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Saturday, October 22, 2011

Votons, nous serons tous gagnants

Aucun des deux seuls présidents que la Tunisie a connus en 55 ans n'a jugé utile ou nécessaire de donner la possibilité au peuple de s'exprimer librement à travers les urnes. De 1956 à 2009 (date de la dernière mascarade présidentielle), il y avait des élections certes, mais elles étaient plutôt objet de plaisanteries populaires que l'occasion pour les citoyens de choisir leurs gouvernants en toute liberté et en toute transparence.
L'Américain qui a 60 ans aujourd'hui a vu défiler 11 présidents, d'Eisenhower à Obama, en passant par les Bush père et fils. Le Tunisien qui a 60 ans aujourd'hui a passé ses années d'enfance et de jeunesse sous un président-à-vie et ses années d'adulte sous un imposteur qu'on a pris 23 ans durant pour président de la république avant de découvrir qu'il n'était qu'un parrain à la tête d'un clan mafieux qui a mis le pays en coupe réglée.
En ce dimanche 23 octobre, les Tunisiens les plus chanceux sont ceux qui viennent d'avoir 18 ans. Leur chance est qu'ils ont atteint l'âge de voter au moment où l'opportunité de véritables élections a enfin été offerte à ce pays. En fait, elle n'a été offerte ni par un homme providentiel ni par une puissance étrangère, mais arrachée par le peuple lui-même qui, un certain 14 janvier, s'est levé comme un seul homme pour exiger la liberté, la dignité et le droit au travail. Nous autres adultes et vieux n'avons pas eu cette chance quand on était à la fleur de l'âge, mais, comme disent nos amis français, mieux vaut tard que jamais.
Depuis le 14 janvier, le peuple tunisien vit dans un environnement où la liberté côtoie la dignité. La liberté, les médias l'expérimentent avec des hauts et des bas depuis neuf mois, et le peuple va l'exercer aujourd'hui pour la première fois de son histoire. On va pouvoir être enfin gouvernés par des dirigeants que nous avons choisis et non par ceux qui se sont imposés par la force, la démagogie et la tricherie.
Ce dimanche 23 octobre est l'une des journées les plus décisives de l'histoire millénaire de ce pays. Décisive dans le sens où elle constitue un test devant certifier si ce peuple qui a arraché il y a neuf mois sa liberté à une dictature féroce est capable d'en faire bon usage.
La liberté est là et la dignité aussi puisque, ayant déboulonné le dernier dictateur, les Tunisiens marchent la tête haute. Le monde entier nous observe aujourd'hui et nous avons une occasion unique pour rendre notre dignité plus reluisante et plus étincelante encore en démontrant à ceux qui nous observent que nous méritons bien notre liberté.
Ce qui nous est demandé n'est ni hors de portée ni au dessus de nos capacités, bien au contraire. Deux petites conditions doivent être remplies aujourd'hui si l'on veut prouver à nous-mêmes et aux autres que nous sommes un peuple mûr, un peuple libre, un peuple digne: voter massivement et dans le calme d'une part, et accepter le verdict des urnes d'autre part.
L'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a fait un travail remarquable. En un temps record, ses membres se sont acquittés d'une tache titanesque qui consiste à mettre en place toutes les conditions techniques nécessaire et toute la logistique indispensable à un vote libre, honnête et transparent. Le gouvernement de son côté a débloqué l'argent nécessaire et mis à la disposition de l'Isie 42 mille hommes entre militaires et agents de forces de l'ordre pour veiller à la sécurité du scrutin. Aujourd'hui, c'est le tour des électeurs de faire preuve d'abnégation et du sens de la responsabilité en allant voter massivement et calmement. L'un des signes les plus fascinants de maturité et du sens de responsabilité des peuples démocratiques est la patience avec laquelle les électeurs se mettent en rang devant les bureaux de vote et attendent leur tour pour déposer le bulletin dans l'urne qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il grêle. On attend avec grande impatience aujourd'hui ces longues queues devant les bureaux de vote. Car plus longues sont les files d'attente, plus légitimes seront les élus.
Mais évidemment, il ne s'agit pas seulement d'accomplir son devoir de citoyen libre, il s'agit aussi d'être fair-play et d'accepter le verdict des urnes. L'Isie et les milliers de contrôleurs nationaux et internationaux sont suffisamment intègres et suffisamment déterminés à accomplir leur devoir que la question de la transparence du scrutin ne devrait pas être posée.
Des électeurs mûrs et des dirigeants responsables ne peuvent en ce jour historique se comporter avec cette mentalité de vulgaires joueurs de cartes qui jubilent quand ils gagent et renversent tout sur leur passage quand ils perdent. Une chose que les onze millions de Tunisiens doivent se mettre dans la tête: quels que soient les résultats de ce scrutin, nous serons tous gagnants. En effet, indépendamment des résultats, nous aurons tous gagné la course vers la démocratie entamée le 14 janvier. Nous aurons tous gagné le billet d'entrée dans le club très sélect des pays démocratiques. Votons donc, nous serons tous gagnants.

