airelibre

Sunday, January 27, 2008

La plume et les ciseaux

Chers ami(e)s,

La censure frappe à nouveau au journal La Presse, et cela devient réellement intenable. Le 17 janvier 08, un article sur la tournée du président américain au Moyen Orient et au Golfe a été censuré. Il vous a été envoyé à temps et beaucoup d'entre vous ont exprimé leur étonnement et leur incompréhension qu'un tel article puisse être interdit de parution. Pour ceux qui n'ont pas reçu cet article intitulé "En attendant le jugement de l'histoire", ils peuvent le consulter ci-dessous dans ce blog
Le 26 janvier 08, c'était le tour d'un autre article de tomber victime des ciseaux de M. Mohamed Gontara, directeur de La Presse. Cette fois, il ne s'agit pas de Bush, mais d'Israël. Cela fait 22 ans que je commente l'actualité internationale au journal La Presse, et jamais on ne m'a fait comprendre que l'un ou l'autre des mes centaines d'articles écrits sur la politique israélienne était trop dur pour Israël. L'article censuré ne parle même pas des crimes, bien réels et trop nombreux d'Israël, mais analyse les erreurs historiques de ce pays et son encouragement dans la persévérance dans l'erreur par le soutien systématique prodigué aux différents gouvernements israéliens par les différents gouvernements américains.
Comme vous le constaterez, en lisant cet article ci-dessous, il n'y a ni insultes ni contre-vérité, mais de l'analyse pure en me basant sur des faits historiques bien réels. Si la critique est jugée par certains un peu incisive, je peux vous assurer qu'elle est un peu trop molle par rapport aux critiques au vitriol signées quotidiennement par des journalistes israéliens contre la politique de leur pays, comme Uri Avnery (dont les articles peuvent être consultés au: http://www.counterpunch.com/ ) ou encore Gideon Levy et Amira Hass (dont les articles acerbes contre la politique de leur pays peuvent être consultés au: http://www.haaretz.com/ ). D'un autre côté, des centaines, des milliers peut-être, de journalistes américains, critiquent de manière cinglante la politique américaine. Par rapport à eux, mes critiques de la politique américaine sont réellement molles. Il n'y a qu'à voir ce qu'écrivent William Pfaff, Paul Krugman, Maureen Dowd, Bob Hertbert, Ron Suskind, Paul Craig Roberts, Jeffrey St. Clair etc. Googlez leurs noms et vous verrez l'extraordinaire férocité avec laquelle ils commentent les erreurs politiques de l'actuelle administration américaine. La question qui se pose est : pourquoi, quand il s'agit de commenter la politique israélienne et américaine, les journalistes israéliens et américains bénéficient d'une liberté substantielle, et nous à La Presse, on se voit dénier ce droit et cette liberté par un directeur qui persiste à vouloir exercer son "pouvoir régalien"?
Il est à rappeler ici que M.Gontara est journaliste puisqu'il a sa carte professionnelle qui, par ailleurs, vient de lui être renouvelée pour l'année 2008. Mais on ne peut s'empêcher de constater que dès son arrivée à la tête de La Presse, il a troqué la plume du journaliste contre les ciseaux du censeur. Quand il a censuré mon premier article (celui-là est le quatrième), je suis allé m'enquérir de la raison. Brandissant ses ciseaux de censeur, M. Gontara m'a répondu en ces termes:"Moi, Monsieur, j'ai un pouvoir régalien dans ce journal".
Moi personnellement, j'aurais fait contre mauvaise fortune bon cœur et accepter ce "pouvoir régalien" s'il était utilisé pour le bien du journal, pour l'élévation de son niveau et l'amélioration de son contenu. Mais hélas, la qualité de notre journal se dégrade de jour en jour et je n'émets là aucun jugement subjectif, mais c'est l'avis de tous ceux, et ils sont nombreux, que moi et mes collègues avons entendu évaluer La Presse.
Même dans les cercles officiels, l'évaluation du contenu et du niveau de notre journal est négative. Il y a quelques semaines, le ministre de la communication et des relations avec le parlement, M. Rafaa Dkhil, était invité à une réception organisée par La Presse à l'Hôtel Africa. Dans l'allocution qu'il a prononcée, le ministre n'a pas caché son amertume face à la dégradation de la qualité et du niveau de La Presse. Il a donné l'exemple de "la couverture" par La Presse des débats budgétaires de décembre dernier à l'Assemblée. Cette "couverture" a affirmé M.Rafaa Dkhil était d'une qualité très médiocre, loin derrière celle de tous les autres journaux de la place. Inutile de dire que La Presse du lendemain n'a reproduit aucune des critiques émises par le ministre à l'égard de notre journal. Pire encore, aucun journaliste de La Presse n'a été autorisé à écrire un article sur la réception en l'honneur de nos anciens collègues retraités. "Non, je passe la TAP", a tranché M.Gontara. Une réception organisée par notre journal où tous les journalistes de La Presse étaient présents et le directeur décide arbitrairement de publier une dépêche de l'Agence Tunis Afrique Presse. C'est une honte que les journalistes de La Presse n'ont jamais vécue auparavant et n'ont toujours pas digérée.
Chers amis, je vous prend à témoin de l'arbitraire du directeur de La Presse. Si vous trouvez dans mon article le moindre écart, la moindre phrase censurable, n'hésitez pas à me le faire remarquer. Je compte sur vous pour l'effet boule de neige. Faites suivre l'article censuré et le texte qui l'accompagne à toutes vos connaissances. Je souhaite vivement que cet article censuré soit lu par le maximum de responsables dans ce pays, non pas par désir vaniteux d'être lu, mais pour qu'ils voient le niveau absurde et ubuesque que peut atteindre la censure dans notre journal qui, comme l'a dit M. Rafaa Dkhil, aurait dû être la locomotive qui tire l'information vers les hauteurs. Mais hélas! La Presse continue de s'enfoncer chaque jour un peu plus.

