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Wednesday, November 22, 2006

Désastre à Abou Ghraib, de Hmida Ben Romdhane

DESATRE A ABOU GHRAIB, édité par GPLCOM, est dans les librairies depuis juin 2005. Il vous fait faire un voyage dans les dédales de la décision politique américaine et démonte les mécanismes de la conspiration dont a fait l’objet l’Irak.Ci-après la présentation de l’auteur et de son œuvre, suivie de la préface de l’éditeur, le Groupe de Presse Libre et Communication.
Présentation de l’auteur
Hmida Ben Romdhane est né en 1952 à Ksour Essaf, dans le Sahel tunisien. Titulaire d'un DESS en Sciences politiques à la Sorbonne, il est journaliste au quotidien «La Presse de Tunisie» depuis 1986. Toutefois, il a quitté momentanément «La Presse» à deux reprises. La première fois pour aller diriger à Marrakech le mensuel "Maghreb Magazine" (1993-1994), et la seconde pour s'engager dans une expérience de travail humanitaire avec le Comité International de la Croix Rouge (CICR) entre juin 1997 et juin 2001.Cette expérience enrichissante avec le CICR l'a mené, tour à tour, en Irak (deux ans) en Palestine (une année) et en Iran (trois mois). En tant que collaborateur du CICR, son travail a consisté essentiellement à visiter les prisonniers kurdes au Kurdistan irakien, les prisonniers étrangers à Abou Ghraib, sous Saddam Hussein, les prisonniers palestiniens détenus par l'Autorité palestinienne, ainsi que ceux détenus dans les différentes prisons israéliennes. Enfin, en Iran, il a participé au rapatriement de quelques milliers de prisonniers de guerre irakiens détenus depuis la guerre Iran-Irak.Par ailleurs, l’auteur a effectué de nombreux reportages pour le compte de «La Presse» aux quatre coins du monde (Etats-Unis, Japon, Pakistan/Afghanistan, Cambodge, Inde, Côte d’Ivoire, Bénin, ainsi que plusieurs pays arabes et européens).Au cours des deux années passées en Irak, l’auteur s’est fait des dizaines d’amis irakiens ; certains d’entre eux sont morts dans cette guerre dont les motivations sont analysées en profondeur dans ce livre.L’enquête menée par l’auteur démontre, documents et références à l’appui, qu’au-delà des tortionnaires impliqués, désormais aux mains de la justice, les vrais responsables de la torture des prisonniers irakiens d’Abou Ghraib sont de hauts fonctionnaires occupant des postes de responsabilité au ministère de la justice, au Pentagone et à la Maison Blanche. Ce sont eux qui ont enclenché la terrible mécanique.L’enquête démontre aussi, preuves à l’appui, que l’Irak était au point de mire des néoconservateurs américains, bien avant les attentats du 11 septembre 2001. Ces attentats étaient, en fait, une aubaine pour eux, dans la mesure où ils ont pu les doter de l’ennemi qu’ils cherchaient désespérément, et en fonction duquel ils avaient élaboré la doctrine qui manquait à l’Amérique depuis l’effondrement de l’Union soviétique. Cette nouvelle doctrine de la «guerre préventive», en les engageant dans un conflit armé sans issue, s’avèrera extrêmement dommageable à la fois pour la réputation des Etats-Unis et pour leur statut stratégique dans le monde.
Préface de l’éditeur
