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Sunday, November 16, 2008

Obama: après l'euphorie, les grands défis

L’élection de Barack Obama à la présidence de la République américaine est, dans une large mesure, le résultat logique des excès produits pendant les trente dernières années par ce que certains intellectuels aux Etats-Unis appellent « les deux mamelles de l’Amérique » : le néo-libéralisme économique et le néo-conservatisme politique.
En élisant Ronald Reagan en 1980 et en le réélisant en 1984, les Américains ont permis le développement de ces deux courants dont la propagande intensive a aveuglé l’Américain moyen pendant de longues années.
En élisant George Bush en 2000 et en le réélisant en 2004, les Américains ont permis à ces deux courants d’aller jusqu’au bout de leur logique et sont aujourd’hui en train de récolter les fruits amers du néo-libéralisme et du néo-conservatisme : crise financière sans précédent ; un système d’assurance-maladie détruit ; un système fiscal qui dépouille les pauvres pour engraisser les riches ; un système bancaire artificiellement debout à coups de centaines de milliards de dollars payés par le contribuable ; chaque jour que Dieu fait des douzaines d’entreprises mettent la clef sous la porte et renvoient chez eux sans état d’âme des milliers de travailleurs ; deux guerres qui continuent de « pomper » chaque mois des milliards de dollars dans un budget fédéral vertigineusement déficitaire etc.
Telle est la situation qui a rendu possible la victoire d’un candidat afro-américain aux Etats-Unis. Une situation quelque peu paradoxale dans la mesure où elle a assuré à Barack Obama une grande victoire, mais lui a en même temps légué des défis plus grands encore. Sans doute les plus grands défis jamais rencontrés par un président élu depuis Roosevelt en 1932.
Terence Young, le premier ambassadeur noir américain auprès de l’ONU, plaisantait à peine en disant à un journaliste que « les problèmes du monde sont devenus si complexes et si difficiles à gérer que personne n’en veut. C’est pour cela qu’on a confié cette gestion aux Noirs. » Chaque élection engendre une euphorie de la victoire pour le président élu. Obama, comme tous ses prédécesseurs, a vécu son euphorie de la victoire. Mais contrairement à ses prédécesseurs qui, passée l’euphorie, découvrent peu à peu la réalité du pouvoir, Obama, lui, est en train de découvrir l’étendue des désastres que va laisser derrière lui George Bush le 20 janvier prochain, le jour où il partira à la retraite dans son ranch au Texas.
Obama se penche actuellement sur les impératifs qui incombent à tout président élu : la composition de son prochain cabinet et les briefings qu’il reçoit quasi-quotidiennement des chefs du renseignement américain sur la situation intérieure et extérieure des Etats-Unis. Mais plus il est briefé sur cette situation, plus il mesure l’étendue de la tâche qui l’attend et plus obsédante devient la question : quel est le problème le plus urgent ? Par où commencer ? Par les banques ? Les entreprises ? Le chômage ? L’assurance-maladie ? L’Irak ? L’Afghanistan ? Le Pakistan ? L’Iran ? Le Moyen-Orient ?
Certains n’ont pas manqué pas de mettre en évidence « le paradoxe » entre la frêle silhouette d’Obama et le gigantisme des défis qui l’attendent. Un président ne gouverne pas avec sa silhouette, mais avec sa volonté, sa détermination à réussir, sa capacité à hiérarchiser les priorités, à faire le bon diagnostic et à apporter la bonne réponse.
Le président sortant a fait preuve de grande détermination non pas à réussir, mais à persister dans l’erreur. Sa capacité à hiérarchiser les priorités est plus que douteuse et ses diagnostics ressemblent à ceux du médecin qui pratique la profession avec de faux diplômes. Et, bien que désigné par les juges de la Cour Suprême (cinq voix contre quatre), il a bénéficié du préjugé favorable qu’il a trahi en long et en large huit ans durant.
Le président élu, sur bien des aspects, est l’exact contraire du président sortant. Elu massivement, il dispose d’évidents talents intellectuels ; il a fait preuve, en tant que sénateur et en tant que candidat, d’une claire capacité de discernement et de hiérarchisation des priorités ; et, si on le juge sur ses vues sur la fiscalité, l’assurance-maladie ou l’Irak, on pourra dire que ses diagnostics sont ceux d’un médecin qui a réussi brillamment ses études.
Obama a donc droit au préjugé favorable et, plutôt que de se livrer à des spéculations stériles sur ce qu’il fera ou ne fera pas, mieux vaut attendre et juger sur pièce. Mais ce qui est certain, et tous les cheminots vous le confirmeront, il est beaucoup plus facile de dérailler un train que de le remettre sur la voie. Et à ce niveau, la présidence d’Obama sera sans aucun doute infiniment plus difficile que celle de Bush. Mais, et c’est certain, infiniment moins dangereuse aussi.

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