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Saturday, June 28, 2008

L'été de tous les dangers

Les manœuvres militaires israéliennes effectuées au début de ce mois dans l’est de la Méditerranée ont fait, avec un peu de retard, les grands titres de l’actualité internationale. Le retard est dû au fait que ces manœuvres étaient secrètes avant que des « fuites », organisées ou non, n’arrivent au New York Times qui en a fait état le premier.
Ce ne sont p as tant les manœuvres elles-mêmes que leur signification qui a intéressé la presse internationale. Les manœuvres, Israël est habitué à en faire assez souvent, notamment avec son « allié stratégique », les Etats-Unis d’Amérique. Mais les manœuvres du début du mois de juin étaient bien particulières dans la mesure où, sans aucun démenti de la part d’Israël, elles ont été présentées comme un entraînement préparant l’armée israélienne à un éventuel bombardement des installations nucléaires iraniennes.
Cette question de l’enrichissement de l’uranium iranien est devenu cette année un grand sujet de discorde internationale. La quasi-totalité des pays souhaitent que cette question soit résolue pacifiquement, c’est à dire à travers les moyens diplomatiques ou, tout au plus, par le moyen de sanctions commerciales et économiques.
Cependant, il y a des personnalités ça et là, en particulier aux Etats-Unis, dont l’attachement pathologique à la guerre comme moyen de régulation des relations internationales empêche de voir l’Iran autrement que comme une menace terrifiante suspendue sur la tête de l’humanité. C’est le cas de John Bolton par exemple. Cet ancien représentant des Etats-Unis à l’ONU, de juin 2005 à janvier 2006, et que le sénat américain a refusé de confirmer dans son poste, ressemble à une boule de nerfs en perpétuelle convulsion, déversant son langage ordurier sur quiconque soupçonné de préférer la diplomatie aux bombardiers américains pour résoudre les différends internationaux.
Même George Bush n’a pas échappé à l’ire boltonienne quand il a décidé de retirer la Corée du nord de la liste noire américaine. Pyongyang a en effet détruit la tour de refroidissement de son fameux réacteur nucléaire qui a longtemps empoisonné ses relations avec Washington. Cette preuve irréfutable que le réacteur n’est plus en activité n’a pas impressionné John Bolton qui s’est déchaîné contre le président américain qui, au lieu d’envoyer ses bombardiers détruire Pyongyang, a annulé les sanctions économiques imposées à ce pays, selon le constat amer de ce faucon cul-de-jatte.
Bien qu’il n’ait aucun poste de responsabilité, ce vrai cul-de-jatte de l’administration américaine finissante se démène comme un diable et ne rate aucun forum ni séminaire pour pointer du doigt non seulement l’Iran, mais aussi la Syrie, le Liban ou encore le Soudan jurant ses grands Dieux que le monde courrait à sa perte si l’armée américaine ne réglait pas leurs comptes à ces pays.
Mais depuis mai dernier, les tournées belliqueuses de John Bolton deviennent de plus en plus dangereuses. En effet, le 28 mai dernier, après qu’il ait donné une conférence incendiaire sur les relations internationales au Pays de Galle, il a été « arrêté » par un citoyen britannique. Alors qu’il quittait la tribune pour regagner sa place, John Bolton a subi l’assaut inattendu du journaliste britannique du Daily Telegraph, George Monbiot, qui a crié en plein séminaire : « John Bolton, je vous arrête pour crimes de guerre ». Alors que l’ancien secrétaire d’Etat adjoint se débattait pour échapper à l’emprise du citoyen britannique Monbiot, le service d’ordre était intervenu pour le libérer de cette « arrestation citoyenne ». Expliquant son geste symbolique mais spectaculaire, George Monbiot a affirmé : « Beaucoup pensent que le lancement de la guerre d’Irak est un crime international. Mais, jusqu’à présent personne n’a agi pour arrêter l’un des auteurs de ce crime. »
Si les manœuvres israéliennes de l’est méditerranéen s’avéraient être réellement des préparatifs à une attaque contre l’Iran, cela veut dire qu’un nouveau crime international est en cours de préparation. Si Israël est déterminé à commettre à la fois un crime international et une erreur stratégique grave, y compris contre ses propres intérêts, en bombardant un pays qui ne lui a absolument rien fait, l’opinion publique internationale ne pourra sans doute rien faire pour l’empêcher. Celle-ci a démontré son impuissance lors des préparatifs de l’agression contre l’Irak. L’extraordinaire mobilisation dans de nombreuses capitales à travers le monde n’a pas empêché George Bush de lancer sa guerre désastreuse contre l’Irak.
L’espoir vient des divisions au sein des classes politiques des deux seuls pays qui pourraient perpétuer une agression contre l’Iran : Israël et les Etats-Unis. Dans ce dernier pays, on sait que l’establishment politico-militaire est fortement divisé sur la question iranienne. Il est de notoriété publique que les secrétaires d’Etat et à la défense, Condoleezza Rice et Robert Gates, ainsi que plusieurs officiers supérieurs de l’armée américaine sont contre tout bombardement de l’Iran et que le vice président Dick Cheney y pousse de toutes ses forces.
Un petit espoir se dessine toutefois. Selon le journal en ligne, The Jewish Chronicle (http://www.thejc.com/), Ehud Olmert a toujours été confiant que George Bush tiendrait ses promesses (qu’il renouvelait constamment à Olmert et à son prédécesseur Sharon) d’attaquer l’Iran plutôt que de le laisser développer son programme nucléaire. Il se trouve que lors de sa dernière visite à Washington il y a trois semaines, le Premier ministre israélien n’a pas reçu les assurances habituelles de Bush, ce qui, apparemment, l’a fortement perturbé et l’a poussé à considérer sérieusement l’option du « cavalier seul ». C’est dans cette perspective qu’il s’est réuni avec un certain Aviam Sela, un colonel à la retraite, qui n’est autre l’architecte de l’attaque israélienne de juin 1981 contre le réacteur nucléaire irakien Osirak…
Un autre espoir se dessine à la lecture du Jewish Chronicle. Il réside dans la division de la classe politique israélienne concernant l’éventuelle attaque contre l’Iran. Selon ce journal, bien informé des intrigues des coulisses du pouvoir israélien, il y a désormais deux camps opposés : le premier qui soutient le projet d’attaque est dirigé par le ministre des transports Shaul Mofaz, le parlementaire Yitzhak Ben-Yisrael et le général Eliezer Ben Ashkedi. Ce trio considère les sanctions comme une perte de temps et estiment qu’Israël devrait passer à l’attaque le plus tôt possible.
Le second camp qui s’oppose à toute attaque contre l’Iran, la considérant comme aventureuse et dangereuse pour la sécurité d’Israël, est dirigé par le président Shimon Peres. Il vient de recevoir l’appui précieux du chef du Mossad, Meir Dagan, qui conseille à Olmert de prendre tout son temps avant de prendre une décision, car « l’Iran a encore un bon chemin à faire avant de fabriquer une arme nucléaire ».
Si ces deux camps continuaient à se chamailler jusqu’à l’élection du prochain président américain et l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations internationales, on traverserait sans trop de dégâts cet été que d’aucuns n’exagèrent nullement en appelant l’été de tous les dangers.

