airelibre

Wednesday, January 28, 2009

Un tabou en lambeaux

Il est vrai que le complexe de culpabilité des Européens envers les Juifs et leur consternation devant l’holocauste n’étaient pas suffisamment puissants au point de leur donner, en guise de réparation, une province allemande, la Bavière par exemple, pour y établir un Etat. Ils ont choisi de réparer une injustice par une autre et, en dépossédant un peuple de sa terre et en le transformant en groupes de réfugiés disséminés un peu partout au Moyen-Orient, ils ont fait de cette région une poudrière qui, depuis plus de soixante ans, ne cesse de mettre la paix du monde en danger.
Ce qui est étonnant, c’est que la dépossession du peuple palestinien de sa terre et l’établissement de l’Etat juif n’ont pas suffi à déculpabiliser les Européens et leurs cousins d’Amérique. Bizarrement, ils ont continué durant plus de soixante ans à porter sur leurs épaules le fardeau d’une culpabilité envers les Juifs que ceux-ci n’ont pas perdu de temps à transformer en avantages politiques et financiers faramineux aux dépens des Arabes en général et des Palestiniens en particulier. Ils ont poussé l’exploitation du complexe de culpabilité jusqu’à imposer à de nombreux pays européens la criminalisation du négationnisme, c'est-à-dire l’adoption de lois permettant la poursuite pénale de tous ceux qui nient l’holocauste, et même ceux qui simplement mettent en doute le chiffre de 6000.000 de morts dans les camps de concentration de Hitler.
Ce qui est étonnant, c’est que la dépossession des Palestiniens de leurs terres et le calvaire biblique qu’ils continuent de vivre depuis plus de soixante ans n’a pas généré le moindre sentiment de culpabilité chez les Européens. Certes, ils aident financièrement les Palestiniens, mais le complexe de culpabilité qu’ils continuaient de nourrir envers les Juifs les empêchait de se ranger du côté de la justice, et de se plier aux impératifs élémentaires de la morale qui veut que l’on soutienne les victimes contre les bourreaux.
Depuis les horribles événements de Gaza, on assiste en Europe à des convulsions qui tendent à débarrasser la conscience européenne de ce complexe de culpabilité. Il n’y a qu’à voir les immenses manifestations de solidarité avec le peuple palestinien organisées dans les quatre coins de l’Europe, dénonçant avec une facilité et une virulence inconnues les « pratiques nazies » de l’armée israélienne.
Ce phénomène n’a pas été observé seulement chez les foules qui ont pris possession des rues européennes. Les diplomates européens avaient de la peine à cacher leur ras-le-bol et certains d’entre eux ont lâché le mot « nazis ». Une diplomate norvégienne, Trine Lilleng, a fait circuler par e-mail une série de photos représentant les enfants palestiniens de Gaza à côté des enfants juifs des camps de concentration nazis et des soldats israéliens à côté des soldats hitlériens de la Wehrmacht.
Il y a une semaine ou deux, la diplomate européenne, Benita Ferrero-Waldner, en visite en Israël a parlé à Shimon Peres avec une franchise inhabituelle : « Je vous le dis Monsieur le président, l’image d’Israël dans le monde a été détruite. »
Même les Etats-Unis n’échappent pas au phénomène. Un diplomate israélien installé sur la côte est n’en revient pas. Il a écrit un rapport alarmant à son ministère de tutelle sur les questions que des citoyens américains lui posaient sur « les crimes de guerre israéliens à Gaza ».
En Israël, c’est la panique. L’historien Zeev Sternhell a choisi le quotidien « Haaretz » pour lancer cet avertissement : « Israël ne peut plus agir à sa guise. Les pays amis sont en train de lui tourner le dos ».
Un signe évident de cette panique est l’organisation la semaine dernière en toute hâte d’un congrès à Jérusalem par diverses institutions juives qui s’est penché sur « la flambée de l’anti-sémitisme » à la suite des événements de Gaza. La principale conclusion de ce congrès telle que rapportée par le journal « Haaretz » est que « les événements de Gaza ont mis fin au tabou européen sur la comparaison des Juifs avec les Nazis ». Le journal cite l’universitaire Dine Porat qui, dans son intervention au congrès, a dit ceci : « Les Européens vivent avec le fardeau de l’holocauste sur les épaules. Accuser les Juifs de se comporter comme les Nazis aide à alléger le poids de ce fardeau et à atténuer le sentiment de culpabilité. »
Cette panique a vite gagné les lobbies juifs aux Etats-Unis qui, face à l’ampleur du désastre causé à l’image d’Israël par les crimes de guerre commis à Gaza, ont recouru à la vieille méthode de faire flèche de tout bois pour contrer la déferlante anti-israélienne. La Ligue contre la diffamation (Anti-Defamation League), l’un des lobbies israéliens les plus puissants aux Etats-Unis, a eu l’idée d’acheter plusieurs pages de publicité dans divers journaux américains pour faire passer le message suivant sous forme de question : « Et si le Hamas était votre voisin ? » (1)
Mélange de naïveté, de mensonge et d’hypocrisie, le message dresse une carte géographique des Etats-Unis avec plein de fusées « Qassam » tombant sur la ville de Phoenix, dans l’Etat de l’Arizona. Le texte tente de convaincre le citoyen américain que « les Israéliens sont quotidiennement agressés, et ils passent le clair de leurs temps cachés dans les abris ».
La bonne nouvelle est que les lobbies juifs ne sont plus seuls sur le terrain de la communication. Leur propagande n’est pas restée sans réponse cette fois. Le Comité arabe-américain contre la diffamation (ADC) a réagi en utilisant les mêmes armes que son adversaire. Reprenant le même message, il a simplement remplacé le Hamas par Israël et les fusées « Qassam » par des bombardiers F-16 et des hélicoptères Apache israéliens survolant Washington (2). En comparant les deux messages, personne n’aimerait être le voisin d’Israël.


-----------------------------------------
(1) http://www.adl.org/Israel/posters/HamasAd_Phoenix.pdf

(2) http://www.adc.org/PDF/gazaposter.pdf

Tuesday, January 27, 2009

Et si Israël était votre voisin?

What if Israel were in your NEIGHBORHOOD ?

