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Monday, November 30, 2015

La force, la justice et le beau mirage

L’attaque par l’aviation américaine contre l’hôpital de Médecins Sans Frontières (MSF) à Konduz, dans le nord de l’Afghanistan, le 3 octobre dernier a fait et continue de faire couler beaucoup d’encre compte tenu à la fois de l’importance de ce centre hospitalier humanitaire et des effets dévastateurs de son bombardement. L’hôpital de Konduz, fleuron de l’organisation humanitaire ‘’Médecins Sans Frontières’’ était une véritable bénédiction pour tous les blessés sans exception des parties en conflit de quelque côté où elles se placent et à quelque tendance qu’elles appartiennent. Qu’on en juge : Le centre hospitalier offre gratuitement à tous les blessés qui frappent à sa porte un large éventail d’interventions : des interventions chirurgicales orthopédiques, vasculaires, plastiques, sans oublier la neurochirurgie. Depuis le début de 2015, l’hôpital a entrepris 3000 interventions chirurgicales. Dans la seule semaine où s’est déroulé le bombardement, 400 blessés ont été traités, leurs blessures pansées et leurs souffrances allégées. La violence du bombardement américain de cette unité hospitalière humanitaire est telle que l’on dénombre 10 morts parmi les patients, dont trois enfants, et 12 membres du staff médical de MSF, sans parler des énormes dégâts au niveau des locaux en ruine et du matériel médical détruit. Dr Bart Jannessens, directeur des opérations à MSF a déclaré au journal médical britannique ‘’The Lancet’’ : « en tant que médecin, je pense que c’est un crime de s’attaquer à un staff médical désarmé dont l’unique objectif est de sauver des vies. Alors des deux choses l’une, ou bien on maintient l’idée des Conventions de Genève et des multiples protections médicales qu’elle comporte, ou alors, comme c’est le cas à Konduz, on procède publiquement à sa destruction. » Bien qu’elles soient ratifiées par 196 pays, les Conventions de Genève sont malheureusement parmi les règles internationales les plus ignorées et les plus violées. Ce n’est un secret pour personne que les plus grandes et les plus nombreuses violations du droit humanitaire international proviennent des Etats-Unis et de son plus proche allié, Israël. Dans l’histoire récente, c'est-à-dire de 1945 à nos jours, les Etats-Unis sont largement en tête des pays-violeurs du droit international humanitaire. Sans remonter aux tragédies d’Hiroshima et de Nagasaki où des centaines de milliers de civils japonais sont morts dans des souffrances intolérables par le feu nucléaire américain, l’armée US s’est comportée pendant des décennies en puissance mortelle pour les civils et en force destructrice des infrastructures péniblement construites par des pays sans grandes ressources. On pense ici à la Corée, au Vietnam, au Cambodge, au Laos, à l’Afghanistan, à l’Irak et la liste des pays victimes de l’agressivité excessive de l’armée US est longue. Le mépris par la puissance américaine des règles fondamentales du droit international et l’impunité dont elle est assurée ont encouragé Israël à suivre les traces de son protecteur en imposant au peuple palestinien un huis-clos sanglant qui dure depuis près d’un demi-siècle. Israël est allé plus loin que son protecteur américain puisqu’il viole à la fois les Conventions de Genève qui protègent les civils contre la force brutale des armées, et le droit international qui, depuis le 22 novembre 1967, attend toujours l’application de la résolution 242 du Conseil de sécurité. Il va sans dire que de telles violations ne sont pas le monopole des Etats-Unis et de leur protégé israélien. Les Saoudiens ne violent-ils pas depuis des mois les conventions de Genève et le droit international au Yémen ? N’ont-ils pas transformé le 28 septembre dernier un mariage en un carnage avec 131 morts ? Les trois cas évoqués ici, Etats-Unis, Israël et Arabie Saoudite, démontrent que quand la force est assurée de l’impunité, elle peut être utilisée férocement tout à la fois contre des peuples faibles (Vietnam, Afghanistan Irak), contre un peuple « ennemi » (les Palestiniens) et contre un peuple frère (les Yéménites). Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) est le gardien des Conventions de Genève et est censé assurer leur application par les Etats signataires. Le problème de cette Organisation humanitaire est qu’elle est une simple autorité morale dépourvue d’une force physique capable de dissuader les récalcitrants. Le cas de l’ONU, gardienne du droit international et censée assurer son application, est plus compliqué. Cette organisation ne peut rien contre les puissants et leurs protégés (Etats-Unis, Israël, Arabie Saoudite), mais peut très bien se découvrir une force qui lui permet de bomber le torse sur la scène internationale et d’imposer des sanctions et même des interventions armées contre des pays faibles et sans défense (Irak et Libye par exemple). Ainsi se trouve-t-on à la case départ où, depuis la nuit des temps, les hommes n’ont toujours pas réussi à résoudre l’éternel problème que pose la relation entre la force et la justice. Il y a quelques 350 ans, le Français Blaise Pascal avait cru pouvoir résoudre le problème en l’expédiant par cette formule : « Il faut mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. » On est toujours à la poursuite de ce beau mirage.

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