Thursday, June 26, 2008

Bush sur le terrain des désastres

Le climat devient de plus en plus difficile à comprendre. Son comportement est en train de rivaliser, en termes de complexité et d’irrationalité, avec celui des hommes. On a l’impression qu’il est en train de leur emprunter le pire de ce que leur esprit a enfanté : l’extrémisme et la violence.
En effet, quoi de plus extrémiste et de plus violent que de maintenir un immense pays comme l’Australie sous le régime d’une sècheresse épique qui dure depuis dix ans et de noyer sous les flots de nombreuses localités dans de nombreux pays, de la Chine aux Etats-Unis en passant par la Birmanie et l’Inde ? Inutile de dire que les inondations et la sècheresse, dans une extraordinaire alliance entre les extrêmes, coordonnent leurs efforts pour exacerber la crise la plus déroutante de ce début de siècle : l’envolée des prix des denrées alimentaires.
Face au déchaînement de la nature, les pays frappés de plein fouet, petits ou grands, se découvrent soudain vulnérables et se trouvent dans un état d’impuissance qui les empêche de secourir efficacement les victimes. Leurs dirigeants en sont réduits à prier pour que les victimes soient sauvées miraculeusement à défaut de l’être par les moyens de l’Etat. On l’a vu chez les plus faibles, après le passage du cyclone Nargis en Birmanie, et on l’a vu chez les plus puissants après le passage du hurricane Katrina au sud des Etats-Unis ou encore avec la crue du Mississippi et de ses affluents qui endeuille aujourd’hui le Midwest américain.
Le président américain, quoique avec un peu de retard et d’une manière qui a suscité de vives critiques, avait été sur les lieux du désastre laissé par Katrina, et, plus récemment, vient d’arpenter de long en large le Midwest, et l’Etat de l’Iowa en particulier, priant pour les victimes, confortant les survivants et promettant l’aide de l’Etat fédéral, ce qui lui a valu le titre de « consoleur en chef » (comforter in chief), attribué par la journaliste du New York Times, Sheryl Gay Stolberg. Ce qui a fait dire aussi à George Bush lui-même, lors d’une réunion avec ses collaborateurs consacrée aux inondations : « J’ai malheureusement dû me rendre sur les lieux de bien trop de désastres en tant que président. »
Il est certain que, en parlant de ses visites « sur les lieux de bien trop de désastres », le président américain n’avait en tête que les désastres d’origine naturelle. Il ne visait sans doute aucun des désastres qu’il a lui-même engendrés par sa politique de « guerre globale contre le terrorisme » qui, comme tout le monde sait, a fortement renforcé ce fléau qui a pris des proportions hallucinantes depuis que Bush a tourné le dos à Al Qaida et aux talibans en Afghanistan pour régler son compte avec Saddam Hussein.
Tous les économistes vous le diront : si l’on comptabilise les pertes humaines et matérielles provoquées par le hurricane Katrina et les récentes inondations du Midwest et on les compare avec celles que continue de provoquer le seul désastre irakien, on constatera, chiffres à l’appui, que la politique de Bush est plus mortelle et plus destructrice que les plus violents des désastres naturels.
Le plus ahurissant est que, après plus de cinq ans de souffrances de proportions bibliques endurées par 25 millions d’Irakiens, le président américain continue jusqu’à maintenant à clamer haut et fort que sa décision d’occuper l’Irak était la bonne, qu’il n’avait aucun regret à ce sujet et que le monde est plus sûr sans Saddam Hussein.
La vérité est que le monde était beaucoup plus sûr avec Saddam Hussein pour une raison tout à fait objective. En effet, Saddam constituait un véritable barrage contre le terrorisme et en son temps Bagdad était une ville aussi sûre que Tokyo ou Oslo. Et ici la similitude entre le violent cyclone Katrina et la violente politique de Bush contre l’Irak sont frappantes. Katrina a détruit les digues qui protégeaient la Nouvelle Orléans et du coup la capitale du jazz se trouva submergée par les eaux. Bush a détruit le régime de Saddam Hussein et du coup l’Irak et ses sept mille ans d’histoire se trouvent submergés par la vague déferlante du terrorisme.
Tout comme la Nouvelle Orléans était bien mieux avant le hurricane Katrina, l’Irak et l’Amérique étaient bien mieux avant l’arrivée de Bush au pouvoir. Tous les stratèges vous le diront. Les plus grands perdants des mésaventures militaires de la Maison blanche sont les Irakiens bien sûr, mais aussi le contribuable américain qui paiera les frais de cette guerre pendant des dizaines d’années, et l’armée américaine littéralement dépassée par l’ampleur des dégâts physiques et psychiques subis par ses soldats. Si, rien qu’en Irak, le nombre de ses morts dépasse les 4000, le nombre des blessés (physiques et psychiques) dont la vie est totalement ou partiellement détruite dépasse les six cent mille.
D’après une étude de la RAND corporation (une fondation néoconservatrice plutôt pro-Bush), le nombre de soldats de retour d’Irak et d’Afghanistan avec un « PTSD » (post traumatic stress disorder) tourne autour de 300.000 et ceux de retour avec « une blessure au cerveau » sont évalués à 320.000 (1). Voici donc des centaines de milliers de soldats qui, depuis la guerre du Vietnam jusqu’au printemps 2003, vivaient tranquillement dans leurs bases et qui depuis vivent dans l’enfer du stress, de l’angoisse, de l’insomnie ou du cauchemar engendré par les guerres d’Irak et d’Afghanistan. Sans parler du nombre inquiétant des suicides au sein de l’armée US qui a atteint des records en 2007.
L’Irak et l’Afghanistan ont été transformés en véritables désastres dont l’ampleur, on n’insistera jamais assez, n’a rien à voir avec celle de la Nouvelle Orléans ou du Midwest. Bush les a visités à plusieurs reprises, souvent secrètement pour des raisons de sécurité, mais il ne lui arrive jamais à l’idée de les classer dans la catégorie des « lieux de désastres » qu’il a visités en tant que président. Mais, qu’on le veuille ou non, ils font partie de cette catégorie, même si l’ « ordre » d’occuper l’Irak lui a été donné par un « Père Supérieur » (Higher Father), comme il l’a prétendu au cours de l’un de ses nombreux entretiens avec le journaliste du Washington Post, Bob Woodward.