Saturday, October 15, 2011

Ego surdimentionné et démocratie

Le destin de tout un peuple dépend des fois d'un détail d'une futilité à peine croyable. Tenez, nous autres Tunisiens par exemple, notre destin aurait pu être tout autre si le fondateur de la république, Habib Bourguiba, était plus modeste et moins égocentrique.
Cet homme, qui avait beaucoup fait pour ce pays, avait raté l'essentiel: résoudre l'épineuse question de la transmission du pouvoir en douceur et pacifiquement, ce qui implique nécessairement l'édification d'institutions démocratiques.
L'idée même de démocratie est incompatible avec la psychologie du premier président tunisien. Quelqu'un qui se permet, sans le moindre embarras, de se faire appeler pendant des décennies "Combattant suprême"; qui se délecte d'écouter à longueur de journées artistes, musiciens et poètes chanter ses louanges ; qui fait de son anniversaire personnel un événement national où tout un pays est mobilisé pour tresser des lauriers à son chef ; qui considère la moindre critique comme une atteinte à sa dignité et à son honneur ; un tel homme est congénitalement incapable de gouverner démocratiquement et d'accepter l'idée de l'alternance au pouvoir.
L'ego exagérément gonflé du "Combattant suprême" constituait une sorte de barrage qui empêchait le peuple tunisien de s'exprimer librement, de critiquer son chef et de contester tel ou tel choix politique. L'immodestie absolue de Bourguiba l'a poussé à traiter par le mépris non seulement les règles démocratiques de base dont aurait pu et dû bénéficier le peuple tunisien depuis l'indépendance, mais, plus grave encore, à ignorer les règles implacables de la nature qui font que plus on avance dans l'âge, moins on est apte physiquement et mentalement à gouverner un pays et à diriger un peuple.
Peut-être la décision la plus déshonorante de Bourguiba était de se faire couronner président à vie. Déshonorante pour lui d'abord, car, une vingtaine d'années après avoir destitué le bey, il se fait lui-même couronner roi. En effet, qu'est-ce qu'un roi sinon un gouvernant à vie? Déshonorante pour le peuple ensuite, car ma génération et celle de mon père vivions très mal cette condescendance diffuse en provenance de l'étranger, cette dévalorisation de la Tunisie et des Tunisiens qu'avait provoqué la manipulation de la Constitution tunisienne visant à transformer un président en roi.
Le plus terrifiant dans tout ça est que la nature s'est furieusement vengée de la violation de sa loi relative à la vieillesse. Elle s'est vengée de celui qui a pris la décision de la présidence à vie. Le président à vie a fini en loque humaine où l'incontinence, les défaillances de mémoire et l'incapacité de faire deux pas sans se faire soutenir étaient les maux les plus visibles. Ceux qui ont la trentaine aujourd'hui gardent sans doute quelques souvenirs d'enfance de ces apparitions télévisées scandaleuses d'un président amorphe, inconscient de sa fonction et de ses responsabilités.