http://www.adc.org/PDF/gazaposter.pdf

Monday, January 26, 2009

Force de destruction massive

Désormais, les guerres que mène Israël se suivent et se ressemblent. Elles se caractérisent principalement par un usage excessif de la force brutale pour infliger le maximum de destruction aux villes bombardées, le respect de la vie humaine étant, cela va sans dire, le dernier souci des hiérarchies politiques et militaires israéliennes.
Les dégâts infligés en 2006 au Liban et ces dernières semaines (du 27 décembre au 18 janvier) à Gaza sont d’une telle ampleur qu’ils ne peuvent pas être le « triste résultat de dommages collatéraux ». Ils sont le résultat d’une stratégie qu’Israël ne prend même pas la peine de passer sous silence, étant assuré de l’impuissance de la communauté internationale à lui imposer la moindre sanction quels que soient la nature des armes que ce pays utilise, l’étendue des destructions qu’il inflige et le nombre des morts et des mutilés qu’il provoque.
Depuis la guerre du Liban, l’armée israélienne s’est dotée de ce qui est connue désormais sous le nom de « Dhahya Doctrine » (la doctrine de la banlieue), en référence à la banlieue de Beyrouth, entièrement détruite par les bombardements massifs de l’été 2006. Cette doctrine, qui fait d’Israël une force de destruction massive, a été résumée par une phrase de Dan Halutz, alors chef d’état major de l’armée israélienne : « Les bombardements massifs du Liban, dit-il, visent à ramener ce pays vingt ans en arrière. »
En octobre dernier, Gadi Eisenkot, commandant de la région nord d’Israël, a clarifié encore plus cette nouvelle stratégie israélienne en ces termes : « Ce qui est arrivé dans la banlieue de Beyrouth en 2006, arrivera à tout village d’où Israël est visé par des tirs. Nous répondrons par un usage disproportionné de la force et nous infligerons de grands dommages et des destructions étendues. De notre point de vue, ce ne sont pas là des villages où vivent des civils, mais des bases militaires. Il ne s’agit pas ici d’une recommandation, mais d’un plan. » On ne peut pas être plus clair.
L’application de cette stratégie de la destruction massive à la ville de Gaza a été annoncée dès le premier jour de la guerre par le commandant de la région sud d’Israël, Yoav Galant : « Le but de cette guerre, a-t-il dit, est d’envoyer Gaza des décennies en arrière. »
Ce commandant israélien a eu gain de cause en effet. Son armée a réussi, comme il a dit, à ramener Gaza des décennies en arrière. La rage avec laquelle l’armée israélienne s’est acharnée sur Gaza est telle qu’elle a tué, blessé et mutilé les Palestiniens par milliers. Cette rage est telle qu’elle s’est attaquée méthodiquement aux infrastructures, aux habitations, aux écoles, aux hôpitaux, aux mosquées, aux usines, aux ateliers, sans oublier les terres agricoles et les plantations gravement endommagées par les chars. En détruisant les fondations de l’économie de Gaza, Israël vise de toute évidence à rendre la vie impossible aux survivants.
Dans une rencontre avec la presse, Ehud Olmert, l’un des principaux initiateurs du cataclysme de Gaza, affirme avoir « pleuré » en regardant à la télévision le calvaire des enfants palestiniens. « Qui peut voir ces enfants morts et ne pleure pas ? », s’est-il écrié dans un accès de tendresse à vous briser le cœur. Les crocodiles généralement versent quelques larmes sur leurs proies déchiquetées. Les larmes d’Olmert sont de même nature face aux Palestiniens déchiquetés par les mâchoires d’acier de la machine de guerre israélienne lâchée contre eux par le tendre Premier ministre.
On aimerait bien avoir l’avis de cette âme sensible sur les « performances » de ses troupes d’élite (les Givati) lâchées contre les femmes, les enfants et les hommes sans défense. Quelques uns de ces soldats d’élite « ont couvert les murs de l’une des rares maisons restées debout d’inscriptions à la craie :’’ La place des Arabes est sous terre’’ ; ‘’ Si vous êtes un vrai Givati, vous devez tuer les Arabes’’ ; ‘’ Jérusalem-Est pour Israël’’ » (1). On nage en plein surréalisme tragique. Un Premier ministre qui envoie ses troupes d’élite massacrer les enfants, ensuite, compatissant, il essuie quelques larmes.
Mais celui qui a pleuré sur le sort des enfants palestiniens, continue de verrouiller les passages reliant Gaza au monde extérieur et à bloquer les matériaux de construction qu’attendent les gens de Gaza pour entamer la reconstruction de leur ville dévastée par la machine de guerre israélienne.
Mais à supposer que les matériaux de construction rentrent à un rythme soutenu et que les Gazaouis ont entamé déjà la reconstruction de ce qu’Israël a détruit. Combien de temps ce pays se retiendra-t-il avant de détruire encore ce qui a été reconstruit ? Combien de fois les donateurs continueront-ils à financer des reconstructions qu’Israël pourrait impunément transformer à tout moment en ruines ?
Ces questions ne sont plus chuchotées derrière des portes closes et loin des oreilles indiscrètes. Un parlementaire européen les a posées clairement à ses collègues la semaine dernière à Strasbourg. Il n’était pas le seul. Le ministre norvégien des Affaires étrangères, Jonas Gahr Stoere, a exprimé l’amertume que ressentent sans doute tous les pays donateurs en s’exclamant il y a quelques jours : « Allons nous encore une fois financer la construction de quelque chose qui a été détruite, reconstruite et détruite ? »
En attendant les réponses à ces questions, la communauté internationale continue d’observer tranquillement Israël construire des stratégies de destruction massive et envoyer son armée démolir en quelques jours ce que ses voisins palestiniens et libanais mettent des années à construire.


---------------------------------------------

(1) « Le Monde » du samedi 24 janvier 2009

Sunday, January 25, 2009

L'exception israélienne, principal obstacle

Le symbole est clairement lisible. En choisissant de faire son premier discours au département d’Etat et non à la Maison blanche, Barack Obama a voulu donner un signal au monde que les Etats-Unis ont changé et que, enterrant l’ère de l’arrogance et de l’usage abusif de la force, ils privilégient désormais la diplomatie. C’est une bonne nouvelle pour le monde et pour les Etats-Unis. C’est une bonne nouvelle surtout pour l’armée américaine qui, poussée à l’extrême par George Bush, va mettre un terme à sa dangereuse manie de chercher des ennemis à abattre, et s’atteler à terminer avec le moins de dégâts possible son engagement en Irak et en Afghanistan.
En trois jours de service, le nouveau président a donné amplement la preuve qu’il est pressé de réparer les dégâts causés par son prédécesseur et à rétablir l’image et la réputation de l’Amérique, gravement endommagées pendant huit ans de présidence chaotique de George Bush. En effet, en dépit de la gravité de la situation économique et de l’ampleur des difficultés intérieures, le nouveau président a consacré son premier discours à la politique étrangère, son premier décret à la fermeture du bagne de Guantanamo et son deuxième décret à la nomination de George Mitchell à la fonction d’envoyé spécial au Moyen-Orient et Richard Holbrooke à celle d’envoyé spécial en Afghanistan et Pakistan.
Cependant, certains commentateurs se demandent déjà si, en nommant ces deux envoyés spéciaux, Barack Obama n’a pas déjà mis la charrue devant les boeufs. Aucun plan de paix n’a été annoncé et aucune grande ligne de négociation pour l’un ou l’autre des envoyés spéciaux n’a été définie par le nouveau président.
Pour Holbrooke au moins, les choses sont à peu près claires. Une puissante armée est déjà à l’œuvre en Afghanistan. Elle est là pour faire la guerre, mais aussi pour soutenir les efforts diplomatiques. Mieux encore, avant même qu’il ne commence sa mission, Holbrooke est d’ores et déjà énormément aidé dans sa tâche par le changement d’attitude de l’Etat pakistanais qui, depuis un certain temps, mène une guerre sans répit contre les groupes terroristes et les talibans pakistanais, sans l’aide desquels les talibans afghans seraient déjà morts et enterrés.
Ce n’est pas le cas de George Mitchell dont l’unique atout est d’avoir joué un rôle déterminant dans la résolution du conflit irlandais. Celui-ci, évidemment, est nettement moins complexe que le conflit du Moyen-Orient.
L’encre du décret de nomination de George Mitchell n’a pas encore séché que l’on a eu droit de nouveau à la rengaine habituelle de l’engagement sans faille des Etats-Unis à côté d’Israël et du droit de « la démocratie israélienne » à se défendre. On a eu droit aussi aux accusations habituelles contre les fusées artisanales et banales des Palestiniens et au silence assourdissant sur l’usage excessif et hautement disproportionné de la machine de guerre meurtrière d’Israël, les destructions insensées à Gaza, les colonies, les centaines de barrages qui quadrillent la Cisjordanie, le mur de la honte qui l’étouffe etc...
On n’a aucune idée sur les éventuelles instructions données par le président Barack Obama et/ou la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, à George Mitchell. Mais à écouter le nouveau président parler du Moyen-Orient, la première impression qui se dégage est celle du statisme et de la réticence à mettre le doigt sur les vrais problèmes.
Ce qu’a dit Obama sur Israël, on l’a entendu chez pratiquement tous les présidents qui l’ont précédés. Ce que s’apprête à faire George Mitchell, d’autres avant lui l’ont déjà fait. Les centaines de voyages effectués au Moyen-Orient par Dennis Ross, Martin Indyk, Madeleine Albright, Condoleezza Rice et d’autres encore n’auront servi finalement qu’à polluer l’atmosphère avec les milliers de tonnes de kérosène brûlés par leurs avions, sans faire avancer d’un iota la cause de la paix.
Pourquoi tout ce beau monde n’a pas réussi à provoquer la moindre percée sur la voie de la paix en dépit des centaines de navettes effectuées entre Washington, Tel Aviv, Ramallah, Le Caire, et Amman ? La réponse est simple : tous les présidents américains, avec un satisfecit spécial pour George W. Bush, ont considéré Israël comme un Etat exceptionnel nécessitant de la part des Etats-Unis un soutien exceptionnel, et cette anomalie, avec le temps, est devenue pour le citoyen américain un aspect anodin de la politique étrangère de son pays qui ne suscite aucun questionnement de sa part.
Aucun envoyé spécial américain dans la région n’a pu faire son travail en dehors du cadre fixé par cette anomalie. En d’autres termes, aucun n’a pu s’armer de l’objectivité nécessaire, qualité essentielle pour tout médiateur, avant d’entamer sa médiation. On a même eu droit à des nominations grotesques, comme celle de Martin Indyk, ancien président de l’AIPAC, le plus grand lobby israélien aux Etats-Unis, envoyé par Bill Clinton au Moyen-Orient pour jouer les médiateurs entre Arabes et Israéliens…
George Mitchell n’est pas Martin Indyk. C’est un homme honnête et intègre. Il l’a prouvé en 2001 quand il a rendu un rapport sur la situation dans les territoires occupés, recommandant, comme préalables à la paix, l’arrêt des attentats suicide par les Palestiniens et l’arrêt de la colonisation par les Israéliens. Depuis ceux-ci ont construit des milliers de nouvelles habitations pour leurs colons sur « les collines chauves » de Cisjordanie.
George Mitchell semblait enthousiaste pour le poste de médiateur. Il est suffisamment intelligent et expérimenté pour savoir que si sa médiation se passait dans le cadre de l’exception israélienne de la politique moyen-orientale américaine, s’il n’avait pas la latitude de considérer désormais Israël un Etat comme les autres, il n’aurait pas plus de succès que ses prédécesseurs.

