avec les autres, il faut dire la vérité. Israël n’a plus que deux solutions : soit un Etat binational démocratique, soit un régime d’apartheid à la sud africaine.

Saturday, July 10, 2010

Sortira-t-on un jour de l'auberge?

Commençons par rappeler les faits. Mars 2010 : le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, arrivait aux Etats-Unis pour rencontrer le président Barack Obama. Celui-ci était furieux contre celui-là, et l’accueil était extrêmement glacial. Obama avait même laissé patienter le visiteur indésirable, le temps de terminer tranquillement son dîner avec sa famille dans les étages supérieurs de la Maison blanche. Photographes et cameramen avaient chômé ce jour là, et les agences de presse n’avaient pas le moindre communiqué commun ni la moindre déclaration à se mettre sous la dent.
Juillet 2010 : le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, arrivait aux Etats-Unis pour rencontrer le président Barack Obama. Celui-ci était tout sucre tout miel avec celui-là. L’accueil était extrêmement chaleureux. Photographes et cameramen avaient fait des heures supplémentaires ce jour là, et les téléscripteurs n’avaient pas arrêté de cracher toutes sortes d’informations sur la rencontre, ponctuée d’éloges mutuels que se faisaient les deux hommes, de déclarations enfiévrées sur le caractère indestructible des relations entre Israël et les Etats-Unis, sur l’engagement éternel de ceux-ci pour la sécurité et le bien-être de celui-là etc.
Mais les choses ne s’arrêtaient pas là. Si l’on en croit le quotidien israélien « Haaretz », l’administration Obama « a reconnu le droit d’Israël de posséder des armes nucléaires à des fins dissuasives », une première dans les annales de la diplomatie américaine. D’autre part, la même administration a promis à Israël que la conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient, prévue en septembre prochain, serait tout bonnement annulée, si les participants maintenaient leur intention de faire du nucléaire israélien l’objet central de cette conférence qui, rappelons-le, était une idée américaine.
Mieux encore, l’administration Obama a regretté ce qu’elle a appelé son « erreur » d’avoir demandé à ce qu’Israël rejoigne le TNP et ouvre ses installations nucléaires à l’inspection de l’AIEA…
Comme si tout cela n’est pas assez, Obama s’est adressé aux Israéliens sur leurs chaînes de télévision pour les rassurer de son soutien indéfectible. Quand la journaliste Yonit Levy de la deuxième chaîne israélienne lui faisait part de l’ « anxiété » qu’il suscitait chez les Israéliens, Obama répondit que « ça s’explique par le fait que mon patronyme est Hussein, et cela crée la suspicion »…
Mais Obama se voulait plus rassurant et plus persuasif encore sur la deuxième chaîne israélienne : « Mon chef du personnel (à la Maison blanche) s’appelle Rahm Israel Emanuel, et mon plus grand conseiller politique est un descendant de survivants de l’Holocauste. Et mon étroite relation avec la communauté juive américaine est probablement ce qui m’a propulsé au sénat américain.»