Saturday, January 26, 2008

Les erreurs historiques d'Israël

Les derniers développements dans la bande de Gaza, caractérisés par l’ouverture de brèches dans la barrière métallique de Rafah et l’extraordinaire affluence des Palestiniens en Egypte, sont les derniers signes d’une série d’échecs de la politique israélienne, inaugurée avec la guerre de six jours il y a plus de quarante ans.
La preuve irréfutable que les Israéliens se mordent les doigts d’avoir occupé les territoires palestiniens pendant la guerre de juin 1967 se trouve dans une étrange déclaration du gouvernement Olmert, suite à l’acceptation par l’Egypte de laisser les dizaines de milliers Palestiniens franchir la frontière et s’approvisionner en différentes marchandises. Le gouvernement israélien a subitement sauté sur l’occasion, comme s’il l’attendait depuis toujours, pour dire qu’ « Israël n’est plus responsable de l’approvisionnement de Gaza, cette responsabilité incombe désormais à l’Egypte ».
Après plus de quarante ans d’occupation, de confiscations de terres, de destructions de vies et de propriétés palestiniennes, voilà qu’Israël veut maintenant revenir au point de départ, c'est-à-dire au 4 juin 1967 quand Gaza dépendait de l’Egypte, sans pour autant reconnaître ses torts ni évacuer tous les territoires occupés. On n’occupe pas un territoire pendant quatre décennies et on ne provoque pas les malheurs indescriptibles de son peuple pour s’en laver subitement les mains et se décharger de ses responsabilités de force occupante sur l’Egypte, tout en continuant à occuper la Cisjordanie et le Golan.
L’histoire d’Israël se résume à une série d’erreurs plus désastreuses les unes que les autres. L’erreur fondamentale, fondatrice de toutes les autres si l’on peut dire, est l’occupation des territoires palestiniens et du Golan, erreur que la région entière continue d’en payer le prix fort en sang et en larmes, y compris les Israéliens qui, depuis des décennies, n’ont connu ni paix ni sécurité du fait des politiques erronées obstinément suivies par leurs gouvernements successifs.
On reste pantois face à l’incapacité congénitale des politiciens israéliens de tirer les leçons des erreurs du passé. Il y a comme un masochisme politique qui colle à la peau des politiciens israéliens qui, plus ils commettent d’erreurs désastreuses pour leur pays, plus ils s’efforcent d’en commettre davantage. Ils ont décidé d’occuper les territoires palestiniens et, depuis plus de quarante ans, se débattent dans un bourbier dont ils ne savent toujours pas comment s’en sortir ; ils ont occupé le sud Liban en 1982 pour le soumettre à leur volonté et, après 18 ans de malheurs, l’armée israélienne s’est enfuie la queue entre les jambes ; ils ont tenté de détruire le Hezbollah par les bombardements aériens de l’été 2006 qui ont duré 36 jours, mais, par un effet de boomerang, cette guerre leur est revenue à la figure et Israël en est sorti affaibli politiquement et militairement et le Hezbollah renforcé ; ils ont voulu étouffer Gaza en la soumettant à un blocus digne des cruautés du Moyen-Âge, mais des centaines de milliers de Palestiniens se sont approvisionnés en Egypte et Israël s’est retrouvé dans une position ridicule avec un blocus qui ne sert à rien et une image fortement dégradée de pays cruel, affameur d’enfants et tueur de vieillards par son refus d’autoriser même le lait et les médicaments d’arriver aux Palestiniens. Sans parler des innombrables erreurs commises pendant les deux intifadhas ou lors des refus obstinés des multiples offres arabes de paix.
Il faut dire que les Etats-Unis sont pour beaucoup dans la politique dangereuse que mènent les différents gouvernements israéliens depuis des décennies. Leur soutien inconditionnel à toutes les injustices commises par Israël, leur aide militaire massive et l’utilisation automatique et systématique de leur veto à l’ONU contre la moindre résolution critiquant Israël sont pour beaucoup dans la conduite continuellement arrogante de ce pays et le mépris avec lequel les Israéliens traitent la légalité internationale.
Mais la capacité de Washington de tirer les leçons du passé n’est pas plus grande que celle d’Israël. Ce qui se passe actuellement au Conseil de sécurité de l’ONU le prouve amplement. Selon des sources bien informées au siège des Nations Unies à new York, Washington a proposé un projet de résolution condamnant « les tirs de fusées Qassam et autres activités terroristes contre Israël ». Ce projet ne condamne évidemment pas le blocus de Gaza, mais appelle Israël à prendre « des mesures pour alléger les souffrances des civils palestiniens ».
Un projet de résolution parallèle soumis par la Ligue arabe exprime « l’inquiétude des pays arabes face à la situation humanitaire de Gaza critique « les attaques contre Israël » et appelle ce pays à « rouvrir les passages frontaliers ». Sur les 15 membres du Conseil de sécurité, un seul a rejeté le projet de résolution arabe : les Etats-Unis d’Amérique. Un haut responsable américain a expliqué la position de son pays par le fait que le projet de résolution arabe « ne condamne pas le terrorisme contre Israël et ignore le cœur du problème ».
Le proverbe français qui dit qu’un tel voit la paille dans l’œil de son vis-à-vis et ne voit pas la poutre dans son œil, s’applique parfaitement à cette situation gravement surréaliste que vit le Moyen-Orient. Le cœur du problème réside-t-il dans les fusées conventionnelles et nucléaires dévastatrices que possède Israël ou dans les quelques fusées Qassam lancées par désespoir sur la ville israélienne de Sderot et qui ne sont pas plus qu’un baroud d’honneur en réaction aux attaques meurtrières israéliennes ? Le cœur du problème est-il le désastre humanitaire da Gaza dont sont responsables les autorités israéliennes ou les quelques fusées rudimentaires qui ne blessent pas un chat ? Le cœur du problème est-il l’occupation impitoyable des Palestiniens et la confiscation de leurs terres ou les tentatives désespérées des populations occupées de survivre et leur refus de mourir étouffées ? Tant que Washington n’a pas trouvé les réponses appropriées à ces questions, la région restera une poudrière susceptible d’exploser à tout moment.

