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Thursday, July 30, 2009

Le rêve irréalisable des Kurdes

Les craintes du chef du Pentagone Robert Gates de voir éclater une autre guerre civile en Irak, entre Arabes et Kurdes cette fois, sont sans doute fondées. Sa visite impromptue en Irak au début de cette semaine et son escale à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, où il a rencontré le chef kurde fraîchement réélu, Masoud Barzani, prouve que les Etats-Unis redoutent une nouvelle guerre civile alors qu’ils se préparent à retirer leurs troupes d’Irak après les avoir retirés des centres urbains irakiens.
En effet M. Gates n’a pas fait le voyage à Erbil pour féliciter les dirigeants kurdes de leur brillante victoire électorale, mais pour « pousser à la réconciliation » entre Arabes et Kurdes. En d’autres termes, il est vital pour le Pentagone, pour des raisons évidentes, que ceux-ci n’en viennent pas aux mains et résolvent leurs différends par la voie du dialogue et la négociation.
Les différends entre le gouvernement régional du Kurdistan et le gouvernement central irakien sont profonds et complexes. Ils nécessitent beaucoup de bonne volonté et de sagesse de part et d’autre, et surtout de la part des Kurdes, pour que la voie de la négociation prévale.
Il faut rappeler ici que les Kurdes ont mis à profit la guerre de 1991 et celle de 2003 contre Saddam Hussein pour engranger des bénéfices substantiels. Ces deux guerres étaient deux divines surprises pour la classe politique kurde dans la mesure où elles leur a permis de réaliser ce qu’ils n’avaient pu faire à travers la longue et éprouvante guérilla déclenchée par Mustapha Barzani, le père de Masoud, contre le gouvernement central de Bagdad dans les années soixante du siècle dernier.
Pendant les guerres de 1991 et de 2003, la classe politique kurde, mobilisée au sein des deux partis politiques, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Masoud Barzani, et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani, a fait le choix de s’allier avec les forces américaines contre le pouvoir de leur pays. Les Peshmergas (milices armées kurdes) ont joué un rôle dans le renversement du régime de Saddam Hussein en prêtant main forte à l’armée américaine.
Si leur alliance avec les Américains pendant la guerre de 1991 leur permis de s’autogouverner dans les trois gouvernorats du nord (Erbil, Dohuk et Suleimanyeh), leur alliance avec eux pendant la guerre de 2003 leur a permis d’étendre leur sphère d’influence vers le gouvernorat de Kirkuk et une partie des gouvernorats de Naïnawa et de Diyala. La superficie de la zone autonome kurde est donc passée de 40.000 Km² en 1991 à 75.000 km² actuellement.
Avec la complaisance américaine, cet élargissement s’est fait aux dépens de milliers de citoyens arabes et turkmènes expulsés de Kirkuk sous prétexte que c’est Saddam qui les avait fait venir dans le cadre de sa « campagne d’arabisation » de cette « ville kurde ». L’élargissement s’est fait aussi aux dépens du pouvoir central irakien qui a vu son autorité réduite à néant à Kirkuk et partagée avec le gouvernement régional kurde à Naïnawa et à Diyala.
En temps normal, les Kurdes n’auraient jamais été capables de « récupérer » Kirkuk et ses richesses pétrolières. Ils ont pu le faire en exploitant les difficultés du gouvernement central irakien alors en pleine guerre contre les groupes armés. La question qui se pose est la suivante : une fois la guerre civile terminée et les forces armées irakiennes débarrassées du poids de l’insurrection, le gouvernement central de Bagdad se pliera-t-il au fait accompli kurde et abandonnera-t-il Kirkuk et ses fabuleuses réserves de pétrole ?
La réponse est non pour une raison très simple. Aucun gouvernement au monde ne laissera un groupe ethnique minoritaire ne dépassant guère le quart de la population totale faire main basse sur la moitié des richesses pétrolière du pays. Certes les Kurdes sont les alliés des Américains qui, un jour ou l’autre partiront. Ils se retrouveront alors avec des alliés loin de 10.000 kilomètres, mais avec leurs voisins de toujours, c’est à dire Bagdad, Damas, Ankara et Téhéran. Quelles que soient les différences qui séparent ces quatre capitales, elles sont d’accord sur un point capital : pas de pétrole entre les mains des Kurdes et encore moins un Etat indépendant. Car la Turquie, l’Iran et la Syrie ont aussi leurs propres minorités kurdes qui rêvent d’indépendance. Et un Etat kurde indépendant veut dire l’amputation des quatre pays en question d’une portion plus ou moins importante de leurs territoires, et ceci ni Bagdad ni Ankara ni Téhéran ni Damas ne sont prêts à accepter.
Un Etat kurde indépendant relevant du rêve irréalisable, les autorités kurdes irakiennes ne peuvent pas espérer plus que l’autonomie dont ils jouissent aujourd’hui. Tant que les Américains sont là et tant que le gouvernement central irakien est absorbé par la lutte anti-insurrectionnelle, les Kurdes peuvent étendre leur autorité au-delà des trois provinces d’Erbil, de Dohuk et de Souleimaniyeh, et même vendre le pétrole de Kirkuk directement aux compagnies étrangères. Mais après 2011, le retrait américain, la mise au pas de l’insurrection et le renforcement des capacités militaires du gouvernement central engendreront inéluctablement un changement brutal dans le rapport de forces en défaveur des Kurdes. Ils n’auront alors guère le choix que de négocier et de faire des compromis. Tout recours à la violence pour garder les territoires et les richesses acquises à la faveur de l’invasion américaine en 2003 provoquera une guerre avec le gouvernement central de Bagdad que les Kurdes n’ont aucune chance de gagner.

