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Monday, March 30, 2009

L'armée "la plus morale du monde"

Le soir de la victoire de Benyamin Netanyahu, le chef du parti travailliste israélien, Ehud Barak jurait ses grands Dieux de ne jamais participer à un gouvernement où siègerait Avigdor Lieberman, et qu’il préférait se ranger dans « une opposition sérieuse et constructive », plutôt que de vendre son âme au diable. Il avait également donné sa parole de démissionner de son poste de ministre de la défense, si son parti n’obtenait pas au moins vingt sièges.
Or non seulement il n’a pas démissionné, même si son parti a subi une sévère humiliation en se classant quatrième derrière « Israël Beitenou », mais il a négocié secrètement avec Benyamin Netanyahu et est arrivé à un accord avec lui pour siéger dans le prochain gouvernement à côté du fasciste Lieberman et des ultra orthodoxes qui abhorrent les travaillistes laïques.
Mais qu’il vende son âme au diable et qu’il fasse équipe avec Lieberman et les ultra orthodoxes, ce n’est guère étonnant de la part d’Ehud Barak qui, par son incompétence, a largement contribué à mettre son parti sur la pente déclinante. Le parti « fondateur » d’Israël n’est-il pas passé de 44 députés en 1992 à 13 aujourd’hui?
La schizophrénie d’Ehud Barak ne se manifeste pas seulement au niveau de son comportement sur la scène politique israélienne. Elle se manifeste aussi dans ses déclarations en tant que ministre de la défense qui décide de la stratégie guerrière de son armée. Cette armée qu’il n’a pas hésité à qualifier, près les nombreux crimes de guerre commis contre la population civile de Gaza, d’ « armée la plus morale du monde ».
A ce niveau, la schizophrénie du ministre israélien de la défense atteint des degrés inquiétants. Au moment où le monde entier est encore sous le choc par les atrocités commises contre les femmes et les enfants palestiniens de Gaza, Ehud Barak choisit de broder sur le thème de la « moralité » qui, selon lui, caractérise son armée plus qu’aucune autre au monde. Il nous fournit l’occasion d’examiner ici d’un peu plus près la « moralité » de l’armée israélienne.
Cette « armée la plus morale du monde » occupe par le fer et le feu depuis 42 ans des territoires qui appartiennent au peuple palestinien qu’elle soumet à une répression épouvantable et à un blocus inhumain.
A part les guerres de 1967 et 1973, « l’armée la plus morale du monde » a toujours mené ses guerres contre les populations civiles que ce soit au Liban ou dans les territoires palestiniens occupés. Contre ces populations sans défense, elle ne s’est pas abstenue une seule fois d’utiliser ses avions de combat F 16 et ses tanks « Merkava ».
L’armée « la plus morale du monde » ne s’est pas attaquée depuis 36 ans à des cibles militaires. Le Hezbollah et le Hamas n’ont jamais constitué une force au sens militaire du terme. Ce sont des milices légèrement armées et qui tentent de défendre leurs peuples dans une guerre asymétrique contre un ennemi muni d’avions, de tanks et d’artillerie lourde. En l’absence de cibles militaires, elle s’attaque, chaque fois qu’elle décide d’agresser ses voisins, à des habitations, des routes, des ponts, des ports et des aéroports civils. En l’absence de soldats en face d’eux, les soldats de l’ « armée la plus morale du monde » s’en prennent aux civils, aux femmes et aux enfants. Ils les tuent gratuitement, froidement et impunément.
Ces accusations ne sont pas portées par les ennemis d’Israël ni par les organisations des droits de l’homme. Ce sont des soldats israéliens qui les rapportent après avoir observé le comportement criminel de leurs compagnons d’armes contre les civils palestiniens.
L’armée « la plus morale du monde » a tué une femme et ses deux enfants parce que, après avoir été expulsés de leur maison, et ne comprenant pas l’hébreu, ils ont tourné à gauche et non à droite comme le leur a demandé dans sa langue l’officier qui a réquisitionné leur maison. L’armée « la plus morale du monde » a tiré sur les ambulances et empêché les secouristes de sauver la vie des blessés ou de ramasser les morts dans les rues. Les rabbins de cette armée menaçaient des feux de l’enfer tout soldat qui montrerait des signes de pitié envers les Palestiniens. Et les valeureux soldats de cette armée s’arrachaient des T-Shirts sur lesquels figure le ventre d’une femme palestinienne enceinte. Un canon de fusil est pointé sur le ventre volumineux avec ces quatre mots : « Un tir, deux morts »…
Ce n’est pas la première fois q’Ehud Barak est attrapé en flagrant délit de mensonge. Il est connu pour être l’homme qui ment comme il respire. En 2000, il a fait capoter la réunion de Camp David où il négociait avec Yasser Arafat sous le parrainage de Bill Clinton. Il avait mis fin au dialogue en décrétant qu’ « il n’ y avait pas de partenaire pour la paix », alors qu’en réalité c’était Arafat qui devait se plaindre de l’absence de partenaire pour faire la paix, en dépit des énormes concessions consenties par l’OLP.
Ehud Barak ne devait pas se faire trop d’illusions sur la crédibilité de ses déclarations auxquelles sans doute lui-même n’y croit pas trop. Quand il affirme avec fanfare que son armée est « la plus morale du monde », il sait pertinemment que tout le monde pensera le contraire, tant l’armée israélienne est étrangère à la morale, à l’éthique et aux règles les plus élémentaires de la guerre.
Ce qui s’applique à Barak, s’applique à Olmert qui, de son côté, tout aussi inquiet de la réputation en lambeaux de son armée a affirmé : « Je ne connais aucun militaire qui soit plus moral, plus régulier et plus sensible à la vie des civils que ceux des forces armées israéliennes. » Ces deux là rappellent les voleurs professionnels qui jurent leurs grands Dieux qu’ils n’ont jamais mangé qu’à la sueur de leur front.