Friday, January 18, 2008

En attendant le jugement de l'histoire (article censuré par le directeur de La Presse)

Le président américain vient de terminer une longue tournée au Moyen Orient et dans le Golfe qui a duré huit jours. Tout au long de cette tournée, il n'a cessé de se présenter comme un promoteur de paix et de stabilité et comme inspirateur de liberté et de démocratie.
Avant d'entamer cette tournée, Bush a accordé le 4 janvier dernier une interview à la deuxième chaîne israélienne dans laquelle il a affirmé:"Je peux prévoir que les historiens diront que George W. Bush avait décelé les menaces du 21eme siècle, les avait clairement définies, avait eu une grande foi en la capacité de la liberté de transformer le désespoir en espoir, et avait jeté les bases de la paix en prenant quelques décisions terriblement difficiles".
Les Irakiens, les Palestiniens, les Libanais et, d'une manière générale, les Arabes et les Musulmans ont sans doute une idée sensiblement différente de celle que se fait Bush de lui-même. Une majorité des populations des pays européens, alliés ou non des Etats-Unis, ne croient pas un mot de ce qu'a dit Bush au début de ce mois à la télévision israélienne. Plus de 70% des Américains ne croient pas que l'histoire sera aussi tendre avec leur président dont le taux de popularité chez lui est descendu sous la barre des 30% Le seul endroit au monde où l'on croit Bush sur parole est Israël, et ce n'est pas un hasard que le président américain choisisse une chaîne israélienne pour lui confier ses prédictions quant à la manière dont ses deux mandats seront jugés par l'histoire. C'est aussi très probablement la seule télévision au monde qui aura écouté ses prédictions avec sérénité, sans penser à lui rappeler les centaines de milliers d'innocents morts en Irak et en Afghanistan, les millions de réfugiés et de déplacés, la tragédie de Fallouja, le massacre de Haditha, le scandale d' Abou Ghraib, etc…
Convaincu que l'histoire le jugera comme l'homme qui tiré la sonnette d'alarme et entrepris à terrasser les "menaces du 21eme siècle", qui guettent l'humanité, Bush a entamé sa tourné au Moyen-Orient avec, selon lui, la volonté de poursuivre la construction des "bases de la paix". Seulement voilà, entre ce que dit Bush et la réalité, il y a comme un hiatus vertigineux.
Même si l'on oublie toutes les décisions, y compris les plus désastreuses, prises par le président américain durant les sept années qu'il a déjà passées à la Maison blanche et qu'on le juge seulement à travers son comportement et ses déclarations durant sa tournée moyen-orientale, il est difficile de croire qu'il était venu avec l'intention de "jeter les bases de la paix".
Bush a commencé sa tournée par Israël. Les Palestiniens et les Arabes ne peuvent oublier les 30 milliards de dollars d'aide supplémentaire promise aux Israéliens pour "maintenir l'avantage stratégique" de ceux-ci dans la région, comme le président américain ne cesse de le rappeler, y compris pendant sa récente rencontre avec Olmert et ses ministres. Plutôt que de s'engager à assurer la "supériorité stratégique" d'Israël, celui qui veut "jeter les bases de la paix" devrait exiger que l'occupant s'engage à quitter les territoires qu'il occupe depuis plus de quatre décennies. Or, non seulement le président américain n'a rien exigé de tout ça pendant sa tournée, mais il a rempli ses hôtes israéliens d'aise en répétant ce qu'il avait confié à Sharon en 2004, c'est à dire qu'il n'y aura pas de retour aux frontières du 4 juin 1967, puisqu'"il faut prendre en compte la situation sur le terrain", et qu'il n'y aura pas de retour de réfugiés, car "un fonds international" se chargerait de les dédommager.
Si la visite de Bush en Israël a rempli d'aise les dirigeants israéliens, sa visite à Ramallah n'a pas eu le même effet sur les dirigeants palestiniens, tant s'en faut. Car enfin, comment Mahmoud Abbas et ses ministres peuvent-ils se sentir à l'aise quand le président américain, après avoir observé la multitude de postes de contrôle israéliens avec leurs blocs de béton et leurs soldats armés jusqu'aux dents, après avoir longé le mur qui charcute la Cisjordanie, il confie à ses hôtes palestiniens que tout ça "est nécessaire pour la sécurité d'Israël"!
Comment les Palestiniens peuvent-ils être convaincus qu'en venant à Ramallah, le président américain a l'intention de "jeter les bases de la paix" alors qu'il n'a pas montré la moindre compassion vis-à-vis des enfants de Gaza qui manquent de nourriture et de médicaments à cause de l'embargo israélien, alors qu'il n'a pas prononcé la moindre petite déclaration en leur faveur, même pour la forme, alors qu'il n'a même pas pris la peine de demander à ses alliés israéliens d'arrêter leurs bombardements quotidiens des territoires occupés au moins pendant son séjour dans la région, alors qu'il n'a pas jugé nécessaire de proférer même à travers sa secrétaire d'Etat une condamnation, même formelle, des massacres de Gaza et des violentes interventions de l'armée israélienne à Naplouse et Djénine…
Enfin, pour dire un mot de l'autre grand sujet de la visite de Bush dans la région, on ne peut s'empêcher de se demander comment le président américain peut-il à la fois "jeter les bases de la paix" tout en exhortant les pays du Golfe à se préparer à une éventuelle confrontation avec l'Iran? La visite de Bush dans les pays du Golfe a montré que ceux-ci ont une conception de la paix sensiblement différente de celle de Bush. Celui-ci a visiblement échoué à les convaincre que l'Iran est leur ennemi. La preuve est que le Koweït par exemple, le pays le plus proche de Washington, n'a cessé de marteler qu'il ne permettra pas à l'armée américaine d'attaquer l'Iran à partir de son territoire. C'est la position de tous les pays du Conseil de Coopération du Golfe, y compris et surtout celle de Qatar que le président américain n'a pas inclus dans sa tournée pour cause, dit-on, de "profondes divergences" sur la question iranienne.
Bush a terminé sa tournée dans la région avec une visite de quatre heures à Charm el Cheikh alors que les rues du Caire étaient sillonnées par les manifestants qui conspuaient le président américain et brûlaient ses effigies. L'histoire prendra-t-elle en considération cette tournée dans son évaluation des deux mandats de George Bush. Une chose est certaine: cette tournée est peu historique ne serait-ce que parce qu'elle a été quasiment absente des premières pages de la presse américaine. Il est vrai que les Américains se penchent actuellement sur la question de savoir qui sera leur prochain président plutôt que de soucier de ce que fait l'actuel chef de l'exécutif dont le compte à rebours a déjà commencé.