Wednesday, July 29, 2009

Théâtre surréaliste et ennuyeux

La colonie de Kiriyat Arba (littéralement Village Quatre en hébreu) qui surplombe la ville palestinienne de Hébron (Al Khalil) au sud de la Cisjordanie, renferme les colons les plus agressifs, les plus fanatiques et les plus irrationnels. C’est d’ailleurs le rabbin de cette colonie, Eliezer Waldmann, qui a mené la manifestation des colons lundi à Jérusalem contre le président américain Barack Obama nommément.
Ses diatribes contre Obama, qualifié au passage de « raciste », étaient de la musique aux oreilles des colons fanatisés à l’extrême. « Comment ose-t-il (Obama) dire où les juifs doivent et ne doivent pas habiter ? Obama attention, cette insolence va provoquer la désintégration de la superpuissance américaine », s’époumonait le rabbin de Kiriyat Arba, surchauffant le millier de colons qui traitaient eux-mêmes le président américain de tous les noms et invitaient son envoyé spécial, George Mitchell, à rentrer chez lui.
Ils n’ont pas encore affublé Obama de l’uniforme SS, comme ils l’ont fait pour Arafat et Rabin, mais cela ne saurait tarder. L’Amérique et son président sont devenus les ennemis à abattre parce qu’il a été demandé au gouvernement israélien de simplement geler la construction des colonies. Qu’arrivera-t-il alors le jour où l’Amérique demandera ce qu’elle aurait dû demander depuis des décennies, c'est-à-dire le démantèlement de toutes les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-est et le transfert des 400.000 colons à l’intérieur d’Israël ?
Ce à quoi nous assistons depuis des décennies ressemble à une pièce de théâtre surréaliste et extrêmement ennuyeuse par son caractère répétitif. Les administrations américaines successives, chaque fois qu’elles sont d’humeur « combative » demandent gentiment le gel des projets de construction de nouvelles colonies. Les gouvernements israéliens successifs écoutent poliment les requêtes américaines, perçoivent annuellement la taxe de 3 milliards de dollars imposée au contribuable américain et allouent une bonne partie de cette somme à l’extension des colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-est.
Depuis les accords d’Oslo de 1993 qui interdisaient toute nouvelle construction de colonies, le nombre de colons dans les territoires occupés a plus que doublé ainsi que le nombre de maisons les abritant évidemment. Depuis cette date jusqu’à ce jour le débat n’a jamais porté sur autre chose que sur le « gel » de la construction des colonies. Imaginez un débat autour du fait qu’un voleur puisse garder ce qu’il a volé, mais il est prié seulement d’arrêter de subtiliser d’autres biens ! Surréaliste n’est-ce pas ? C’est, en substance, ce qui se passe avec Israël. Aucune puissance, aucune instance ou autorité politique ou morale internationale n’a demandé sérieusement à Israël de rendre les terres qu’il a volées et de ramener ses colons à l’intérieur de ses frontières du 4 juin 1967.