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(1) Voir l’article de Bob Herbert « Wounds of war » (Blessures de guerre) dans le New York Times du 24 juin 2008.

Saturday, June 21, 2008

Folies estivales israéliennes

C’est connu, et on a la preuve historique, que l’été ne fait pas monter seulement les températures en Israël, mais aussi la fièvre guerrière. En juin 1967, l’agression israélienne contre l’Egypte, la Syrie et la Jordanie a transformé la région en poudrière permanente, et les effets de cette guerre sont toujours brûlants, plus de 40 ans plu tard.
En juin 1981, l’armée israélienne envoie l’un de ses pilotes lancer une bombe sur le réacteur nucléaire irakien Osirak.
En juin 1982, Israël s’engage dans sa désastreuse occupation du Liban, la deuxième après celle du printemps de 1978. Les conséquences sont terrifiantes non seulement pour les Libanais, mais aussi pour les Israéliens eux-mêmes qui, contrairement à leurs prévisions, se trouvent enfoncés jusqu’au cou dans le bourbier du sud-Liban duquel, dix huit ans plus tard, ils se retirent dans l’humiliation sous les coups douloureux du Hezbollah.
En juillet 2006, l’armée israélienne, encouragée par le régime de George Bush, s’attaque de nouveau au Liban qu’elle bombarde pendant 36 jours d’affilé détruisant les infrastructures, massacrant les civils et lançant sur les routes des milliers de réfugiés, avant de se retirer la tête basse et sans avoir atteint le moindre de ses objectifs.
Le 6 juin 2008, l’ancien chef d’état major de l’armée israélienne et actuel ministre des transports, Shaul Mofaz, fait une déclaration fracassante à la presse : « si l’Iran continue de développer son programme d’armes nucléaires, nous l’attaquerons. Les sanctions ne sont pas efficaces. Attaquer l’Iran afin d’arrêter son programme nucléaire sera inévitable ».
Le 19 juin 2008, le New York Times publie son « scoop ». Israël, affirme le journal new yorkais, s’est livré au début de ce mois à un vaste exercice militaire dans l’est méditerranéen en préparation à une attaque contre les installations nucléaires iraniennes. Pas moins de 100 avions F15 et F16 ont été impliqués dans l’exercice ainsi que des avions ravitailleurs, car la distance aller-retour que devraient faire faire ces avions en cas d’attaque est de 3000 kilomètres au minimum.
Il est pour le moins curieux que peu de temps après que Manouchehr Mottaki, annonçait dans la capitale ougandaise, Kampala, où se tenait un sommet des pays islamiques, la disposition de l’Iran à discuter les nouvelles propositions des 5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) transmises à Téhéran il y a quelques jours par l’émissaire européen Javier Solana, le New York Times publiait son « scoop ».
Cela pourrait relever des « coïncidences calculées », par lesquelles Israël, chercherait à pousser l’Iran à durcir sa position, à faire capoter les tentatives européennes d’atteindre un accord négocié avec Téhéran sur la crise du nucléaire iranien et de donner ainsi des arguments supplémentaires aux partisans de frappes aériennes contre l’Iran à Washington. Car, il est évident qu’Israël souhaite, et de loin, entraîner les Etats-Unis à ses côtés dans une éventuelle aventure militaire plutôt que d’affronter seul un aussi grand pays.
Le premier à avoir ressenti le danger des manœuvres israéliennes et à avoir réagi avec colère est Mohamed El Baradei, le directeur de l’AIEA. El Baradei, qui sait de quoi il parle, a affirmé que, outre le fait qu’aucune preuve tangible d’un programme nucléaire militaire iranien n’est établie, une attaque israélienne contre l’Iran « transformerait la région en une boule de feu ».
El Baradei a affirmé qu’il démissionnerait en cas d’attaque israélienne, mais cela doit être compris moins comme une menace que comme un avertissement qu’après une attaque israélienne ou israélo-américaine, l’Iran cesserait sans doute tout contact avec l’AIEA et, par conséquent, El Baradei n’aurait plus rien à faire à la tête de cette organisation qui a déjà échoué à empêcher la guerre de Bush contre l’Irak, bien qu’elle ait répété haut et fort que Saddam Hussein ne développait aucun programme d’armes de destruction massive.
L’Iran de 2008 n’est pas l’Irak de 1981. Si les partisans à Washington et Tel Aviv d’une frappe aérienne massive pensent que l’Iran réagirait à leur folie par un communiqué de presse condamnant l’agression, ils se trompent lourdement. Un pays qui rumine un lourd sentiment d’injustice depuis au moins 1953 (date du renversement par une action anglo-américaine du Premier ministre Mosaddeq, démocratiquement élu) répondra sans doute à la violence par une violence plus grande.
Il n’est nullement exclu qu’en cas d’attaque contre leur pays, les autorités iraniennes recourront à la fermeture pure et simple du détroit d’Hormuz par lequel transite 40% du pétrole consommé dans le monde. Et si après la déclaration provocatrice de Shaul Mofaz, le baril a gagné 11 dollars en une seule journée, à combien sera le baril si le marché perd soudain 40% du pétrole consommé dans le monde et qui transitent par le détroit d’Hormuz ?
Mais le pétrole n’est pas la seule préoccupation ni même la plus importante qui devrait être prise en considération pour empêcher impérativement une nouvelle folie estivale israélienne. La sécurité de la région et du monde est cette fois-ci très sérieusement menacée pour que les pays capables d’arrêter Israël continuent à regarder ailleurs. Il ne faut pas compter sur cette administration américaine pour le faire, bien sûr, mais l’Europe, la Russie et les puissances régionales doivent cette fois tracer une véritable ligne rouge à Israël et lui signifier qu’il a suffisamment éreinté le monde en jouant à l’enfant gâté dans une usine d’explosif et qui crie à gorge déployée dès qu’on touche à ses allumettes.
Parmi les puissances régionales, la Turquie est à coup sûr une pièce maîtresse face à Israël. D’abord parce qu’elle a des relations développées avec ce pays, ensuite parce qu’Israël ne peut aller bombarder l’Iran sans survoler l’espace aérien turc. Si Ankara interdisait le survol de son territoire aux bombardiers israéliens, un grand obstacle serait érigé sur la voie de l’aventurisme israélien. Et ce serait toujours ça de gagné.