Wednesday, January 21, 2009

Les bons choix qui s'imposent

L’Amérique a donc un nouveau président. Pas n’importe quel président. Il y a moins de 60 ans, comme il l’a dit dans son discours inaugural, son père « n’aurait pas été servi dans un restaurant local » à cause de la couleur de sa peau. Aujourd’hui, Obama est le 44eme président des Etats-Unis.
Tout se passe comme si, en ouvrant les portes de la Maison blanche à un président afro-américain, l’Amérique voulait se faire pardonner pour tout le mal fait aux Noirs aux époques de l’esclavage et de la discrimination raciale.
Tout se passe comme si, en choisissant un président aux antipodes de George W. Bush, l’Amérique voulait se faire pardonner pour tout le mal fait au monde par la politique arrogante et violente que celui-ci a mis en œuvre pendant les interminables années de son règne, et en même temps restaurer une image gravement détériorée.
Barack Hussein Obama, 44eme président des Etats-Unis, est un être particulièrement chanceux puisque, quels que soient les réussites et les échecs qu’il accumulera pendant un mandat ou deux, il a déjà une place assurée dans l’histoire en tant que premier président noir d’un pays où, il y a juste un demi siècle, la discrimination raciale faisait rage et qui, jusqu’à ce jour, continue de marquer certains aspects de la vie sociale et économique américaine.
Mais, en même temps, il est particulièrement malchanceux si l’on prend en compte l’ampleur des défis qui demandent à être relevés et de l’étendue des dégâts légués par George Bush et qui demandent à être réparés. Il en est conscient, et son premier souci semble être, et c’est légitime, la crise économique qu’il a attribuée dans son adresse inaugurale à « notre échec collectif à faire les choix difficiles », invitant les Américains à s’unir pour la confronter et la surmonter.
George Bush et Dick Cheney devaient se sentir dans leurs petits souliers mardi quand, assis à quelques mètres de Barack Obama, ils l’écoutaient décocher les critiques les plus acerbes à leur politique basée huit ans durant sur la xénophobie, la peur et la trahison des principes fondateurs de la République américaine. Il a récusé devant eux « le faux choix entre la sécurité et les idéaux » de l’Amérique. Il a stigmatisé leur arrogance en ces termes : « A elle seule, notre puissance ne peut ni nous protéger, ni nous autoriser à faire tout ce qu’on veut. (…) Notre sécurité émane de la justesse de notre cause, de la force de notre exemple et des qualités modératrices de l’humilité et de la retenue. »
Humilité et retenue sont sans aucun doute les mots les plus importants du discours inaugural d’Obama. C’est ce que le monde attend de l’Amérique et c’est ce que celle-ci attend de ses nouveaux dirigeants pour restaurer son image et son prestige.
Il est nécessaire de préciser ici que si l’Amérique a eu tant de difficultés au cours des huit dernières années, si elle a causé tant de problèmes au monde, c’est parce qu’elle a effacé les mots humilité et retenue de son lexique politique. C’est parce qu’elle a considéré que ces deux mots étaient contraires au prestige et à la sécurité, qu’elle a suivi une dangereuse politique inspirée par l’arrogance et basée sur l’usage débridé et, dans certains cas, gratuit de la force.
Le nouveau président semble avoir compris cela et paraît déterminé à renverser la tendance et à remettre le pays sur la juste voie. Ce qui est rassurant, c’est que le nouveau président a compris l’erreur fondamentale de Bush et son équipe et qui consistait à confondre arrogance et prestige, usage débridé de la force et sécurité. Obama semble aussi avoir compris le caractère particulièrement dangereux du manichéisme de Bush, « avec nous ou contre nous ». En décidant de tendre la main « aux vieux amis et aux anciens ennemis », il a éloigné d’un seul coup le spectre de nouvelles guerres qui a plané sur le monde pratiquement jusqu’au dernier jour de l’administration précédente.
Mais si le discours d’Obama a été bien accueilli aux Etats-Unis et dans le monde, beaucoup dans le monde arabe, et particulièrement les Palestiniens, ont exprimé leur « déception » face au silence du président sur les événements tragiques de Gaza, dont l’atrocité a secoué le monde pendant trois semaines. Pas la moindre allusion non plus au conflit israélo-arabe qui continue de mettre en péril non seulement la région du Moyen-Orient, mais le monde entier.
Certains attribuent ce silence à l’influence de Rahm Emmanuel, américain d’origine israélienne ayant servi dans l’armée d’Israël, et personnage clé de la nouvelle administration. En l’absence d’informations précises, cela relève de la spéculation, évidemment. Mais, compte tenu de l’ampleur de la tragédie qui a frappé le peuple palestinien à Gaza, le silence persistant d’Obama est en effet troublant.
A moins que, face à un problème aussi complexe que celui du Moyen-Orient, il ait décidé en son for intérieur d’être de ceux qui agissent et ne parlent pas plutôt que de ceux qui parlent et n’agissent pas. La discrète et rapide désignation de George Mitchell (père irlandais et mère libanaise), ancien sénateur, au poste d’envoyé spécial au Moyen-orient est de bonne augure. George Mitchell a prouvé sa compétence dans le rôle déterminant qu’il a joué dans la fin du conflit irlandais à travers l’accord de 1998 dont il était le principal artisan.
Récidivera-t-il en aidant à la résolution d’un conflit autrement plus complexe que le conflit irlandais ? Cela ne dépendra pas de ses compétences, mais de la volonté ou non du nouveau président américain de transformer la « relation spéciale » qui lie les Etats-Unis et Israël en relation ordinaire. Les impératifs de la paix dans la région et les intérêts supérieurs des Etats-Unis dictent à Obama cette décision stratégique. Sautera-t-il le pas ou se laissera-t-il, tout comme ses prédécesseurs, dicter sa conduite par des lobbies dont les intérêts n’ont rien à voir avec les intérêts du peuple américain ?