Thursday, January 17, 2008

Reportage: Le triangle d'Istanbul

Byzance d'abord, Constantinople ensuite, Istanbul enfin, on ne peut faire un pas dans la célèbre ville euro-asiatique sans se sentir interpellé par l'histoire aussi longue que mouvementée de la métropole turque. Métropole, Istanbul l'est avec ses quinze (certains disent dix sept) millions d'habitants, ses artères constamment envahies par les interminables files de voitures, le bruit assourdissant des grosses motos qui font impunément du 150 à l'heure en plein centre ville, ses trottoirs noirs de monde à toute heure de la journée et le nationalisme à fleur de peau de ses habitants qui l'affichent pompeusement en déployant le drapeau turc ou la photo d'Atatürk ou les deux à la fois dans les fenêtres des appartements.
Istanbul est connue par beaucoup de Tunisiens comme une ville commerçante où ils font leurs achats dans les innombrables boutiques du quartier Osman Bek ou de siroter un rafraîchissant dans les innombrables terrasses de café de la place Taksim. Mais Istanbul est surtout une ville qui concentre en elle une formidable quantité d'événements historiques, dont certains ont beaucoup influé sur le cours de l'histoire.
Sans remonter jusqu'à l'année 667 avant notre ère quand des colons grecs, venus de la ville antique de Mégare, fondèrent Byzance, on ne peut s'empêcher, en arpentant la ville d'Istanbul, de se remémorer les deux dates principales qui avaient façonné l'histoire de la ville et du monde: le 11 mai 330, date de la fondation de Constantinople par l'empereur romain Constantin, et le 29 mai 1453, date de la prise de la capitale orthodoxe de l'Orient chrétien par le Sultan ottoman Mehmet II qui lui donna aussitôt le nom d'Istanbul et en fit la capitale de son empire.
Les visiteurs pressés peuvent se payer le luxe d'avoir, en l'espace de quelques heures, un résumé assez détaillé si l'on peut dire de l'histoire de la ville sans quitter le triangle formé par Topkapi, l'Eglise Sainte Sophie et la Mosquée de Sultan Ahmet, triangle qui surplombe le Bosphore.
L'église Sainte Sophie fut construite en 537 par l'empereur Justinien et est considérée jusqu'à ce jour comme l'une des plus grandes églises du monde après Saint Paul à Londres et Saint Pierre à Rome. Elle est l'unique église au monde avec deux minarets, puisque les Ottomans la transformèrent en mosquée quelques temps après la chute de Constantinople. Elle le restera jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Mustapha Kemal Atatürk au début du siècle; il en fit un musée très couru par les Turcs et les touristes.
S'il n'y avait pas l'église Sainte Sophie, il n'y aurait probablement pas eu de Mosquée du Sultan Ahmet. Celui-ci, sous le charme de l'architecture majestueuse de la célèbre église, et sans doute un peu envieux aussi, convoqua ses meilleurs architectes et leur intima l'ordre de lui construire une mosquée aussi belle, aussi grande et aussi imposante que l'Eglise Sainte Sophie.Il donna l'ordre également que les minarets soient en or. Les architectes obéirent aux ordres du Sultan en lui construisant, en face de l'Eglise Sainte Sophie, une mosquée fortement inspirée de celle-ci et tout aussi majestueuse. Mais au lieu des minarets en or, les architectes construisirent six minarets ordinaires. Non pas parce qu'ils voulaient narguer le Sultan, mais parce qu'il y avait eu une confusion née de la forte ressemblance phonétique dans la langue turque entre l'or (Alten) et le chiffre six (Alté). Ce n'est pas une anecdote, mais une vérité historique attestée par cette singularité qui fait de la Mosquée du Sultan Ahmet l'unique lieu de prière au monde avec six minarets, les mosquées en Turquie comportant deux ou quatre minarets.
Enfin Topkapi, qui veut dire littéralement en turc "la Porte du Canon". C'est le nom donné à la résidence des Sultans de l'empire ottoman. En entrant dans cet ensemble de palais et de jardins paradisiaques qui s'étendent sur quelque 70.000 mètres carrés, on ne peut s'empêcher de ressentir une grande émotion à l'idée que la vie de nos ancêtres fut, durant toute une période historique, façonnée par les lois que signaient les Sultans ottomans sur ces mêmes trônes exposés aujourd'hui aux visiteurs, dont l'un est en or massif, incrusté de milliers de pierres précieuses, don du monarque persan Nadhir Chah qui l'a lui-même pris en butin de guerre chez les tribus hindoues qu'il avait écrasées au cours de l'une de ses incursions contre ses voisins orientaux.
Au beau milieu du jardin superbement entretenu se dressent, l'air visiblement très fatigué, quelques arbres millénaires, certainement plus vieux que l'empire ottoman. On ne peut poursuivre facilement son chemin comme si l'on a rencontré un banal eucalyptus. Ces arbres vous interpellent et vous forcent à les fixer pendant de longues minutes, à lire dans leur vaste mémoire dans le vain espoir d'y déchiffrer quelques secrets d'empire introuvables dans les livres d'histoire. Quelques intrigues tissées par la puissante et l'influente Roksalan, la femme préférée de Soliman le Magnifique qu'il avait venir d'Ukraine.
Au bout de la visite, on débouche sur une immense esplanade surplombant le Bosphore. C'est sans doute de là que les Sultans observaient s'éloigner les navires de guerre qu'ils envoyaient à la conquête de nouvelles terres et voyaient s'approcher les navires de transport chargés des biens qui affluaient des quatre coins de l'empire. A son apogée, celui-ci atteignait l'incroyable superficie de 30 millions de kilomètres carrés. Pour avoir une idée de l'étendue du désastre subi par les Turcs à la suite de l'effondrement de l'empire ottoman, il suffit de savoir que la superficie actuelle de la Turquie ne dépasse guère les 700.000 kilomètres carrés.
Le Bosphore aussi n'est plus ce qu'il était. Sans doute est-il toujours ce bras de mer de 35 kilomètres qui sépare la pointe extrême orientale de l'Europe à la pointe extrême occidentale de l'Asie. Sans doute relie-t-il encore la mer noire au nord à la mer de Marmara au sud. Mais au lieu des navires de guerre et des navires en provenance des colonies, ce sont aujourd'hui les petits bateaux de transport, de véritables métros maritimes, qui, à longueur de journée, transportent les habitants d'Istanbul de la rive européenne à la rive asiatique et vice versa. Ce sont aussi les agréables bateaux de croisière qui vous promènent sur le Bosphore pendant deux heures alors que vous vous faites servir un déjeuner ou un dîner. Le Bosphore n'est plus le même puisqu'il s'est doté d'un pont majestueux qui porte son nom et qui relie les deux continents. Il est tellement surélevé qu'il ne gêne nullement l'intense trafic des bateaux petits et grands qui le sillonnent jour et nuit. Notre guide Nourane se rappelle les longues attentes qu'elle endurait il y a quelques années pour passer d'une rive à l'autre. "Aujourd'hui", dit-elle, " je prends ma voiture et je passe d'Europe en Asie en moins de cinq minutes".