La prudence américaine et les caresses dans le sens du poil continuent. A la question si les Etats-Unis vont presser Israël de prolonger le moratoire sur la colonisation qui se termine en septembre prochain, Obama n’a pas répondu. Il a tout simplement esquivé la question. En revanche, il a répondu avec empressement à la question de la journaliste israélienne s’il considérait Netanyahu capable de signer un accord de paix avec les Palestiniens : « Oui », Obama pense que « Netanyahu pourrait le faire ». Voilà, Netanyahu est, selon Barack Hussein Obama, un homme de paix, tout comme l’était Sharon, selon George Walker Bush…
Qu’est ce qui s’est passé entre les deux visites de Netanyahu chez Obama ? Rien, sinon qu’Israël a encore aggravé son cas en attaquant dans les eaux internationales la flottille de la paix et en tuant neuf personnes, dont un Américain d’origine turque. Pourquoi alors ce changement de 180° dans l’attitude du président américain vis-à-vis de Netanyahu ? Ce désir ardent de plaire aux Israéliens ? Ces appels du pied au Lobby ?
Une chose est certaine : Obama et ses conseillers ont clairement regretté l’accueil glacial réservé à Netanyahu en mars dernier et ont décidé de tout entreprendre pour lui faire oublier cette petite humiliation, tout en se fixant des lignes rouges à ne pas dépasser. Tout le monde a remarqué que l’équipe Obama n’a pas évoqué le moindre sujet de nature à déplaire aux Israéliens ou susceptible de froisser l’âme sensible de leur Premier ministre. Exit donc les questions relatives aux colonies et à l’attaque contre la flottille de la paix dans les eaux internationales, et place à la liste interminable des droits d’Israël et des devoirs des Etats-Unis à son égard.
La raison concrète de ce revirement de 180° ? Il reste moins que quatre mois aux élections de mi-mandat de novembre 2010 qui verront le renouvellement du tiers du sénat et de la totalité de la Chambre des représentants. L’administration Obama est visiblement inquiète du fait que plus cette échéance approche, plus la situation économique et sociale se complique et plus les chances des Républicains de rafler la mise se précise.
L’économie menace de sombrer dans la dépression, le chômage est en augmentation constante, des dizaines de millions d’Américains peinent à joindre les deux bouts ou à s’acquitter de leurs crédits bancaires, le Golfe du Mexique est sinistré par la plus grande catastrophe écologique de l’histoire, bref rien d’encourageant dans l’horizon.
Obama et ses conseillers ont donc dû se rendre à l’évidence qu’avec toutes ces perspectives plus sombres les unes que les autres, ils ne pouvaient pas se permettre d’avoir sur le dos le Lobby, compte tenu de son influence inégalable sur l’issue des élections américaines.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le processus de paix au Proche-Orient, le revirement de l’administration Obama prouve encore une fois que l’engagement américain est rythmé par les considérations de politique intérieure, plutôt que par les grands principes de justice, de paix ou de concorde internationale. En un mot, on n’est pas sorti de l’auberge. Mais au fait, sortira-t-on un jour de l’auberge ?