Wednesday, March 25, 2009

Obama et la question iranienne

Vendredi 20 mars, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a adressé ses vœux à l’Iran à l’occasion de Nowrouz, la plus importante des fêtes de la culture persane, célébrée par les Iraniens depuis des siècles, bien avant leur reconversion à l’islam. Ce geste n’a étonné personne dans la mesure où, depuis son entrée à la Maison blanche, Barack Obama a multiplié les gestes et les déclarations soulignant sa prédisposition à discuter avec les dirigeants iraniens des conditions de normalisation des relations entre les deux pays, rompues depuis 30 ans.
En fait, les Iraniens ont été les premiers à présenter leurs vœux au président américain aussitôt après son élection le 4 novembre dernier. La dernière fois qu’un dirigeant iranien avait félicité un président américain élu remonte à un tiers de siècle, quand le Chah d’Iran avait adressé ses vœux à Jimmy Carter, élu en novembre 1976…
Mais si les deux pays avaient arrêté d’échanger des vœux pendant un tiers de siècle, les contacts directs ou indirects avaient continué secrètement. En 1986, un grand scandale a éclaté aux Etats-Unis, l’ « Irangate », quand la presse américaine avait publié des informations relatives à la vente par l’administration Reagan d’armes à l’Iran dont les recettes étaient destinées à financer les « Contras », un mouvement rebelle entraîné par la CIA en vue de renverser le régime sandiniste du Nicaragua.
Mieux encore, en octobre 2001, lors de l’attaque américaine contre le régime des talibans en Afghanistan, les Iraniens avaient proposé leur territoire pour l’atterrissage des avions US et avaient assuré les Américains de la coopération des factions afghanes pro-iraniennes.
Encore mieux, et en dépit de l’inscription par l’administration Bush de l’Iran dans sa liste de l’ « axe du mal » en 2002, les Iraniens n’avaient pas hésité à donner à cette même administration, lors de son invasion de l’Irak en 2003, de précieux renseignements, et, dans un souci de voir le renversement du régime de Saddam Hussein mené à bien, ils avaient contribué à maintenir les chiites irakiens dans un état de relative passivité.
On comprend dès lors l’amertume des dirigeants iraniens qui, en dépit des précieux services offerts à l’administration Bush en Afghanistan et en Irak, celle-ci avait poursuivi sa rhétorique guerrière contre Téhéran. Rappelons ici que si Bush avait renoncé à attaquer l’Iran, c’était à cause de l’engluement de son armée dans les marécages mésopotamiens et les montagnes afghanes, et non en reconnaissance des services rendus.
On comprend aussi le soulagement des dirigeants iraniens de voir un nouveau locataire à la Maison blanche qu’ils se sont empressés de féliciter, signifiant par là qu’ils étaient ouverts à la discussion avec le successeur de Bush.
Le contentieux entre les deux pays est très lourd. Par conséquent les discussions seront difficiles et le chemin de la normalisation ardu. Même si les deux pays n’ont encore entamé aucune discussion, on sait à peu près de quoi il s’agit. Pour les Etats-Unis, l’Iran doit arrêter son programme nucléaire et mettre un terme à son aide au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien, ce que Washington appelle « aide au terrorisme ». En contre partie, ils lèveront les sanctions et rouvriront leur ambassade à Téhéran.
Si les discussions étaient entamées et si Washington tenait avec rigidité à ses demandes, il serait peu probable que les Iraniens marchent. Pour une raison très simple : quand leurs intérêts sont en jeu, les dirigeants iraniens savent être rationnels et prendre leurs décisions en fonction des calculs et non des pulsions passionnelles.
Et là, un simple calcul va convaincre les Iraniens que ce que propose Washington est inacceptable, car il y a un grand déséquilibre entre ce qui est demandé à l’Iran et ce qui lui est offert. Il lui est demandé de faire des sacrifices stratégiques (abandon de son programme nucléaire et abandon de ses précieux alliés dans le monde arabe) et, pour prix de ces sacrifices stratégiques, les Iraniens seront récompensés par la levée des sanctions et le rétablissement des relations diplomatiques. Or, les sanctions n’ont jamais réellement affecté l’Iran, dans la mesure ou ce pays trouve tout ce qu’il veut chez les Russes et les Chinois qui ne participent pas à ces sanctions. Quant aux relations diplomatiques, elles sont rompues depuis trente ans, et les Iraniens ne semblent pas particulièrement impatients de les rétablir aujourd’hui avant demain.
Le jour où ils se mettront autour d’une table pour discuter avec les Américains, les Iraniens exigeront sans aucun doute un équilibre entre le sacrifice et l’offre. A sacrifice stratégique, ils exigeront une offre stratégique.
Qu’est ce qui est stratégique pour les dirigeants iraniens ? La reconnaissance de l’Iran comme une force régionale de premier plan et l’abstention des Etats-Unis et de l’Europe de mettre les obstacles au renforcement du rôle de Téhéran dans la région. La guerre Iran-Irak a été trop coûteuse en argent et en vies humaines pour que l’Iran accepte un nouveau régime ennemi à Bagdad. Ceci pour la frontière ouest. A l’est, l’instabilité en Afghanistan a commencé en 1979 avec l’invasion soviétique, c'est-à-dire la même année où les mollahs iraniens se sont installés au pouvoir à Téhéran. Depuis, ils n’ont eu droit à leur frontière orientale qu’à des régimes qu’ils abhorrent (communistes ou talibans) ou aux guerres civiles et à l’anarchie. Il est donc vital pour eux de voir s’installer un régime, sinon allié à l’Iran, du moins non hostile et capable de stabiliser le pays.
Tel est donc le souci stratégique principal de l’Iran. Les dirigeants iraniens veulent avant tout la tranquillité sur leurs frontières est et ouest. Face à ce souci majeur, l’alliance avec le Hezbollah et le Hamas ne pèse pas lourd, et la rhétorique guerrière anti-israélienne est un simple bavardage. La question qui se pose donc est la suivante : Obama est-il prêt à accepter une influence durable de l’Iran à Bagdad et à Kaboul ?

Monday, March 23, 2009

Incompétences ravageuses

Bénis soient les temps où ne perçaient dans le monde mystérieux de la politique que des hommes avec de solides références, d’indéniables expériences et de grandes compétences au service de la chose publique. Par les temps qui courent, le monde politique a perdu de son lustre, de son aura et de son prestige en permettant à n’importe qui de s’improviser du jour au lendemain comme politicien, de faire campagne et de se présenter aux électeurs, ou même de se faire aider par l’armée pour grimper de l’anonymat quasi-total aux postes les plus élevés dans la hiérarchie politique.
Prenons le cas des Etats-Unis d’Amérique. Après Washington et Lincoln, après Roosevelt et Eisenhower et même après Bush père et Clinton qui, s’ils n’avaient pas l’envergure des premiers, n’en étaient pas moins des politiciens chevronnés, après tous ceux-là donc les électeurs américains avaient ouvert les portes de la Maison blanche le 20 janvier 2001 à un président sans envergure, ni compétence, ni intelligence.
George W. Bush était le président d’un club sportif de troisième division. Il avait lamentablement échoué dans la gestion de ce club. Ceux qui l’avaient élu ne s’étaient pas posé la question qui s’imposait alors : comment confier la gestion des affaires de la plus grande puissance du monde à quelqu’un qui n’a pas réussi dans la gestion d’un club sportif de très moyenne importance ? Or, non seulement il l’ont élu en 2000, mais, pire encore, ils l’ont réélu en 2004. Résultat : désastre sur désastre, catastrophe sur catastrophe, et les Etats-Unis dépensent aujourd’hui des quantités considérables d’énergie pour réparer les dégâts causés par cet homme sans références, ni expérience, ni compétence.
L’héritage le plus terrible, et peut-être le plus difficile à réparer, est cette culture de la cupidité et cette propension à promouvoir l’intérêt privé aux dépens de l’intérêt public que l’administration Bush a cimentées aux Etats-Unis, notamment par une politique fiscale qui consistait à piller le trésor public pour gonfler démesurément les fortunes privées. L’exemple le plus édifiant est celui du géant de l’assurance AIG qui était au bord du gouffre et qui se serait retrouvé au fond du précipice, s’il n’avait pas été secouru in extremis par une grosse somme qui s’élève à 180 milliards de dollars. Et quelle était la première décision des bénéficiaires de cet argent du contribuable ? Assainir la situation désastreuse de leur institution ? Non. Détourner 218 millions de dollars pour les distribuer en primes aux fonctionnaires de l’AIG, dont 4 millions de dollars ont été partagés par seulement cinq personnes. Des primes d’incompétence distribuées par des responsables incompétents à des fonctionnaires incompétents !
Toutefois, en politique rien n’est définitif. Les électeurs américains ont finalement changé leur fusil d’épaule et ouvert les portes de la Maison blanche le 20 janvier 2009 à un homme compétent, raisonnable et sérieux auquel on ne peut pas ne pas lui souhaiter bonne chance.
En politique, rien n’est définitif, sauf peut-être en Israël où, depuis la création de ce pays, les politiciens n’ont jamais fait preuve d’intelligence. Leur incompétence est notoire, car tous ceux qui se sont succédés, depuis Ben Gourioun jusqu’à Olmert, n’ont fait que pousser chaque jour leur pays un peu plus dans l’impasse.
Aucun renversement de tendance n’est visible à l’horizon, bien au contraire. Le parti travailliste, « fondateur » du pays et grand pourvoyeur de la classe dirigeante en cadres politiques, est supplanté par « Israël Beitenou », un parti créé il y a quelques années par un émigré moldave, Avigdor Lieberman. Celui-ci, entré en Israël à l’âge de 20 ans, sans compétence particulière, s’était fait engager comme videur dans une boite de nuit. Avec pour principales caractéristiques un surplus de muscles et un déficit de matière grise, Lieberman se prépare à prendre les rênes de la diplomatie israélienne dans le cabinet Netanyahu.
Il y a tout lieu de croire que les chancelleries étrangères à Tel Aviv, le département d’Etat américain et les responsables de la politique étrangère de l’Union européenne se demandent déjà comment traiter avec un homme dont les réflexes les plus apparents sont ceux hérités de sa carrière de videur de boite de nuit, puisqu’il n’a pas caché son désir d’expulser tout Arabe israélien qui refuse de manifester sa loyauté à l’égard de l’idéologie sioniste. Comment discuter avec un homme si incompétent et si peu diplomate qu’il n’a pas hésité à répondre au refus du président égyptien de visiter Israël par cette phrase digne d’un voyou : « Il (le président Moubarak) peut aller au diable » ?
En Afrique, l’incompétence fait toujours des ravages. Après la Guinée, où un gamin avec un grade moyen dans l’armée vient de s’emparer du pouvoir, voici Madagascar qui voit sa crise politique se dénouer par la prise du pouvoir par un jeune homme de 34 ans, ancien Disc-jockey, devenu homme d’affaires et maire d’Antananarivo. Sans doute ceux qui présidaient aux destinées de la Guinée et de Madagascar avant les coups d’Etat ne brillaient pas par leur compétence, loin de là. Mais la solution ne consiste pas à s’emparer du pouvoir avec l’aide de l’armée. Les coups d’Etat en Afrique sont, avec les guerres civiles, les plus grands fléaux politiques, responsables dans une très large mesure du sous développement endémique du continent noir.
Car, et l’histoire de nombreux pays africains le démontre, les militaires qui s’emparent du pouvoir se caractérisent par deux traits principaux : l’incompétence et le désir de s’enrichir le plus rapidement possible avant qu’ils ne subissent le sort qu’ils ont eux-mêmes fait subir à leurs prédécesseurs. C’est ce qui explique la persistance scandaleuse du paradoxe africain : un sous-sol excessivement riche et des populations excessivement pauvres.
Le nouveau chef d’Etat de Madagascar, Andry Rajoelina, est âgé de 34 ans. Dans son impatience d’arriver au pouvoir, il n’a même pas eu le temps de lire la constitution de son pays qui exige que pour occuper la fonction présidentielle, le prétendant doit être âgé d’au moins 40 ans. Oui, il est vrai aussi que la constitution malgache ne prévoit pas d’accession au pouvoir par la force.
Maintenant qu’il est installé au pouvoir, le jeune chef d’Etat est face à une tâche immense : l’organisation de l’économie de l’un des pays les plus pauvres de la planète. Une tâche tout de même un peu plus difficile que l’organisation de soirées dansantes, la principale activité de M. Andry Rajoelina avant qu’il ne s’intéresse à la politique.