Scandaleux, inadmissible, inattendu de la part de l’Amérique des droits de l’homme, ce qui s’est passé dans la prison d’Abou Ghraib est-il le fait d’un dérapage conjoncturel bien circonscrit ou l’aboutissement inéluctable d’un processus ?Journaliste de carrière dirigeant le service «Monde» du quotidien tunisois «La Presse», Hmida Ben Romdhane a une bonne connaissance du terrain des événements. Les Etats-Unis d’Amérique, tout d’abord, dont il est un observateur attentif et qu’il a visités par deux fois. L’Irak, ensuite, et plus spécialement la prison d’Abou Ghraib elle-même, qu’il a inspectée plus d’une fois avec la Croix Rouge Internationale.Son livre «Désastre à Abou Ghraib» ne fera donc pas que s’indigner ou dénoncer un scandale universellement décrié. Bien au-delà de la simple condamnation, son ouvrage se présente comme la moisson d’une véritable enquête en profondeur sur les mécanismes intimes qui ont conduit, rouage après rouage, la patrie des droits de l’homme à ce désastre inédit qu’ont été les scènes inqualifiables d’Abou Ghraib.«Désastre à Abou Ghraib» est aussi, pour l’auteur, un bon prétexte le conduisant à l’origine du mal dont l’analyse va s’avérer complexe et problématique. Cette maladie causale, c’est la démarche des néoconservateurs américains, qui marque une véritable fuite en avant par rapport à l’approche séculaire des Etats-Unis en matière de politique internationale. Dans ses recherches, l’auteur a dû consulter plus de 10.000 pages de documents, de notes et de publications, dont il livre, ici, les détails les plus poignants. De même rapporte-t-il les révélations et les conclusions de trois rapports tout à fait officiels commandités par les autorités américaines.Parlant des néoconservateurs, Hmida Ben Romdhane écrit : «Les unilatéralistes étaient marginalisés sous les autres administrations, y compris sous celle de Reagan». expliquant que le groupe Wolfowitz était obsédé par l’idée de déloger Saddam Hussein, et fera tout pour convaincre Bush père. En vain. Ne lâchant pas prise, les néoconservateurs, allaient également adresser une lettre, dans le même sens, à Bill Clinton, une fois élu, où il était déjà question des fameuses «armes de destruction massive» de l’Irak. Parmi les signataires : Donald Rumsfeld, Richard Perle, Elliot Abrams, Richard Armitage… Des personnages qui allaient survivre à plusieurs présidents, avec toujours les mêmes idées en tête. Celles qu’ils finiront par faire prévaloir auprès de George W. Bush. «La dynamique interne de la politique américaine, la structure et la nature des groupes de pression et des acteurs influents à Washington, note l’auteur, à ce sujet, font que le processus de fabrication de la décision politique n’obéit pas toujours aux impératifs dictés par les intérêts américains».Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’empire soviétique, ces impératifs avaient perdu de leur clarté, car l’Amérique n’avait plus de grande stratégie à suivre. Les douloureux événements du 11 septembre 2001 allaient tout changer. Le 1er juin 2002, devant les élèves de l’école militaire de West Point, Bush enterre la bonne vieille doctrine de «la dissuasion et l’endiguement» et met en avant celle de «la guerre préventive». Le terrorisme international prenait la place de l’Union Soviétique. Mais, comme le fera vite remarquer Donald Rumsfeld, «à Kaboul, il n’y a pas de cibles à bombarder, il faut aller à Bagdad». Le désir de vengeance, un sentiment d’inachevé suite à la première guerre d’Irak, une irrésistible attirance qu’exercerait le pétrole du Golfe ou tout simplement une volonté de puissance inspirée par l’unipolarisme de fait ayant succédé à la guerre froide, nul n’est vraiment en mesure de dire quel facteur a été déterminant dans la décision de l’Amérique de partir en guerre contre l’Irak de Saddam. Mais, dans la tête de Condoleezza Rice, il est clair que «l’Irak pourrait être la clef du remodelage de toute la région» du Golfe et du Moyen-Orient. Là où l’Amérique de Bush entend imposer sa démocratie, les armes à la main.