Tuesday, June 17, 2008

Le danger mortel d'Israël: sa classe politique

On sait que beaucoup de politiciens israéliens sont des gens futiles, politiquement stupides et stratégiquement nuls. Cela ne nous a pas immunisés pour autant contre l’étonnement que continue de susciter de temps à autre la classe politique qui dirige Israël et qui prétend défendre ses intérêts.
Il y a eu ces derniers jours comme un concours entre les politiciens d’Israël à qui fera la déclaration la plus futile, la plus stupide, la plus insensée. A titre d’exemple, il est difficile de dire laquelle de deux déclarations arrache la première place. Celle d’Eli Yishai, vice Premier et chef du parti religieux Shas ou celle du membre du Knesset, Otniel Shneller. Tous deux étaient dans un état second après avoir entendu les critiques, parfaitement inoffensives, par ailleurs, comme toujours, formulées par Condoleezza Rice le week-end dernier contre la décision israélienne de construire 1300 nouveaux logements dans les colonies illégales de Jérusalem-Est.
Eli Yishai était particulièrement furieux contre Mme Rice et spécialement futile dans sa réponse : « Qu’adviendrait-il, a affirmé ce type, si quelqu’un disait à l’administration américaine qu’elle n’avait pas le droit de développer Washington ? Il n’y a aucune différence entre la souveraineté d’Israël sur Jérusalem et celles des Etats-Unis sur Washington »… Quant à l’autre candidat au premier Prix de la futilité, Otniel Shneller, il n’avait trouvé rien de mieux que d’accuser Mme Rice d’être un « obstacle pour la paix : « Les critiques de Condoleezza Rice sont le vrai obstacle sur la voie des négociations entre Israël et les palestiniens », a dit sans rire ce représentant du parti Kadima au Knesset.
La position du gouvernement israélien n’est pas en fait moins futile que celle d’Yishai et de Shneller. Ses porte-parole ne cessent depuis longtemps de crier sur les toits que « du moment que Jérusalem est la capitale unifiée d’Israël, celui-ci a le droit de construire dans n’importe quel quartier ». C’est ce qu’a répété, pas plus tard qu’hier matin sur la BBC (en langue arabe), Amira Oron, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.
La classe politique israélienne ressemble à cet homme qui a perdu le nord, qui se trouve englué jusqu’au cou dans un bourbier et qui, au lieu de reculer pour sauver ce qui peut l’être, continue d’avancer en criant haut et fort qu’il sait ce qu’il fait. Car, que sont en train de faire les politiciens israéliens du genre Yishai, Shneller, Olmert, Barak et les autres ? Ils continuent d’avancer obstinément et aveuglément sur la voie désastreuse de la guerre et de l’occupation inaugurée par Golda Meir et, après elle, par Menahem Begin, Yitzhak Shamir et Ariel Sharon.
Tous savaient pertinemment que l’erreur mortelle commise par Israël fut celle de l’occupation des terres arabes en juin 1967. L’un d’eux, Yitzhak Shamir, avait reconnu, du temps où il était Premier ministre, qu’il priait chaque soir avant de dormir pour qu’à son réveil on l’informerait de … la disparition de Gaza sous les flots. C’était la reconnaissance la plus explicite faite jusqu’à ce jour par un politicien israélien du regret d’avoir eu à gérer ce territoire dont l’occupation s’était transformée en cauchemar. Mais, en politicien futile lui aussi, au lieu de mettre fin à l’occupation de Gaza, Shamir lui rêvait d’un sort semblable à l’Atlantide. Et même Ariel Sharon, celui qui a eu le « courage » de ramener les colons de Gaza et les soldats qui les protégeaient à la maison, il a mis fin à l’occupation de manière si stupide qu’il a aggravé le mal au lieu de le guérir. La preuve est que jusqu’à ce jour, Gaza demeure le plus grand casse-tête des politiciens israéliens.
Jusqu’à ce jour seulement car le casse tête de Gaza n’est rien par rapport au futur casse tête que sera Jérusalem. Si Gaza a un million et demi de Palestiniens pour défendre son honneur et transformer son occupation en cauchemar pour les Israéliens, la ville sainte de Jérusalem exerce un attrait sur un milliard de Musulmans. Cet attrait est d’autant plus dangereux pour Israël, qu’il n’est pas nourri seulement par des considérations politiques, mais aussi et surtout par des considérations d’ordre religieux et mystique.
C’est peut-être cette inimitié passionnelle entre un milliard de Musulmans et cinq millions et demi de Juifs qui peuplent Israël et les territoires occupés, dont Jérusalem-Est, qui est à la base du scepticisme de la CIA exprimé l’année dernière dans un rapport qui doute de la possibilité pour Israël de fêter son centième anniversaire.
A ce niveau, la question existentielle qui se pose pour Israël est la suivante : les ennemis mortels de ce pays sont-ils le milliard de Musulmans, qui ne cherchent qu’à vivre en paix, y compris avec l’Etat juif dans les limites de ses frontières du 4 juin 1967, ou la classe politique israélienne qui, par son arrogance et sa politique de fuite en avant, continue de pousser obstinément Israël vers le précipice ? La réponse est évidente.