Saturday, March 21, 2009

Le calvaire non stop des Irakiens

Les peuples et les personnes ont au moins un point commun. Chez les uns et les autres, il y’en a qui sont nés sous une bonne étoile, et il y’en a qui sont nés sous une mauvaise étoile. Le peuple irakien appartient incontestablement à la seconde catégorie. On n’a même pas besoin de remonter aux tempêtes politiques qui ont ensanglanté l’Irak dans les années 50 et 60 du siècle dernier pour s’en convaincre. Le calvaire biblique de ce peuple a commencé le 22 septembre 1980, le jour où la guerre Iran-Irak s’est allumée, consumant pendant huit ans les forces vives et les richesses des deux pays dans une confrontation absurde. Les deux pays assument une large responsabilité en jouant le jeu du machiavélisme occidental. Les Etats-Unis, excités de voir leur ennemi du moment (l’Iran) et leur futur ennemi (l’Irak) s’autodétruire, n’ont pas hésité à armer ouvertement l’Irak et secrètement l’Iran pour les aider à s’affaiblir mutuellement et servir ainsi les intérêts stratégiques de plusieurs capitales occidentales, et d’Israël bien sûr.
Deux ans après la fin de ce premier calvaire, et alors que les Irakiens vivaient encore dans leur chair les effets terrifiants de la guerre Iran-Irak, ce peuple malheureux fut entraîné dans une aventure qui s’avèrera plus ravageuse que la précédente : l’invasion du Koweït le 1er août 1990. L’arrogance et l’incompétence du régime de Saddam, il faut bien le dire, ont alors facilité la tâche de Bush père qui n’a pas trouvé de difficultés particulières pour rassembler une coalition internationale qui a attaqué l’Irak dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991 dans le cadre de ce qu’on appelait « Tempête du désert ». Rappelons que cette coalition, au lieu d’aller directement au Koweït pour expulser les forces d’invasion de Saddam Hussein, s’est attaqué à Bagdad en premier lieu, où des centaines de milliers de tonnes de bombes ont été déversés sur les ponts, les routes, les canalisations, les centrales électriques, les facilités pétrolières et autres infrastructures vitales pour le peuple irakien.
L’après « Tempête du désert » s’avèrera plus terrifiant encore. Les Etats-Unis, non contents d’avoir détruit les capacités économiques et militaires de l’Irak, on tenu à soumettre ce pays à la pire des sanctions dans les annales des Nations Unies. Sous le prétexte fallacieux d’empêcher Saddam de reconstruire ses forces, on a privé les enfants des produits fondamentaux et des médicaments nécessaires à leur croissance normale. On a privé même les écoliers des crayons, car ils contiennent la mine dangereuse qui aurait permis à Saddam de se réarmer…
Ces sanctions n’ont pas provoqué seulement l’appauvrissement brutal de tout un peuple, ils ont engendré la mort de centaines de milliers d’enfants, victimes de malnutrition et de maladies. Ils étaient un demi million à mourir ainsi entre 1991 et 1996, quand Mme Madeleine Albright était la Secrétaire d’Etat de Bill Clinton. L’unique souvenir que cette ancienne ministre a laissé dans la mémoire des Irakiens et des Arabes en général, c’est sa réponse abominable à la question d’un journaliste qui lui demandait si ça valait la peine de sacrifier un demi million d’enfants irakiens pour le maintien de ces sanctions ? « Oui, cela vaut la peine », a répondu cette dame qui sortait de ses gonds et perdait ses nerfs chaque fois qu’un ou deux Israéliens mourraient dans un attentat perpétré par des Palestiniens.
Les sanctions renouvelées régulièrement par un Conseil de sécurité sans réelle indépendance, ne tomberont d’elles-mêmes que le jour où Bush fils envoya ses troupes déchiqueter gratuitement l’Irak le 19 mars 2003. Inutile de revenir ici sur la tragi-comédie des armes de destruction massive, ni les grotesques tentatives de manipulation de l’opinion internationale, ni encore sur les prestations ridicules du secrétaire d’Etat Colin Powell le 5 février 2003 devant le Conseil de sécurité et son histoire à dormir debout des laboratoires mobiles qui sillonnaient les rues de Bagdad. Tout cela était relaté, analysé et commenté à plusieurs reprises dans ces mêmes colonnes.
Le peuple irakien est donc passé du calvaire de 13 ans de sanctions économiques impitoyables à un calvaire autrement plus terrifiant, celui qu’a engendré la guerre de Bush fils. Celle-ci a détruit le régime baathiste, a brisé le peu d’infrastructures encore fonctionnelles après 13 ans de sanctions et libéré les démons des conflits ethniques. Résultat : quatre ou cinq millions de réfugiés et de déplacés, plusieurs centaines de milliers de morts, une économie aux abois, un tissu social déchiré et, six ans après l’invasion du pays, un avenir toujours incertain.
Le plus terrible est que cette série de calvaires non stop vécus par le peuple irakien du 22 septembre 1980 jusqu’à ce jour a été causée par des guerres plus absurdes les unes que les autres et qui n’ont engendré finalement que des perdants au premier rang desquels l’Irak bien sûr, mais aussi l’Iran, les Etats-Unis et plusieurs autres pays de la région dont les économies et la sécurité ont été affectées à des degrés divers.
Six ans après l’invasion qui a fini par briser gratuitement l’échine de l’Irak, les envahisseurs cherchent le moyen de quitter le pays. Le président Obama a décidé d’un calendrier de retrait progressif qui verra le dernier soldat US quitter l’Irak le 31 décembre 2011. Le retrait des envahisseurs est toujours une bonne nouvelle. Mais sont-ils conscients du gâchis qu’ils laisseront derrière eux ?
D’habitude avare de déclarations, le CICR a parlé le 19 mars, jour du sixième anniversaire de l’invasion, de « climat humanitaire stagnant ». En d’autres termes, aucun progrès sur le plan humanitaire n’a été réalisé. Le président du CICR Jakob Kellenberger a affirmé de son côté que « beaucoup d’efforts sont encore nécessaires pour que les besoins de base des Irakiens soient assurés ». Six ans après l’invasion donc, les « besoins de base » des Irakiens sont toujours loin d’être assurés. Quant à la reconstruction de l’Irak, elle est devenue un slogan creux qui sert à meubler les discours démagogiques. Après près de trente ans de calvaires incessants, le peuple irakien ne voit toujours pas le bout du tunnel.