Livre de Hmida Ben Romdhane



Monday, November 20, 2006

BUSH CHANGE DE CAP,MAIS N’EST-CE PAS TROP TARD ?


L'ère de l'arrogance est-elle révolue et Bush s'est-il décidé finalement à mettre de l'eau dans son vin ? S'il avait le choix, il ne l'aurait pas fait, bien sûr, mais il n'a plus le choix. En fait, bien avant la sévère défaite de son parti, il avait senti le vent tourner et a commencé à procéder à des concessions et à reconnaître les difficultés en Irak et les mécontentements vis-à-vis de sa politique exprimés par ses concitoyens. Même si une semaine avant de se débarrasser de son encombrant secrétaire à la défense, Ronald Rumsfeld, Bush promettait aux journalistes qu'il le garderait jusqu'à la fin de son mandat, le chef du Pentagone était déjà un homme bien affaibli politiquement et son autorité au ministère se réduisait comme une peau de chagrin. Il aurait même reçu des ordres d'éviter de se mettre dans les pattes de la Commission, présidée par Baker et Hamilton, puisque, selon le magazine Newsweek du 20 novembre, c'était l'une des conditions posées par James Baker pour donner son accord d'être le principal personnage de la Commission qui porte désormais son nom, même s'il la co-dirige avec l'ancien représentant démocrate, «le sage» Lee Hamilton.Un autre signe des difficultés que vit Georges W. Bush est qu'il ne compte plus seulement sur «le Père supérieur» dont il se targuait devant le journaliste et écrivain américain, Bob Woodward, de n'en référer qu'à lui, mais il s'est trouvé dans l'obligation de demander les conseils de son propre père qu'il boudait depuis des années, du moins en public. Selon Newsweek, le père Bush supportait de plus en mal de voir son fils dans une telle situation; Il ne pouvait donc pas rester les bras croisés. Apparemment c'est lui qui a convaincu son ami James Baker d'accepter d'être impliqué dans la recherche d'une solution qui permettrait à l'Amérique de sortir du bourbier irakien. Dans l'entourage de James Baker, on assure que celui-ci le fait non pas pour Bush, qu'il tient dans une piètre estime («il a pour principes Dieu et l'exercice physique» aurait-il un jour dit du président américain), mais pour le pays. C'est un peu le devoir national qui aurait convaincu un certain nombre de collaborateurs du père Bush, dont Baker, Scowcroft et Gates (l'ancien chef de la CIA au temps de Bush père et le remplaçant de Rumsfeld), de s'impliquer dans la recherche d'une solution pour l'impasse de l'Amérique en Irak.Les choses vont de plus en plus mal en Irak. Selon la presse américaine, le commandement militaire US en Irak est dans tous ses états. Il exige deux brigades immédiatement et 50.000 soldats supplémentaires plus tard pour tenter de contenir le feu de la guerre civile qui menace de consumer le pays tout entier. «De toute façon, ils n'ont pas le choix», explique Thomas Ricks, le correspondant militaire du Washington Post, qui a fait plusieurs fois l'Irak. «En l'état actuel des