On ne peut pas préserver le sentiment de sécurité et de tranquillité parmi les citoyens en priant le voleur de geler son activité illicite, mais en le traînant en justice et en le forçant à rendre les objets volés à leurs propriétaires. De même, on ne peut pas assurer la paix et le sécurité dans la région du Moyen-Orient en demandant une fois ou deux par an à Israël de geler la construction des colonies, tout en continuant à le faire bénéficier d’un statut très particulier. Statut qui lui permet d’être l’unique pays au monde de tuer, détruire, voler des terres et refuser de les rendre sans pour autant faire l’objet de la moindre sanction ou de la moindre menace sérieuse qui le dissuaderait de se comporter en bandit déchaîné.
Cette fois, le ciel semble tomber sur la tête des colons et du gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu parce que Barack Obama a insisté un peu plus que ses prédécesseurs sur le gel de la colonisation. Depuis 1956 quand Eisenhower frappa fort sur la table en ordonnant l’arrêt de l’agression tripartite anglo-franco-israélienne contre l’Egypte, aucun président américain n’avait osé donné un ordre semblable pour qu’Israël arrête son banditisme militaire qui est devenu sa principale caractéristique aux yeux du monde. Pire encore, non seulement l’Amérique ne faisait rien pour raisonner son « allié stratégique », mais chaque fois qu’il y’ait une timide tentative au conseil de sécurité de l’ONU pour demander des comptes à Israël, le veto américain surgit automatiquement récompensant l’agresseur, tournant le dos à l’agressé et frustrant tous ceux et celles qui rêvent d’un règlement juste au Moyen-Orient.
Le président Obama ne peut ignorer que l’histoire n’honore que ceux qui se tiennent du côté de la justice. Il ne peut ignorer que seul Eisenhower a fait plier Israël en lui donnant l’ordre d’arrêter son agression contre l’Egypte et que, un demi siècle plus tard, on se rappelle toujours de lui avec respect, contrairement aux Johnson et autres George W. Bush. La meilleure voie à suivre est donc évidente. Il a une occasion unique d’entrer dans l’histoire du Moyen-Orient par la grande porte.
Mais il faut insister ici que le meilleur moyen de rater cette occasion, c’est de continuer comme par le passé d’exiger mollement le gel de la colonisation. Le fond du problème n’est pas de convaincre Israël et les Israéliens de la nécessité d’arrêter de construire de nouveaux logements pour colons en Cisjordanie et à Jérusalem-est, mais de leur faire comprendre que tout ce qui a été construit depuis 1967 jusqu’à ce jour est illégal et en contradiction flagrante avec la loi internationale et la quatrième Convention de Genève. Bien sûr tout cela a été dit et redit et Israël en a toujours ri aux éclats. Brandir la loi internationale sans se donner les moyens de punir ceux qui la violent est la meilleure recette pour l’aggravation des crises internationales. Les Palestiniens, pour ne citer qu’eux, continuent de payer de leurs vies et de leurs biens l’incapacité de la société internationale d’appliquer le chapitre VII de la Charte de Nations Unies, seul moyen de mettre fin une fois pour toutes manu militari aux crimes de guerre israéliens dont les colonies ne sont pas le moindre.