Wednesday, March 18, 2009

Quand entreront-ils en hibernation?

John Bolton et Dick Cheney sont les derniers représentants d’une espèce en voie de disparition, à moins qu’elle ne soit en hibernation forcée : l’espèce des néoconservateurs. John Bolton est cet Américain avec de grosses moustaches blanches, qui hait le monde entier parce qu’il y voit partout des anti-sémites qui veulent du mal à Israël. Lui et Dick Cheney sont les derniers représentants de cette espèce à refuser d’entrer en hibernation puisqu’ils continuent à pérorer, à crier haut et fort qu’ils avaient, qu’ils ont et qu’ils auront toujours raison, et s’efforcent à mettre en garde les Américains contre le gouvernement « gauchiste » de Barack Obama.
L’espèce dont sont issus ces deux là a amplement prouvé son incompétence désastreuse en mettant à genoux les Etats-Unis sur de nombreux plans : stratégique, militaire, économique, financier etc. Il est donc normal qu’avec un bilan aussi négatif, l’écrasante majorité des néoconservateurs choisissent de se faire oublier en attendant des jours meilleurs. Mais, comme dans toute espèce, il y a des irréductibles, et Bolton et Cheney s’accrochent de manière pathologique à défendre une politique qui a mené leur pays au désastre.
Les deux ont eu l’outrecuidance de s’en prendre le week-end dernier à la nouvelle administration qui ne sait toujours pas par où commencer sa tâche titanesque de réparation du gâchis indescriptible légué par la précédente dont Cheney était le vice-président et Bolton l’un des idéologues les plus fanatiques.
Invité sur CNN, Cheney a déployé le peu de talent qu’il a pour tenter d’attirer l’attention des Américains sur le fait que leur sécurité est « en danger » sous l’administration Obama. Ce qui veut dire que du 20 janvier 2001 au 19 janvier 2009, la sécurité des Américains était pleinement assurée par l’administration Bush-Cheney, si l’on excepte les attentats du 11 septembre 2001, les dizaines de milliers de morts et de mutilés dans les guerres d’Irak et d’Afghanistan, la mise en veilleuse des lois qui les protégeaient contre les abus et leur remplacement par le « Patriot Act », la dilapidation de leur argent dans des guerres insensées, sans parler de la crise économique et financière et de ses drames sociaux et familiaux. A part ces quelques désastres donc, les Américains ont vécu en toute sécurité sous la vice-présidence de Cheney, mais que, en seulement deux mois, cette sécurité est mise « en danger » par Obama et son équipe…
John Bolton, lui, ne tient pas en place. Il écrit, il parle, il critique, il s’en prend à la nouvelle administration, il met en garde contre « le danger » que font courir à Israël les Arabes et les Iraniens et regrette visiblement le bon vieux temps de l’administration Bush où, comme chacun sait, les intérêts des Etats-Unis et ceux d’Israël étaient servis avec une sagesse et une intelligence rarement vues dans l’histoire américaine…
Les dernières « sorties » de Bolton confirment encore une fois sa fixation pathologique sur l’Iran et les Palestiniens et sa passion irrationnelle pour Israël. Au passage, il n’a pas oublié de décocher quelques flèches bien acérées aux Russes, aux Chinois et à quelques autres dont la simple existence sur terre dérange visiblement cet idéologue inconscient de la faillite spectaculaire de l’idéologie qu’il défend.
Dans un discours prononcé récemment à la « Conférence conservatrice pour l’action politique », Bolton s’est déchaîné contre le nouveau président qui est « en train de faire ce que veut la gauche et non ce qui est dans l’intérêt du pays ». Il a pointé du doigt « la naïveté » d’Obama qui veut négocier avec les Iraniens au lieu de leur faire la guerre. Pour en convaincre la nouvelle administration, Bolton a sans doute oublié de rappeler les réussites éclatantes réalisées dans la guerre d’Irak pour le déclenchement de laquelle il avait eu sa petite contribution…
Mais ce qui empêche Bolton de dormir est le « danger » que constitue Obama pour …Israël. Après avoir terminé son discours, l’orateur a répondu à quelques questions, parmi lesquelles celle de quelqu’un qui s’inquiétait d’une attaque que prépareraient les Arabes contre Israël. Il voulait savoir si dans ce cas la nouvelle administration était prête à voler au secours de son allié stratégique ? Bolton a exprimé son scepticisme quant à la volonté d’Obama de secourir Israël. « Tout au plus », répond-il au questionneur tourmenté, « il enverra un médiateur au Moyen-Orient pour négocier un arrêt des hostilités ».
Apparemment, Bolton n’avait pas eu le temps de déballer tout ce qu’il avait sur le cœur ce jour là, et il a eu recours le week-end dernier au très conservateur « New York Post » pour y publier ce qu’il n’avait pas pu dire quelques jours plus tôt. Pleurant à chaudes larmes les injustices infligées à Israël, Bolton écrit : « Obama et ses conseillers ont adopté la théorie selon laquelle le gros des problèmes du Moyen-Orient sont dus totalement ou partiellement à la fondation d’Israël et au fait que ce pays continue d’exister. Par conséquent, il faut s’attendre à ce qu’Obama, directement ou à travers son envoyé Mitchell, mette la pression sur Israël pour l’obliger à se plier aux exigences intenables des Arabes et qui vont de l’abandon des terres stratégiques à l’ouverture des portes d’Israël aux millions de prétendus réfugiés palestiniens. Les responsables israéliens ont déjà noté une intensification du rythme des avertissements sévères en provenance de Washington afin qu’Israël accélère le processus de paix et ce, en dépit de l’intransigeance des Palestiniens. »
On reste pantois face à cette grotesque distorsion de la réalité quand on sait que la semaine dernière Obama et ses conseillers n’ont même pas pu imposer la nomination d’un haut responsable au Conseil National du Renseignement détesté par Israël et son Lobby…