Tuesday, January 20, 2009

La fin de la tragédie américaine

On aurait souhaité fêter le départ de George Bush quatre ans plus tôt, c'est-à-dire le 20 janvier 2005. Mais le peuple américain, bizarrement, en avait décidé autrement en imposant au monde un second mandat pour une administration qui avait déjà semé un chaos indescriptible durant son premier mandat.
Deux mandats successifs pour un président genre George Bush junior, c’est trop, beaucoup trop. Aujourd’hui, non seulement ses opposants, mais aussi ceux qui l’avaient élu et réélu expriment leur soulagement face à ce qu’il faut bien appeler la fin de la tragédie américaine . Car les huit années de règne de George Bush, et des néoconservateurs qui l’ont soutenu, ont été une véritable tragédie dont les conséquences aux Etats-Unis et dans le monde se feront sentir pour des années encore.
Le premier mandat de Bush a commencé de manière étrange : il était l’unique président dans l’histoire américaine à accéder à la charge suprême, tout en ayant un demi million de voix de moins que son concurrent Al Gore. Le dénouement judiciaire de l’élection contestée de novembre 2000, était au bénéfice de George Bush, finalement désigné président des Etats-Unis par cinq juges de la Cour Suprême contre quatre.
L’ironie du sort a voulu qu’un président désigné par la Cour Suprême (à une voix de majorité), donc avec un important déficit de légitimité, soit celui qui engage l’Amérique dans les conflits armés les plus coûteux depuis la deuxième guerre mondiale. Les experts américains évaluent les coûts globaux des guerres d’Irak et d’Afghanistan entre deux et trois trillions de dollars (2000 à 3000 milliards de dollars).
L’ironie du sort a voulu aussi que ce président, avec un important déficit de légitimité au départ, engage son pays dans une guerre, qui s’avèrera être la plus désastreuse dans l’histoire américaine. La guerre d’Irak n’était nécessaire ni pour la sécurité des Etats-Unis ni pour aucun de leurs intérêts. Elle était une obsession des néoconservateurs qui la voulaient depuis les années 1990 et que Bill Clinton avait refusé d’acheter. George Bush a non seulement adopté le projet de guerre des néoconservateurs, mais a inventé une série de mensonges éhontés pour vendre sa guerre aux citoyens américains qui, dans leur grande majorité, ont cru aux balivernes des armes de destruction massive d’abord, et des « intentions bienveillantes » de leur pays de voler au secours du peuple irakien ensuite.
L’ironie du sort a voulu enfin que ce président, qui a fait son service militaire dans le cadre confortable et sécurisé de la Garde nationale au moment où des dizaines de milliers d’Américains non pistonnés étaient précipités vers l’enfer vietnamien, envoie 150.000 soldats en Irak avec les résultats que l’on sait.
Irak, Afghanistan, soutien inconditionnel à Israël dans ses guerres à Djénine (2002) au Liban (2006) à Gaza (ces dernières semaines), crise économique inconnue depuis 1929, chômage record, une dette record de 10,6 trillions de dollars (10600 milliards de dollars), sans parler du nombre record d’ennemis que la politique de Bush a fait gagner à son pays ou de la réputation en lambeaux de l’Amérique qui, pourtant, a tout pour se faire respecter et admirer : le bilan des huit années de l’administration Bush est désastreux. C’est une évaluation universelle.
Mais contre l’avis du monde entier, George Bush s’est tenu jusqu’au bout droit dans ses bottes, défendant l’indéfendable et tentant désespérément de trouver quelque succès à mettre en avant dans un long règne de bout en bout chaotique. La « réalisation » qu’il évoquait à tout bout de champ est la suivante : « J’ai protégé l’Amérique qui n’a pas connu un seul attentat depuis le 11 septembre 2001 » se plaisait-il à répéter. C’est un fait que le territoire américain, contrairement à la Grande Bretagne ou à l’Espagne, n’a pas connu d’actes terroristes majeurs depuis les terribles attentats contre les tours jumelles à New York et le Pentagone à Washington. Mais ces attentats n’avaient pas eu lieu du temps du prédécesseur de Bush.
L’Amérique fut frappé au cœur le 11 septembre 2001 alors que George Bush était président depuis 9 mois. Il n’avait pas su protéger son pays alors que de nombreux rapports alarmants lui étaient parvenus de la CIA et du FBI sur les préparatifs d’attaques terroristes par les gens de Ben Laden qui comptaient « transformer des avions civils en missiles ». Aucune mesure ne fut prise, ce qui avait poussé certains, y compris aux Etats-Unis, à spéculer sur le fait que l’administration Bush avait délibérément laissé faire les terroristes afin d’utiliser les attentas comme prétexte à la politique de la canonnière que Bush comptait déclencher pour refaire le monde en fonction de l’idéologie néoconservatrice, en commençant par le Moyen-Orient.
En toute objectivité, la seule « réalisation » que l’on pourrait mettre à l’actif de George Bush est qu’il n’a pas commis une ultime folie contre l’Iran avant de quitter la Maison blanche comme l’y poussaient Israël et son vice président, Dick Cheney. Et encore, cette retenue qui a épargné à l’Amérique et au Moyen-Orient un désastre supplémentaire d’une ampleur inimaginable, on ne la doit sûrement pas à la « sagesse » de George Bush, mais à la résistance irakienne qui a déraillé brutalement les projets néoconservateurs et enterré les rêves de Bush, dans les marécages mésopotamiens.
Aujourd’hui Bush quitte la Maison blanche la tête basse. Il laisse derrière lui des champs de ruine en Irak, en Afghanistan et ailleurs. Il livre à son successeur une Amérique épuisée et exsangue politiquement, économiquement, financièrement et militairement. Des milliards d’être humains à travers le monde sont soulagés de le voir partir. Des dizaines de millions d’Américains vivront longtemps avec le regret de l’avoir élu et réélu.
Beaucoup de voix s’élèvent aux Etats-Unis, dont celle du Prix Nobel d’économie, Paul Krugman, pour exiger que « les crimes commis pendant le règne de Bush ne restent pas impunis ». Il y a peu de chance que ces voix soient entendues. La justice des hommes est ainsi faite. Quand un petit voyou est accusé de vol à la tire, on le juge et on l’envoie en prison. Quand le président de la plus grande puissance du monde détruit sans raison un pays de 25 millions de personnes, provoque la mort et le déplacement de 5 millions d’entre eux et ruine financièrement son propre pays, il part tranquillement à une retraite dorée avec une protection policière à vie aux frais du contribuable.