Saturday, June 14, 2008

Un projet d'accord contestable


Pour enfoncer une porte ouverte, disons que l’agression américaine contre l’Irak en mars 2003 était le renversement du régime de Saddam Hussein, et le but du renversement du régime baathiste était de transformer l’Irak en Etat satellite où Washington contrôlerait les immenses ressources énergétiques du pays en livrant leur exploitation aux multinationales américaines.
Après plus de six ans de guerre atroce, force est de constater que cet objectif est loin d’être atteint. Le régime de George Bush qui n’a plus que huit mois d’existence est engagé dans une course contre la montre pour tenter de réaliser à travers un accord négocié ce qu’il n’a pu faire par la force militaire brutale.
Le Pentagone veut faire croire actuellement qu’il est en train de négocier avec les autorités irakiennes un accord sur ce qu’il appelle un « simple statut des forces », semblable à ceux qui sont conclus avec l’Italie, l’Allemagne ou encore le Japon où Washington entretient des bases militaires depuis 1945.
Rien n’est moins vrai, car l’accord sur le statut des forces américaines avec l’Italie, l’Allemagne et le Japon préserve la totale souveraineté de ces pays qui peuvent traîner en justice les soldats américains pour viol ou même pour simples altercations au cours d’une soûlerie. Ce qui n’est pas le cas des termes de ce projet d’accord défendu actuellement bec et ongles avec le Pentagone auprès du gouvernement de Nouri al Maliki. Selon les quelques détails publiés par la presse américaine, en plus de « la plus grande ambassade américaine dans le monde », située dans la zone verte à Bagdad, le Pentagone désire établir 58 bases militaires dans les différentes régions de l’Irak.
Mais le plus choquant est que les forces américaines qui gèreraient ces bases auraient le droit d’arrêter des Irakiens et de les emprisonner, alors que la justice irakienne n’aurait le droit de poursuivre ni les soldats ni même les contractants de nationalité américaine qui se rendraient coupables de crimes ou délits.
Les détails du projet d’accord concernant les aspects énergétiques et commerciaux ne sont pas connus, mais, sans aucun doute, ils ne peuvent pas être plus avantageux pour les Irakiens que l’aspect militaire du projet. Déjà, au temps de Paul Bremer, ancien représentant de Bush en Irak, il y avait eu une tentative de déposséder les Irakiens du contrôle de l’exploitation des ressources énergétiques, tentative avortée grâce à l’héroïque résistance des puissants syndicats irakiens de l’industrie pétrolière.
Cette forte résistance manifestée au temps de Paul Bremer est, apparemment en train de se répéter actuellement chez toutes les tendances politiques du pays, y compris la coalition gouvernementale entre les chiites du parti de Maliki et les Kurdes représentés par le président irakien Jalal Talabani. D’après le journaliste américain Patrick Cockburn, cette opposition virulente des Irakiens au projet d’accord proposé par George Bush a obligé celui-ci à faire des concessions au niveau du nombre des bases militaires (révisé à la baisse) et au niveau de l’immunité accordé aux contractuels américains servant en Irak. Ces concessions auraient été consenties pour encourager le gouvernement irakien à signer le projet d’accord sur « le statut des forces » avant le 31 juillet.
Visiblement l’administration américaine est très pressée de conclure ce projet d’accord de défense et de commerce avec le gouvernement irakien, ce qui est de nature à accroître la suspicion et la méfiance vis-à-vis de ses intentions profondes.
Il est peu probable que les concessions faites par l’administration américaine face à la résistance de la classe politique irakienne soient suffisantes pour la signature du projet d’accord. Car les objections soulevées par les politiciens irakiens ne concernent pas seulement le contenu du projet mis au point et ficelé au Pentagone, mais aussi au timing. Plusieurs responsables irakiens font observer à raison qu’il serait sage de signer l’accord non pas avant le 31 juillet comme l’exige Bush, mais après les élections législatives irakiennes prévues dans quelques mois, et surtout après les élections américaines de novembre, le temps pour les Irakiens d’être édifiés sur les orientations de la politique étrangère américaine que mettra au point le prochain locataire de la Maison blanche.
Mais une autre question importante se pose. Pourquoi est-ce que les deux candidats démocrate et républicain, Barack Obama et John McCain, se taisaient-il face à cette tentative de George Bush de leur lier les mains en Irak par cet accord ? Pourquoi un président, qui a commis des erreurs politiques et stratégiques monumentales au cours de ses deux mandats, s’arroge-t-il le droit d’imposer ses vues de la question irakienne à son successeur ? Si les vues de McCain, qui voulait que l’armée américaine reste « un siècle » en Irak, sont plutôt proches de celles de Bush, ce n’est pas le cas d’Obama. Clui-ci garde un silence étonnant sur ce projet d’accord qui risquerait de l’engager, s’il était élu président en novembre prochain.
Le mot de la fin revient à Sami al Askari, un politicien chiite très proche de Premier ministre Nouri al Maliki. Il a affirmé récemment au Washington Post : « Les Américains sont en train de faire des demandes qui pourraient mener à la colonisation de l’Irak…Si nous n’arrivons pas à conclure un accord honnête, beaucoup d’Irakiens diront : ‘Goodbye, les troupes américaines. Nous n’avons pas besoin de vous’. »

