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Monday, November 30, 2015

"Le dirigeant le plus répugnant du monde"

Mardi 20 octobre, la tension dans les territoires occupés était à son comble et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu se préparait à s’envoler pour l’Allemagne. On ne sait quelle mouche l’a piqué, mais il a cru devoir dépoussiérer Hitler, la shoah et Haj Amin al-Husseini, le Mufti de Jérusalem dans les années 1920, dans une tentative absurde d’établir un lien de cause à effet entre le nationalisme palestinien et le massacre des Juifs d’Europe par les Nazis. La sortie de Netanyahu est en effet consternante : « Hitler n’avait pas l’intention d’exterminer les juifs », dit-il, « il voulait seulement les expulser ». Selon lui, Hitler avait pris la décision d’exterminer les Juifs après sa rencontre avec Haj Amin al-Husseini en novembre 1941 en Allemagne. Toujours selon Netanyahu, Husseini avait dit à Hitler « si vous les expulsez, ils viendront tous ici (en Palestine) ». Hitler demanda alors à son hôte : « Que dois-je faire d’eux [des juifs] ? » La réponse du Mufti : « Brûlez-les ». Cette sortie inattendue du Premier ministre israélien a poussé le journaliste new-yorkais Jack Mirkinson à le qualifier de « dirigeant le plus répugnant du monde ». Répugnant, Netanyahu ne l’est pas d’aujourd’hui, mais cela fait pratiquement 20 ans qu’il l’est. Plus exactement depuis 1996, date de son premier mandat de chef du gouvernement israélien. On ne compte plus les drames, les guerres, les morts et les colonies engendrés par sa politique catastrophique. On ne compte plus les coups bas et les félonies par lesquels il détruisait les multiples processus de paix entamés et les innombrables initiatives proposées et qui visaient à trouver une solution au problème palestinien. Furieux face à la nouvelle insurrection qui se développe dans les territoires occupés, écrasé sous le poids de la lourde haine qu’il voue aux Palestiniens, soucieux de l’impatience dont font preuve de plus en plus la plupart des pays du monde à l’égard d’un conflit interminable, Netanyahu a perdu les pédales en voulant donner au monde une nouvelle explication du conflit israélo-arabe. Pour lui, ce conflit dure non pas parce que l’armée israélienne occupe depuis 42 ans les territoires palestiniens, non pas parce tout un peuple est maintenu dans un état d’oppression et de colonisation, mais parce que les Palestiniens et non Hitler sont responsables de l’extermination de millions de Juifs. En d’autres termes, les Israéliens sont en perpétuelle légitime défense contre les descendants de ceux qui étaient derrière leur génocide. Voici le message avec lequel Netanyahu, dans un accès de délire, souhaitait faire barrage à la solidarité de l’opinion internationale avec la cause palestinienne. Il est vrai que Haj Amin al-Husseini était une figure centrale du nationalisme palestinien pendant le mandat britannique. Nommé Mufti d’Al Qods en 1921, il était un opposant virulent aux vagues successives d’émigrants juifs en Palestine. La propagande sioniste avait utilisé cette opposition radicale à l’émigration juive pour lui forger une réputation d’anti-juif et même d’antisémite, bien qu’il fût sémite lui-même. Mais de là à lui faire assumer la responsabilité de convaincre Hitler de commettre un génocide, c’est une supercherie et une grotesque distorsion de l’histoire. On ne peut pas dire que Netanyahu ignore l’histoire dans ses moindres détails d’un événement aussi tragique que la tentative d’extermination de son peuple. Il ne peut pas ignorer l’objectif déclaré de Hitler dès 1933 de vider l’Allemagne de ses Juifs et de la transformer en « pays aryen pur » (Judenrein) ; il ne peut pas ignorer les lois antisémites de Nuremberg qui interdisaient le mariage entre « Aryens » et Juifs ; il ne peut pas ignorer les attaques violentes, prélude à la déportation et au massacre, et qui avaient atteint leur paroxysme dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, baptisée « Nuit de Cristal », par allusion aux nombreuses vitrines brisées des commerces détenus par les Juifs ; il ne peut pas ignorer enfin le discours du Führer le 30 janvier 1939 devant le Reichstag et dans lequel il avait explicité ses menaces qu’il n’allait pas tarder à concrétiser : « Si la juiverie internationale devait réussir, en Europe ou ailleurs, à précipiter les nations dans une guerre mondiale, il en résulterait, non pas la bolchevisation de l'Europe et la victoire du Judaïsme, mais l'extermination de la race juive. » La supercherie de Netanyahu consiste en ce raccourci époustouflant par lequel il a tenté de diluer la responsabilité du régime nazi et de mettre en avant celle du Mufti de Jérusalem, suite à sa rencontre avec Hitler et dont il nous parle comme s’il y était présent. La sortie » de Netanyahu a provoqué un tollé général, y compris en Israël où le chef de l’opposition s’en est pris au falsificateur de l’histoire en ces termes : « Il n’y a qu’un seul Hitler, a-t-il martelé. Il est celui qui a écrit le livre écœurant "Mein Kampf", et en janvier 1939, soit trois ans avant sa rencontre avec Mohammed Amin al-Husseini, Hitler avait présenté la Solution finale devant le Reichstag ». Saeb Erekat, le numéro deux de l’OLP, a sans doute raison de réagir en ces termes : « le chef du gouvernement israélien hait à ce point son voisin au point qu’il soit disposé à absoudre le plus grand criminel de l’histoire, Adolf Hitler, du meurtre de 6 millions de juifs pendant l’Holocauste. » Oui, mais est-ce étonnant de la part du dirigeant le « plus répugnant du monde » ?

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