Friday, January 16, 2009

Pathologies israéliennes

Henry Kissinger, le secrétaire d’Etat de Richard Nixon, raconte dans ses volumineuses mémoires deux rencontres au cours desquelles il incitait Itzhak Rabin à faire des concessions pour la paix. Une fois quand Israël était « faible », et la deuxième quand il est devenu « fort ». Les deux fois, Rabin décline les demandes de Kissinger. L’argument avancé lors de la première rencontre était : « Israël étant faible, nous ne pouvons pas nous permettre de faire des concessions. » L’argument par lequel Rabin justifiait son refus lors de la deuxième rencontre était : « Israël étant devenu fort, nous n’avons aucune raison de faire des concessions. »
Ces deux réponses succinctes de Rabin à Kissinger résument à elles seules toute la politique israélienne vis-à-vis du monde arabe depuis la création de ce pays en mai 1948 jusqu’à ce jour. Agressions tous azimuts et refus absolu de toute ouverture, de toute initiative de paix et de toute main tendue venant des pays arabes qui, depuis 1973, date du dernier conflit armé israélo-arabe, ont changé de stratégie en substituant la négociation à la guerre. L’OLP, de son côté, se rendant finalement compte qu’elle n’avait pas les moyens militaires nécessaires à la libération de la Palestine par la force, changea de stratégie elle aussi pendant la réunion historique d’Alger de 1988.
Depuis, les concessions ont été unilatérales, seulement du côté arabe. Les Palestiniens, depuis la réunion de Madrid de 1991, désirant montrer à la communauté internationale leur volonté d’arriver à une paix négociée avec les Israéliens, sont allés très loin dans les concessions. Et le drame est que plus les Palestiniens faisaient des concessions, plus les Israéliens devenaient intransigeants et en exigeaient encore.
Les concessions consenties par les Palestiniens sont telles qu’ils ont accepté d’édifier leur Etat national sur moins de la moitié des terres que leur accordaient les Nations Unies dans la résolution 181, dite résolution de partage, votée par le Conseil de sécurité le 29 novembre 1947. Cette résolution accordait 52% de la Palestine aux Juifs et 48% aux Palestiniens. De 48% des terres, les Palestiniens sont descendus, si l’on peut dire, jusqu’à 22%. Mais Israël n’est toujours pas satisfait de l’ampleur de ces concessions et exige maintenant autre chose.
Il est clair qu’Israël n’a aucune intention de rendre les territoires arabes occupés. Il est clair aussi que l’étrange régime que George Bush a instauré aux Etats-Unis pendant les huit dernières années, a renforcé les politiciens israéliens dans leur volonté de défier la loi, la morale et la raison. Rappelons ce qu’avait dit Bush en 2004 : « Il est irréaliste de demander à Israël de retourner aux frontières de 1967 ». Aussitôt après, cette affirmation du président américain est adoptée sous forme de résolution par la Chambre des représentants par 407 voix contre 9.
Comment peut-on attendre d’un pays comme Israël de se soumettre à la légalité internationale si la plus grande puissance du monde, celle qui est sensée jouer le rôle déterminant dans le conflit proche-oriental, l’encourage à ignorer cette légalité. Quand Rabin disait qu’ « étant fort, Israël n’a aucune raison de faire des concessions », Rabin comptait sans doute sur le soutien américain, mais il n’allait sûrement pas jusqu’à espérer q’un jour l’Amérique devienne plus israélienne qu’Israël et juge « irréaliste » le retour aux frontières de 1967.
Grâce à George Bush, l’Amérique sur laquelle le monde comptait pour raisonner Israël, a non seulement encouragé ce pays à ignorer la loi internationale, mais aussi à commettre des crimes de guerre à Djénine en 2002, au Liban en 2006 et maintenant à Gaza. Sans parler du soutien à l’encerclement d’Arafat par Sharon à Ramallah ou de l’opposition de l’administration Bush aux négociations de paix avec la Syrie qui, en 2000, avant l’arrivée de Bush au pouvoir, avaient atteint un niveau encourageant.
Les huit années de George Bush ont aggravé la pathologie dont souffrait déjà Israël. La folie de grandeur de ses dirigeants les a amenés à ne plus se contenter des concessions pour la paix, mais à vouloir transformer le peuple palestinien en une espèce de Congrès américain, soucieux des intérêts israéliens plus qu’il ne l’est de ses propres intérêts.
Les dirigeants israéliens ne comprennent pas comment, par lobby interposé, ils ont pu imposer une discipline de fer parmi les politiciens américains en menaçant de mort politique immédiate quiconque sortirait des rangs, et échouent à imposer la même discipline aux Palestiniens en menaçant de mort réelle quiconque mettrait en cause la confiscation par la force des terres arabes.
L’acharnement terrifiant sur Gaza s’explique d’abord par la rage qui mine les décideurs israéliens face à leur impuissance d’imposer un comportement servile au peuple palestinien. Il s’explique ensuite par leur volonté de mener une ultime tentative d’enterrer le nationalisme palestinien sous les décombres de Gaza. Qu’il soit volontaire ou involontaire, la massacre d’enfants palestiniens par centaines est hautement symbolique et extrêmement significatif. Tout se passe comme si, en tuant ces enfants dans leur berceau, Israël voulait extirper la nationalisme palestinien à la racine en le privant de porte-flambeau. Mais il fait fausse route évidemment, car il y aura toujours assez de Palestiniens pour exiger le retour de leurs terres confisquées.
En attendant la fin ce nième crime de guerre impuni, le Congrès américain a voté vendredi dernier, par 390 voix contre 5, une nième résolution de soutien au « droit d’Israël à l’autodéfense »…