Thursday, July 08, 2010

La mission précise d'Avigdor Lieberman

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, n’a pas une très haute idée de son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. L’ancien videur de boîte de nuit, devenu ministre, a officiellement le titre mais, de fait, il n’a pas la fonction. Pour être franc, ce n’est vraiment pas une incongruité en Israël. Dans ce pays, n’importe qui peut devenir quelqu’un. Il suffit de créer un parti autour du thème « la terre appartient aux Israéliens et non aux Palestiniens », de faire des discours démagogiques, de défendre les colonies et de pourfendre les Arabes pour devenir une personnalité politique et influer sur les choix de l’Etat israélien.
L’exemple le plus parfait est celui d’Avigdor Lieberman qui, fatigué du travail ingrat de videur de boîte de nuit, a décidé de créer son parti « Ysrael Beitenu » (Israël notre maison), et, sans perdre trop de temps, il est devenu carrément ministre des Affaires étrangères. Mais ce changement radical dans la vie de l’émigré moldave n’a pas transformé, cela va sans dire, son excès de muscles en un trop plein de matière grise, comme il n’a pas cessé de le démontrer chaque fois qu’il ouvre la bouche.
Netanyahu, qui lui-même ne risque pas d’être étouffé par un excès d’intelligence ou de clairvoyance, n’a donc pas une très haute idée de son ministre des Affaires étrangères et il est en train de le marginaliser en lui retirant les dossiers les plus épineux. Mais il ne peut pas le « vider », pour ainsi dire, du gouvernement, car le Lieberman est le chef d’Ysrael Beitenu, troisième parti du pays, avec plus de poids que le parti travailliste, et par conséquent son renvoi pourrait déstabiliser tout le gouvernement, et peut-être même provoquer des élections anticipées que le Likoud n’est pas assuré de remporter.
Les deux sujets les plus urgents à traiter par la diplomatie israélienne actuellement sont les relations avec les Etats-Unis d’un côté et avec la Turquie de l’autre.
Le dossier des colonies et son implication sur les relations avec Washington est confié au ministre de la défense, Ehud Barak, qui est, semble-t-il, en pleine négociation avec les responsables américains sur le sujet. Mais là, Avigdor Lieberman ne se sent pas particulièrement humilié. Il est même un peu soulagé, car il aurait été un peu trop grotesque qu’un colon (Lieberman habite dans une colonie en Cisjordanie) soit chargé de négocier un dossier si délicat avec Washington. Les Américains, qui d’ailleurs ne veulent ni voir ni entendre parler de Lieberman, auraient pris cela pour une mauvaise plaisanterie.
Le dossier de la Turquie a été confié par Netanyahu à son ministre de l’industrie, Benyamin Ben-Eliezer, qui a rencontré secrètement, la semaine dernière à Bruxelles, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. Tout ministre des Affaires étrangères qu’il est, Lieberman a appris cela par la presse.
Mais si en tant que colon, il est soulagé de voir le dossier des colonies discuté par un autre avec Washington, en tant que ministre des Affaires étrangères, il est entré dans une fureur noire d’apprendre que pour ce qui est du dossier relatif à la Turquie, il a joué malgré lui le rôle de dindon de la farce. Dans un communiqué rendu public, Lieberman a considéré cela comme « une insulte et un coup dur pour la confiance entre le ministre des Affaires étrangères et le Premier ministre. »
Lieberman s’est ressaisi du dossier turc et est en train de le résoudre à sa manière en utilisant tous les moyens, sauf ceux de la diplomatie bien sûr. Pour lui, résoudre le problème qui empoisonne les relations turco-israéliennes, c’est répéter sur tous les tons et tous les fronts que ce n’est pas à Israël de s’excuser, mais à la Turquie, qu’Israël ne s’excusera jamais et ne paiera aucune compensation pour les neuf Turcs tués dans les eaux internationales par les commandos israéliens, que la Turquie menace l’existence d’Israël par son soutien aux activistes du bateau de la paix, et autres balivernes plus délirantes les unes que les autres.
Dans ce cas précis, Avigdor Lieberman est en train de se comporter comme quelqu’un chargé d’une mission précise : détruire le dernier lien qui lie encore Israël à la Turquie afin de parfaire l’isolement du pays dans la région du Moyen-Orient. Il y a un tiers de siècle, Israël était l’allié stratégique des deux plus grands et plus puissants pays du Moyen-Orient : l’Iran du Chah et la Turquie. Après avoir perdu l’Iran, les Israéliens sont en train de tout faire pour perdre encore la Turquie.
Le plus étonnant est que les Israéliens trouvent encore toute l’aide nécessaire de la part des Américains et des Européens pour poursuivre dans cette voie sans issue. Il n’y a qu’à entendre les critiques acerbes des congressistes américains et les menaces qu’il profèrent contre la Turquie, et les justifications qu’ils trouvent à l’attaque israélienne contre le bateau de la paix dans les eaux internationales. Ou encore les Européens qui s’inquiètent des nouvelles orientations de la Turquie qui « tourne son dos à l’Occident ». Encore une confirmation d’une vérité expérimentée depuis longtemps dans la région : quiconque demande des comptes à Israël doit s’attendre à voir ses relations avec l’Occident perturbées.
Tout se passe comme si plus Israël s’isole, plus il est soutenu par ses « amis » américains et européens. Le pacifiste israélien Uri Avnery a soutenu l’idée qu’il y a « des antisémites au pouvoir en Israël » qui oeuvrent pour la destruction du pays. Le soutien que ces destructeurs continuent de recevoir outre Atlantique et outre Méditerranée est pour le moins troublant.