Monday, March 16, 2009

Victoire à la Pyrrhus du Lobby

Dans la dernière « Chronique », intitulée « On n’est pas sorti de l’auberge », il a été question d’un nouveau coup réussi par le Lobby israélien aux Etats-Unis sans que l’administration Obama ne lève le petit doigt ou n’émette la moindre critique sur cette interminable immixtion des défenseurs des intérêts d’un pays étranger dans le processus de prise de décision à Washington.
Beaucoup aux Etats-Unis et à travers le monde n’ont pas caché leur déception face à la notable passivité de la nouvelle administration américaine et à sa visible réticence à prendre ne serait-ce qu’un semblant d’indépendance vis-à-vis de ce puissant groupe de pression qui continue, contre tout bon sens, à confondre les intérêts israéliens et les intérêts américains, et même à placer ceux-là au dessus de ceux-ci.
Certains expliquent la passivité de l’administration Obama par l’influence exercée par le secrétaire général de la Maison blanche, Rahm Emmanuel, un Israélo-Américain qui avait servi au début des années 1990 dans l’armée israélienne et qui continue à porter Israël et les intérêts d’Israël dans son cœur. Sans doute le fait que Rahm Emmanuel occupe un poste si stratégique remplit-il d’aise Israël et le Lobby, mais n’explique pas à lui seul cette passivité.
La nouvelle administration ne commence son mandat dans un terrain vierge. Les mécanismes de prise de décision à Washington sont étroitement surveillés et fortement dominés par les réseaux de contrôle mis en place depuis des décennies par le Lobby. Ces réseaux de contrôle sont d’une efficacité telle que pas une décision en relation avec le conflit du Moyen-Orient ne pourra être prise aujourd’hui à Washington si le Lobby s’y oppose. Aucun sujet ne pourra être débattu par les grands médias du pays si l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee) et l’ADL (Anti-Defamation League) le considèrent comme « dangereux pour l’amitié israélo-américaine ».
Le premier coup frappé par le Lobby après l’installation de la nouvelle administration est d’avoir empêché la nomination à la tête du Conseil National du renseignement de Charles Freeman, coupable d’avoir critiqué la politique de colonisation et de répression qu’Israël a mené et mène toujours contre les Palestiniens. En apparence, le poste auquel était destiné Charles Freeman n’est pas particulièrement important et ne nécessite le feu vert ni du sénat ni de la Chambre des représentants. Si par exemple le Lobby ne s’était pas opposé à la nomination de Charles Freeman, celui-ci aurait déjà commencé son travail et très peu de monde, y compris aux Etats-Unis, auraient entendu parler de lui.
Alors pourquoi le Lobby prend-il le risque d’une publicité négative si le poste que devait occuper Charles Freeman n’est pas de la plus haute importance ? Le comportement du Lobby dans le cas d’espèce s’explique par trois considérations au moins.
D’abord, le Conseil National de Renseignement (CNR) est l’organisme qui prépare le rapport quotidien d’informations ultrasecrètes à l’intention du président Obama. Et à ce titre, le Lobby ne désire pas que le président des Etats-Unis soit briefé tous les jours que Dieu fait par quelqu’un qui non seulement ne se soucie pas d’être en odeur de sainteté dans les cercles pro-israéliens de Washington, mais, plus grave encore, pense sérieusement que les intérêts des Etats-Unis et d’Israël ne coïncident pas.
Ensuite, le CNR est l’organisme qui prépare le rapport annuel au nom des 16 agences de renseignements américaines, mieux connu sous le nom de National Intelligence Estimate (NIE). Or, devait penser le Lobby, si le NIE de l’année dernière avait ébranlé le projet agressif des Israéliens contre l’Iran en estimant que ce pays avait arrêté son programme nucléaire depuis 2003, comment seront alors les prochains rapports qu’aura à rédiger Charles Freeman ?
Enfin, le Lobby, qui n’a pas perdu tout espoir de provoquer une guerre contre l’Iran, désire la nomination à la tête de CNR de quelqu’un qui soit anti-arabe et anti-iranien, et qui approuve sans trop se poser de questions tout ce que planifie Israël vis-à-vis des Palestiniens, du Liban ou de l’Iran. Ce n’est pas le cas de Charles Freeman, d’où la mobilisation du Lobby pour lui barrer la route.
Beaucoup de commentateurs aux Etats-Unis pensent que le Lobby a eu cette fois une « victoire à la Pyrrhus », c'est-à-dire une victoire dont le coût est si élevé qu’elle finira par prendre la forme d’une défaite. Certes, Charles Freeman a jeté l’éponge à force de harcèlement, mais il a gagné la sympathie de larges secteurs du monde du renseignement et de nombreux diplomates qui lui ont exprimé leur soutien tout en faisant part de leur agacement face à l’activisme débridé du Lobby.
Dans les milieux de la presse, pour la première fois le Main Stream Media discute clairement de l’influence du Lobby. Même si le Washington Post s’était rangé dans un éditorial non signé du côté du Lobby et s’en était pris à Charles Freeman, Des éditoriaux signés dans le même journal par David Broder et David Ignatius, notamment, ont exprimé plutôt leur sympathie pour Charles Freeman. Il en est de même de Fareed Zakaria, le directeur de l’hebdomadaire ‘Newsweek’. Sur la côte ouest, le Los Angeles Times a défendu Charles Freeman.
On est donc loin de 2006, quand tout ce beau monde avait boycotté le travail de John Mearsheimer et de Stephen Walt sur l’influence néfaste du Lobby sur la politique étrangère américaine. En se faisant prendre en flagrant délit d’immixtion dans la nomination d’un haut fonctionnaire américain, le Lobby est sorti de l’ombre dans lequel il évoluait comme un poisson dans l’eau. Steve Rosen, l’un des hommes-clés du Lobby, en attente de jugement pour espionnage en faveur d’Israël, a dit que « le Lobby est une fleur qui s’épanouit dans l’obscurité et qui meurt au soleil. » Il ne doit pas s’inquiéter seulement pour le procès qui l’attend, mais aussi pour son Lobby qui commence à sortir de l’obscurité qui l’a protégé pendant si longtemps.

Wednesday, March 11, 2009

On n'est pas sorti de l'auberge

On avait espéré jusqu’au bout que cette fois le test d’indépendance entre l’administration Obama et les lobbies juifs aux Etats-Unis s’avèrerait concluant. La déception est d’autant plus frustrante que l’espérance était grande.
En fait le test n’était pas d’une importance particulière et son enjeu était loin d’être vital. Il s’agissait tout simplement de la confirmation d’un haut fonctionnaire à son poste, confirmation qui, même si elle avait bénéficié de l’accord des décideurs, n’aurait rien changé à la politique étrangère américaine au Moyen-Orient. Mais nous autres Arabes et Musulmans, avons accumulé tellement de déceptions et de frustrations générées par la politique étrangère de Washington, que l’on a pris l’habitude de scruter les moindres détails et de suivre les péripéties des nominations de responsables, y compris dans les postes sans importance, dans l’espoir d’y déceler quelque signe d’indépendance à l’égard des lobbies pro-israéliens.
Pendant les deux dernières semaines, et même si l’événement était occulté par les grands médias américains, un bras de fer avait opposé l’administration Obama aux lobbies juifs concernant la nomination de Charles Freeman, ancien ambassadeur américain en Arabie Saoudite, au poste de directeur du Conseil National des Renseignements (CNR), un poste sans la moindre influence sur la conception de la politique étrangère américaine et dont le chef n’est désigné ni par Obama ni même par l’un de ses ministres, mais par les directeur général des Renseignements, l’Amiral Dennis Blair.
En dépit du caractère subalterne et marginal de cette nomination, le Lobby s’est vite mobilisé pour remuer ciel et terre et barrer la route à Charles Freeman. Pourquoi ? Parce qu’il a occupé pendant trois ans le poste d’ambassadeur US à Ryadh (1989-1992), et parce qu’il avait osé critiquer la politique de colonisation israélienne des territoires palestiniens, expliquant calmement qu’elle ne sert pas les intérêts d’Israël qui « un jour ou l’autre aura à choisir entre le défi démocratique et le défi démographique ».
C’était suffisant pour que Charles Freeman soit mis sur la liste noire du Lobby. L’Amiral Dennis Blair, le patron des 16 agences de renseignement américaine avait beau expliquer au lobby que « nous ne faisons pas de politique, nous donnons seulement des informations », il a beau mettre en avant « les capacités analytiques » de Charles Freeman dont le Renseignement américain a un besoin urgent, rien n’y fait. Le Lobby a dit non et a déclenché ses structures tentaculaires de harcèlement.
Ce qui est tragi-comique, est que celui qui a pris la tête de cette campagne de harcèlement est un ancien responsable de l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee), un certain Steve Rosen, inculpé par la justice américaine et attendant son procès pour « espionnage en faveur d’Israël ». Y a-t-il un pays au monde où un homme inculpé d’espionnage et en attente de son procès puisse maintenir intactes ses capacités de lobbying et son influence sur la nomination ou non des hauts fonctionnaires de l’Etat qu’il a trahi en vendant ses secrets ? Le cas époustouflant de Steve Rosen prouve que cette incroyable anomalie politique existe aux Etats-Unis.
Certes, Steve Rosen n’était pas seul. Il avait avec lui le Lobby et ses hommes au Congrès dont les représentants, républicains et démocrates, ont joué un rôle déterminant dans le harcèlement de Charles freeman. Pour ne citer que quelques uns, rappelons que le représentant républicain, Peter Hoekstra, a arrangé une interview avec le très conservateur ‘Wall Street Journal’ dans laquelle il a appelé l’administration Obama à renoncer à la nomination de Freeman. Après cette interview, le journal a publié un éditorial incendiaire contre Freeman. De son côté, le représentant démocrate de New York, Steve Israël, a exigé que l’administration Obama « mène une enquête sur les liens entre Freeman et l’Arabie saoudite ». Bien entendu, nul aux Etats-Unis n’ose réclamer une enquête sur les liens entre ce représentant du peuple américain et le pays dont il porte le nom dans sa carte d’identité… Huit autres représentants du Lobby au Congrés s’étaient déchaînés, chacun à sa manière, contre Charles Freeman dont le seul tort est d’avoir été choisi par le patron du Renseignement américain, Dennis Blair, pour diriger l’institution chargée de l’analyse des informations collectées par la CIA et ses petites sœurs.
Cette campagne de harcèlement intensif a eu raison de Charles Freeman qui, ne supportant plus l’intense pression exercée sur lui, a fini par jeter l’éponge en informant mardi dernier Dennis Blair qu’il renonce au poste. L’amiral Blair a accepté cette renonciation « avec regret ».
On n’arrête pas de s’étonner face à la démission d’une si grande puissance devant un Lobby qui continue d’imposer sa loi et de s’immiscer dans les moindres décisions d’un Etat qui se dit le plus puissant du monde et dont les lourdes responsabilités s’étendent d’un bout à l’autre de la planète. Il est regrettable qu’un Etat d’une telle puissance s’avère si impuissant face au Lobby et incapable de protéger un postulant au poste de haut fonctionnaire d’un harcèlement intolérable, parce qu’il avait servi dans un pays arabe ou parce qu’il a fait une déclaration qui déplaît aux espions de l’AIPAC.
On ne se serait pas tellement inquiétés si cette anomalie n’avait pas de réverbérations en dehors des frontières américaines. Mais le problème est que cette anomalie est d’autant plus grave qu’elle continue d’avoir des répercussions effrayantes et des conséquences dévastatrices sur les pays du Moyen-Orient. Plus le Lobby s’immisce dans les moindres détails et s’impose comme le faiseur de rois et l’ultime décideur de la politique moyen-orientale américaine, plus l’existence de millions de personnes est menacée soit dans leurs vies soit dans leurs biens. Depuis des décennies, le lobby assume une grande part de responsabilité dans la destruction des centaines de milliers de vies et de milliers de maisons en Palestine, au Liban et ailleurs. L’administration Obama ne comprend-elle donc pas cela ?

