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Wednesday, March 25, 2009

Obama et la question iranienne

Vendredi 20 mars, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a adressé ses vœux à l’Iran à l’occasion de Nowrouz, la plus importante des fêtes de la culture persane, célébrée par les Iraniens depuis des siècles, bien avant leur reconversion à l’islam. Ce geste n’a étonné personne dans la mesure où, depuis son entrée à la Maison blanche, Barack Obama a multiplié les gestes et les déclarations soulignant sa prédisposition à discuter avec les dirigeants iraniens des conditions de normalisation des relations entre les deux pays, rompues depuis 30 ans.
En fait, les Iraniens ont été les premiers à présenter leurs vœux au président américain aussitôt après son élection le 4 novembre dernier. La dernière fois qu’un dirigeant iranien avait félicité un président américain élu remonte à un tiers de siècle, quand le Chah d’Iran avait adressé ses vœux à Jimmy Carter, élu en novembre 1976…
Mais si les deux pays avaient arrêté d’échanger des vœux pendant un tiers de siècle, les contacts directs ou indirects avaient continué secrètement. En 1986, un grand scandale a éclaté aux Etats-Unis, l’ « Irangate », quand la presse américaine avait publié des informations relatives à la vente par l’administration Reagan d’armes à l’Iran dont les recettes étaient destinées à financer les « Contras », un mouvement rebelle entraîné par la CIA en vue de renverser le régime sandiniste du Nicaragua.
Mieux encore, en octobre 2001, lors de l’attaque américaine contre le régime des talibans en Afghanistan, les Iraniens avaient proposé leur territoire pour l’atterrissage des avions US et avaient assuré les Américains de la coopération des factions afghanes pro-iraniennes.
Encore mieux, et en dépit de l’inscription par l’administration Bush de l’Iran dans sa liste de l’ « axe du mal » en 2002, les Iraniens n’avaient pas hésité à donner à cette même administration, lors de son invasion de l’Irak en 2003, de précieux renseignements, et, dans un souci de voir le renversement du régime de Saddam Hussein mené à bien, ils avaient contribué à maintenir les chiites irakiens dans un état de relative passivité.
On comprend dès lors l’amertume des dirigeants iraniens qui, en dépit des précieux services offerts à l’administration Bush en Afghanistan et en Irak, celle-ci avait poursuivi sa rhétorique guerrière contre Téhéran. Rappelons ici que si Bush avait renoncé à attaquer l’Iran, c’était à cause de l’engluement de son armée dans les marécages mésopotamiens et les montagnes afghanes, et non en reconnaissance des services rendus.
On comprend aussi le soulagement des dirigeants iraniens de voir un nouveau locataire à la Maison blanche qu’ils se sont empressés de féliciter, signifiant par là qu’ils étaient ouverts à la discussion avec le successeur de Bush.
Le contentieux entre les deux pays est très lourd. Par conséquent les discussions seront difficiles et le chemin de la normalisation ardu. Même si les deux pays n’ont encore entamé aucune discussion, on sait à peu près de quoi il s’agit. Pour les Etats-Unis, l’Iran doit arrêter son programme nucléaire et mettre un terme à son aide au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien, ce que Washington appelle « aide au terrorisme ». En contre partie, ils lèveront les sanctions et rouvriront leur ambassade à Téhéran.
Si les discussions étaient entamées et si Washington tenait avec rigidité à ses demandes, il serait peu probable que les Iraniens marchent. Pour une raison très simple : quand leurs intérêts sont en jeu, les dirigeants iraniens savent être rationnels et prendre leurs décisions en fonction des calculs et non des pulsions passionnelles.
Et là, un simple calcul va convaincre les Iraniens que ce que propose Washington est inacceptable, car il y a un grand déséquilibre entre ce qui est demandé à l’Iran et ce qui lui est offert. Il lui est demandé de faire des sacrifices stratégiques (abandon de son programme nucléaire et abandon de ses précieux alliés dans le monde arabe) et, pour prix de ces sacrifices stratégiques, les Iraniens seront récompensés par la levée des sanctions et le rétablissement des relations diplomatiques. Or, les sanctions n’ont jamais réellement affecté l’Iran, dans la mesure ou ce pays trouve tout ce qu’il veut chez les Russes et les Chinois qui ne participent pas à ces sanctions. Quant aux relations diplomatiques, elles sont rompues depuis trente ans, et les Iraniens ne semblent pas particulièrement impatients de les rétablir aujourd’hui avant demain.
Le jour où ils se mettront autour d’une table pour discuter avec les Américains, les Iraniens exigeront sans aucun doute un équilibre entre le sacrifice et l’offre. A sacrifice stratégique, ils exigeront une offre stratégique.
Qu’est ce qui est stratégique pour les dirigeants iraniens ? La reconnaissance de l’Iran comme une force régionale de premier plan et l’abstention des Etats-Unis et de l’Europe de mettre les obstacles au renforcement du rôle de Téhéran dans la région. La guerre Iran-Irak a été trop coûteuse en argent et en vies humaines pour que l’Iran accepte un nouveau régime ennemi à Bagdad. Ceci pour la frontière ouest. A l’est, l’instabilité en Afghanistan a commencé en 1979 avec l’invasion soviétique, c'est-à-dire la même année où les mollahs iraniens se sont installés au pouvoir à Téhéran. Depuis, ils n’ont eu droit à leur frontière orientale qu’à des régimes qu’ils abhorrent (communistes ou talibans) ou aux guerres civiles et à l’anarchie. Il est donc vital pour eux de voir s’installer un régime, sinon allié à l’Iran, du moins non hostile et capable de stabiliser le pays.
Tel est donc le souci stratégique principal de l’Iran. Les dirigeants iraniens veulent avant tout la tranquillité sur leurs frontières est et ouest. Face à ce souci majeur, l’alliance avec le Hezbollah et le Hamas ne pèse pas lourd, et la rhétorique guerrière anti-israélienne est un simple bavardage. La question qui se pose donc est la suivante : Obama est-il prêt à accepter une influence durable de l’Iran à Bagdad et à Kaboul ?

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