Tuesday, January 13, 2009

Ras-le-bol universel

Tout se passe comme si l’armée israélienne a, chaque jour, un nombre, déterminé d’avance, de bombes et de missiles qu’elle doit lancer sur la tête des Palestiniens à Gaza. On est renforcé dans cette idée par le comportement de cette armée qui, à défaut de trouver suffisamment de combattants du Hamas, lance ses bombes à l’aveuglette, tuant femmes, enfants, vieillards, médecins, chauffeurs d’ambulances et de camions de l’UNRWA. Même les voitures du Comité International de la Croix Rouge n’ont pas été épargnées.
Alors que son armée continue de faucher la vie des Palestiniens et de détruire leurs propriétés à Gaza, Israël a déjà perdu la guerre des images, de la communication et des relations publiques. Bien sûr, comme l’a dit l’historien israélien, Benny Morris, plus la deuxième guerre mondiale s’éloigne de nous dans le temps, plus le souvenir de l’holocauste d’estompe et plus l’opinion publique occidentale se montre audacieuse dans son interpellation d’Israël et acide dans ses critiques.
Le degré de mobilisation sans précédent de l’opinion publique occidentale en faveur des Palestiniens a surpris plus d’un. Samedi 10 janvier, des manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes ont eu lieu dans cinquante villes françaises. Des manifestations similaires ont eu lieu dans pratiquement tous les pays européens, et en particulier en Grande Bretagne où 100.000 personnes ont défilé, conspuant le terrorisme israélien, ou encore en Espagne où les manifestants criaient à tue-tête « nous sommes tous palestiniens ».
A voir ces centaines de milliers de personnes défiler dans des centaines de villes européennes en soutien au peuple palestinien, on ne peut s’empêcher de penser à la signification d’une telle explosion de colère de la part de peuples qui, jusqu’à une date récente, penchaient plutôt du côté d’Israël. L’explication est sans aucun doute un ras-le-bol général. Ce ras-le-bol devient universel quand on ajoute aux centaines de manifestations européennes, les milliers de manifestations dans le monde arabe, en Iran, au Pakistan, en Inde, en Indonésie, en Malaisie, au Japon et en Australie. Même les habitants de Hongkong ont exprimé leur ras-le-bol d’une armée qui n’a pratiquement rien à faire d’autre dans la vie que de semer continuellement la mort et la destruction chez un peuple sans défense.
L’élément le plus important dans cette révolte de l’opinion publique mondiale contre Israël est la participation de juifs dans le concert des protestations. De Londres à San Francisco des milliers de manifestants conspuaient Israël et exigeaient l’arrêt des massacres. A San Francisco, des manifestants juifs portaient une pancarte sur laquelle il était écrit « Gaza = Ghetto de Varsovie » et un artiste célèbre à San Francisco, Jack Fertig, s’était adressé à la foule en ces termes : « En tant que descendant de survivants d’Auschwitz, je dis que nous devons nous identifier avec les opprimés et non avec les oppresseurs. »
Un haut responsable de l’administration californienne, l’Attorney de Berkeley Steve Pearcey, est allé plus loin encore : « Un nombre significatif de gens à travers le monde considèrent Israël comme un Etat terroriste, et beaucoup de monde aux Etats-Unis pensent la même chose.», a-t-il dit sous les applaudissements de la foule. Plus grave encore pour Israël, son aventurisme militaire est en train de contribuer lentement mais sûrement à un affaiblissement de l’AIPAC, lobby aveuglément pro-israélien aux Etats-Unis, et au renforcement de « Americans for Peace Now » et de J-Street », deux organisations juives qui, selon le San Francisco Chronicle, « ont commencé à servir d’alternative à l’AIPAC, le puissant lobby qui dominé la scène américaine pendant longtemps. »
Une question que beaucoup ne se sont pas posés : pourquoi Israël a-t-il choisi ce moment précis pour lancer une campagne d’une violence sans précédent ? Les roquettes du Hamas ? Celles-ci tombaient depuis huit ans sur Sderot et sont d’une inefficacité telle qu’Israël s’en était accommodé pendant longtemps. Donc il y a autre chose, un autre motif pressant qui a amené les dirigeants israéliens à agir vite.
Le motif le plus plausible est la proximité du 20 janvier, date du départ de George Bush, l’allié le plus fidèle et le plus enthousiaste d’Israël depuis la création de ce pays. C’est à une course contre la montre qu’Olmert, Barak et Livni semblaient s’être engagés depuis le 27 décembre 2008. Le but est de changer la réalité politique sur le terrain à Gaza avant l’arrivée de Barack Obama à la Maison blanche qui, le moins qu’on puisse dire, ne sera pas aussi inconditionnel vis-à-vis de Tel Aviv que son prédécesseur.
Comme à chaque fois qu’Israël fait des calculs, les résultats sont aux antipodes des buts visés. Il renforce la popularité ses ennemis, crée de nombreux autres ennemis et sème la mort et la destruction chez les populations civiles. Nous vu cela pendant l’été 2006 au Liban et nous sommes en train de revivre pratiquement le même scénario cet hiver à Gaza.
De faux calculs à répétition, une agressivité choquante, un usage répétitif et disproportionné de la force brutale, un mépris des principes de base du droit international et du droit humanitaire, tels sont les motifs du ras-le-bol universel manifesté par la planète entière contre un pays minuscule et dont l’insolence est inversement proportionnelle à la taille. Barack Obama prendra ses fonctions dans une semaine. Pourra-t-il se permettre d’ignorer ce ras-le-bol universel ?

Saturday, January 10, 2009

De Deir Yassine à Gaza : hier les parents, aujourd'hui les enfants

Corps mutilés, enfants massacrés avant qu’ils ne comprennent ce qui est arrivé à leur pays et à leur peuple, écoles bombardées, ambulances attaquées, destruction de maisons, d’administration et d’infrastructures d’une ampleur terrifiante, le désastre que continue de subir Gaza depuis le 27 décembre sera sans doute retenu par l’histoire, à défaut de l’être par les grandes puissances actuelles et par l’instance onusienne qu’elles dominent, comme un crime contre l’humanité.
Les responsables politiques et militaires de la boucherie de Gaza répètent à la manière d’un disque rayé que si des civils tombent, c’est parce que les combattants du Hamas les utilisent comme boucliers humains. Personne ne peut croire à de telles assertions, car des combattants déterminés à affronter la machine de guerre israélienne ont mieux à faire que de se cacher au milieu des femmes et des enfants. La vérité est que l’armée israélienne n’a jamais eu le moindre respect pour la vie humaine, et elle n’a pas cessé de le prouver depuis la création de l’Etat d’Israël, et même avant.
Un mois avant la création de l’Etat d’Israël, le 9 avril 1948 exactement, les organisations terroristes juives, (Irgoun, Haganah et Stern) ont attaqué le village de Deir Yassine, ont massacré 250 personnes et pris un groupe pour le faire défiler « à la romaine » dans les rues de Jérusalem.
Deir Yassine avant-hier, Djénine hier et Gaza aujourd’hui, pour ne citer que ces trois crimes effroyables, les Israéliens, qu’ils appartiennent aux organisations terroristes d’hier ou à l’Etat terroriste d’aujourd’hui, ont une haine irrationnelle du Palestinien, non pas parce qu’il est terroriste, comme ils disent, mais parce qu’il est propriétaire d’une terre qu’ils lui ont confisquée par la force et qu’il ose encore en demander la restitution.
Il est historiquement établi que le crime de Deir Yassine visait à terroriser les Palestiniens et à les obliger à partir pour laisser la place aux Juifs. Des milliers de Palestiniens avaient fui alors pour se réfugier entre autres à Gaza. Ceux qui sont massacrés aujourd’hui sont les descendants de ceux qui avaient été forcés à fuir en 1948 par les terroristes juifs. L’un des terroristes en chef à l’époque qui avait pris une part active à l’expulsion des Palestiniens de chez eux est un certain Eitan Livni qui dirigeait l’Irgoun avec Menachem Begin. Sa fille Tzipi participe aujourd’hui activement au massacre des descendants des Palestiniens que sont père avait expulsés par la terreur de Deit Yassine et des autres villages palestiniens. Voici la preuve que depuis soixante ans, la haine du Palestinien et la volonté de l’effacer de la surface de la terre se transmettent d’une génération à l’autre.
Les drames bibliques que ne cessent de vivre les Palestiniens depuis la Nakba étaient inscrits en filigrane dans une petite phrase écrite par Lord John Troutbeck, le chef du Bureau britannique au Caire à la fin des années 1940. En effet, juste un mois après la création d’Israël, le 2 juin 1948 plus précisément, Lord Troutbeck avait écrit au ministre britannique des affaires étrangères de l’époque, Ernest Bevin, que « les Américains étaient responsables de la création d’un Etat gangster à la tête duquel se trouvent un groupe de dirigeants sans scrupules. »
Cette petite phrase de Lord Troutbeck est sans doute l’une des vérités absolues qui n’a pas cessé de se vérifier depuis 60 ans. Prenez n’importe quelle période de l’histoire d’Israël qui s’étend de 1948 à ce jour, et vous trouverez que le jugement de Lord Troutbeck s’applique parfaitement à l’Etat d’Israël. Un Etat gangster qui, parce qu’il est armé, financé et soutenu aveuglément par les Etats-Unis, confisque les terres, les annexe, tue massivement les habitants, détruit leurs maisons, déracine leurs arbres et assèche les sources de leur subsistance, le tout dans l’impunité la plus totale.
La seconde moitié de la phrase est tout aussi vraie. Considérez la série des Premiers ministres qui ont présidé aux destinées de cet Etat gangster, de David Ben Gourioun à Ehud Olmert en passant par Golda Meir, Menachem Begin, les deux Itzhak, Shamir et Rabin, Benyamin Netanyahu, Ehud Barak ou encore Ariel Sharon, et vous vous rendrez compte que tous ces dirigeants n’ont jamais eu le moindre scrupule à déposséder les Palestiniens de leurs biens et à lancer sur leurs têtes autant de tonnes de bombes qu’ils veulent.
Bien que les Etats-Unis fussent le premier pays à reconnaître Israël en 1948, l’état d’esprit des Américains à l’époque était bien différent de celui qui prévaut aujourd’hui. Beaucoup, y compris dans les milieux juifs américains, avaient des appréhensions similaires vis-à-vis du nouvel Etat à celles formulées par Lord John Troutbeck. Ces appréhensions avaient éclaté au grand jour en décembre 1948, lors d’une visite de Menachem Begin aux Etats-Unis.
Dans une lettre publiée par le New York Times le 2 décembre 1948, un groupe de Juifs américains célèbres, dont Albert Einstein et Hannah Arendt, avait dénoncé avec virulence, la visite du « fasciste Begin » qui préside un parti « dont l’organisation et les méthodes d’action rappellent celles des partis nazis ». Après avoir déploré « le massacre de Deir Yassine », les auteurs de la lettre invectivaient Begin et ses amis en ces termes : « Aujourd’hui ils parlent de liberté, de démocratie et d’anti-impérialisme, alors que, jusqu’à une date récente, ils prêchaient la doctrine de l’Etat fasciste. C’est à travers l’action que le parti terroriste trahit son vrai caractère. »
Oui, le New York Times était capable de dénoncer le terrorisme et le fascisme des dirigeants israéliens. Maintenant, à chacun de ses éditoriaux, à chaque déclaration des politiciens américains sur le conflit du Moyen-Orient, Albert Einstein, Hannah Arendt et tous leurs amis honnêtes et intègres devraient se retourner dans leurs tombes. Ils se seraient sans doute arrachés les cheveux s’ils avaient assisté jeudi et vendredi dernier aux débats surréalistes au Sénat et à la Chambre des représentants à l’issue desquels les élus du peuple américain ont, comme d’habitude, voté des résolutions condamnant les victimes et encourageant les agresseurs à aller de l’avant.