Saturday, January 12, 2008

En attendant des jours meilleurs

Il y a un peu plus d'un an, en décembre 2006 plus exactement, la Commission Baker-Hamilton rendit publiques ses 79 recommandations à l'intention de l'administration Bush pour l'aider à sortir de du bourbier dans lequel elle s'est engouffrée par ses choix désastreux. Mais bien que cette administration fût alors assaillie de toutes parts par les difficultés sur les plans intérieurs et extérieurs, elle trouva le moyen de tourner le dos à la Commission et à ses recommandations pour persister dans une politique de fuite en avant qui a failli aboutir à une autre guerre dans la région.
Les 79 recommandations de la Commission Baker-Hamilton tournaient autour de trois axes principaux: l'Irak, l'Iran et le conflit israélo-palestinien. La Commission conseillait vivement Bush de mettre l'accent sur un entraînement intensif des forces armées irakiennes de manière à les préparer à prendre la relève, et de mettre la pression sur le gouvernement de Nouri al Maliki pour l'obliger à mener une politique de réconciliation nationale ; elle lui conseillait aussi d'adopter une approche diplomatique pour régler son contentieux avec l'Iran ; elle lui conseillait enfin de s'engager sérieusement dans le règlement du conflit israélo-palestinien, source de tous les problèmes.
Comme on le sait, Bush a tourné le dos à ces recommandations et a persévéré sur la voie tracée par les faucons néoconservateurs et à leur tête le vice-président, Richard Cheney. Le président américain s'est alors débarrassé de la personnalité la plus controversée de son gouvernement, le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, et l'a remplacé par un membre de la Commission Baker-Hamilton, l'actuel chef du Pentagone, Robert Gates. Cette décision n'était pas dictée par une volonté de changement, (Bush tenait à Rumsfeld comme à la prunelle de ses yeux), mais par la défaite des républicains aux élections législatives de décembre 2006, et par la prise de contrôle du Congrès par les démocrates, foncièrement hostiles à Donald Rumsfeld.
Ce changement à la tête du Pentagone a entravé substantiellement les ardeurs guerrières de l'administration Bush. Les néoconservateurs ont perdu un allié de taille en la personne de Rumsfeld et, par conséquent, une large part de leur influence sur la hiérarchie militaire américaine. Néanmoins, la rhétorique belliqueuse contre l'Iran s'est poursuivie, contrairement aux recommandations de la Commission Baker-Hamilton, mais elle est restée le fait d'un groupe de plus en plus isolé de politiciens et d'intellectuels néoconservateurs qui gravite encore autour de la Maison blanche. Si ce groupe n'est pas arrivé à envoyer les bombardiers de l’US Air Force déverser leurs bombes sur l'Iran, c'est parce que le Pentagone et la hiérarchie militaire qui en dépend ont le pied sur le frein de la machine de guerre américaine. Beaucoup d’officiers supérieurs, dont l’amiral William Fallon ont dit non à la guerre et continuent honorablement à s’y opposer avec vigueur.
Sur la plan irakien, l'administration Bush n'a pas suivi non plus les conseils de la Commission, puisque aussitôt après la publication des 79 recommandations qui prônaient, entre autres, une réduction progressive des forces américaines en Irak, Bush a pris le contre-pied en envoyant 30.000 soldats supplémentaires. L'"amélioration" de la situation en Irak dont se targue l'administration américaine n'est pas due à cette décision, mais au "réveil" des tribus irakiennes d'Al Anbar et de Salaheddine. Celles-ci se sont retournées contre Al Qaida et sa politique suicidaire qui, prétendant lutter contre l'occupant américain, n'a rien fait d'autre que de se livrer au massacre à grande échelle de civils irakiens.
Cette "amélioration" est due aussi au fait que, sur le terrain, la hiérarchie militaire US a pris sur elle de réaliser quelques unes des recommandations de la Commission Baker-Hamilton, contrairement aux désirs des néoconservateurs, en s'engageant dans des négociations frontalières avec la Syrie et l'Iran. Résultat: les généraux américains en Irak reconnaissent maintenant une "baisse sensible" dans le trafic des armes et le mouvement des combattants à la frontière irano-irakienne. De son côté, Hoshyar Zebari, le ministre irakien des A.E. a fait état récemment d'une "baisse de 70%" dans le trafic des armes et le mouvement des combattants à la frontière irako-syrienne.
Sur le registre du conflit israélo-palestinien, l'administration américaine a gaspillé une année précieuse avant de donner l'impression maintenant qu'elle suit finalement les recommandations de la Commission Baker-Hamilton. Pendant sept ans, Bush & Co ont non seulement ignoré totalement les souffrances du peuple palestinien et les injustices qu'il subit quotidiennement de la part de l'occupant israélien, mais ils ont aidé et soutenu celui-ci dans tout ce qu'il entreprenait contre les Palestiniens et même contre le Liban. Nul ne peut contester le fait que ce soutien massif, actif et inconditionnel que prodiguait l'administration Bush à Israël pendant sept ans a fortement contribué à accentuer la crise dans la région.
On aurait pu faire l'économie des crises graves palestinienne et libanaise, par exemple, si l'administration Bush avait tracé des lignes rouges et avait fait comprendre à Tel Aviv qu'il était interdit de les dépasser. Au lieu de quoi, carte blanche avait été donnée aux Israéliens pour agir comme bon leur semblait contre les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, et un encouragement (d'aucuns disent incitation) prodigué à l'armée israélienne pour qu'elle s'attaque au Liban pendant l'été 2006. Résultats: une crise inextricable en Palestine et un blocage politique explosif au Liban.
Est-il étonnant dès lors que, deux ou trois jours après la clôture de la conférence stérile d'Annapolis, les Israéliens annoncent la construction de nouvelles colonies à Jérusalem-Est et que l'administration américaine se comporte comme si elle n'a rien entendu? Qui sera étonné que la tournée de Bush au Moyen-Orient n'aboutisse pas à plus de résultats que la conférence d'Annapolis et qu'elle soit bientôt oubliée ? Mais tout n’est pas perdu. On aura droit à une autre visite de Bush en mai prochain. Il a promis de venir fêter avec ses amis israéliens le 60eme anniversaire de la création d'Israël. Les recommandations de la Commission Baker-Hamilton sur la Palestine ? Elles auront encore à attendre des jours meilleurs.