Wednesday, June 11, 2008

La paix, ce danger qui terrorise Israël

Quand on dit que la classe politique israélienne redoute la paix comme la peste, on ne verse pas dans « la propagande anti-israélienne primaire », comme l’affirment haut et fort les défenseurs d’Israël. C’est un constat tout à fait objectif et parfaitement démontrable. Et quand on dit que les Palestiniens ont raté un nombre incalculable d’occasions pour créer leur Etat et vivre en paix, cela relève de la propagande israélienne la plus grotesque, car le monde entier est témoin de l’incroyable ampleur des concessions faites par l’OLP depuis la fameuse conférence d’Alger en 1988 jusqu’à ce jour, sans obtenir le moindre résultat concret. L’expérience des vingt dernières années montre clairement que plus les Palestiniens font des concessions, plus la classe politique israélienne se montre arrogante et plus les collines de Cisjordanie se hérissent de nouvelles colonies.
Le processus de paix israélo-palestinien atteint des proportions surréalistes. Rappelons nous les négociations d’Annapolis organisées par les Américains à grand renfort de publicité. Les israéliens, pour démontrer l’importance qu’ils accordaient à cet événement, n’avaient trouvé de meilleur moment pour annoncer la construction de 750 nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie. Et les rencontres rituelles entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas sont souvent l’occasion pour celui-là d’annoncer de nouvelles extensions dans les colonies de Jérusalem-Est et ailleurs. Le degré de surréalisme atteint par le processus de paix est tel que même si Israël accepte aujourd’hui la création d’un Etat palestinien, celui-ci ne trouvera pas l’espace contigu nécessaire pour bâtir ses institutions et exercer ses prérogatives.
Bon nombre de politiciens israéliens font de l’instabilité régionale leur fonds de commerce. Ils sont comme un poisson dans l’eau dans les situations de crise et de tension et manifestent des signes de graves perturbations dès qu’un espoir de paix se dessine à l’horizon. La dernière occasion sérieuse de résolution du conflit israélo-palestinien s’était présentée en août 2000, quand l’ancien président américain Bill Clinton avait réuni Yasser Arafat et Ehud Barak, alors Premier ministre d’Israël, pour discuter à Camp David.
Cette occasion fur ratée non pas à cause de l’ « intransigeance » du chef de l’OLP, comme le prétendaient la délégation israélienne aux négociations et les milieux pro-israéliens aux Etats-Unis, mais par l’intransigeance de Barak, comme en témoigne Robert Malley, ancien conseiller de Clinton et qui, à ce titre, avait suivi de très près le déroulement de tout le processus des négociations du début jusqu’à leur échec. Rappelons que, pour avoir dit la vérité sur ce qui s’était réellement passé à Camp David, Robert Malley se trouve aujourd’hui sur la liste noire du lobby israélien aux Etats-Unis, l’omnipotent AIPAC (Americain Israeli Public Affairs Committee).
La plus sérieuse occasion depuis le début des négociations israélo-palestiniennes fut ainsi torpillée parce qu’Ehud Barak s’était soudain trouvé en danger de paix. Pour éloigner ce danger, il s’était mis à faire monter les enchères avec l’intention de rendre impossible la mission de la délégation palestinienne, faisant ainsi échouer délibérément une rare occasion qui aurait pu résoudre l’un des conflits les plus dangereux pour la stabilité et la sécurité du Moyen-Orient, et même du monde.
Ehud Barak n’était pas stupide au point d’ignorer que l’échec des négociations de Camp David devait nécessairement se traduire par une explosion dans les territoires occupés. Il n’était pas stupide au point d’ignorer que la visite provocatrice d’Ariel Sharon à l’esplanade des mosquées, un mois après l’échec de Camp David, allait mettre le feu aux poudres. Pourtant, il avait laissé faire parce qu’il préférait la guerre avec les Palestiniens à laquelle il était préparé à la paix avec eux qu’il avait sabotée en août 2000, à la grande frustration de l’hôte américain, Bill Clinton, qui, par la faute de Barak, avait lui-même échoué à se faire une petite place dans l’histoire.
Actuellement, des négociations indirectes par l’intermédiaire de la Turquie se déroulent entre Israël et la Syrie. Ce sont des négociations laborieuses et très complexes sans aucun doute. Ce n’est sûrement pas demain ni le mois prochain que l’on aura la surprise de voir les Israéliens et les Syriens en train de signer un accord de paix et les troupes israéliennes en train d’évacuer les colons du Golan. Pourtant, il y’a en Israël des hommes politiques que cette éventualité de paix dérange. Ils s’accommodent beaucoup mieux de cet état d’animosité et d’hostilité permanentes qu’avec une relation de bon voisinage avec la Syrie.
Dès que l’information relative aux négociations indirectes d’Istanbul était rendue publique, on avait assisté à une véritable levée de boucliers de la part de nombreux politiciens israéliens que la paix dérange. On avait eu droit aux rengaines éculées du « soutien syrien aux terroristes » auxquelles était venue s’ajouter une nouvelle trouvaille : « Si Israël se retirait du Golan, ce plateau serait transformé aussitôt en base militaire iranienne »…
Pour brouiller encore plus les cartes et entretenir le spectre de la guerre si indispensable à la classe politique israélienne, le ministre des transports, Shaul Mofaz, d’origine iranienne, vient d’affirmer qu’«une attaque contre l’Iran est inévitable ». Pourquoi ? Parce qu’un pays de sept millions d’habitants qui possède deux cents armes nucléaires soupçonne un pays de soixante dix millions d’habitants de vouloir en fabriquer quelques unes. Sur la base d’un soupçon, balayé d’ailleurs par le rapport des renseignements américains de décembre dernier, Mofaz veut détruire le pays qui l’a vu naître…
Cette peur congénitale de la paix qui hante la classe politique israélienne n’est pas nouvelle. C’est une anomalie qui a marqué toutes les générations des politiciens d’Israël depuis pratiquement la création de ce pays en 1948. On sait maintenant qu’en 1971, juste une année après la mort de Jamal Abdenasser, Anouar Sadate avait fait une proposition de paix à Golda Meir, alors Premier ministre d’Israël. Golda Meir qui redoutait elle aussi la paix comme la peste, refusa la proposition de Sadate. Deux ans après, une nouvelle guerre israélo-arabe éclata. Plusieurs milliers de morts des deux côtés dont 3000 soldats israéliens. Trente cinq après, la peur de la paix continue à faire des ravages.

