airelibre

Tuesday, April 09, 2013

Dévoiements de la fonction présidentielle

Quand il a pris ses fonctions au Palais de Carthage il y a seize mois, Moncef Marzouki a demandé un délai de grâce de six mois avant d’évaluer son action. Il a eu beaucoup plus de temps et l’évaluation a été faite par ceux là-même qui avaient chassé Ben Ali, en le chassant lui aussi à coups de pierres de Sidi Bouzid où il était venu répéter le même discours, au virgule près, que celui qu’il avait prononcé une année auparavant. Pour un président dépourvu de prérogatives, il n’y a donc pas d’actions à évaluer, mais un comportement à juger et des discours à commenter, et qui, en toute objectivité, n’honorent ni la fonction ni le pays. Mais avant d’aborder ses discours, il faut tout de même lui rendre justice et reconnaitre qu’en dépit ses prérogatives quasi-inexistantes, le président a quand même pris quelques décisions remarquables. Il a reçu au Palais de Carthage les représentants des milices violentes qui continuent de semer la pagaille dans le pays ; il a invité au Palais présidentiel une sommité de l’ignorance et du fanatisme, le dénommé Béchir Ben Hassan, pour donner une conférence ; il a fait le déplacement en haute mer pour jeter dans les flots de la Méditerranée une gerbe de fleurs à la mémoire des noyés qui n’ont pas eu la chance d’atteindre l’ « Eldorado italien » ; Il a aussi signé des ordres de libération anticipée de prisonniers dont certains à peine libérés ont commis des viols, et même des meurtres… Face à ces exploits, on ne peut que remercier Dieu de nous avoir dotés d’un président réduit à sa plus simple expression. Face à ses exploits, on a des sueurs froides rien qu’en imaginant ce qu’aurait fait ce type, s’il jouissait des mêmes prérogatives que Bourguiba ou Ben Ali ? Au niveau des discours et des comportements, Marzouki a largement prouvé qu’’un président, même réduit à sa plus simple expression, peut faire beaucoup de mal à la fonction et au pays. Le président provisoire adore voyager. Ses innombrables voyages ont coûté des millions de dinars au contribuable. De toute évidence, il y a un fossé béant entre les coûts et les résultats des voyages présidentiels. On peut chercher à la loupe le moindre résultat minuscule de ses périples en Mauritanie, au Brésil, en France, en Allemagne ou encore de ses voyages à répétition au Golfe et principalement au Qatar, on en trouvera aucune. En revanche, les bourdes il y’en a. Le président provisoire semble souffrir d’une tendance pathologique qui le pousse à régler ses comptes avec ses adversaires politiques à partir de l’étranger. Visiblement, sa présence à l’étranger gonfle son égo et aiguise sa haine vis-à-vis des personnalités de l’opposition qu’il se délecte à prendre à partie à partir de l’étranger, oubliant qu’il est le président de tous les Tunisiens. C’est pendant un voyage en Mauritanie en février 2012 que Marzouki a eu les mots les plus virulents envers Beji Caid Essebsi qu’il a accusé tout simplement de blasphème : « Il s’est tu pendant une éternité et quand il a parlé, il a blasphémé », a-t-il dit, de l’une des principales personnalités politiques tunisiennes dans un pays étranger. Le « blasphème » de Caid Essebsi est, vous l’avez deviné, la fameuse initiative lancée en janvier 2012, mais qui n’a pas plu au représentant de la troÏka au Palais de Carthage. Plus récemment en Allemagne, Marzouki a eu des mots écœurants pour l’opposition à laquelle, visiblement, il est devenu allergique. S’en prenant à tous ceux qui critiquaient la politique de la coalition au pouvoir, le président provisoire était sorti de ses gonds en ces termes : « ils (les opposants) disaient que la troïka allait bientôt rendre l’âme, mais ce sont eux qui ont rendu l’âme. » Des mots d’un niveau si bas que des gens respectables ne prononceraient même pas dans un café. Il y a quelques jours, Marzouki s’est littéralement déchaîné contre l’opposition encore une fois à un point tel que beaucoup de Tunisiens se demandent maintenant si ce président provisoire est dans un état normal, et si les rumeurs qui circulent sur des problèmes psychiatriques ne comportent pas une dose de vérité ? Sa folle sortie, il l’a réservé à la chaîne qatarie « Al Jazeera » qui, comme chacun sait, souhaite tout le bien au peuple tunisien… Sur sa chaîne préférée, le président provisoire a attaqué cette fois l’opposition avec une rare violence : « S’ils œuvrent pour le renversement du gouvernement de quelque manière que ce soit, les laïques extrémistes seront pendus. Et il n’y aura pas alors des hommes sages comme Marzouki, Ghannouchi et Ben Jaafar pour intercéder en leur faveur… », a-t-il dit à l’attention de ceux avec qui il combattait la dictature de Ben Ali. On se rappelle que sur cette même chaîne, Marzouki conspuait Ben Ali, mais il n’était pas aussi violent qu’il l’était il y a quelques jours avec ses amis d’hier. Et encore une fois, Marzouki déversait son fiel contre l’opposition tunisienne à partir de l’étranger. Cette fois à partir du pays de Hamad Al Thani qui, comme chacun sait, souhaite lui aussi tout le bien du monde à la Tunisie et aux Tunisiens… D’ordinaire, les chefs d’Etat qui se déplacent à l’étranger ne parlent que de ce qui concerne les relations bilatérales entre le pays hôte et celui du visiteur. Des questions leur sont posées sur tel ou tel problème interne, mais généralement ils déclinent de répondre arguant à juste titre qu’ils ne parleraient pas de questions domestiques dans des pays étrangers. Le nôtre est une lamentable exception qui entache fortement la réputation du pays. Mais il y a une autre lamentable exception qui devient réellement une source d’embarras pour un bon nombre de Tunisiens : la tenue peu respectable avec laquelle le président provisoire se permet de voyager dans les quatre coins du monde et qu’aucun banquier ne permettrait à ses employés de porter dans les heures de travail. On ne peut que déplorer qu’un président qui représente 10 millions de citoyens se permette d’assister à un sommet arabe sans cravate et avec une chemise non repassée. Ce sont ces détails peu reluisants qu’a choisis le journal « Al Qods Al Arabi » pour classer notre président le dernier des derniers en termes d’élégance parmi tous ceux qui ont pris part au dernier sommet arabe à Qatar. Le contraste est vertigineux en effet entre l’extrême élégance de la tenue du roi de Jordanie, classé premier, et l’extrême négligence de la tenue de notre président. Il a souvent dit qu’il n’aime pas les cravates et qu’il préfère l’élégance de l’âme à celle des tenues. A voir ses abus de langages répétés, on est forcé de constater qu’il n’a ni l’une ni l’autre. Vivement son départ du Palais de Carthage, symbole de la souveraineté du pays, dont l’image et le prestige se trouvent fortement dégradés par les dévoiements du président provisoire.