Monday, July 27, 2009

Doutes sur l’identité de l’éventuel futur agresseur

Le travail a été un peu bâclé dimanche dernier. David Gregory, l’animateur du célèbre programme de la chaîne NBC « Meet the press », a posé des questions plus ou moins pertinentes à son invitée Hillary Clinton qui a répondu de manière plus ou moins convaincante sur divers sujets, sauf sur le dossier iranien. Ses réponses sur la question du nucléaire iranien ont reflété l’indécision de l’administration américaine et son incapacité à mettre en œuvre une politique claire, rationnelle et volontariste vis-à-vis de l’Iran.
Sûre d’elle, du moins en apparence, Mme Clinton a joué la fermeté en affirmant : « ce que nous voulons faire c’est envoyer un message à ceux qui ont pris ces décisions pour leur dire que si vous développez votre programme nucléaire dans le but d’intimider ou de faire étalage de votre force, nous n’allons pas permettre que cela arrive. »
David Gregory est passé à autre chose en laissant passer une belle occasion de souligner l’absence de stratégie envers l’Iran. Il n’a pas eu l’idée ou le réflexe ou le désir de rappeler à la secrétaire d’Etat la déclaration qu’elle avait faite la semaine dernière en Thaïlande à l’occasion du sommet sur la sécurité au cours duquel elle a soulevé la possibilité de mettre en place « un parapluie de défense sur le Moyen-Orient afin de protéger les autres nations d’un Iran détenteur de l’arme nucléaire ».
Ainsi, après avoir considéré déjà la détention de l’arme nucléaire par l’Iran comme une réalité inévitable et proposé d’ouvrir son « parapluie protecteur » pour protéger les amis de l’Amérique, Mme Clinton est revenue quelques jours plus tard à la position traditionnelle que Washington a toujours réaffirmé depuis le temps de Bush fils : ne jamais permettre à l’Iran de posséder l’arme nucléaire.
En mai dernier on avait cru à un réel changement dans la politique de la Maison blanche sur cette question quand la sous-secrétaire d’Etat américaine, Rose Gottemoeller, parlant dans une conférence sur le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP) a dit ceci : « L’adhésion universelle au TNP, y compris par l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du nord demeure un objectif fondamental des Etats-Unis ». Il faut rappeler ici que Mme Gottemoeller avait alors inclus Israël sans qu’il y’ait la moindre coordination avec les responsables de la question nucléaire à Tel Aviv qui, se lamentaient-ils, l’avaient « appris dans les médias ».
C’était la première fois, en effet, depuis l’administration Kennedy au début des années 60 du siècle dernier, que le département d’Etat se réfère à Israël en tant que pays nucléaire qui doit adhérer au traité de non prolifération, et donc s’ouvrir à l’inspection de l’AIEA à laquelle sont soumis 189 pays signataires du traité de 1970.