forces, l'Amérique ne peut ni rester ni se retirer. Elle se trouve face aux mêmes dilemmes classiques des tragédies grecques où le héros est confronté à deux choix, aussi terribles l'un que l'autre et dont il ne peut choisir aucun sous peine de sombrer dans la malédiction». Que peuvent faire Baker et ses amis pour sauver l'armée et l'âme de l'Amérique. Evidemment dans l'entourage de la Commission, on insiste que Baker, Hamilton et les huit autres membres n'ont pas de solution magique à proposer. Mais on insiste également que la Commission rejette aussi bien l'idée ressassée depuis des années par Bush consistant à «maintenir le cap» (stay the course), que l'idée d'un retrait immédiat (immediate withdrawl) demandé par certains démocrates.Les membres de la Commission ont été reçus par Bush la semaine dernière à la Maison Blanche. Rien n'a filtré de l'entrevue, et le black out continue à régner à Washington quant aux résultats des travaux de la Commission qui rendra ses recommandations dans les dix premiers jours du mois de décembre prochain.Cependant, les fuites étant inévitables, il semble que la proposition centrale que s'apprêtent à faire Baker et ses amis tourne autour de l'association de la Syrie et de l'Iran au processus de pacification de l'Irak. Cette proposition met Bush en porte-à-faux, lui qui a toujours pointé un doigt accusateur vers ces deux pays et juré ses grands Dieux qu'il ne négocierait jamais avec eux. Comme quoi, en politique, même quand on se prend pour l'homme le plus puissant de la terre et qu'on préside la plus grande puissance du monde, on ne peut pas toujours faire ce qu'on veut.Plusieurs commentateurs aux Etats-Unis et en Europe ont interprété le discours de Tony Blair, mardi, dernier, invitant à impliquer la Syrie et l'Iran dans une dynamique de paix au Moyen Orient, comme étant «le discours que la Maison Blanche ne peut pas faire». Blair a-t-il été chargé par l'Amérique de faire ce discours à la place de son ami Bush afin de préparer les opinions à un changement de cap dans la politique américaine dans la région? Beaucoup le pensent. William Pfaff, l'un des plus grands journalistes américains, n'a pas caché dans son dernier article, publié dans son site internet (www.williampfaff.com), la condescendance qu'il ressent vis-à-vis du premier ministre britannique. «Jusqu'à quand va-t-il rester aux ordres de Bush? Pourquoi ne prend-il pas ses distances et ne met-il pas au point une politique britannique indépendante de celle de Washington ? Pourquoi seulement maintenant a-t-il décidé de faire le discours qu'il a fait», étaient des questions qui tracassaient visiblement le journaliste américain et auxquelles il ne trouve apparemment pas de réponse. Pour William Pfaff, une chose est sûre, quelles que soient les conclusions et les recommandations que fera dans deux semaines la Commission, elles viendront trop tard. Un pessimisme tout à fait conforme à l'état de dégradation avancée de la situation en Irak.