Saturday, June 07, 2008

La preuve par l'applaudimètre

On se demande de quelle étoffe sont faits ces sept mille activistes de l’American Israeli Public Affairs Committee (AIPAC), présents à la conférence de ce puissant lobby à Washington du 2 au 4 juin dernier ? Les psychologues et les psychiatres auraient bien des choses à dire s’ils avaient pris la peine d’observer minutieusement, en se basant sur l’applaudimètre, la réaction de l’assistance non pas vis-à-vis de chaque orateur, mais vis-à-vis de chaque partie du discours prononcé par chacun des invités à ce forum.
Si l’on prend seulement les exemples du candidat Barack Obama, de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice et du Premier ministre israélien Ehud Olmert, on constatera que la réaction des 7000 délégués à ces trois discours est enthousiaste et leurs applaudissements assourdissants quand les orateurs s’en prennent à l’Iran, utilisent les menaces de guerre contre lui ou encore prônent l’isolement contre le mouvement palestinien Hamas. En revanche, cette réaction se caractérise par une froideur déconcertante et les applaudissements à peine audibles quand les orateurs abordent la nécessité d’œuvrer pour la paix, ou le volet des négociations israélo-palestiniennes ou israélo-syriennes. En d’autres termes, la perspective de guerre et de désordre déclenche l’enthousiasme et la passion chez ces délégués AIPACiens et la perspective de paix et d’entente fait naître en eux un étrange sentiment de déception.
Les psychiatres ont sans doute leur mot à dire ici. Mais du point de vue de l’analyse politique, ce comportement n’a rien d’étrange quand on sait le fantasme macabre qu’a toujours nourri l’AIPAC d’enterrer sous les bombes individus, mouvements ou pays qui osent s’opposer au « droit » d’Israël d’occuper, de coloniser et de tuer impunément qui il veut quand il veut. Et quiconque y trouve à redire est un antisémite, un ennemi de la démocratie et de la liberté et un suppôt du terrorisme. Le rôle du lobby juif aux Etats-Unis est bien connu dans les guerres contre l’Irak et le Liban, sans parler de sa responsabilité dans le calvaire quotidien des palestiniens par son soutien sans faille aux politiques extrémistes des différents gouvernements israéliens de celui de Golda Meir à celui d’Ehud Olmert en passant par les gouvernements de Menahem Begin ou d’Ariel Sharon.
Barack Obama, le candidat qui prône le changement, semble avoir laissé aux vestiaires les quelques brillantes idées de sa campagne avant de monter à la tribune de l’AIPAC mercredi dernier et de prononcer son discours consternant. S’il est vrai que les gens de l’AIPAC nourrissent quelques appréhensions à l’égard du candidat métis, était-il nécessaire, c'est-à-dire politiquement payant, que celui-ci verse dans le zèle pro-israélien à un point que même George Bush n’a pas franchi ?
« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire », avait dit Obama aux 7000 délégués qui applaudissaient à tout rompre. Un langage plus proche de celui du couple Bush-Cheney que de celui du candidat Obama qui promettait de s’asseoir avec les Iraniens à la même table pour négocier avec eux. Mais le mur du son est franchi quand, à la surprise générale, Barack Obama décida sur un coup de tête que la totalité de Jérusalem revient à Israël, appelé à en faire sa « capitale unifiée. »
Il n’a pas fallu plus pour déclencher un enthousiasme débordant chez les délégués de l’AIPAC et une consternation chez les Arabes et les Palestiniens. La consternation est d’autant plus justifiée que même le couple Bush-Cheney n’a jamais qualifié publiquement Jérusalem de capitale unifiée d’Israël. La consternation est d’autant plus justifiée aussi que même Bush, le président le plus pro-israélien dans l’histoire américaine, n’a jamais parlé de la ville sainte en ces termes ni tenté de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv vers Jérusalem.
Obama sait sans doute qu’il a commis une gaffe. La preuve est qu’il a fait machine arrière quelques heures après son discours devant l’AIPAC en nuançant fortement son propos dans une interview accordée le jour même à CNN : « Evidemment, dit-il, il reviendra aux parties (israélienne et palestinienne) de négocier sur ces questions. Et Jérusalem fera partie de ces questions. »
En règle générale, en Amérique comme ailleurs, il est rare que les discours électoraux des candidats à de hauts postes politiques se trouvent traduits automatiquement en actes une fois le candidat devenu décideur. La seule exception concerne les promesses électorales relatives au soutien à Israël. Là, aucun candidat ne peut se permettre d’oublier ses promesses tellement l’AIPAC est vigilant. Sauf bien sûr la promesse saugrenue du genre « Jérusalem capitale unifiée d’Israël » qu’Obama a répudiée le jour même.
Pourtant le candidat Obama avait fait naître un espoir, et pas seulement dans le monde arabo-musulman, qu’un changement dans la politique étrangère américaine est possible. L’incident du « Jérusalem, capitale unifiée » et du durcissement inattendu vis-à-vis de la question iranienne font penser à plus d’un qu’on est pas sorti de l’auberge.
Le lobby juif vit totalement coupé de la réalité israélienne et de celle du Moyen-Orient. Ses fantasmes politico-religieux continuent à faire des ravages dans cette région. De plus en plus d’Israéliens sont conscients des dangers de ce groupe de pression sur Israël même et que les responsables de la politique étrangère américaine gagneraient à mieux écouter. Parmi eux Gideon Levy, l’un des journalistes israéliens les plus brillants, qui a écrit ceci récemment dans le quotidien ‘Haaretz’ : « Il est temps de dire franchement aux Juifs Américains, comme on le fait en famille : laissez nous seuls. N’intervenez plus en Israël. Cessez d’utiliser votre argent pour acquérir une influence en Israël. Cessez de ‘contribuer’ à promouvoir vos intérêts et vos vues, qui sont parfois trompeurs et extrêmement dangereux pour l’avenir du pays que vous voulez défendre. Non merci, nous nous débrouillons très bien. Non merci, certains parmi vous causent de graves dommages. Si vous voulez exercer une influence, faites le dans votre pays. » Inutile de préciser que pour l’AIPAC, le journaliste juif Gideon Levy est …antisémite.