Wednesday, January 07, 2009

D'une bombe deux coups

Pauvres Israéliens. Les menaces qui pèsent sur eux sont si grandes qu’ils perdent le sommeil. Les dangers qui les guettent sont si énormes qu’ils dépriment. Ils sentent que leur existence dans la terre sainte est de plus en plus précaire, et ils ne savent plus à quel saint se vouer. Quiconque a lu l’article de Benny Morris, publié dans le New York Times le 30 décembre dernier, alors que l’offensive de l’armée israélienne contre Gaza battait son plein, se retiendra difficilement de verser une larme ou deux sur le sort inquiétant des 5,5 millions d’Israéliens.
Benny Morris, professeur d’histoire à l’université Ben-Gourion, a décrit d’un trait de plume une série de dangers qui pèsent sur Israël. Et ces dangers sont si sérieux qu’il serait inhumain de ne pas tout lâcher pour voler au secours de ce peuple pacifique plongé dans une profonde dépression par une méchante angoisse existentielle.
Avant de détailler les menaces une à une, le professeur Benny Morris informe les lecteurs du New York Times que « le monde arabe et, de manière plus large, le monde islamique n’ont jamais accepté la légitimité de l’Etat israélien en dépit des espoirs nourris par Israël dès 1948, et malgré les traités de paix que l’Egypte et la Jordanie ont signés en 1979 et 1994 ».
Sans prendre la peine de nous préparer psychologiquement, le professeur Morris nous assène une mauvaise nouvelle qui nous brise le cœur : « L’opinion publique occidentale –et ses dirigeants ne manqueront sûrement pas de lui emboîter le pas- est de moins en moins favorable à la cause d’Israël (…). Petit à petit la mémoire de l’Holocauste s’estompe et perd de son impact, alors que les Etats arabes renforcent leur puissance et s’affirment davantage. »
Se souciant visiblement très peu du stress que cause aux lecteurs ces mauvaises nouvelles, le professeur Benny Morris enchaîne avec « la série de menaces toutes plus néfastes les unes que les autres » qui guettent Israël. « A l’est, l’Iran fait avancer son programme nucléaire à marche forcée. (…) Au nord, le Hezbollah s’est réarmé depuis la guerre contre Israël en 2006, et dispose maintenant, selon les services secrets israéliens de 30.000 à 40.000 roquettes de fabrication russe que la Syrie et l’Iran lui ont fournies. (…) Au sud, Israël doit faire face au Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, et dont la charte voue Israël à la disparition et veut placer chaque centimètre carré de la Palestine sous la férule de la loi de l’Islam. »
Comme si tout cela n’est pas assez, le professeur Benny Morris joue encore avec nos nerfs en analysant le pire des dangers, un danger qui prend la forme d’ « une menace interne à l’existence d’Israël : la minorité arabe qui vit dans le pays. » Après avoir déploré « la désaffection croissante que les Arabes israéliens manifestent à l’égard d’Israël », le professeur Morris ne cache pas son inquiétude face aux perspectives démographiques lugubres pour Israël : « Si les tendances statistiques actuelles se confirment, les Arabes pourraient constituer la majorité de la population israélienne à l’horizon de 2040 ou 2050. Dans un avenir plus proche, d’ici cinq à dix ans, les Palestiniens – l’ensemble formé par les Arabes israéliens et les Arabes vivant en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza- seront majoritaires en ‘Palestine’ au sens du territoire qui s’étend du Jourdain à la Méditerranée. »
Il faut garder en tête l’idée que cet article larmoyant et qui a toutes les caractéristiques d’une admonestation de l’opinion publique occidentale pour sa tiédeur croissante à l’égard de « la cause d’Israël », a été publié le 30 décembre, c'est-à-dire trois jours après le début de l’offensive militaire israélienne dont la violence, de l’avis de tous les observateurs, est sans précédent depuis la guerre de 1967. Il a été publié dans le plus grand journal américain, le New York Times, et traduit et publié par l’un des plus grands journaux européens, le quotidien français « le Monde » dans son édition du 3 janvier 2009.
Le message est clair et il vise les opinions publiques américaine et européenne : ne vous laissez pas ébranler par les images de la mort et de la destruction que sèment l’armée israélienne à Gaza, mais concentrez vous plutôt sur les dangers mortels qui guettent ce « havre de paix et de démocratie » entouré de toutes parts par des ennemis impitoyables qui veulent sa mort.
La vérité est que le professeur Morris a troqué sa casquette d’académicien pour celle de propagandiste à la solde d’un Etat sanguinaire qui n’hésite pas à lâcher sa machine de guerre terrifiante contre les enfants, les femmes et autres civils sans défense. Un propagandiste qui met en avant le mensonge et s’assoit sur la vérité historique, ce qui est d’autant plus grave et d’autant plus malhonnête qu’il se prétend historien.
« Historien du Moyen-Orient » et professeur à l’université Ben-Gourion, on imagine aisément le genre d’enseignement que M. Benny Morris sert à ses étudiants. Quand il leur dit que « les mondes arabe et islamique n’ont jamais accepté la légitimité de l’Etat israélien en dépit des espoirs nourris par Israël dès 1948, et malgré les traités de paix que l’Egypte et la Jordanie ont signés en 1979 et 1994 », il tord le cou à la réalité et inverse les rôles des acteurs moyen-orientaux durant les cinquante dernières années.
La vérité est qu’Israël n’a jamais nourri d’espoirs de paix et n’a jamais voulu s’intégrer dans l’environnement géographique et politique du Moyen-Orient. Il s’est plutôt appliqué à étouffer systématiquement dans l’œuf tout espoir de paix nourri par les Arabes et les Palestiniens.
Dès sa création, Israël s’est installé dans le rôle de bandit armé qui pille les biens des autres et traite de terroriste quiconque réclame son bien confisqué par la force. Depuis plus de 40 ans, Israël ne s’est jamais plié à une seule résolution du Conseil de sécurité. Deux ans après la signature des accords de paix avec l’Egypte de 1979, et reniant tous ses engagements de Camp David, Israël a annexé Jérusalem en 1981, et entamé le peuplement de la Cisjordanie et de Gaza en y installant les colons les plus fanatiques et les plus violents qu’il a fait venir par charters des quatre coins du monde. Et jamais la colonisation n’a été aussi intense qu’après les accords d’Oslo, le but étant de réduire de tels accords en lettres mortes qui ne valent pas le papier sur lequel ils ont été rédigés.
En bombardant aveuglément Gaza et en assassinant massivement femmes et enfants, Israël est-il en train d’exprimer devant le monde entier ses espoirs de paix ? A moins qu’il ne soit en train de faire d’une bombe deux coups si l’on peut dire : montrer son attachement à la paix et renverser « la tendance démographique » en concentrant son feu sur les femmes et les enfants.