18 Nov. 06

Thursday, November 16, 2006

Solidarité destructive

Par Hmida Ben Romdhane

Les peuples nordiques font rarement l’actualité. Ce sont des gens qui ont réussi, mieux que d’autres il faut dire, à résoudre les deux questions les plus épineuses qui se posent aux sociétés humaines: le problème du pouvoir et celui de la distribution des richesses. Depuis pratiquement la fin de la deuxième guerre mondiale, Danois, Norvégiens, Suédois et autres Finlandais vivent paisiblement même si, en termes de températures et de climat, ils ne sont pas particulièrement gâtés par la nature. Au plus fort de la guerre froide, et compte tenu de leur proximité avec le grand voisin soviétique, les pays nordiques avaient intelligemment réussi à ménager la chèvre et le chou et à s’assurer l’amitié bienveillante des uns et des autres. Quand on entend aujourd’hui les mots d’Helsinki ou d’Oslo, c’est la notion de paix qui surgit aussitôt dans la mémoire. La capitale finlandaise s’honorera toujours d’avoir accueilli la signature des accords soviéto-américains, tout comme sa jumelle norvégienne qui voit les accords israélo-palestiniens porter son nom, même s’ils n’ont pas encore abouti à la paix promise.
Cependant, nul n’avait imaginé un jour que de ces contrées paisibles sortira un jour « une crise mondiale » comme l’a qualifiée le premier ministre danois, M. Ramsussen. Depuis des semaines, un obscur journal de Copenhague, le Jyllands-Posten, fait la «une» de l’actualité mondiale. Non pas pour avoir lancé quelque initiative prestigieuse qui l’honore et le Danemark avec, mais pour avoir joué les apprentis-sorciers en publiant des caricatures insultantes pour le prophète Mohammed qui ont choqué des centaines de millions de Musulmans à travers le monde.
Pourquoi ce journal a-t-il choisi la voie de la provocation gratuite ? Pourquoi a-t-il jeté le Danemark dans l’une des plus graves crises que ce pays ait connue ? Les responsables de ce journal ne savaient pas que ces piètres dessins allaient choquer les Musulmans? L’auteur des caricatures blasphématoires, Christoffer Zieler, vient, dans une interview à l’agence Reuters, d’apporter la preuve que ces responsables savaient pertinemment ce qu’ils faisaient puisqu’ « ils avaient refusé en 2003 de publier des caricatures mettant en scène Jésus Christ parce qu’elles étaient choquantes pour les Chrétiens.»
Que voulait prouver le Jyllands-Posten en publiant ses caricatures ? Que la liberté de la presse est sans limites? Que l’irrévérence à l’égard de la foi des autres est un droit dont la remise en cause viole la sacro-sainte liberté de la presse ? Que le non respect des sensibilités religieuses de centaines de millions de personnes fait partie de l’exercice normal de l’activité de caricaturiste ?