Tuesday, January 08, 2008

Une stratégie qui s'écroule

La stratégie anti-iranienne des Etats-Unis dans le Golfe est-elle en train de s'effondrer comme un château de cartes? La Maison blanche s'est-elle finalement rendue compte qu'elle n'a ni les moyens politiques ni la capacité militaire d'engager une troisième guerre avec un pays autrement plus redoutable que l'Irak et l'Afghanistan réunis?
L'incident de dimanche dernier dans le détroit d'Hormuz au cours duquel des corvettes iraniennes s'étaient approchées de manière menaçante de trois navires de guerre américains sans que ceux-ci aient effectué le moindre tir de sommation, prouve que Washington ne cherche plus les prétextes pour une confrontation avec l'Iran et ne veut visiblement pas envenimer la crise qui l'oppose aux Iraniens.
En fait, ce n'est pas seulement le rapport des services de renseignements américains attestant que l'Iran a arrêté son programme de fabrication d'armes nucléaires qui a refroidi les ardeurs anti-iraniennes des va-t-en guerre néoconservateurs. Il y a aussi et surtout l'échec des Américains à mobiliser les pays arabes dans cet "axe de modération" que Washington rêvait de créer et d'y inclure les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), l'Egypte et … Israël.
Il n'y aura pas donc d'"axe de modération" contre ce qui reste de l'"axe du mal". L'échec de la stratégie américaine ne s'explique pas seulement par l'extraordinaire naïveté avec laquelle Washington a tenté de former une coalition anti-iranienne regroupant des pays arabes et Israël, négligeant totalement le fait que celui-ci occupe encore et depuis plus de quarante ans les terres palestiniennes et syriennes, et ignorant aussi le fait que pas un jour ne passe sans que l'armée israélienne ne détruise des maisons sur la tête de leurs habitants à Gaza, qu'elle n'assassine des Palestiniens à la fleur de l'âge ou qu'elle ne sème la terreur par ses incursions dans les villes palestiniennes, comme elle l'a fait à Naplouse il y a quelques jours.
La stratégie américaine a échoué aussi parce qu'aucun citoyen arabe ne peut comprendre pourquoi en Irak la Maison blanche s'allie-t-elle avec les chiites contre les sunnites et en dehors de l'Irak, elle tente de regrouper les sunnites dans une coalition contre les chiites iraniens et libanais. Pourtant les chiites qui détiennent le pouvoir en Irak ont été formés à Qom, ont vécu pendant de longues années en Iran et leur allégeance va vers Téhéran plutôt que vers Washington.
Pour toutes ces raisons, il n'est guère étonnant de voir les pays arabes du Golfe et du Moyen Orient se détourner de la stratégie anti-iranienne des Etats-Unis et amorcer une sorte de rapprochement avec Téhéran qui contribue à éloigner sensiblement le spectre de la guerre de la région. Il est parfaitement légitime que les pays du Golfe cherchent à utiliser leurs immenses réserves de devises pour développer encore plus leurs pays plutôt que dans le financement d'une guerre américaine contre l'Iran.
A la fin de l'année dernière, le secrétaire à la défense Robert Gates a mis en garde les Arabes à Bahreïn conte "l'instabilité et le chaos fomentés par l'Iran partout". En réponse à cette mise en garde, les pays de coopération du Golfe, réunis en sommet au Qatar, ont invité le président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour assister à leur travaux. Une première dans cette institution pourtant créée en 1981 pour contrer les ambitions iraniennes, mais aussi, il est vrai, les ambitions de Saddam Hussein, tout puissant à l'époque. Le 3 décembre dernier, Ahmadinejad a prononcé un discours au sommet du CCG à Doha, applaudi par les chefs d'Etats des pays membres. Il est à noter ici que c'est au cours de ce sommet que les pays du CCG ont franchi un nouveau pas dans l'intégration en créant "le marché commun" des pays du Golfe.
Quelques semaines plus tard, Ahmadinejad était l'invité du roi Abdallah en Arabie Saoudite, et le monde entier a pu observer le roi saoudien et le président iranien marcher la main dans la main. Un clin d'œil à l'autre image que le monde garde en mémoire du roi Abdallah d'Arabie saoudite qui marchait main dans la main avec George Bush à Camp David. Des images à forte charge symbolique par lesquelles l'Arabie Saoudite veut signifier qu'elle ne tend pas seulement la main à l'Amérique, mais aussi à la république islamique. Qu'elle n'est intéressée ni par une alliance avec les Etats-Unis contre Téhéran, ni par une alliance avec l'Iran contre Washington, mais par la paix dans la région.
Cette forte baisse de la tension entre l'Iran et ses voisins arabes n'est pas observable dans le Golfe seulement. Elle englobe le Moyen-Orient aussi, puisque Ali Larijani, le président du Conseil de sécurité iranien, vient d'effectuer une visite au Caire où a eu lieu les premiers entretiens irano-égyptiens à un haut niveau depuis 27 ans. Aussitôt après, le Secrétaire général de la Ligue rabe, Amr Moussa, a enfoncé le clou en affirmant qu'"il n'y a aucune raison pour que les Arabes traitent l'Iran en ennemi".
Loin de nous l'idée de suggérer ici que tout est désormais pour le mieux entre l'Iran et les pays du Golfe. Sans doute des suspicions existent encore de part et d'autre, des contentieux frontaliers ne sont toujours pas réglés entre l'Iran et les Emirats Arabes Unis, mais ces problèmes sont considérés par les pays du CCG comme des défis à relever plutôt que comme une menace existentielle.
Dans ce contexte, la prochaine visite que compte effectuer George Bush dans la région pour "activer la coalition anti-iranienne", s'apparente à une ultime tentative d'un président en fin de carrière de sauver une stratégie qui fait eau de toutes parts.