Tuesday, June 03, 2008

Lobby arrogant et candidats obséquieux

Le télévangéliste texan John Hagee a endossé la candidature du républicain John McCain et a appelé ses troupes à faire campagne pour lui. Mais celui-ci a vite fait de rejeter cet appui au motif que John Hagee, un extrémiste chrétien et un féroce défenseur d’Israël et de la colonisation des territoires palestiniens, a affirmé récemment que « Dieu a envoyé Hitler pour aider les Juifs à atteindre la terre promise ».
Aussi grotesque soit-elle, la remarque de John Hagee aurait eu un sens si son auteur avait évité de spéculer sur une volonté divine derrière la folie hitlérienne et sur le mythe de la terre promise. Du point de vue de l’analyse historique pure, il y a un lien évident entre le massacre à grande échelle des Juifs par Hitler et le calvaire que vivent depuis 60 ans les Palestiniens en particulier et la région du Moyen-Orient en général.
John Hagee n’est pas anti-juif. C’est l’un des chefs de file de ces sionistes chrétiens qui encouragent Israël non seulement à ne pas rendre les territoires conquis en 1967 mais à occuper la « totalité de la terre promise », condition sine qua non d’après la secte télévangéliste de John Hagee du retour du messie… John Hagee aime Israël non pas parce qu’il a un amour particulier pour les Juifs, mais parce que pour lui, Israël est l’instrument qui est de nature à précipiter le retour du Messie et… la reconversion (volontaire ou forcée) des Juifs au christianisme.
La remarque de Hagee sur une volonté divine derrière la politique anti-juive de Hitler a mis en émoi les Juifs américains et poussé le candidat McCain à prendre ses distances avec une personnalité capable de lui faire gagner des millions de voix dans les milieux extrémistes chrétiens. Peut-être McCain a-t-il fait une simple opération arithmétique à l’issue de laquelle il a pu constater que les voix que lui apporteraient les Juifs seraient plus nombreuses que celles qu’aurait pu lui apporter John Hagee, et il était donc plus judicieux pour lui de refuser l’endossement de Hagee et de chercher celui de l’AIPAC (Americain Israeli Public Affairs Committee).
Il a certainement fait le bon choix car, d’après les dernières informations, l’AIPAC est, semble-t-il, plus fort que jamais et ni le livre de Mearsheimer et Walt, ni la création de J Street (un mini lobby juif anti-AIPAC) n’ont encore entamé sérieusement le crédit de cette anomalie sur la scène politique américaine. Pour sa conférence annuelle qu’il organise actuellement à « Convention Center » à Washington du 2 au 4 juin, l’AIPAC n’a jamais réuni autant de monde depuis le début de ses activités au milieu des années 1950. Pas moins de sept mille lobbyistes et leurs invités discutent des meilleurs moyens de soutenir Israël et donc de perpétuer les injustices et les risques de déstabilisation et de guerres.
Cette année, l’AIPAC tient ses assises à quelques mois de l’élection d’un nouveau président à la Maison blanche. Et comme il est largement admis qu’aucun candidat n’a de chance de se faire élire s’il n’obtient pas la bénédiction de ce lobby, les enchères battent leur plein entre les candidats. L’enjeu est de taille et John McCain, Barack Obama et Hillary Clinton rivalisent d’ingéniosité, pour ne pas dire d’obséquiosité, pour décrocher le gros lot, c'est-à-dire se faire endosser par le puissant lobby. Même Mme Clinton, qui n’a plus aucune chance d’être investie candidate des démocrates, a tenu a aller à « Convention Center » pour répéter qu’elle n’hésiterait pas à « oblitérer » l’Iran par le feu nucléaire si ce pays osait toucher à un poil d’Israël.
McCain a eu l’insigne honneur d’ouvrir la conférence des lobbyistes juifs américains en insistant sur sa principale trouvaille : ignorer l’Organisation des Nations Unies si celle-ci refuse d’imposer les sanctions les plus dures à l’encontre de l’Iran. Quant au candidat Obama, il a donné le ton bien avant l’ouverture de la conférence de l’AIPAC.
En effet, si Mc Cain a pris ses distances avec le télévangéliste John Hagee pour se rapprocher du lobby, Obama a pris ses distances à la fois avec Jimmy Carter et avec l’ancien conseiller de Bill Clinton, Robert Malley. Le premier pour avoir qualifié Israël d’Etat pratiquant une politique d’apartheid vis-à-vis des Palestiniens, et le second pour avoir fait assumer l’échec des pourparlers de Camp David d’août 2000 non pas à Yasser Arafat, comme le veut le lobby, mais à l’intransigeance israélienne et à la complaisance américaine avec l’occupant.
L’AIPAC continue d’être une grosse anomalie sur la scène politique américaine contre laquelle personne n’a encore rien pu faire. Son arrogance est telle que, tout en regroupant des Juifs qui se disent citoyens américains, la discussion des intérêts des Etats-Unis est bannie des forums du lobby. Toute référence à une possible divergence entre les intérêts américains et israéliens équivaut à un blasphème. Bien que cette divergence soit bien réelle, comme l’ont brillamment démontrée Mersheimer et Walt dans leur essai sur « Le lobby israélien et la politique étrangère américaine », quiconque y fait la moindre allusion voit sa carrière politique détruite.
L’AIPAC continue d’être une anomalie aux Etats-Unis parce qu’il continue d’imposer impunément une surenchère humiliante pour les politiciens américains en termes de loyauté et de fidélité à Israël. Pire encore, ce lobby se délecte de l’étonnante obséquiosité dont font preuve les candidats à la Maison blanche. C’est d’autant plus consternant que le candidat obséquieux face à ce lobby arrogant présidera, en cas de victoire aux destinées des Etats-Unis et influencera dans une large mesure la politique mondiale. Le cynisme de l’AIPAC a atteint un degré tel que ses membres ne prennent plus la peine de cacher la condescendance avec laquelle ils traitent les candidats qui cherchent leur appui. L’un d’eux n’a pas hésité à parler des trois candidats encore en lice en ces termes : « ils veulent rivaliser à qui mieux soutiendrait Israël ? Laisse les rivaliser » !