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Sunday, November 09, 2008

Obama et "le moule de l'Empire"

Lansing (Michigan)- Située au cœur de la région des grands lacs, l'Etat du Michigan qui porte le nom du célèbre lac est une presqu'île baignée à l'ouest par le lac Michigan, au nord-est et au centre-est par le lac Huron et au sud-est par le lac Erié. Au nord, la jonction entre le lac Michigan et le lac Huron transforme l'Etat en presqu'île accessible par voie terrestre seulement à travers de l'Etat de l'Indiana.
Lansing, la capitale du Michigan, comme pratiquement toutes les capitales des Etats américains, a son capitole (siège du Congrès local), autour duquel est construite la ville. Le capitole de Lansing est une bâtisse imposante qui mesure 83 mètres de haut (du sol jusqu'au sommet du dôme), 130 mètres de long et 83 mètres de large. Il s'étend sur une superficie de 4700 m2.
L'entré du capitole est dominée par la statue d'Austin Blair, gouverneur de l'Etat du Michigan pendant la guerre civile, grand adversaire de l'esclavage et de la sécession des Etats sudistes. Il était très en avance sur son temps puisque, déjà au XIX eme siècle, il défendait les droits civiques des minorités et le droit de vote pour les femmes et les Noirs.
A Lansing, le capitole est la référence géographique par excellence. Connu de tous et visible de partout, le dôme de l'imposante bâtisse joue le rôle de phare qui guide celui qui cherche son chemin. L'Etat du Michigan abrite une forte minorité d'Arabes, principalement du Moyen-Orient (Libanais, Syriens, Egyptiens et Palestiniens essentiellement). Le plus grand nombre se trouve dans la grande ville de Detroit, capitale de l'automobile qui surplombe le lac Erié.
"Les membres de la communauté arabe de Lansing", explique Jamil Massous, un Américain d'origine libanaise, "ne sont pas aussi nombreux que ceux de Detroit, mais ils se comptent tout de même en milliers. Il n'y a pas de vie associative propre à la communauté arabe, il y a très peu de clubs particuliers où se rencontrent les membres de la communauté. Toutefois, le gros des contacts se font soit sur les lieux de travail, soit dans les cafés et les restaurants".
Le restaurant dans lequel nous amène Jamil Massous est situé à quelques 300 mètres du capitole. "On y goûte des mets succulents concoctés en fonction des recettes des cuisines libanaise et syrienne", explique Jamil, en signe d'encouragement.
Jamil nous entraîne vers une table où se trouvent déjà quatre Américains d'origine arabe (deux d'origine palestinienne, un d'origine égyptienne et un d'origine syrienne). Cela semble idéal pour entamer une discussion sur la communauté arabe et les problèmes qu'elle rencontre. "On est passé par des moments très difficiles après les attentats terroristes du 11 septembre", dit l'Américain d'origine égyptienne. "Les problèmes que nous vivions alors étaient de nature politique. Aujourd'hui, nous vivons des problèmes de nature économique tout aussi éreintants pour la communauté arabe. Prenez Detroit, la capitale de l'industrie automobile des Etats-Unis. Des milliers d'Américains d'origine arabe vivent directement ou indirectement de cette industrie. Or les trois grands groupes, General Motors, Ford et Chrysler sont en train de licencier massivement…"
L'Egypto-Américain est interrompu net dans son élan oratoire par l'irruption de Barack Obama sur CNN. La première conférence de presse du premier président afro-américain fraîchement élu était programmée à 13H30 en ce vendredi 7 novembre. Barack Obama a parlé des difficultés économiques de plus en plus dévastatrices pour les Américains de condition pauvre ou moyenne. Comme pour rassurer ceux qui l'ont élu, il avait aligné tous ses conseillers économiques derrière lui et, les montrant aux téléspectateurs d'un geste large de sa main, il a affirmé qu'ils sont en train de se pencher sur les meilleurs moyens de renverser la vapeur.
Quand Barack Obama a parlé de sa "fierté" d'avoir nommé son ami Rahm Emanuel au poste hautement stratégique de secrétaire général de la Maison blanche, l'un des Palestiniens a sauté au plafond. "Non, je n'arrive pas à le croire. Pourquoi ce nouveau président qui a bénéficié de la sympathie de centaines de millions d'Arabes et de Musulmans à travers le monde leur lance-t-il ce signal méprisant seulement deux jours après son élection? Savez-vous qui c'est ce Rahm Emanuel? C'est un citoyen israélien qui a servi dans l'armée israélienne et dont le père était membre actif et influent de l'organisation terroriste, l'Irgun, que présidait Menahem Begin et qui avait commis des atrocités indescriptibles contre les Palestiniens dans les années 1940. Les Israéliens jubilent après cette nomination. Visitez les sites internet de 'Haaretz' ou de 'Yediot Ahronot' et vous verrez le degré de soulagement qui a remplacé l'inquiétude en Israël."
Le Syro-Aéricain s'étonne de l'étonnement de son ami et l'interrompt en ces termes:" Quand vous avez un candidat qui non seulement marque sa présence au forum annuel du lobby israélien, mais va plus loin que tous les autres en martelant pendant son discours devant les 5000 délégués de l'AIPAC que Jérusalem est la capitale éternelle et indivisible d'Israël, pourquoi s'étonne-t-on d'une banale décision de nomination d'un haut fonctionnaire?"
Jamil Bassous est d'avis qu'"aussitôt élu, le président se trouve dans un moule préparé, et c'est à lui de s'adapter au moule et non le contraire. Le moule américain est façonné par une conjonction d'immenses intérêts qui, comme ils se sont imposés aux précédents présidents s'imposeront aussi inéluctablement à Obama. Ce sont les intérêts de l'empire qui guideront le nouveau président et non les sentiments ou les bonnes intentions ou les hauts principes de justice et de démocratie."
L'Américano-Egyptien intervient pour dire que "si Obama suivait la même politique que Bush vis-à-vis de la question palestinienne, ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose. Cela finirait par mettre fin à la tragi-comédie du processus de paix qui dure depuis le 13 septembre 1993 (date de la signature des accords d'Oslo), période durant laquelle Israël a intensifié follement la construction des colonies. Il est dans l'intérêt du peuple palestinien que l'Autorité installée à Ramallah s'auto-dissout et invite Israël à venir assumer son rôle de puissance occupante et d'engager aussitôt la bataille pour l'égalité des droits civiques entre Israéliens et Palestiniens dans le cadre d'un Etat binational. Je suis sûr qu'alors les Etats-Unis, quel que soit leur président, n'auront d'autre choix que de soutenir cette bataille comme ils ont fini par le faire en Afrique du sud."
Encore une fois, l'Egypto-Américain est stoppé net dans son élan oratoire, mais cette fois par le patron du restaurant qui amène la note. Il fallait payer et partir. Elle était un peu plus salée que la nourriture.

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