Monday, January 05, 2009

Le syndrome de la mère de Moshé

Un soldat juif se prépare à aller en guerre. Il va voir sa mère pour lui dire Adieu. Celle-ci le prend dans ses bras et lui dit : « Ecoute Moshé, je ne veux pas que tu te fatigues dans cette guerre. Tu tues un Arabe, et tu te reposes. Tu tues un autre Arabe, et tu te reposes. Un troisième et tu te reposes etc… Ne les tues pas tous en même temps, ça te fatiguera. » Moshé lui réponds : « Oui d’accord Maman, mais si les Arabes me tuent avant ? » La mère horrifiée par la question de son Moshé s’exclame : « Les Arabes te tuent ? Et pourquoi donc ? Qu’est ce que tu leur as fait ? »
Cette blague que les Juifs se racontent en Israël n’a pas seulement une dimension comique. Elle reflète un état d’esprit bien ancré dans la psyché israélienne. Elle n’est pas le fruit de l’imagination d’un quelconque comique israélien, mais le résultat d’une observation du comportement de l’armée israélienne pendant de longues années.
En effet depuis de longues années, cette armée se comporte suivant les conseils que la mère de Moshé donnait à son fils. Elle bombarde un quartier de Jabalia et elle se repose. Elle bombarde un autre quartier à Khan Younès et se repose. Elle bombarde un autre à Rafah et elle se repose. Et après chaque bombardement, les survivants se ruent sur les ruines pour tirer les morts et les blessés enterrés sous les décombres.
Mais quand les Palestiniens réagissent avec des roquettes artisanales (qui ont fait 20 morts en huit ans), c’est la consternation au sein de la population israélienne et la fureur au sein de la classe politique. Et les questions fusent : « Pourquoi ces terroristes visent-ils les enfants israéliens innocents ? Pourquoi harcèlent-ils avec leurs fusées les honnêtes citoyens israéliens et les obligent-ils à descendre dans les abris ? Qu’est ce qu’on leur a fait ? »
Tout comme la mère de Moshé, la plupart des Israéliens semblent avoir intériorisé une fois pour toutes l’idée qu’il est normal que leur armée tue des Arabes en Palestine et au Liban et qu’il est criminel que les Palestiniens ou les Libanais se défendent. Ils ont intériorisé l’idée que chaque fois que l’armée israélienne part à l’attaque, elle est en état de légitime défense, mais que toute cartouche tirée par les Palestiniens ou les Libanais est un acte terroriste. Cette étrange pathologie, que l’on pourrait bien appeler le syndrome de la mère de Moshé, n’affecte pas seulement le citoyen ordinaire israélien, mais la classe politique tous partis confondus.
Ce qui est grave, c’est que le syndrome de la mère de Moshé fait des ravages à l’étranger, au sein des classes politiques des grandes puissances et jusque dans les instances internationales qui, à l’instar de l’ONU, sont censées défendre les faibles contre les forts pour faire régner la paix mondiale. Comment expliquer, sinon par le syndrome de la mère de Moshé, que malgré les destructions à grande échelle, les centaines de morts et les milliers de blessés, le Conseil de sécurité n’arrive même pas à se mettre d’accord sur un simple vote d’une résolution que de toute manière Israël n’aurait pas respectée ?
Mais l’endroit le plus affecté au monde par le syndrome de Moshé semble être le Congrès américain. Il y a une sorte de terreur qui, depuis longtemps a imposé un réflexe de Pavlov chez les congressistes américains par lequel, tels des automates, ils disent oui à tout ce que fait Israël. Pas une seule fois ces représentants de la plus grande puissance du monde n’ont eu le courage d’analyser et de discuter l’une des innombrables agressions israéliennes contre un peuple sans défense. Pas une seule fois ces élus du peuple américain n’ont eu la force morale et l’intégrité politique de désigner l’agresseur par son nom et la victime par son nom. Pour eux, les choses sont claires : dans un face à face entre un gamin lanceur de pierres et un tank de 60 tonnes, le gamin est l’agresseur et le tank en état de légitime défense.
Plus catholiques que le pape, les congressistes américains le sont sans aucun doute dans la mesure où au Knesset, des députés israéliens critiquent, parfois même avec virulence, les choix de leur gouvernement et qualifient ses guerres contre le Liban ou les Palestiniens d’ « agressions », un terme qui n’a jamais été utilisé aux Etats-Unis pour désigner une seule des milliers d’agressions commises par Israël depuis plus de quarante ans. S’opposant à la première guerre américaine contre l’Irak en 1991, le congressiste Pat Buchanan était l’un des rares à prononcer quelques bribes de vérité : « La colline du Congrès (Capitol Hill) est un territoire occupé par Israël », avait-il dit alors, déclenchant l’ire de ses homologues. Sa carrière fut brisée. Les questions qui se posent sont les suivantes : jusqu’à quand les représentants de la plus grande puissance du monde vont-ils vivre avec la peur au ventre d’un lobby qui fait passer les intérêts d’Israël avant ceux des Etats-Unis ? Jusqu’à quand vont-ils s’interdire la force morale et le courage politique qui leur permettront d’appeler un chat un chat ?
Tout le problème est là en effet. Si Israël continue de se mettre effrontément et impunément au dessus des lois, c’est parce qu’il sait que le Congrès américain est tenu en respect et qu’aucun représentant ou sénateur n’ose sortir des rangs. C’est parce qu’il sait pertinemment que l’endroit le plus affecté par le syndrome de la mère de Moshé est le Congrès des Etats-Unis d’Amérique.
Depuis quatre décennies, les congressistes américains, républicains et démocrates, rivalisent de loyauté et d’ardeur dans ce qu’ils appellent la défense d’Israël. Ils se disent les amis d’Israël et se livrent à une compétition surréaliste à qui lui fournit la meilleure preuve d’amour. Un jour viendra où les Israéliens se rendront compte que les politiciens américains étaient en fait les pires ennemis d’Israël dans la mesure où ils l’ont encouragé et soutenu avec armes et argent dans sa politique suicidaire consistant à multiplier les ennemis de manière exponentielle et avec une constance étourdissante.