Ce qu’il y a de grave dans cette affaire de caricatures, c’est l’intention délibérée et la volonté claire de cet obscur journal danois de présenter l’ensemble des Musulmans comme des terroristes et des candidats aux attentats-suicide. Si le caricaturiste avait mis en scène Ousama Ben Laden avec un turban sous forme de bombe, personne dans le monde musulman n’aurait prêté la moindre attention à son dessin. Si le Jyllands-Posten avait publié une caricature disons d’Aymen Dhawahri criant devant la porte du paradis : « Arrêtez vos attentats-suicide, on est à court de vierges », il serait resté ce journal obscur qu’il a toujours été. Mais en mettant le prophète au centre de ces caricatures bêtes et méchantes, le journal verse sciemment dans l’amalgame et suggère sournoisement l’idée que tous les Musulmans sont des terroristes et des candidats aux attentats-suicide, sachant que tous les Musulmans, du Maroc à l’Indonésie, s’identifient à Mohammed.
Ce qu’il y a de grave aussi dans cette affaire, c’est cette étrange solidarité que, au nom de la défense de la liberté de la presse, beaucoup de journaux européens et autres ont jugé nécessaire de manifester à l’égard du Jyllands-Posten. Celui-ci avait publié en septembre dernier les caricatures blasphématoires qui, à l’époque, étaient passées inaperçues de la grande masse des Musulmans. Mais elles avaient causé une grande émotion dans les chancelleries arabes et musulmanes à Copenhague, et elles étaient l’un des grands sujets de discussion parmi les responsables des 57 pays musulmans présents en décembre dernier à la Mecque dans le cadre du sommet de l’OCI, organisé par l’Arabie Saoudite. Dans le communiqué final de ce sommet, les chefs des Etats musulmans avaient exprimé leur « inquiétude face à la montée de la haine contre l’Islam et les Musulmans ; ils condamnaient le récent incident de profanation de l’image du prophète Mohammed dans les médias de certains pays, ainsi que l’usage de la liberté de la presse comme prétexte pour diffamer les religions ». Après ce sommet, plusieurs pays musulmans avaient intensifié leurs contacts avec le gouvernement danois pour le convaincre de prendre des mesures pour que de telles caricatures insultantes ne soient plus reproduites. Le journal norvégien, Magazinet, ayant eu vent de ces démarches et les ayant considérées comme « des pressions intolérables», décida de republier les caricatures (édition du 10 janvier) afin d’exprimer sa « solidarité » avec le Jyllands-Posten. Une solidarité qui s’avèrera destructive puisqu’elle a mis le feu aux poudres. Le journal norvégien (dont le rédacteur en chef a, par ailleurs, présenté hier vendredi ses excuses), sera suivi par d’autres dont le dernier est l’hebdomadaire français « Charlie Hebdo».
« Charlie Hebdo » a non seulement reproduit les douze caricatures, mais a ajouté une autre de son cru. Publiée à la couverture du journal, celle-ci traite tout simplement le milliard de Musulmans de « cons ». N’allons pas jusqu’à dire que l’hebdomadaire a fait son « coup » pour des raisons matérielles, même s’il a vendu pas moins de 400.000 exemplaires, chose qui ne lui était jamais arrivée depuis sa création. Mais si l’on s’étonne que des journaux respectables, en France et ailleurs, tombent dans le piège de cette solidarité destructive, la chose n’est guère surprenante de la part de Charlie Hebdo qu’on ne peut lire sans se pincer les narines. Et puis n’est ce pas les Français qui disent qu’ « être traité de con par des cons est une preuve d’intelligence»?

