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Friday, July 18, 2014

Israël et la stupidité politique

Uri Avnery, le doyen des journalistes israéliens et le vétéran de la lutte pour la paix et pour les droits des Palestiniens, est, à 90 ans, toujours actif, dynamique et prolifique. Il n’a pas accès au « main stream media » en Israël et aux Etats-Unis, c’est évident, mais il arrive quand même à faire entendre tant bien que mal sa voix dans des médias à faible diffusion et à l’influence limitée auprès des publics américain et israélien. Cela fait soixante ans qu’il joue infatigablement le rôle d’« épine dans le pied des politiciens israéliens. » Son activisme, ses écrits, ses discours, ses positions claires et franches ont fait de lui l’ennemi irréductible des politiciens israéliens et l’ami fidèle de la plupart des politiciens palestiniens, à la tête desquels Yasser Arafat qui en avait fait son confident, surtout durant les années passées à Tunis où Uri Avnery était souvent invité par l’ancien leader palestinien. Dans toutes les guerres menées par l’armée israélienne contre le peuple palestinien, Uri Avnery a toujours pourfendu la politique de son pays et dénoncé le silence du monde vis-à-vis de ces atrocités, et surtout l’alignement des Etats-Unis en particulier et de l’Occident en général, derrière l’oppresseur. La guerre décidée en ce mois de juillet par Netanyahu, n’a pas échappé à l’ire du vieux journaliste. Il suffit de consulter ‘Counterpunch’, l’un des rares journaux américains qui lui ouvre ses colonnes, pour mesurer la fureur, la déception, l’amertume et le dépit ressentis par Uri Avnery chaque fois que l’armée de son pays s’en prend à coups de missiles lancés par des bombardiers F16 sur une population sans défense. Uri Avnery a une piètre idée des politiciens en général et de la classe politique de son pays en particulier. Dans l’un des ses articles intitulé « Le plus grand danger pour Israël est la stupidité de ses dirigeants, il écrit : « Le plus grand danger pour Israël n’est pas la prétendue bombe iranienne. Le plus grand danger, c’est la stupidité de ses dirigeants. Mais ce n’est pas un phénomène purement israélien. Une bonne partie des politiciens dans le monde sont et ont toujours été stupides. Il suffit de regarder ce qui arriva à l’Europe au mois de juillet 1914 quand une incroyable accumulation de politiciens stupides et de généraux incompétents plongea l’humanité dans la première guerre mondiale. Plus tard, Benyamin Netanyahu et, avec lui, la quasi-totalité de l’establishment politique israélien ont atteint de nouveaux sommets dans la stupidité. » (http://www.counterpunch.org/2013/11/29/the-greatest-danger-to-israel-is-the-stupidity-of-its-leaders/) En fait, il faut dire que Netanyahu et, avant lui, Begin, Shamir, Sharon et tous les autres n’ont pu atteindre ces sommets de la stupidité qu’avec l’aide massive et le soutien indéfectible d’autres establishments dont la puissance est inversement proportionnelle à l’intelligence. Car, comment peut-on expliquer par exemple qu’une superpuissance puisse se permettre d’aller à l’encontre de ses intérêts dans le seul but et de se soumettre aux caprices les plus fous d’un petit pays de cinq millions d’habitants, sinon par la stupidité politique ? On aurait salué bien bas cette superpuissance, si elle avait mis en danger ses propres intérêts pour voler au secours d’un petit pays victime d’injustice, d’agression ou d’occupation. Mais mettre en danger ses intérêts pour appuyer un pays qui occupe un autre depuis près d’un demi siècle, opprime son peuple et tue ses enfants, on reste pantois face à autant de stupidité et de cécité politiques. Après le départ, le 20 janvier 2009, du président « le plus stupide » de l’histoire américaine, le monde a poussé un immense soupir de soulagement et les horizons de l’espoir s’étaient brusquement élargis, surtout que la plus grande puissance du monde venait d’élire un président différent sur bien de plans de tous ceux qui l’ont précédé. Le Comité du Prix Nobel de la paix, probablement dans une tentative irrationnelle de manipuler le destin en faveur d’un monde moins violent, avait même pris l’incroyable décision d’accorder ce prestigieux prix au nouveau président avant même qu’il n’accomplisse la moindre petite action au bénéfice de la paix. L’espoir s’était renforcé après le fameux discours de Barack Obama à l’université du Caire le 4 juin 2009 dans lequel il a fait les promesses les plus alléchantes pour tous les assoiffés de justice, et en premier lieu les Palestiniens. Le monde n’a pas tardé à déchanter. En termes de politique moyen-orientale américaine, Obama a été prompt à se mettre sur la trace de ses prédécesseurs, prenant soin de ne jamais s’approcher des lignes rouges tracées par le puissant lobby israélien qui tient toujours le haut du pavé à Washington. Depuis qu’Obama est à la Maison blanche, l’armée israélienne a lancé sur la tête des Palestiniens des tonnes et des tonnes de bombes, tué et blessé des milliers d’innocents, sans que l’establishment washingtonien s’en émeuve. Pire encore, à chaque agression israélienne, une rivalité pathétique s’instaure entre les politiciens américains à qui soutient le plus Israël et à qui exprime le mieux son « droit à se défendre contre le terrorisme ». Alors que les bombes pleuvent sur Gaza, voici ce que l’on peut lire dans un article signé Barack Obama et publié par le journal israélien « Haaretz » le 8 juillet dernier : « Depuis Harry Truman (33e président 1945-1953) jusqu’à ce jour, les Etats-Unis ont toujours été le plus grand ami d’Israël. Comme je l’ai dit et répété, ni moi ni les Etats-Unis n’hésiterons jamais à assurer la sécurité d’Israël et de son peuple. (…) A Washington, les budgets sont très serrés, mais notre engagement pour la sécurité d’Israël demeure ferme. Les Etats-Unis sont engagés à verser 3 milliards de dollars par an jusqu’en 2018 afin d’aider Israël à financer sa sécurité. » La question qui se pose est pourquoi Obama qui termine son mandat dans deux ans, qui n’a plus le droit de se représenter et donc n’a aucun souci électoraliste, pourquoi donc ce président éprouve-t-il le besoin de se livrer à un exercice de flagornerie envers un pays de plus en plus abhorré dans le monde. Uri Avnery a sûrement une bonne réponse.