Monday, March 09, 2009

Une bonne conscience à bas prix

Cela s’appelle tirer le diable par la queue. Le Conseil de sécurité de l’ONU sait parfaitement bien qu’il est au centre d’une grande controverse mondiale au sujet de la sempiternelle question de la politique des deux poids et deux mesures qu’il n’a cessé d’appliquer depuis des décennies. Il ne peut ignorer le nombre de criminels de guerre que compte le monde et dont la vie est un long fleuve tranquille que rien ni personne n’ose troubler. Pourtant en 2005, alors que les civils irakiens tombaient comme des mouches suite à la déstabilisation de leur pays par la guerre d’agression lancée par George Bush et Tony Blair, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a rien trouvé de plus urgent à faire que de commander une enquête sue « les crimes de guerre » commis au Darfour.
La plupart des révoltés contre l’injustice, en particulier dans le monde arabe et musulman, s’en prennent au procureur Luis Moreno Ocampo qui a enquêté sur la guerre du Darfour. Ocampo est un fonctionnaire international à qui on a confié une mission qu’il n’a pas refusée. L’aurait-on chargé d’enquêter sur les crimes de guerre commis en Irak par exemple, il aurait probablement recommandé à la Cour pénale internationale d’inculper les anciens président et Premier ministre des Etats-Unis et de Grande Bretagne.
Le nœud du problème n’est donc pas Ocampo, mais le Conseil de sécurité qui, ne pouvant ni empêcher les guerres d’agression contre les pays sans défense, ni poursuivre les criminels de guerre protégés par les grandes puissances, se cherche une bonne conscience à bas prix en ordonnant des enquêtes sur des guerres beaucoup plus complexes que ne semble croire l’ONU, et en plaçant sa décision contre le président soudanais sous le chapitre VII qui permet l’usage de la force pour l’arrêter.
Avant de lancer son enquête sur les « crimes de guerre » au Darfour, le Conseil de sécurité de l’ONU aurait dû écouter les spécialistes de l’environnement qui expliquent depuis des années que le drame du Darfour est le résultat de « la première guerre causé par le changement climatique » dans le monde. Par conséquent, la guerre du Darfour doit être placée dans une liste à part, celle des guerres pour la survie, qui risque malheureusement de s’allonger si la tendance du changement climatique s’aggrave.
Il ne s’agit pas ici de justifier les abus commis contre les populations civiles du Darfour par les cavaliers janjaweeds ou leurs alliés de l’armée soudanaise. Ceux-ci ont commis sans aucun doute des abus et ont infligé des souffrances intolérables aux populations civiles du Darfour. Mais ces abus et ces souffrances sont le résultat non pas de calculs politiques ou stratégiques, mais engendrés par l’instinct de survie qui anime tous les êtres humains et tous les groupes sociaux sur cette planète.
La différence fondamentale entre les Janjaweeds et les Néoconservateurs américains est que ceux-ci ont décidé d’agresser l’Irak pour assouvir leur soif inextinguible de richesse, de pouvoir et d’influence dans le monde, et ceux-là ont agressé les habitants du Darfour tout simplement pour survivre. L’armée américaine n’a pas traversé la moitié de la planète parce que le peuple américain a faim et qu’elle doit le nourrir du produit des terres fertiles de la Mésopotamie, mais pour servir un programme politique dont les deux principaux piliers sont la cupidité et la volonté de puissance. En décidant d’agresser les populations du Darfour, les cavaliers janjaweeds n’étaient animés par aucun souci politique ou stratégique, par aucune cupidité ni volonté de puissance, mais étaient poussés par le besoin de se nourrir pour ne pas mourir de faim.
Imaginons que du jour au lendemain on annonce qu’il n’y a plus dans les entrailles de la terre qu’un seul milliard de barils de pétrole. L’Otan va-t-elle rester Otan et l’Occident demeurera-t-il uni ? Bien sûr que non. L’instinct de survie le plus primaire, celui qui a poussé les Janjaweeds hors de chez eux, poussera les anciens alliés à s’entredéchirer pour l’appropriation des derniers barils de pétrole. Toute autre considération disparaîtra face au désir de survivre ne serait-ce qu’un jour de plus que les autres.
Ainsi, le moins qu’on puisse dire est que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas été particulièrement inspiré en 2005 en décidant son enquête sur le Darfour. Il est futile, insensé même, de vouloir résoudre les problèmes engendrés par « la première guerre causée par le changement climatique » en chargeant un procureur argentin de mener l’enquête. Il est dangereux pour les Darfouris qu’on veut protéger (comme l’atteste l’expulsion des ONG chargés de les aider), pour la stabilité au Soudan et en Afrique, et il est dangereux même pour la stabilité du système international basé sur la souveraineté des Etats d’inculper un président en exercice et de placer des gardiens dans les aéroports du monde pour l’arrêter si des fois il voyage hors du Soudan, pour la simple et unique raison qu’il n’est pas puissant et n’est pas protégé par les grandes puissances.
Le Conseil de sécurité a un problème lancinant avec le chapitre VII de la Charte de l’ON qui autorise l’usage de la force pour faire respecter ses décisions. Depuis 1950, quand il a été utilisé pour la première fois dans une résolution relative à la guerre de Corée, le chapitre VII n’a servi à punir que les pays arabes, la Libye, l’Irak et, maintenant, le Soudan. Sa décision de 2005 d’enquêter sur le Darfour et son obstination à ne dépoussiérer le chapitre VII que contre les Arabes met le Conseil de sécurité dans une situation embarrassante. La situation de celui qui se lève d’un coup, attache des casseroles à sa taille et commence à courir dans les artères de la ville.
La guerre d’agression contre l’Irak ? Les destructions rituelles et régulières par Israël des infrastructures libanaises et palestiniennes ? Les massacres innombrables commis par l’armée israélienne contre les populations palestiniennes ? L’occupation depuis 42 ans des territoires palestiniens et leur grignotage assidu par des colons venus de New York et de Moscou ? Tout cela n’a aucune espèce d’importance pour le Conseil de sécurité. Le plus urgent c’est l’enquête sur la guerre du Darfour dont il ne semble même pas saisir les causes complexes.