Friday, January 04, 2008

Interview à Maghrebia

Tunisian journalist talks about training in the United States
Tunisian journalist Hmida Ben Romdhane spent two months in the United States, where he took a course at Northwestern University and learned about the techniques of online journalism at the Washington Post.
By Jamel Arfaoui for Magharebia in Tunis – Jan. 12 2007
The head of Tunisian daily La Presse's international department, Hmida Ben Romdhane, completed a two-month training course in the United States. Along with a dozen other Arab journalists, he was invited by the International Research Exchange (IREX), an American NGO, under a programme called "Emerging Leaders Fellowship".
He spent one month at Northwestern University, and one month at the Washington Post.
Magharebia: Describe the training.
Hmida Ben Romdhane: I was in the United States from October 4th to December 4th 2006. IREX invited a dozen journalists, marketing managers, and newspaper directors from various Arab countries, including Tunisia and Morocco, to hone their management skills.
The training was in two stages, with a one-month theoretical stage. These were intensive sessions at Northwestern University, in the suburbs of Chicago. These were really interesting sessions led by very well-known American professors. The aim of the sessions was to explore the best ways of managing a business without seeing any losses, even during the most difficult budgeting periods.
But the most interesting was the placement with washingtonpost.com, which is the Washington Post's online newspaper. I had greater luck than the other participants, because I was the only one accepted to spend a month in the newsroom of one of the greatest newspapers in the United States and the world. My other colleagues were sent to provincial newspapers, little known outside their town of publication.
Magharebia: How did your Washington Post placement work out?
Ben Romdhane: I learned a great deal about online journalism insofar as I was able to learn the techniques of electronic journalism, and mainly continuous updating.
The Washington Post 's electronic newspaper operates 24 hours a day, 7 days a week. The night staffing levels are reduced, except in the case of a major event. Let's say that the news comes in at 3am, Washington time. It is published in the next few minutes. The team that works at night has all the means necessary to follow news closely around the world.
But sometimes the news is held back by choice and only published the next day, once the paper edition has appeared on the stands. A scoop is not published immediately by the electronic newspaper, to prevent competitors from getting hold of it. The information must appear exclusively in the newspaper before being taken up by the electronic version.
Magharebia: What are the Washington Post journalists like?
Ben Romdhane: There are hundreds of them. I didn't get to know all of them, but I had opportunities to talk and to work with many of them. I developed a good friendship with the assistant chief editor, Russ Walker, who even invited me to his house to celebrate Thanksgiving with his family.
But the most striking was Tom Ricks, the newspaper's military correspondent. He writes a lot about Iraq and Afghanistan. Tom's a very interesting character. He knows the history of Tunisia. The Punic Wars between Rome and Carthage, Cato and Hannibal, the landing of American soldiers in Tunisia in 1942 and their exploits against the German soldiers at Kasserine.
Magharebia: Has your stay in the United States changed the way you look at American journalism?
Ben Romdhane: In fact, it's my third visit to the United States (1988, 2002 and 2006), and each time, my knowledge of the American world has been enriched.
American newspapers have substantial freedoms during normal times. Now during major crises, the newspapers align themselves with the government's official position. During my conversations with Americans -- journalists, politicians and ordinary citizens -- I was struck by the negative image they have of Tunisia and our journalism at home. The question often asked is: why are Tunisian journalists so inhibited and why do they accept so much censorship from those in power? My response was that it's true that in Tunisia we don't have the best press in the world, but nevertheless it is still the case that during times of crisis, American journalists are just as ready to fall into line with those in power.
Magharebia: You have travelled a lot around the Middle East, and you know the region very well. Have you used this knowledge during your stays in the United States?
Ben Romdhane: I've visited around 40 countries. I spent two years in Iraq, one year in Palestine and six months in Iran as part of my humanitarian work with the International Red Cross Committee (IRCC). This really helped me to gain a better understanding of the problems troubling the Middle East region.
The idea was to use this placement as an opportunity for me to learn, but also a chance for them to learn from my modest experience. They didn't hold back from asking me hundreds of questions, and for my part I didn't fail to learn what I could from them. Especially as the placement coincided with the November 7th legislative elections.
I even spent time with a Washington Post team to cover the electoral campaign by Jim Webb, standing for senator of Virginia, who saw victory over his Republican rival, George Allen. This was an interesting experience which enabled me to see for myself how a major American newspaper covers a major national event.
Magharebia: Have your colleagues been able to benefit from your experience in the United States?
Ben Romdhane: Actually, yes. I've spoken about it with my many colleagues. I've answered their questions. And it continues. Colleagues from the association of Tunisian journalists have asked me to organise a little meeting to speak to them about the American press. I will also give an opportunity to more journalists to ask their questions about America and the American press