A peace initiative, once again

A new peace initiative has been annouced thursday 16 Nov. 2006 by some European countries. The details will be disclosed in December, at the EU meeting.
Italy, Spain and France adopted already the idea. Zapatero, the Spanish Premier said that "we can't continue to watch the horrors unfolding before us without doing anything. He cited the Israli bombing of Beit Hanoun which made 19 victims.
Let's hope this is not just another initiative that will be soon forgotten, as have been so many others.

Monday, November 13, 2006

The thirsty giant


Hmida Ben Romdhane




In October 2002, I attended a State Department sponsored program on "Policy making process" in the US with a number of fellow journalists from several countries. The bellicose propaganda was at its peak and the drums of war were deafening. One day by a sunny afternoon, as I was walking in M Street heading to Georgetown, I suddenly had a strange feeling of fear. Washington seemed to me at that moment as a giant in fury ceased by an intense need to crash something, to commit a folly.
The last day of this program, we gathered around a table and our American hosts asked each of us about our feelings and comments after three weeks passed in close contact with political and social life in America. As for me, I said that I was scared, and the only feeling I was going back home with was fear. Everybody was surprised to hear such an unexpected thing, except a Palestinian friend from Jerusalem who was also invited and who shared my feeling. Scared about what? About what the Bush team was preparing then for the Arabs.
The huge energy deployed by the neoconservatives and the American media to focus on the danger presented by Iraq, after having turned their back to Afghanistan and Al Qaida, didn’t aim to scare Saddam or make pressure on him, but to prepare the American public opinion for the war planned to uproot the political regime in Baghdad. This was clear for anyone visiting Washington in 2002, provided he or she had the basic skill to analyze the bush speeches of West Point or Cincinnati, the comments on Fox News about the aluminum tubes and the yellow cake from Niger, or the warnings of Condoleezza Rice on CNN against the terrifying “Mushroom Cloud” Saddam was purportedly preparing for his enemies.
As I was walking in M Street, the giant in fury appeared to me terribly thirsty. Thirst of revenge and thirst of oil. It was, in my view, the explosive combination of this double thirst that made the war inevitable, given the fact that the neoconservatives control all the aspects of the decision making process in Washington.
A country which saw nearly 3000 of its citizens killed in few minutes couldn’t help feeling an intense desire of revenge. Didn’t Donald Rumsfeld ask on 12 of September 2001 “if we can attack Iraq, because there are no valuable targets in Afghanistan?” The secretary of defense expressed simply then an overwhelming feeling in America’s heartland. On the other hand, a country which needs more than 20 million barrels a day for its cars, planes and factories, and at the same time sees with great concern its own crude-oil production winding down year after year, couldn’t help being obsessed by the idea of toppling an unfriendly regime which controlled the second oil reserves in the world.
The thirst of revenge has been satisfied with much bigger cruelty then needed. The average American in West Virginia, Ohio or Texas had his desire of revenge largely appeased by watching the terrible images of Abu Ghraib, Najaf or, more recently Falloudja that many consider already as the Arab “Guernica”. But by satisfying the thirst of revenge so cruelly, the GI’s fueled dramatically the insurgency and created a situation in which the appeasement of the thirst of oil becomes out of reach.
The combination of arrogance and incompetence displayed by the Bush administration made it impossible for America to win the hearts and minds in Iraq after having toppled a regime hated at home and abroad. Yet, it was not an impossible mission if the White House and the Pentagon had the cleverness: 1- to keep in place the Iraqi army and gain it to their cause by treating it respectfully and by increasing the salaries of its soldiers exhausted by the infernal years of Saddam’s wars; 2- to keep in place the hundreds of thousands of low ranking baathist bureaucrats in order to assure a continuity to the administrative management of the country and avoid the chaos and the high scale looting of private and public properties; and 3- to offer the Iraqis the opportunities to work and reconstruct their beleaguered country. Instead, the neoconservatives convinced that nothing can resist the US military might, have made the choice of brutal force and, thus, opened the way to the steady engulfment of America in Iraq.
The US can’t appease its thirst of Iraqi oil unless it assures three conditions: 1- the uprooting of the insurgency; 2- the installation of a number of powerful military bases in a pacified country; 3- the installation of an Iraqi government with no program of its own, but obsequious enough to implement the decisions taken in Washington and transmitted to him by the huge US embassy in Baghdad. These three conditions are undoubtedly at the heart of the Bush administration’s strategy. But it’s nothing more than a wishful thinking.
The US misadventure in Iraq showed the world that a country can possess a huge military might and, at the same time, remains frustrated by its inability to translate its wishes into reality. In other words America, which spends more than a billion dollars a day for its military and has the ambition to dominate the world by making the 21st century an American one, couldn’t carry out its program in a country on its knees by a series of destructive wars and more than a decade of suffocating sanctions.
If anything, the inability of Washington to implement its Iraqi agenda is not seen in many countries as a matter of concern. It is rather seen as a matter of relief and not only in the Arab and Moslem countries. When Richard Armitage told Al Djazeera that “France doesn’t want us to succeed in Iraq”, he was not exaggerating. One can hardly argue that M. Chirac spent sleepless nights because the American neoconservatives got trapped in the Iraqi quagmire. For the hardships America is facing in Iraq are good news for the multipolar world France is defending. The most relieved countries are of course Syria and Iran. It is not question here of schadenfreude, the bad joy the human being feels sometimes. But one needn’t to be an expert to understand that the security of the Syrian and Iranian regimes has been assured till now by the Iraqi insurgents.