Saturday, March 07, 2009

Générosité suspecte, lauréat suspect

Il y a des informations qui vous tombent dessus et qui sont tellement absurdes ou surréalistes que votre premier réflexe est de croire à une blague. Par exemple cette information lue dans l’édition en ligne du quotidien israélien ‘Haaretz’: « Tony Blair (l’ancien Premier ministre britannique) va recevoir un Prix d’un million de dollars ». Pourquoi ? « Pour son leadership exceptionnel et sa ferme détermination à aider dans l’élaboration d’accords et de solutions durables dans les zones de conflit »…
On aurait sans doute cru à une blague si on n’était pas informé qu’il s’agissait du « Prix Dan David », que le pays donateur du million de dollars est Israël et que l’institution qui a choisi l’heureux lauréat est l’Université de Tel-Aviv. Et là, le doute n’est plus permis. Il ne s’agit pas d’une blague, mais, aussi absurde que cela puisse paraître, d’une information vraie.
Pour dire les choses honnêtement, Tony Blair n’a pas commencé sa carrière politique comme il l’a finie. En d’autres termes, il a commencé sa carrière d’homme politique en s’assurant le respect et même l’admiration des ses partisans et de ses adversaires, et il l’a finie en s’attirant le mépris et en se couvrant d’opprobre pour avoir joué un grand rôle dans la conspiration néoconservatrice américaine visant à détruire l’Irak et à déstabiliser le Moyen-Orient.
Tony Blair a fait preuve à ses débuts de talents exceptionnels qui lui avaient permis de rendre de grands services à son pays en réalisant deux grands succès. D’abord, il a remis la Grande Bretagne sur les rails après les grands ravages infligés à l’économie et à la société britanniques par le libéralisme débridé et inhumain de Margaret Thatcher. Ensuite, il a réussi à mettre fin à l’un des conflits les plus longs, les plus complexes et les plus sanglants d’Europe, celui de l’Irlande du nord.
Il est difficile de comprendre comment un homme aussi talentueux a-t-il pu finir sa carrière politique de manière si lamentable. Il est difficile de comprendre comment un homme aussi brillant s’est-il permis de prendre une part active dans ce qu’il faut bien appeler une entreprise de déstabilisation mondiale basée sur la manipulation et le mensonge ?
En effet, au lieu de fructifier son capital de sympathie et de respect accumulé en Grande Bretagne et dans le monde, Tony Blair n’a rien trouvé de mieux à faire que de jouer les collaborateurs actifs de George Bush de manière si servile que ses concitoyens ont vite fait de lui accoler le sobriquet humiliant de « Bush’s poodle » (le caniche de Bush).
Dans la période s’étendant de septembre 2002 à mars 2003, quand George Bush, dans sa frénésie guerrière, accumulait mensonges et contre-vérités pour justifier l’agression décidée déjà contre le régime de Saddam Hussein, Tony Blair faisait flèche de tout bois pour apporter de l’eau au moulin des néoconservateurs, ou plutôt du fioul à leur rouleau compresseur qui s’étirait alors en direction de l’Irak. Il ne reculait même pas devant les mensonges les plus invraisemblables. Rappelez-vous son histoire d’armes de destruction massive que Saddam pouvait faire déferler sur le monde en seulement « 45 minutes », chronomètre au poignet.
Tony Blair était peut-être le seul homme au monde à pouvoir empêcher la guerre déstabilisatrice de l’Irak en disant tout simplement la vérité et en se mettant à côté du président français Jacques Chirac plutôt que de jouer les caniches dans les pattes de Georges Bush. Il ne l’a pas fait, et à ce titre il assume une responsabilité historique dans la situation désastreuse dans laquelle se trouve le monde actuellement.
Aujourd’hui, Israël encense l’ancien Premier ministre britannique « pour son leadership exceptionnel et sa ferme détermination à aider dans l’élaboration d’accords et de solutions durables dans les zones de conflit », et lui accorde un prix d’un million de dollars…
Les Israéliens sont libres d’enrichir qui ils veulent, mais pas en justifiant leur générosité par de grossières déformations de la réalité. La vérité est que Tony Blair a joué un rôle désastreux dans la déstabilisation du monde et, de ce fait, a contribué à rendre « les solutions durables dans les zones de conflit » plus incertaines et plus éloignées que jamais.
Sans l’agression contre l’Irak, l’Afghanistan ne serait pas dans l’état où il se trouve aujourd’hui. Et sans la dégradation dangereuse de la situation en Afghanistan, le Pakistan serait sans doute un pays plus sûr et plus stable. Même si elle secondaire par rapport à celle de George Bush, la responsabilité de Tony Blair est criante dans chaque explosion qui secoue aujourd’hui l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan.
Les Israéliens sont libres d’accroître la fortune de Tony Blair d’un million de dollars, mais ils doivent dévoiler le vrai motif. Et le vrai motif de la générosité israélienne est que Tony Blair, représentant du Quartet au Moyen-Orient depuis 2007, n’a pas pris une seule initiative et n’a pas prononcé un seul mot qui contrarieraient la politique israélienne. Le vrai motif de la générosité israélienne est que, après la guerre criminelle de Gaza, Tony Blair est allé à Sderot se recueillir sur les 8 victimes israéliennes causés par les fusées artisanales « Kassam » en 8 ans, et n’a pas prononcé une seule parole de compassion envers les dizaines milliers de victimes palestiniennes, qu’elles soient mortes sous les décombres de leurs maisons ou gelées et affamées sous les tentes en cet hiver exceptionnellement froid.

Wednesday, March 04, 2009

L'apartheid sud africain ressuscitera-t-il au Moyen-Orient

Le doute n’est plus permis. Israël est déterminé à empêcher la création d’un Etat palestinien à travers un moyen simple : le grignotage lent mais assidu des territoires palestiniens. Le droit constitutionnel nous enseigne qu’il faut la réunion de trois éléments pour parler d’une nation : un peuple, un Etat et un territoire. Le drame des Palestiniens est que le troisième élément manque toujours à l’appel et il manquerait pour toujours si Israël, comme l’a annoncé le 2 mars dernier ‘Shalom Arshav’ (La Paix maintenant), menait à son terme son projet de construction de 73 000 logements dans les années qui viennent.
Depuis 1967 jusqu’à ce jour, Israël a installé 300.000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, répartis sur 121 colonies, dont les deux plus grandes, Maale Adumim et Ariel. Ce que plusieurs gouvernements successifs ont fait en 42 ans, le gouvernement d’extrême droite qui s’apprête à prendre les rênes, compte le réaliser en « quelques années ». Car, si on fait les comptes à raison de quatre personnes en moyenne par logement, il y aura 300.000 colons supplémentaires en Cisjordanie. Sur les 73000 logements prévus, 3000 seront construits entre Maale Adumim et Jérusalem-Est de manière à ce que la ville-colonie et la ville sainte soient reliées entre elles.
En fait, le projet de rendre un Etat palestinien matériellement impossible à réaliser, faute de territoire, n’est pas né aujourd’hui avec la victoire des extrémistes du Likoud, d’Israël Beitenou et des fanatiques de l’Union nationale. Les travaillistes l’ont conçu bien avant eux et avant même que le Russe Avigdor Lieberman ne mette les pieds en Israël. En 1973, le ministre de la Défense d’alors, le travailliste Moshé Dayan, a affirmé que les Israéliens doivent rester en Cisjordanie jusqu’à la fin des temps ». Et quand quelqu’un lui fit remarquer que c’est de l’expansionnisme, il rétorqua : «Si vous considérez que le désir de se sentir chez soi dans toute la Cisjordanie comme une ambition expansionniste, alors oui, je suis expansionniste ».
Les urbanistes en Israël sont une race un peu particulière. Contrairement à leurs collègues dans le reste du monde, les urbanistes israéliens n’exercent pas leurs talents en fonction des besoins et des contraintes et des impératifs que dictent la démographie et l’environnement, mais en fonction du projet sioniste qui consiste à multiplier les faits accomplis sur le terrain de manière à rendre matériellement impossible l’établissement d’un Etat palestinien.
La gravité de ce projet de 73 000 logements réside dans le fait que les urbanistes israéliens et les politiciens qui, derrière eux, tirent les ficelles semblent maintenant déterminés en finir avec la question palestinienne. Apparemment, tout est conçu cette fois de manière à rendre la cause palestinienne « caduque », si l’on peut dire, par l’urbanisation selon les vues sionistes de ce qui reste de la Cisjordanie. En d’autres termes, ce que veulent cette fois les concepteurs du projet de 73 000 logements, c’est de rendre toute négociation sur le territoire, le troisième élément constitutif d’une nation, sans objet.
Si la communauté internationale, les Etats-Unis en tête, va continuer cette fois à regarder ailleurs comme elle l’a toujours fait, on aura le paysage suivant : toutes les collines de Cisjordanie seront colonisées. En bas, nous aurons des bantoustans palestiniens surplombés et surveillés d’en haut par les colons et l’armée israélienne qui les protège. On assistera aussi à la jonction entre Maale Adumim et Jérusalem-Est, ce qui défigurera définitivement la ville sainte qu’Israël jure depuis des années d’en faire sa « capitale éternelle ».
Si l’on ajoute à cela le régime strict de discrimination en faveur des Juifs, on aura un pays qui rappelle en tous points le système hideux d’apartheid de l’ancienne Afrique du sud, quand John Vorster faisait la loi et Nelson Mandela moisissait dans son cachot de Robin Island.
On reste pantois face à la stupidité des politiciens israéliens. Car enfin, s’ils réussissent à rendre sans objet toute négociation avec les Palestiniens, ils n’auront d’autre chois que d’instaurer un système d’apartheid qui, l’histoire le démontre, a été méprisé et isolé pendant des années avant de s’effondrer comme un château de cartes. L’autre possibilité, un Etat laïque, unitaire et démocratique pour Juifs et Arabes est totalement exclu, compte tenu du complexe de supériorité, de l’arrogance, de la suffisance et autres nuisances qui étouffent la majorité des citoyens israéliens d’aujourd’hui.
Toute la question est de savoir si la communauté internationale, après avoir vécu pendant des décennies avec la plaie hideuse et douloureuse de l’apartheid sud africain, est prête à revivre la même expérience avec un apartheid israélien ? Ce serait une honte non seulement pour les Arabes et les Musulmans, mais pour l’humanité entière.
Une chose est certaine. Même si la communauté internationale laissait faire, les Palestiniens n’accepteraient jamais de vivre dans les bantoustans où Benyamin Netanyahu et Avigdor Lieberman rêvent de les entasser. La victoire des Noirs sud-Africains est là pour leur servir d’exemple et aiguiser leur volonté. Pourtant il y a un moyen très simple pour éviter de tels bouleversements aux conséquences imprévisibles : renvoyer en Israël les 300 000 colons qui vivent actuellement en Cisjordanie au lieu de doubler leur nombre.

