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Monday, November 30, 2015

Aigreur à Ryadh, frustration à Ankara

Les autorités saoudiennes et turques ruminent une haine qu’elles n’arrivent pas à cacher contre les autorités russes. Elles sont impuissantes face à la machine de guerre mise en branle par le président Poutine qui a volé au secours du régime syrien pour l’aider à nettoyer la Syrie du terrorisme. Et ce qui accentue la frustration et l’aigreur des dirigeants saoudiens et turcs, c’est qu’ils ont échoué à faire adopter par les dirigeants occidentaux leur propre vue des choses. Ils ont lamentablement échoué à convaincre les Américains, les Britanniques et les Français que la priorité en Syrie n’est pas la destruction de Daech et d’Annosra, mais du régime de Bachar al Assad. Les dirigeants saoudiens et turcs ont des intérêts politiques et stratégiques qui convergent, du moins dans cette étape précise de la guerre en Syrie. Ces intérêts tels qu’ils les conçoivent sont organiquement liés au renversement du régime syrien, et donc à la victoire de Daech et Annosra. Car qui d’autre est capable de tenir tête au régime de Bachar et de le menacer dans son existence ? Mais le soutien des Saoudiens et des Turcs à Daech et Annosra ne s’explique pas uniquement par les intérêts politiques et stratégiques, mais aussi et surtout par des considérations religieuses. N’oublions pas que les organisations terroristes les plus actives en Syrie sont des excroissances sanglantes du wahhabisme, armées et financées dans une large mesure par les pétrodollars du royaume wahhabite. N’oublions pas aussi que l’establishment politico-religieux saoudien partage avec Al Qaida et toutes ses ramifications une haine inextinguible contre toute espèce de pluralisme au sein de l’islam. En d’autres termes, pour les terroristes de Daech et d’Annosra, tout comme pour la classe politico-religieuse saoudienne, il n’y a qu’une seule voie juste qui mène à Dieu, c’est celle de l’islam wahhabite. Toutes les autres versions sont des hérésies dont les partisans doivent être traités non pas comme des musulmans différents, mais comme des ennemis de Dieu… Les dirigeants islamistes turcs ne sont pas peut-être aussi fanatiques que Daech et compagnie, mais, compte tenu de leur appartenance à la confrérie, ils partagent les mêmes rêves d’une « Khilafa islamique » qui s’étendrait du Maroc à l’Indonésie… Il est donc normal que les décideurs à Ryadh et à Ankara ressentent autant de frustration, d’aigreur et de haine face aux Russes qui continuent de bombarder intensivement et efficacement les repaires terroristes de Daech et d’Annosra en Syrie. Le pauvre Erdogan, pour n’avoir pas su maîtriser sa haine, a mis la Turquie dans une situation délicate avec la Russie, les deux pays étant liés par une forte coopération économique et commerciale mutuellement bénéfique. Il a donné au monde l’image d’un homme désorienté qui, après avoir donné l’ordre insensé d’abattre le bombardier russe, se mord les doigts, ne sachant trop que faire pour se faire pardonner par le président Poutine qui a refusé de répondre à tous ses appels téléphoniques. Le cas de l’Arabie saoudite est plus pathétique encore. Le royaume wahhabite se trouve un peu dans la situation de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Engagés depuis des mois dans leur guerre destructrice contre le Yémen, les décideurs saoudiens ne se privent pas de hausser le ton et de proférer des menaces quand ils parlent de la Syrie. Ayant constaté que les sommes faramineuses d’argent et les quantités gigantesques d’armements transférées depuis 2011 aux différentes factions armées qui combattent contre le régime syrien n’ont pas servi à grand-chose, l’Arabie saoudite menace…d’utiliser la force. C’est ce que l’on comprend en tout cas de l’étonnante déclaration du ministre saoudien des Affaires étrangères Adel Jubeir : « Si Bachar al Assad refuse de partir, nous utiliserons la force pour l’obliger à le faire », menace-t-il sans rire. A le croire, pendant plus de quatre ans, l’Arabie saoudite n’a utilisé que la diplomatie et que les atrocités commises par Annosra et les monstruosités commises par Daech l’on été grâce à l’argent et à l’armement que leur fournissaient les Martiens… Mais l’Arabie saoudite ne bombe pas le torse seulement en direction de Bachar, mais le bombe aussi face à la Russie. Voici ce qu’a dit sur la BBC Arabic Jamal Khajogji, journaliste et écrivain très proche de l’establishment politico-religieux saoudien : « Tout comme nous avons aidé le peuple afghan à battre l’Union soviétique, nous aiderons le peuple syrien à battre la Russie. » Le peuple afghan se serait bien passé de cette aide qui l’a plongé dans une série de drames indescriptibles et dont il ne voit toujours pas la fin 35 ans plus tard. Seulement, ce que les Saoudiens semblent ignorer, c’est que la Syrie n’est pas l’Afghanistan, la Russie n’est pas l’Union soviétique et le contexte international de 1980 n’est pas celui de 2015. Que peut faire l’Arabie saoudite de plus qu’elle n’ait déjà fait pendant quatre ans ? Sa dernière grande contribution, 500 missiles Tow de fabrication américaine, pour aider l’opposition armée à s’opposer aux frappes russes n’ont rien changé sur le terrain. Les forces de Bachar continuent d’avancer, celles de Daech et d’Annosra continuent de reculer. Plutôt que de chercher à aider le peuple syrien, les dirigeants saoudiens devraient méditer un proverbe français plein de sagesse : charité bien ordonnée commence par soi-même. Cela veut dire qu’ils doivent commencer par s’aider eux-mêmes et aider leur pays à s’immuniser contre les dangers qui le guettent. Et le premier service qu’ils doivent commencer par rendre à leur peuple, à la région et au monde musulman, c’est d’utiliser la manne pétrolière pour le développement économique et social, plutôt que de la gaspiller à alimenter les guerres et le terrorisme. L’establishment politico-religieux saoudien, pour le bien de son pays, de son peuple, pour le bien du monde arabe et musulman, pour le bien du monde tout court, doit cesser de se considérer comme l’unique dépositaire de la Vérité et d’accuser d’hérésie tous ceux qui refusent les enseignements de Mohamed Ibn Abdelwahab. Quand elle est pointée du doigt en tant que premier responsable du déferlement du terrorisme dans le monde non seulement par ses ennemis, mais aussi par ses amis, y compris de hauts responsables de la superpuissance qui la protège, l’Arabie saoudite peut-elle se permettre de continuer à agir obstinément et fanatiquement comme si de rien n’était ?

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