Monday, July 05, 2010

Feindre d'avancer tout en piétinant sur place

En mars dernier, le vice président américain, Joe Biden, qui se qualifie lui-même de « sioniste », arrivait à Tel Aviv. En guise de cadeau de bienvenue, les Israéliens annonçaient une extension des colonies. Fureur à Washington, non pas parce que le gouvernement Netanyahu continue de déposséder les Palestiniens de leurs terres, mais pour l’humiliation infligée au numéro deux de l’exécutif américain et l’un des plus grands amis d’Israël.
Le même mois, Netanyahu était reçu à la Maison blanche. La blessure était encore vive et le chef du gouvernement israélien eut droit à un accueil glacial. Pas de photographes, pas de cameramen, pas de conférence de presse commune, pas de communiqué commun. La presse américaine, soucieuse de rester dans les bonnes grâces du Lobby, s’en était prise à l’administration Obama d’avoir osé traiter ainsi un si précieux allié comme s’il était « un dictateur du tiers monde »…
Ce qu’il faut noter ici, c’est que la fureur américaine de mars dernier n’avait rien à voir avec le problème de fond, c'est-à-dire la colonisation, mais avec le « timing » de l’annonce de l’agrandissement des colonies. Sachant cela mieux que tout autre, Netanyahu s’était alors excusé du « timing », et non du fond du problème. Car Israël ne s’excuse pas de la colonisation sans risquer de remettre en cause la nature même de son Etat. Un Etat colonial digne du XIXe siècle, mais qui n’a pas sa place au XXIe.
Entre temps, beaucoup de logements pour colons israéliens ont été construits sur des terres palestiniennes, et beaucoup d’expropriations ont été décidées, notamment à Jérusalem, sans que cela ne provoque le moindre émoi dans les cercles gouvernementaux américains.
Les relations semblent de nouveau au beau fixe, puisque Netanyahu sera accueilli aujourd’hui même à la Maison blanche, mais cette fois les photographes et les cameramen seront là et l’on aura même droit peut-être à une conférence de presse commune où l’on nous parlera encore une fois du désir ardent d’Israël de conclure la paix avec ses voisins, de la détermination des Etats-Unis à aider à la création d’un Etat palestinien et autres promesses de ce genre qui, bien entendu, n’engagent que ceux qui y croient…
Quels changements ont-ils eu lieu entre la rencontre de mars dernier et celle d’aujourd’hui à la Maison blanche ? Rien, sinon que la réalité sur le terrain s’est aggravée un peu plus, rendant encore plus difficile la création de l’Etat palestinien. Le président américain et le Premier ministre israélien ont-ils des choses si nouvelles et si importantes à se dire au point que cela nécessite le déplacement de celui-ci de Tel Aviv à Washington ? Il est permis d’en douter.
Netanyahu étant ce qu’il est, on peut être sûr que tout ce que va lui dire aujourd’hui Obama tombera dans l’oreille d’un sourd. Et les Etats-Unis étant ce qu’ils sont, on peut être sûr aussi que pas la moindre pression ne sera exercée sur le chef du gouvernement israélien pour qu’il accorde un peu plus d’importance à ce qu’on lui dit à Washington au cours de ses visites.