Tuesday, March 03, 2009

L'Allemagne a payé, pourquoi pas Israël?

Nul ne pariera un kopek pour soutenir que d’ici deux ou trois ans, Israël ne mènera pas une nouvelle guerre d’agression contre ses voisins du nord ou du sud. Dans quelques temps donc, et plus précisément dès qu’Israël se sentira à nouveau en danger de paix, il n’hésitera pas à mener une nouvelle agression au nord ou au sud pour perpétuer l’état de guerre.
Dans ce cas, on aura droit encore une fois au spectacle terrifiant des destructions d’infrastructures et d’ensevelissement des civils sous les décombres ; aux grandes manœuvres habituelles tendant à culpabiliser la victime et à légitimer l’action de l’agresseur ; aux manifestations de générosité proportionnelle à l’étendue des destructions, comme on l’a vu hier à Charm el Cheikh ; et peut-être même à une « manifestation de solidarité avec les soldats israéliens blessés », comme on le verra ce soir à Genève avec la participation notamment de l’humoriste française, Anne Roumanoff, qui s’apprête à utiliser le drame biblique de Gaza pour rire et faire rire son auditoire genevois.
Hier, la station balnéaire égyptienne de Charm el Cheikh a accueilli les délégations de 70 pays et des personnalités de premier plan, dont les présidents égyptien et français, le secrétaire général de l’ONU, la secrétaire d’Etat américaine, le Commissaire européen aux affaires étrangères, et même Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique et actuel représentant du Quartet qui, après avoir joué un grand rôle dans la destruction de l’Irak, tente de jouer un petit rôle dans la reconstruction de Gaza.
D’après les calculs de l’Autorité palestinienne, il faudrait quelque 2, 8 milliards de dollars pour reconstruire ce qu’a détruit Israël en 22 jours, du 27 décembre au 18 janvier. En principe cela ne devrait pas poser de problèmes puisque les délégations présentes étaient plutôt d’humeur généreuse. En effet, en dépit de la crise financière terrifiante, les Etats-Unis ont consenti à donner 900 milliards de dollars, et même la petite Tchéquie, qui préside actuellement l’Union européenne, n’a pas hésité à débourser quelque 400 mille dollars.
On a donc collecté de l’argent à Charm el Cheikh pour reconstruire Gaza, mais nul ne sait encore comment cet argent va être utilisé tant les obstacles à son utilisation demeurent pour l’instant infranchissables. Les donateurs refusent qu’un sou de leur argent tombe entre les mains de Hamas. Le gouvernement issu de ce mouvement islamiste crie haut et fort qu’il est l’autorité légitime à Gaza et qu’il est le seul habilité à superviser les opérations de reconstruction. Israël continue de bloquer les passages avec Gaza et jure qu’il ne laissera entrer ni ciment ni fer ni acier, car ces produits « contribueront à renforcer le Hamas et à l’aider à se réarmer ».
Beaucoup de questions ont été posées et discutées à Charm el Cheikh, sauf la plus importante. Celle qui, nécessairement trotte dans la tête de tous les donateurs, mais qu’aucun d’eux n’a osé poser : Jusqu’à quand les donateurs vont-ils continuer à être sollicités à se montrer généreux chaque fois qu’Israël décide d’agresser ses voisins et à détruire leurs infrastructures ? Pourquoi l’unique responsable des destructions n’a jamais subi la moindre sanction pour ses forfaits ? Pourquoi n’a-t-il jamais été forcé à réparer ce qu’il a détruit en Palestine, au Liban et ailleurs ?
Dans pratiquement tous les pays du monde, on continue à enseigner aux lycéens comment l’Allemagne, après la défaite du régime nazi, a été forcée à débourser des sommes colossales à titre de réparation de dommages de guerre subis par plusieurs pays européens. Il en est de même du Japon qui a déboursé d’immenses quantités d’argent à titre de réparation des dommages de guerre subis par plusieurs pays asiatiques. Il en est de même de l’Irak qui a déjà déboursé 13 milliards de dollars et qui doit encore des dizaines de milliards de dollars au Koweït à titre de réparation des dommages de l’invasion de l’émirat en août 1990.
Il est important de noter que l’Allemagne et le Japon ont été forcés de payer alors que les régimes responsables de la guerre ont été détruits. L’Irak, de son côté, continue de payer le Koweït après la destruction du régime de Saddam Hussein, responsable de l’invasion.
En dépit de ces précédents, aucun donateur n’a posé la question qui brûle toutes les lèvres : pourquoi convoquer une conférence de donateurs alors que le régime responsable des destructions à Gaza et au Liban est en place en Israël ? Pourquoi ce pays n’a jamais été invité à rendre compte de ses crimes de guerre ni à payer un seul shekel pour sa responsabilité dans les destructions des infrastructures et de la vie de milliers d’innocents ? Jusqu’à quand l’holocauste va-t-il servir de prétexte à tous les excès et de bouclier assurant à Israël une totale impunité ?
Ce qui extraordinaire c’est que des Juifs se révoltent de plus en plus contre cet aspect fondamentalement immoral de la politique internationale, alors que les Etats les plus puissants du monde continuent de s’en accommoder. Deux cas justifient ce propos.
Gerald Kauffman, un parlementaire britannique de confession juive, dont la mère a été assassinée par les nazis dans son lit, a exprimé sa révolte face aux massacres de Gaza en ces termes : « Ma mère n’est pas morte pour servir de couverture aux soldats israéliens qui assassinent les grands-mères palestiniennes à Gaza. » De son côté, Tony Blair, représentant du quartet, qui regroupe quelques uns des Etats les plus puissants du monde, s’est révolté lui contre les fusées Kassam. Il a visité un « musée » dans la ville israélienne de Sderot où sont entreposés les restes de ces fusées. Tout en regardant ces tubes tordues et déchiquetés, Blair a pris soin d’afficher devant les caméras une mine de celui qui vient de perdre sa mère le matin même.