Blanc bonnet, bonnet blanc?


Par Hmida Ben Romdhane



Mardi 7 Novembre, les Américains ont élu la totalité de la Chambre des représentants, un tiers du sénat, plusieurs gouverneurs, et ont en même temps approuvé ou rejeté plusieurs projets de loi relatifs à la vie sociale et économique. Après le vote, le soulagement était perceptible en Amérique pour deux raisons: d'abord la campagne électorale la plus nauséeuse de l'histoire du pays pendant laquelle les candidats se traînaient dans la boue et s'insultaient comme des charretiers a pris fin; ensuite, les résultats ont mis un terme à une longue domination du Congrès par le parti républicain, qui domine aussi l'exécutif depuis Janvier 2001, date de l'entrée de George Bush à la Maison Blanche.
Les Démocrates ont remporté la Chambre des représentants à une large majorité ; quant au sénat, le suspense entre les deux rivaux pour le second poste de sénateur, George Allen (Républicain) et James Webb (Démocrate) n'a duré que 24 heures. Ce dernier dépassait son rival de 7480 voix, ce qui représente 0,3% du total des suffrages exprimés, et donc le candidat républicain avait théoriquement le droit de demander un recomptage aux frais de l'Etat de Virginie. Selon la loi de cet Etat, quand la différence des voix départageant les candidats est moins de 0,5%, le recomptage exigé éventuellement par le candidat malheureux se fait aux frais du contribuable. Et si cette différence se situe entre 0,5 et 1%, le candidat qui conteste les résultats, pourra exiger un recomptage, mais à ses frais. Mais on n'en est pas là puisque après une valse-hésitation et des pressions exercées sur lui par la hiérarchie de son parti, le Républicain George Allen a fini par concéder la victoire à son rival démocrate, James Webb. Avec 51 sénateurs et une large majorité de représentants, les Démocrates ont donc reconquis les deux Chambres du Congrès, après plus d'une décennie de marginalisation.
Quelques heures après la confirmation de la victoire des Démocrates, le président américain a tenu une conférence de presse à la Maison blanche. Le changement de ton était saisissant. D'abord, juste une semaine après avoir annoncé avec son arrogance coutumière que "le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, restera à son poste jusqu'en 2009" (le second et dernier mandat de Bush se terminera le 20 Janvier 2009), il a annoncé à des journalistes médusés… la démission de ce même Rumsfeld. Ensuite, et alors que jusqu'à la dernière minute de la campagne électorale les Démocrates étaient traités de tous les noms "mous, alliés objectifs des terroristes, dangereux pour la sécurité de l'Amérique…), ils étaient devenus magiquement pour George Bush "les partenaires du pouvoir" auxquels il "tend la main", les invitant à "travailler ensemble".
Une journaliste lui a alors posé la question suivante: " Il y'a juste quelques jours, Nancy Pelosi (cheffe de file des Démocrates et probable prochaine présidente de la Chambre des représentants) vous a traité d'incompétent, de menteur et d'homme dangereux. Comment pouvez-vous travailler avec une femme qui vous manque tellement de respect?" Visiblement décontenancé, Bush, mettant en avant ses expériences électorales, a tenté d'expliquer la différence entre ce qui se dit dans les campagnes et ce que l'on doit faire une fois les urnes ont livré leur verdict. Il n'avait permis aucune autre question. Il avait mis fin à la conférence après cette question un peu brutale.
Mais au-delà de la campagne de très bas niveau, au-delà des blessures infligées, Démocrates et Républicains sont obligés de travailler ensemble. Il ne faut pas se faire trop d'illusions. Ceux qui s'attendent à des changements radicaux dans la politique étrangère américaine seront sans doute déçus. Les différences entre les deux partis sont si minimes que certains n'hésitent pas à soutenir sérieusement que l'Amérique est gouvernée par un parti unique comportant deux tendances rivales. Sans doute y'a-t-il des différences au niveau de la politique fiscale (les riches payent moins d'impôts quand les Républicains commandent) ou au niveau de la politique de sécurité sociale (les familles démunies sont mieux prises en charge quand les Démocrates sont au pouvoir), mais quand il s'agit de la politique étrangère, les différences s'estompent. Toutes les guerres commencées par un parti sont aussitôt adoptées par l'autre dès qu'il arrive au pouvoir. Que l'on pense à la guerre du Vietnam, ou encore à la guerre d'Irak. Le républicain Bush père a déclenché la guerre en 1991; le démocrate Clinton qui lui a succédé a étouffé le peuple irakien par les horribles sanctions pendant ses deux mandats successifs 1992-2000, sans compter les bombardements intermittents et même la guerre qui a duré quelques jours à la fin du mois de décembre 1998 ; et le républicain Bush fils a pris le relais et a détruit ce que sont père et Clinton ont épargné.
Tout ça pour dire qu'il ne faut pas s'attendre à un miracle en Irak parce que les Démocrates ont remporté les élections du 110eme Congrès des Etats-Unis.
Les Démocrates ne s'opposent pas à l'idée de la guerre en Irak, mais à la manière dont cette guerre est menée; ils n'ont jamais dénoncé les budgets militaires gigantesques qui atteignent aujourd'hui la somme faramineuse de 500 milliards de dollars par an, c'est-à-dire près d'un milliard quatre cent millions de dollars par jour, c'est-à-dire quelque 60 millions de dollars par heure et un million de dollars par minute. Voilà le budget du seul Pentagone sans que les Démocrates ne trouvent à redire. Le mot juste a été dit par Robert Kagan, un intellectuel américain qui vit à Bruxelles. Dans un article publié le 2 Novembre dernier dans le Washington Post, il a écrit:" Beaucoup à travers le monde se réjouiront la semaine prochaine à la défaite de Républicains. Ils doivent profiter de l'occasion et vite car, quand le rideau se lève, ils se retrouveront à nouveau en relation avec la même Amérique avec ses vertus et ses vices".