Mais la vengeance a atteint aussi le peuple qui a accepté sans broncher la décision contre-nature de la présidence à vie. D'abord en vivant pendant une longue période l'écrasante incertitude du lendemain avec tous les inconvénients et les répercussions négatives sur l'économie du pays et sur la psychologie collective de ses habitants. Ensuite en se retrouvant sous le joug d'une dictature mafieuse qui a duré 23 ans. Un long calvaire dont on aurait fait l'économie si Bourguiba était suffisamment modeste et raisonnable pour doter le pays d'institutions démocratiques, ce qui lui aurait évité sans doute les désagréments de l'incertitude et les angoisses face aux dangers de fin de règne et du vide politique.
Mais malgré un ego trop gonflé, en dépit d'une carrière de dictateur intraitable, Bourguiba, il faut le reconnaître, a rendu d'éminents services à ce pays. A un moment où d'autres dirigeants, comme le Chah d'Iran, réservaient jusqu'à 45% du budget de l'Etat au ministère de la défense, le nôtre consacrait le tiers du maigre budget de l'Etat au ministère de l'éducation nationale, au point de susciter les critiques des "experts" étrangers qui ne comprenaient pas qu'un seul secteur pût absorber à lui tout seul le gros des maigres ressources d'un pays pauvre.
Avec du recul, on se rend compte maintenant que c'est grâce à cet investissement massif dans l'éducation que la Tunisie a pu négocier avec le minimum de dégâts le processus révolutionnaire qui a mis fin à une dictature pourrie et ouvert la voie à une démocratie balbutiante. C'est grâce à cet investissement massif que nous avons pu éviter le sort que nous souhaitait Kadhafi : la "somalisation" de la Tunisie. Dan une interview accordée à Nessma TV, le dictateur ubuesque disait redouter "la somalisation de la Tunisie". Mais tout le monde savait que son désir le plus ardent était de voir notre pays sombrer dans l'anarchie et le chaos. Il se préparait même à en être l'instigateur et il nous aurait fait sans doute trop de mal, n'eût été le déclenchement inespéré et in extremis de la révolution libyenne.
Cette année, le peuple somalien est entré dans sa vingtième année de guerre civile déclenchée à la suite de l'effondrement de la dictature de Mohamed Siad Barré en 1991. La différence entre celui-ci et Bourguiba est que le premier a dirigé d'une main de fer la Somalie en cultivant l'ignorance et en nourrissant le tribalisme, le second a dirigé d'une main de fer la Tunisie en œuvrant à éradiquer ces tares mortelles. Les résultats sont clairement visible aujourd'hui: vingt ans après l'effondrement de leur dictature, les Somaliens s'entredéchirent encore. Trois jours après l'effondrement de la leur, les Tunisiens ont repris le travail et s'apprêtent à jeter dans dimanche prochain les premières fondations de leur démocratie naissante.
Cependant, force est de constater que cet investissement massif dans l'éducation n'a pas empêché l'éclosion d'un fanatisme obscurantiste qui tente actuellement de faire obstruction au développement démocratique que le pays entreprend laborieusement depuis le 14 janvier dernier. Mais s'il n'a pas empêché l'émergence de ce fanatisme obscurantiste, l'investissement massif dans l'éducation finira incontestablement par l'isoler et le pousser hors de l'environnement social et politique tunisien. Ce n'est pas la première fois que la lumière et l'obscurité entrent en collision. Mais chaque fois que ça arrive, c'est celle-la qui a toujours fini par l'emporter.