Thursday, January 03, 2008

Les divagations d'Ehud Olmert

On est habitué depuis des décennies à voir les Etats-Unis d'Amérique prendre systématiquement le parti d'Israël. Pas un seul gouvernement n'a eu le courage politique ni la force morale de frapper un jour sur la table du bureau ovale de la Maison blanche et dire stop! Assez! Trop c'est trop! A l'exception d'Eisenhower, qui avait pris la décision honorable d'arrêter l'agression tripartite franco-anglo-israélienne contre l'Egypte en 1956, aucun président américain n'avait jugé nécessaire de se placer du côté de la justice et contribuer à régler un conflit qui a fait trop de ravages, nourri trop de tensions et fait couler des torrents de larmes et de sang.
George W. Bush, qui se prépare à une longue visite au Moyen-Orient la semaine prochaine, avait été plus loin qu'aucun autre de ses prédécesseurs n'avait osé aller. Dans une lettre écrite en 2004 à l'ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, Bush l'encourageait à ne pas revenir aux frontières de 1967, (comme si Sharon avait besoin d'encouragement), puisque d'après lui, "il est irréaliste de ne pas tenir compte de la réalité sur le terrain". En d'autres termes, le président américain avalisait la prise de possession par la force des territoires d'autrui et encourageait l'agresseur à les conserver.
Il faut dire qu'à l'exception de la Chine et de la Russie, toutes les autres grandes puissances, même si elles n'ont pas été aussi loin que le président américain, elles parlent, dans le meilleur des cas, mollement et pour la forme des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, et Israël n'avait vraiment jamais ressenti de pressions sérieuses de leur part de nature à lui faire changer d'attitude et de l'obliger à prendre au sérieux les dizaines de résolutions internationales lui enjoignant d'arrêter ses intolérables injustices commises quotidiennement contre le peuple palestinien.
Il est à peine croyable que plus de quarante ans après l'occupation des terres palestiniennes, la situation internationale demeure plus favorable que jamais à Israël et le Premier ministre Ehud Olmert y voit même un signe de Dieu. Dans une interview publiée ce vendredi par le Jerusalem Post, Ehud Olmert voit "la main de Dieu" dans la fait que " George Bush se trouve président des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy président de la France, Angela Merkel chancelière de l'Allemagne, Gordon Brown Premier ministre de Grande Bretagne et Tony Blair envoyé spécial au Moyen-Oient". Olmert ne cache pas sa satisfaction de la présence d'une telle "constellation de personnalités de premier plan sur la scène internationale, créant des conditions de négociation favorables à Israël qui ne pourraient jamais se répéter."
Olmert n'a pas tort dans le sens où toutes ces personnalités citées par lui n'ont jamais caché leur soutien actif à l'occupant israélien, mettant toujours l'accent sur "les impératifs de sécurité d'Israël", ignorant les droits fondamentaux des Palestiniens, et regardant ailleurs chaque fois que l'armée israélienne entreprend une campagne de répression contre les civils palestiniens. Olmert n'a pas tort non plus de considérer ces personnalités comme "la meilleure combinaison possible" qui, une fois décomposée, pourrait ne pas se répéter de sitôt. Il semble pressé d'engager des négociations pour profiter de ces "conditions favorables", et c'est dans ce sens qu'il a, pour la première fois, parlé des frontières de 1967 et de la "nécessité pour Israël d'intérioriser l'idée de diviser Jérusalem".
Après de longues décennies au cours desquelles les dirigeants israéliens successifs ne juraient que par "Jérusalem unie, capitale éternelle d'Israël", Olmert semble avoir écorné un tabou qu'aucun de ses prédécesseurs n'a osé faire. "Israël doit intérioriser l'idée que même ses plus fervents amis conçoivent l'avenir d'Israël sur la base des frontières de 1967 avec Jérusalem divisée", a-t-il dit au quotidien israélien, The Jerusalem Post. A première vue, cela ressemble à un scoop qui aurait dû faire les manchettes des journaux du monde entier. Mais ce n'est pas un scoop parce que le Premier ministre israélien, qui demande à ses compatriotes d'intérioriser cette idée, ne l'a pas intériorisée lui-même, puisque dans la même interview il estime que "Ma'ale Adumim fait partie intégrante de Jérusalem et d'Israël".
Ce qu'il faut savoir ici c'est que Ma'ale Adumim est la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie. Située à sept ou huit kilomètres à l'est de Jérusalem sur des collines surplombant la route reliant la ville sainte à la mer morte, cette colonie s'est transformée en véritable ville comptant des dizaines de milliers de colons qui travaillent pour la plupart à Jérusalem ou dans les villes israéliennes au-delà de la ligne verte et font le va et vient tous les jours, contribuant grandement à engorger les routes à l'heure de pointe.
Olmert ne s'est pas expliqué sur sa contradiction qui consiste d'une part à appeler les Israéliens à intérioriser l'idée de devoir partager la ville sainte avec les Palestiniens et, d'autre part, à persister à considérer que "Ma'ale Adumim fait partie de "Jérusalem et d'Israël". Cette colonie est un prolongement de Jérusalem est et c'est elle, avec la colonie d'Ariel, presque tout aussi grande, qui constituent les plus grands obstacles à un règlement du conflit israélo-arabe.
Olmert le sait et c'est pour cela qu'il s'empêtre dans ses contradictions. Il veut réellement la solution des deux Etats palestinien et israélien, par ce que, il l'a dit au Jerusalem Post, il tient à ce que l'Etat israélien garde son "caractère juif", mais il ne sait pas comment gérer le problème des colonies qui, tel un cancer en pleine métastase, minent la Cisjordanie. Il semble tellement déboussolé, qu'il commence même à divaguer en affirmant :"Je ne pense pas que quand les gens parlent de colonies, ils pensent à Ma'ale Adumim". On ne s'étonne pas que de telles balivernes font sortir les Palestiniens de leurs gonds. Un haut responsable de l'Autorité palestinienne à Ramallah a réagi en ces termes:"Olmert doit vivre sur une autre planète. La paix et les colonies ne vont pas ensemble. Si c'est ça sa politique, il peut oublier qu'il a un partenaire du côté palestinien."