D’ailleurs la rencontre décisive de Netanyahu n’est pas celle qu’il va avoir le 6 juillet, avec Obama à Washington, mais celle qu’il aura le lendemain 7 juillet à New York avec le Lobby. Décisive dans le sens où le comportement de l’Etat israélien ne sera pas déterminé par ce qui va se dire à la Maison blanche entre Obama et Netanyahu, mais par ce qui se dira entre celui-ci et le Lobby.
Il y a tout lieu de croire que le Lobby s’appliquera à encourager Netanyahu à persévérer dans la stratégie israélienne qui se poursuit pendant des années et qui consiste à feindre le mouvement en avant, tout en piétinant sur place. En d’autres termes, Netanyahu sera encouragé à accélérer le rythme de la colonisation afin d’atteindre le but ultime recherché : rendre géographiquement, ou plutôt territorialement impossible la création d’un Etat palestinien.
Quiconque veut voir honnêtement et objectivement les choses telles qu’elles sont aujourd’hui, il ne peut que conclure qu’il y a bel et bien une course frénétique contre la montre qui se déroule aujourd’hui dans les territoires palestiniens occupés. Une course entre la colonisation rampante de la Cisjordanie et de la ville sainte de Jérusalem d’une part, et les pressions internationales en vue de la création d’un Etat palestinien d’autre part.
Jusqu’à présent, cette course est fondamentalement inégale. Elle ressemble à celle engagée entre un coureur dopé d’anabolisants et déterminé à gagner coûte que coûte, et un autre assez peu motivé et qui ne semble pas intéressé outre mesure par l’enjeu de la course.
Demain à New York, Netanyahu ira chercher les anabolisants chez le Lobby afin de doper encore plus les ardeurs colonialistes de son gouvernement, à supposer qu’elles aient besoin encore de dopage. Après avoir écouté les vœux pieux de la Maison blanche, il recevra les appuis et les soutiens les plus concrets du Lobby.
Il ne faut donc pas s’étonner d’entendre les responsables israéliens parler sur tous les tons de leur désir de paix. C’est pour faire patienter la galerie jusqu’au moment décisif, c'est-à-dire jusqu’au moment où le monde entier se rendra compte que les composantes fondamentales nécessaires à la création d’un Etat palestinien (le peuple et la reconnaissance internationale) sont bien là. Mais manque l’essentiel : le territoire.
Les Palestiniens sont les premiers à être conscients de cette triste réalité. Que peuvent-ils faire d’autre sinon refuser tout dialogue direct avec l’occupant qui continue d’avaler leur territoire un arpent après l’autre. Privés d’un si précieux partenaire sur leur scène théâtrale, les Israéliens remuent ciel et terre pour faire revenir les Palestiniens à leur rôle de dindon de la farce. Pour cela, Netanyahu n’a pas hésité à affirmer qu’il est prêt à se rendre à Ramallah. Mais il n’a pas précisé s’il exige le tapis rouge.