Avec du recul, on est bien obligé de constater que la déclaration de Mme Rose Gottemoeller ne constituait en rien un changement dans le sens d’un rééquilibrage de la position américaine vis-à-vis de la question nucléaire dans la région du Golfe et du Moyen-Orient, mais plutôt une déclaration circonstancielle sans suite.
Il est difficile de croire que la sous-secrétaire d’Etat ait pris seule l’initiative d’inclure Israël dans la liste des pays devant signer le TNP sans l’aval de la Maison blanche. La sensibilité du sujet est telle aux Etats-Unis que Mme Gottemoeller aurait été aussitôt dénoncée et relevée de ses fonctions. Mais cet épisode révèle sans le moindre doute la lutte au sein de l’establishment américain entre ceux qui désirent traiter Israël comme n’importe quel autre pays dans le monde et ceux qui placent les intérêts israéliens au dessus des intérêts américains eux-mêmes.
Visiblement le vice président Joseph Biden et la secrétaire d’Etat Hillary Clinton font partie de la seconde catégorie. Il y a trois semaines le vice président américain est allé jusqu’à justifier une éventuelle attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes. Interrogé le 6 juillet par George Stephanopoulos sur ABC, Joseph Biden a été d’une clarté limpide. Israël fait face à une « menace existentielle » et « on n’a pas le droit de s’opposer à la décision d’une nation souveraine de se défendre », c'est-à-dire de bombarder l’Iran.
Le cafouillage qui a suivi et l’embarras dans lequel Biden a mis l’administration qu’il vice-préside est révélateur de ce bras de fer auquel se livrent les deux tendances de l’establishment américain au sujet de la question nucléaire iranienne et de la nécessité ou non de la lier à la question nucléaire israélien.
En effet, il n’y a aucun doute qu’au sein de cet establishment il y a des hommes et des femmes qui veulent servir les intérêts de leur pays et les impératifs du droit et de la justice avant les intérêts d’Israël. Il y a des hommes et des femmes qui éprouvent un malaise évident en voyant leur pays remuer ciel et terre face à un pays qui est encore au stade de l’enrichissement de l’uranium et tourner le dos à celui qui possède 200 têtes nucléaires et les fusées nécessaires pour les livrer à n’importe quel pays qu’Israël considère comme ennemi.
Mme Clinton dans son intervention en Thaïlande a supposé déjà que l’Iran détiendra l’arme nucléaire et a proposé le déploiement du « parapluie de défense » pour protéger les « amis » de l’Amérique. Elle a du coup désigné l’éventuel futur agresseur et les éventuelles futures victimes à protéger. Seulement, il n’est pas sûr que les éventuelles victimes que Mme Clinton veut protéger soient d’accord avec elle sur l’identité de l’éventuel agresseur. Celles-ci ont plus de raisons de craindre Israël dont la réputation d’agresseur est bien établie depuis plus de six décennies et qui plus est assis sur 200 têtes nucléaires, plutôt que l’Iran qui, d’après l’AIEA, ne possède pas l’ombre d’une arme nucléaire et qui plus est n’a jusqu’à ce jour agressé personne.

