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Thursday, November 20, 2008

Aveu d'échec

Après un an de négociations ardues, Américains et Irakiens sont parvenus à se mettre d’accord sur ce qu’on appelle désormais le SOFA (Status Of Forces Agreement) –Accord sur le statut des forces américaines en Irak- et celles-ci ne seront donc pas dans l’ « illégalité » après le 31 décembre prochain, fin du mandat de l’ONU.
C’est l’une des rares fois dans l’histoire, sinon l’unique fois, qu’un pays sous occupation militaire négocie d’égal à égal avec l’occupant, lui refuse ses principales demandes et lui impose même les siennes. C’est d’autant plus remarquable que les autorités du pays occupé ne sont toujours pas en mesure de gouverner sans le soutien militaire et logistique de l’occupant.
Au début des négociations, les Etats-Unis étaient intransigeants et donnaient l’impression qu’ils n’accepteraient jamais de céder sur trois sujets « vitaux » : pas de date pour le départ des forces américaines ; pas de jugement de citoyens américains ayant commis des crimes par les autorités judiciaires irakiennes ; pas de limitation de la liberté de mouvement des troupes d’occupation quand il s’agit de pourchasser des militants irakiens ou de mener des attaques au-delà des frontières irakiennes.
L’accord signé lundi dernier à Bagdad par l’Irak et les Etats-Unis stipule que les troupes américaines seront cantonnées dans leurs bases hors des villes irakiennes en juin prochain et que le dernier soldat américain quittera l’Irak le 31 décembre 2011. Il donne le feu vert à l’appareil judiciaire irakien de poursuivre tout citoyen américain, civil ou militaire, coupable de crimes au regard du droit irakien. Et il interdit formellement à l’armée américaine de mener des attaques à partir du territoire irakien contre des pays voisins de l’Irak.
Il y a encore quelques semaines, des officiels du Pentagone, agacés par l’insistance irakienne de réécrire le projet d’accord, croyaient être en mesure de faire preuve d’arrogance et d’intransigeance en criant haut et fort que « c’est à prendre ou à laisser ». Le gouvernement irakien les a eus à l’usure en affichant sa ferme volonté de refuser un accord aux conditions américaines. Pour lui, il est politiquement plus sûr de demander à l’ONU de renouveler son mandat aux forces d’occupation plutôt que d’accepter un statut de ces forces aux conditions américaines.
En effet, pour Nouri Al Maliki et la coalition de partis chiites et kurdes qui le soutient, s’ils acceptent un tel accord, ils seront considérés par leur opinion publique comme les laquais de l’occupant, qualification qu’aucun politicien irakien ne souhaiterait se voir coller. A partir de là, et durant les longs mois de la négociation, il y a eu une sorte de surenchère entre les politiciens irakiens. Chacun d’entre eux voulant se montrer nationaliste et au service de son pays plutôt qu’à celui de l’occupant, c’était à qui se montre le plus exigeant et à qui place la barre le plus haut dans les négociations.
Ces négociations se faisaient avec une administration américaine finissante et décrédibilisée chez elle et à l’étranger. La Maison blanche et ses collaborateurs au département d’Etat et au Pentagone ont eu recours à toutes les ressources dont ils disposent pour amener le gouvernement Maliki à accepter le projet d’accord tel que conçu initialement. En vain. Coincé si l’on peut dire entre l’échéance du 31 décembre qui s’approche et l’intransigeance des négociateurs irakiens, Bush n’avait que le choix entre accepter les amendements irakiens ou se retrouver le 1er janvier prochain avec 150.000 soldats en Irak non seulement en difficulté, mais sans « statut ».
Un signe qui ne trompe pas et qui prouve que l’accord conclu lundi est plus favorable à l’Irak qu’à la puissance occupante : la réaction iranienne. Après avoir effectué toutes le pressions possibles sur le gouvernement irakien pour qu’il refuse le projet tel que rédigé par les Américains, l’Iran semble aujourd’hui satisfait de l’accord conclu. Commentant cet accord sur une chaîne iranienne, Mahmoud Hashemi Shahroudi, haut fonctionnaire au ministère iranien de la justice, a affirmé que « le gouvernement irakien a très bien fait ».
L’embarras de la Maison blanche est clairement lisible dans la réaction de son porte-parole, Dana Périno, qui, reconnaissant les concessions, les a justifiées en ces termes : « En faisant des concessions, les Etats-Unis reconnaissent que le gouvernement irakien a fait des progrès, et que les Irakiens sont aujourd’hui capables de poursuivre leur propre chemin, de se gouverner eux-mêmes et de se défendre. »
Le 1er mai 2003, Bush, en combinaison d’aviateur, atterrissait sur le porte-avions Lincoln au large de la Californie et se faisait filmer et photographier alors qu’il fanfaronnait sous la fameuse bannière de « Mission Accomplished ». Plus de cinq ans et demi après, ce qui a été « accompli », c’est Abou Ghraib, c’est des centaines de milliers de morts irakiens et quatre millions de déplacés, c’est le réveil brutal des démons de la division confessionnelle et ethnique, c’est l’affaiblissement de l’Irak pour Dieu sait combien de décennies et le renforcement involontaire de l’Iran, ennemi juré de l’Amérique etc.
Les concessions que la Maison blanche a consenties dans le cadre des négociations du SOFA sonnent comme une reconnaissance du bilan désastreux de l’occupation. En acceptant de se retirer au plus tard le 31 décembre 2011, les responsables américains reconnaissent que l’Irak est perdu pour eux, qu’ils n’en feront pas l’immense base militaire au cœur du Golfe dont ils rêvaient et qu’ils ne bénéficieront pas des deuxièmes réserves pétrolières du monde, motif principal de l’occupation.

1 Comments:

Blogger laabed said...

le gouvernement irakien joue les prolongations dans un match perdu par les américains aux teemps reglémentaires.

9:54 PM  

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