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Thursday, November 27, 2008

Terreur à Mumbai

Ce n’est pas la première fois que Mumbai (l’ancienne Bombay) est frappée de plein fouet par le terrorisme. Capitale économique et financière de l’Inde, mégapole de 10 millions d’habitants, Mumbai est depuis 1993 une cible privilégiée des terroristes.
Depuis cette date, trois attaques terroristes majeures ont été particulièrement terrifiantes. En mars 2003, une série de bombes explosèrent de manière coordonnée, faisant 257 morts et 700 blessés. Des hôtels, la bourse de Mumbai, des théâtres et des sites touristiques étaient pris pour cibles. En juillet 2006, sept bombes explosèrent quasi-simultanément dans la gare centrale de Mumbai provoquant un autre carnage : plus de 200 morts et 700 blessés. Enfin, l’attaque perpétrée dans la nuit de mercredi à jeudi 27 novembre 2008 a eu pour cible des hôtels de luxe à Mumbai, un hôpital et des sites touristiques faisant plus de cent morts . Cette dernière attaque contre la mégapole indienne se distingue des autres par l’utilisation de mitraillettes au lieu des bombes habituelles et, fait inquiétant, par une prise d’otages de clients étrangers et hindous des hôtels ciblés. Un fait d’autant plus inquiétant que, plusieurs heures après l’éclatement du drame, la prise d’otages durait encore.
Mumbai n’est pas la seule ville à souffrir de l’activisme destructeur des groupes terroristes hindous. Ceux-ci ont déjà sévi à Jaipur, Bangalore, Ahmedabad et, bien sûr, New Delhi où une série d’explosions dans des marchés très fréquentés a fait des dizaines de victimes le 13 septembre dernier.
Dimanche dernier, le Premier ministre Manmohan Singh, annonçant la formation d’une force de frappe pour contrer le terrorisme a fait cette mise en garde : « Je voudrais seulement souligner ici que le temps n’est pas de notre côté. Nous ne pouvons pas nous permettre une répétition du genre d’attaques terroristes qui ont eu lieu récemment à Delhi, Hayderabad, Bangalore, Mumbai, Ahmedabad, Surat, Guwahati et quelques autres centres urbains. » Trois jours plus tard, les terroristes frappent à nouveau à Mumbai…
Evidemment l’attaque contre Mumbai ne peut pas être une réponse immédiate des terroristes à la mise en garde du Premier ministre Manmohan Singh, pour la simple raison qu’une attaque d’une telle ampleur nécessite une longue préparation. Cependant, cette attaque met encore une fois à nu le grand décalage entre l’ampleur de la menace terroriste qui pèse sur l’Inde et la capacité réduite de l’Etat fédéral indien d’y faire face.
Les autorités indiennes reconnaissent des « défaillances » dans la collecte des informations au niveau des agences de renseignements du pays. Ces défaillances sont autant de brèches par lesquelles s’infiltrent les groupes terroristes pour mener leurs coups et donc, au lieu de réagir avant pour prévenir, les services de sécurité se trouvent dans l’obligation de réagir après pour sévir.
Après chaque attentat terroriste, les musulmans de l’Inde se plaignent de « harassement » de membres de leur communauté par les services de sécurité. Ceux-ci se trouvent après chaque attentat sous une intense pression populaire et politique de trouver les coupables et, par conséquent, peuvent difficilement éviter les excès inhérents aux lendemains d’attentats. Pourtant, les autorités indiennes savent pertinemment que la majorité écrasante de la communauté musulmane en Inde abhorre les actes de terrorisme menés par des éléments extrémistes. Le 13 septembre dernier, juste après les attaques perpétrées contre des marchés à New Delhi, des musulmans ont massivement manifesté dans les rues de la capitale indienne pour dénoncer le carnage et conspuer le « Student Islamic Movement of India » (SIMI) qui a revendiqué l’attaque. Les manifestants ont également demandé au Pakistan de « s’abstenir de s’impliquer dans le terrorisme en Inde. »
Depuis plus de 60 ans, la méfiance et la suspicion sont les principales caractéristiques des relations indo-pakistanaises. Cette méfiance et cette suspicion s’intensifient forcément après chaque attentat terroriste revendiqué par des extrémistes islamistes et où les autorités indiennes voient, à tort ou à raison, la main de mouvements extrémistes pakistanais, « Lashkar e Taibe » et « Jaish Mohammed » notamment.
L’attentat d’hier à Mumbai est intervenu à un moment où une commission mixte pakistano-indienne se tenait à New Delhi. Exprimant avec éclat sa suspicion vis-à-vis du Pakistan, New Delhi a mis fin aux travaux de cette commission, et un déplacement quelque part en Inde du ministre pakistanais des affaires étrangères en compagnie de son homologue indien prévu jeudi a été annulé.
La colère que ressentent la population et les autorités indiennes après les terribles attentats de Mumbai est compréhensible et légitime. Mais il aurait peut-être mieux valu attendre les résultats de l’enquête avant que les autorités de New Delhi n’expriment leur mauvaise humeur vis-à-vis d’un pays lui-même victime impuissante du terrorisme islamiste dont les origines et les causes de son intensification sont connues de tous.
Le terrorisme est un grave fléau pour l’Inde, mais pas au point de menacer l’existence du pays en tant que « plus grande démocratie du monde ». En dépit de son extraordinaire diversité ethnique et religieuse, l’Inde demeure un pays solide et son avenir, loin d’être menacé, est au contraire, brillant si l’on en juge par les réalisations économiques, scientifiques et technologiques du pays.
Le Pakistan, en revanche, se trouve dans une situation problématique et son avenir est plus problématique encore. En effet le pays est menacé dans ses fondements même par le terrorisme islamiste et il faut une réelle unité des classes politiques pakistanaises et une vraie discipline des différents services militaires pour renverser la tendance de la « talibanisation » rampante du « pays des purs ».
Cela dit, nul besoin d’être un stratège chevronné pour conclure que l’Inde et le Pakistan ont un intérêt évident à coopérer contre un même ennemi qui fait des ravages des deux côtés de la frontière. Toute la question est de savoir si cet intérêt commun qui saute aux yeux est en mesure aujourd’hui d’abattre le mur de la méfiance qui empoisonne la vie des deux pays depuis 1947 ?

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