Tuesday, October 11, 2011

Criminelle en puissance

Elle est avocate et son nom sera tu par pitié. "S'il fait partie du prochain gouvernement, je l'assassinerai et j'irai me dénoncer", a affirmé cette femme à l'envoyé spécial du New York Times à Tunis, David Kirkpatick qui a rapporté cette grave menace proférée contre M. Beji Caid Essebsi dans un article publié par le quotidien new yorkais dans son édition du 4 octobre.
De par sa fonction, cette femme de loi devrait connaître sur le bout des doigts les articles du code pénal relatifs à l'homicide volontaire et la vaste jurisprudence qui détaille les circonstances aggravantes.
Pourquoi cette avocate, une illustre inconnue par ailleurs, a-t-elle choisi l'un des plus grands journaux du monde, les plus lus et les plus influents pour dévoiler sa face cachée de criminelle en puissance? Mystère. A moins qu'il y'ait quelque psychanalyste volontaire pour nous éclairer.
En déversant sa haine intense contre le Premier ministre, en le menaçant d'assassinat, cette avocate tente de se placer sur le terrain politique en affirmant sans ambages au journaliste new yorkais :"Il (Caid Essebsi) est rejeté par le peuple". Voici donc les lecteurs américains édifiés sur l'impopularité de notre Premier ministre rien que parce qu'une illustre inconnue a décidé de parler au nom du peuple en confondant le sentiment particulier d'une avocate anonyme qui n'intéresse personne et le sentiment populaire, décisif dans le choix des dirigeants et l'élaboration de la politique nationale.
Cette confusion et une personnalité troublée de criminelle en puissance interdisent à notre illustre inconnue l'accès au terrain politique et la confinent dans le terrain marécageux de la psychanalyse, voire de la psychiatrie, qui est le sien.
En déclarant publiquement être prête à assassiner un Premier ministre s'il ose faire partie du prochain gouvernement, cette avocate donne la preuve de sa prédisposition à recourir à la violence radicale et absolue pour barrer la route à une personne contre laquelle elle est animée d'une grande haine. Par la même occasion, elle se présente comme l'exemple à ne pas suivre, le virus à isoler et à combattre pour ne pas contaminer un peuple qui s'apprête à désigner ses représentants non pas à travers des processus violents, mais à travers les urnes.
Pourquoi l'avocate est-elle entrée dans un état de grave hystérie face au journaliste du New York Times au point de brandir la menace d'assassiner un vieil homme vénérable qui n'a pas cessé de servir son pays depuis 60 ans? Parce qu'elle a peur de le voir reconduit dans son poste de Premier ministre après le 23 octobre.
Parlons-en un peu justement. M. Beji Caid Essebsi a affirmé qu'"en politique, la retraite vient avec la mort". Il y a là certainement un clin d'œil par lequel le Premier ministre a voulu attirer l'attention sur sa prédisposition à continuer à servir son pays tant que sa santé physique et mentale le lui permet. Y a-t-il là un quelconque problème? Certainement pas. Car, le Premier ministre, comme tout citoyen dans ce pays fraîchement libre, a le droit de dire ce qu'il veut, y compris le droit d'exprimer le vœu de servir son pays au-delà du 23 octobre.
L'hystérie de l'avocate qui l'a transformée en criminelle en puissance est d'autant plus injustifiée que le Premier ministre n'a nullement l'intention d'utiliser les forces armées et de sécurité nationales pour s'imposer comme Premier ministre à vie. S'il a fait des signes destinés à la future autorité légitime signifiant qu'il est toujours disponible, celle-ci aura tous les droits de le reconduire ou de l'ignorer.
Le président déchu et l'avocate hystérique ont un point commun: tous deux ont donné aux Américains une image déplorable de la Tunisie: le premier en se comportant en ignare obséquieux face au président le plus stupide des Etats-Unis, George Walker Bush. C'était au cours de son dernier voyage à Washington pendant lequel Bush fanfaronnait face à un Ben Ali qui avait l'air d'un écolier qui n'avait pas appris sa leçon. Pour ajouter l'insulte à la blessure, le président américain qui organisait des dîners en l'honneur de ses homologues étrangers, avait généreusement offert un "Big Mac" à Ben Ali qui, entre nous, au vu de sa piètre performance à la Maison Blanche, ne méritait pas plus.
Quant à l'avocate qui a déclaré textuellement au New York Times : “If he stays in the coming government, I will assassinate him and declare that I did,” (S'il reste dans le prochain gouvernement, je l'assassinerai et j'irai me dénoncer), elle ne fait honneur ni à son pays ni à la profession qu'elle exerce. Que va penser le lecteur américain en lisant cette affirmation de l'avocate tunisienne? Il devrait se dire que si une avocate est capable d'assassiner un Premier ministre sans raison, de quoi serait capable alors le citoyen ordinaire?
Mais heureusement que "Silbéji" est là. Il a rectifié le tir. Avec son air de vieux sage, sa vaste culture politique et sa longue expérience, il a représenté au mieux la nation tunisienne au cours du voyage officiel qu'il vient d'effectuer aux Etats-Unis. La standing ovation à laquelle il a eu droit au Congrès et l'accueil chaleureux que lui a réservé Obama au bureau ovale effaceront de la mémoire des Américains et des Tunisiens la piètre prestation de Ben Ali. Mais aussi la pulsion criminelle d'une avocate hystérique.