Wednesday, July 01, 2009

L'aide américaine à Israël: Washington dans l'impasse

D’habitude, l’octroi de l’aide américaine annuelle à Israël est une formalité qui passe inaperçue parce qu’elle relève de la routine et emprunte des circuits si bien huilés qu’elle n’a jamais rencontré de problèmes. Cependant, le 17 juin dernier, après que le gouvernement des Etats Unis ait déposé pour approbation au Congrès le projet d’aide à Israël pour l’année 2010 d’une valeur de 2, 775 milliards de dollars, des groupes de pression anti-guerre ont bougé pour tenter de provoquer une suspension de cette aide ou au moins sa subordination à la non utilisation par l’armée israélienne d’armes américaines qui ont tué pas moins de 3000 Palestiniens durant les deux mandats de George W. Bush.
La démarche des groupes anti-guerre était inhabituelle. Le sous-comité de l’aide étrangère au Congrès était si surpris et embarrassé qu’il ne savait pas trop que faire. Les plus pro-israéliens, et ils sont nombreux pour ne pas dire légion, au Congrès ont dû être excédés, car, si celui-ci ne peut plus approuver tranquillement et discrètement l’aide rituelle à Israël, cela veut dire qu’il y a un problème et que l’Amérique commence à perdre ses repères.
Finalement, le sous-comité trouva la solution : s’engouffrer dans uns salle minuscule au Congrès, histoire d’empêcher (faute de place) les témoins, les journalistes et les représentants des groupes anti-guerre d’assister aux « discussions » qui précèdent la formalité d’octroi de l’aide à Israël.
Le sous-comité en question a plusieurs raisons de vouloir expédier rapidement et discrètement cette tâche annuelle d’octroi de l’aide du contribuable américain à Israël et qui s’élève environ à quelques 500 dollars par an pour chaque Israélien, homme ou femme, jeune ou vieux, soldat ou étudiant orthodoxe, résident de Tel Aviv ou colon harceleur de Palestiniens en Cisjordanie.
La première raison est que, le niveau de vie des Israéliens n’étant pas très différent de celui des Américains, l’aide est de plus en plus perçue au mieux comme une absurdité, au pire comme un pillage du contribuable américain au profit du citoyen israélien qui, de toute manière, s’en tire incomparablement mieux que les dizaines de millions d’Américains qui vivent au dessous du seuil de pauvreté. Et par les temps qui courent, cet argent serait mieux utilisé s’il allait vers les déshérités du Bronx ou les quartiers pauvres de l’Oklahoma.
La deuxième raison est que l’argent américain ne sert pas à acheter de la nourriture ou à construire des routes, mais à acheter des armes américaines parmi les plus sophistiquées et les plus meurtrières et qui servent à tuer les Palestiniens et les Libanais. Sans parler qu’une partie de cet argent va dans les caisses des entrepreneurs qui construisent sans relâche depuis 40 ans des colonies illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
La troisième raison est que les amendements Symington et Glenn à la loi sur l’aide étrangère interdisent formellement tout soutien financier ou militaire américain aux pays non signataires du traité de non prolifération (TNP) et disposant de la bombe nucléaire. Et Israël est précisément le seul pays dans ce cas dans cette immense région qui s’étend du Maroc à l’Iran.
La quatrième raison est que le monde entier est en train de suivre très attentivement la partie de bras de fer qui se joue entre l’administration Obama et le gouvernement Netanyahu au sujet de l’exigence américaine du gel de la construction de nouvelles colonies. Méprisant cette demande de son bienfaiteur, Israël vient de décider l’élargissement massif de la colonie Adam à proximité de la ville de Ramallah où, a confirmé lundi le ministère israélien de la défense, il a été décidé de construire 1450 nouveaux logements pour colons. Ce défi est évidemment embarrassant non seulement pour l’administration Obama qui a décidé d’une aide de 2, 775 milliards de dollars, mais aussi pour le sous-comité chargé de la formaliser.
Enfin, et là c’est une ironie que beaucoup d’Américains ressentent très mal, une partie de cet argent, plus ou moins importante, revient de diverses manières aux Etats-Unis et tombe dans l’escarcelle du Lobby qu’il utilise dans le chantage routinier auquel il soumet les candidats à des postes de responsabilité à Washington. Et il n’est pas exclu non plus qu’une partie de cet argent soit utilisée pour les opérations d’espionnage que mène agressivement Israël aux Etats-Unis pour collecter les secrets de toutes sortes, et en particulier ceux relatifs à la stratégie américaine, l’industrie d’armement, la science et la technologie de pointe.
Avec cette question d’aide financière massive à Israël, les Etats-Unis se sont volontairement enfermés dans une impasse dangereuse. Ils se sont mis dans une étonnante position où ils violent leurs propres lois et minent leurs propres efforts tendant à faire régner la paix dans la région, tout en feignant de ne rien voir. En effet, tous les chèques signés au Congrès au nom d’Israël l’ont été en violation des lois américaines relatives à l’octroi de l’aide étrangère. Tout l’argent transféré massivement des Etats-Unis vers Israël a servi à surarmer ce pays, à gonfler démesurément son ego, à aiguiser son agressivité et à alimenter son inflexibilité. Il est donc normal que jusqu’à ce jour aucune initiative de paix n’a abouti et que les efforts américains pour résoudre le conflit du Proche-Orient ont toujours emprunté les circuits circulaires qui ne mènent nulle part.