Saturday, July 03, 2010

Les deux mots que le monde entier attend

Il y a des pays si discrets, si pacifiques, si occupés à surmonter les problèmes de la vie quotidienne qu’on en entend rarement parler. Ils occupent une place très marginale dans l’actualité internationale et ne s’en plaignent pas. La Jordanie est un exemple type. Démunie de richesses minières et énergétiques, avec une population à 60% d’origine palestinienne, l’unique objectif que semble avoir la Jordanie est de compenser l’avarice de la nature à son égard par le travail et l’effort continus.
Si l’on examine l’actualité des quarante dernières années, on constatera que la Jordanie n’a été propulsée de manière spectaculaire sur la scène internationale qu’à deux reprises : en septembre 1970 lors de la confrontation sanglante entre l’armée jordanienne et les combattants palestiniens, et en octobre 1994 lors de la signature de l’accord de paix israélo-jordanien.
Pour Washington, c’est connu, la seule chose qui compte au Moyen-Orient, c’est la sécurité d’Israël. Par conséquent, pour la diplomatie américaine, il n’y a pas de pays arabes discrets ou pacifiques. Tous les Arabes sont suspects d’inimitié et de mauvaises intentions envers Israël, et il convient donc de les surveiller de très près. Aux yeux des Américains, l’accord jordano-israélien d’octobre 1994 ne change rien à l’ordre des choses, les Jordaniens sont tout aussi suspects que les autres et subissent actuellement de la part des Etats-Unis des pressions insolites, pour ne pas dire absurdes.
De quoi s’agit-il ? La Jordanie, on insiste, est dépourvue de la moindre ressource énergétique et ses finances subissent annuellement une véritable hémorragie rien que pour assurer les besoins du pays en électricité. Des milliards de dollars sont déboursés chaque année par le royaume pour acheter l’électricité. Et puis un jour, en 2007, c’est le soulagement. La Jordanie découvre quelque part dans son vaste désert une mine d’uranium qui contient 65000 tonnes du précieux minerai, classée 11eme dans le monde.
Quoi de plus naturel dans ces conditions que de s’engager dans la construction de réacteurs nucléaires, enrichir l’uranium et l’utiliser dans la production de l’électricité ? C’est ce que la Jordanie a fait en lançant un appel d’offres international pour la construction d’un réacteur de 1100 mégawatts, le premier d’une série de réacteurs qui permettraient dans un premier temps au pays de satisfaire ses besoins en électricité et, dans un deuxième temps, d’exporter l’énergie électrique à ses voisins, et ce ne sont pas les acheteurs qui manquent. Les Jordaniens commencent à rêver puisque non seulement ils feront l’économie de milliards de dollars en n’important plus d’électricité, mais ils vont, dans un proche avenir, engranger les devises en devenant exportateurs…
Tout allait bien jusqu’au jour où la diplomatie américaine fit irruption. La Jordanie est priée d’oublier ses mines d’uranium. En tant que signataire du traité de non prolifération, elle a le droit de développer un programme nucléaire civil, de construire un réacteur pour produire l’électricité, mais l’uranium enrichi nécessaire devrait être acheté sur le marché international et non produit localement. C’est en gros le message de la diplomatie américaine au royaume hachémite.
On comprend la fureur du roi Abdallah II. L’opposition américaine à ce que la Jordanie enrichisse elle-même l’uranium découvert dans son désert, équivaut à un blocage d’une importante perspective de développement pour le Jordaniens qui ont commencé à rêver d’une amélioration de leur niveau de vie. Les Jordaniens devraient rester dans l’état où ils sont parce qu’Israël a des insomnies chaque fois q’un pays arabe ou musulman se tourne vers l’énergie nucléaire.
Le roi Abdallah soupçonne Israël évidemment d’être derrière les pressions américaines, et ses soupçons sont parfaitement fondés. Car sans les jérémiades israéliennes, les Etats-Unis n’auraient même pas eu l’idée d’interpeller les Jordaniens pour la simple raison qu’ils ont décidé d’exercer un droit que le TNP accorde à tous les pays signataires.
Ces pressions américaines absurdes soulèvent plusieurs questions. Pourquoi refuser à la Jordanie le droit élémentaire d’enrichir à 20% son propre uranium, puisque que, en tant que pays signataire du TNP, toutes ses installations et activités nucléaires seront étroitement surveillées par les inspecteurs de l’AIEA ? Les diplomates américains chargés d’exercer ces pressions peuvent-ils développer sérieusement un seul argument pour soutenir une crainte quelconque que le programme nucléaire civil jordanien soit un jour détourné vers d’autres fins inavouables ? Plus clairement encore, quiconque doué d’un minimum de bon sens peut-il soutenir, sans se ridiculiser, que la Jordanie chercherait un jour à acquérir l’arme nucléaire pour menacer Israël ?
Mais la plus importante question est celle-ci : jusqu’à quand les Etats-Unis continueront-ils à accepter de se mettre dans les situations les plus embarrassantes chaque fois qu’Israël a des insomnies parce que tel pays ou tel autre décide de produire de l’électricité nucléaire ? Jusqu’à quand continueront à mobiliser leur machine diplomatique au service d’Israël chaque fois que ce pays crie au loup ?
Si les Etats-Unis avaient une juste évaluation de leurs propres intérêts et même des intérêts d’Israël, ce n’est pas à Amman qu’ils auraient dû envoyer leurs diplomates, mais à Tel Aviv. Car les véritables pressions, celles que la paix dans la région attend depuis des décennies ne sont pas celles que les responsables américains exercent actuellement sur le gouvernement jordanien, mais celles qu’ils n’ont jamais voulu exercer sur le gouvernement israélien.
Visiblement, pour les Etats-Unis, il est beaucoup plus facile de mener les guerres les plus sanglantes à 10.000 kilomètres de leur territoire, de détruire la vie de millions de personnes, de sacrifier leurs propres soldats et de gaspiller leurs finances publiques que de dire à Israël les deux mots que le monde entier attend : maintenant assez !!!