Saturday, October 01, 2011

Dans l'histoire d'une manière ou d'une autre

Un souvenir de la vie estudiantine me fait toujours sourire chaque fois qu'il remonte à la surface. Au début des années soixante dix du siècle dernier, c'est-à-dire il y a une éternité déjà, le professeur Sadok Belaid était alors doyen de la faculté de droit et enseignait le droit constitutionnel aux nouveaux bacheliers. Le premier contact avec lui était l'occasion de conseils judicieux et d'humour fin. "Mes amis", nous disait-il, "étudiez, prenez de la peine. Vous serez sans aucun doute licenciés d'une manière ou d'une autre".
Les Tunisiens d'aujourd'hui sont un peu dans le même état psychique que les étudiants de la faculté de droit d'hier. Si ceux-ci avaient fini tous sans exception par être "licenciés d'une manière ou d'une autre", ceux-là finiront tout aussi sûrement par entrer dans l'histoire d'une manière ou d'une autre.
Nous entrerons donc dans l'histoire soit par la grande porte, si l'on fait preuve de grande maturité et si l'on se donne les moyens politiques et économiques de migrer de l'aire des peuples opprimés à celle des peuples libres. Soit par la petite porte juste pour être pointé du doigt comme étant le peuple qui a eu une occasion en or de s'affranchir et de grandir aux yeux du monde et qui est passé lamentablement à côté.
Dans le premier cas, nous assurerons la liberté et la dignité pour les années, les décennies et pourquoi pas les siècles à venir à nous et à nos enfants et petits enfants, tout en gardant notre statut de phare du monde arabe. Dans le second cas, la facture à payer sera très lourde: retour à la case départ, c'est-à-dire sous le joug d'une dictature bien méritée cette fois-ci, avec, en prime, le mépris de nous-mêmes et des autres.
Jusqu'ici, globalement, tout s'est bien passé. Les trois semaines qui nous séparent du 23 octobre seront consacrées à une campagne électorale comme on n'en a jamais vécue auparavant. On a observé d'authentiques campagnes électorales chez les autres, mais chez nous, de tels événements étaient plutôt de sinistres comédies ressenties comme de véritables humiliations infligées au peuple tunisien soit à travers la présidence à vie, soit à travers les mises en scènes consistant à supplier le dictateur, seulement quelques mois après avoir été "élu", de se préparer encore une fois à l'épreuve du "suffrage universel" en présentant de nouveau sa candidature…
Le défi qui se présente à nous pendant les trois prochaines semaines est de taille: réussir une campagne à laquelle nous n'avons jamais été habitués et remporter le premier jeu du "match démocratique" si l'on peut dire auquel nous n'avons jamais eu réellement l'opportunité de participer.
Maintenant que nous sommes qualifiés à passer l'épreuve d'entrée dans le club des pays démocratiques, il serait impardonnable d'échouer. D'autant plus impardonnable que l'épreuve est loin d'être au dessus des capacités politiques et des qualités intellectuelles du peuple tunisien et de l'élite qui se propose de le servir.
Pour réussir notre marche jusqu'à la station du 23 octobre, entamée il y a plus de huit mois, nous n'avons pas besoin de force exceptionnelle ni d'atout extraordinaire. Nous avons besoin plutôt de choses très simples: le respect que les différents acteurs politiques sont tenus de témoigner les uns aux autres ; la tolérance vis-à-vis de l'opinion ou de la proposition avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord ; l'intériorisation effective et définitive de l'idée que dans un scrutin démocratique et transparent, la victoire et l'échec sont deux résultats naturels de l'opération électorale, que l'un et l'autre ne peuvent en aucun cas être le monopole de tel ou tel parti ou rassemblement et que le vainqueur d'aujourd'hui pourrait très bien être le perdant de demain et vice versa.
Pour résumer, la réussite de la mutation démocratique de la Tunisie que pratiquement tous les Tunisiens désirent ardemment dépend de trois petites choses qui sont à la portée de tout le monde, y compris les gens d'"Ennahdha" qui ont l'air de vouloir "s'erdoganiser" si l'on juge par le chaleureux accueil que Cheikh Rached et ses amis ont réservé au Premier ministre turc. Vous l'avez deviné, ces trois petites choses sont le respect, la tolérance et l'acceptation de la règle du jeu.
Cela fait plus de huit mois que la Tunisie tient bon et s'accroche au but qu'elle s'est fixé le 14 janvier dernier : rompre définitivement avec la dictature et rejoindre une fois pour toutes les pays qui jouissent authentiquement des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cela fait plus de huit mois que les Tunisiens marchent vers ce but. En trébuchant certes de temps à autre, mais en se relevant aussitôt pour continuer leur marche. Ni le conflit libyen, ni le courroux algérien, ni l'accueil du dictateur-pilleur et de ses complices dans le Golfe n'ont entamé cette immense aspiration collective à la liberté et à des lendemains qui chantent.
Maintenant que nous sommes à trois semaines de la station 23 octobre, il s'agit non seulement d'atteindre en toute sûreté la ligne d'arrivée, mais de continuer ensuite sereinement la marche vers les stations Constitution, Alternance, Indépendance (de la justice), sans oublier la réhabilitation totale et entière de la Station 10 Décembre 1948…Suivez mon regard.