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Wednesday, March 04, 2009

L'apartheid sud africain ressuscitera-t-il au Moyen-Orient

Le doute n’est plus permis. Israël est déterminé à empêcher la création d’un Etat palestinien à travers un moyen simple : le grignotage lent mais assidu des territoires palestiniens. Le droit constitutionnel nous enseigne qu’il faut la réunion de trois éléments pour parler d’une nation : un peuple, un Etat et un territoire. Le drame des Palestiniens est que le troisième élément manque toujours à l’appel et il manquerait pour toujours si Israël, comme l’a annoncé le 2 mars dernier ‘Shalom Arshav’ (La Paix maintenant), menait à son terme son projet de construction de 73 000 logements dans les années qui viennent.
Depuis 1967 jusqu’à ce jour, Israël a installé 300.000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, répartis sur 121 colonies, dont les deux plus grandes, Maale Adumim et Ariel. Ce que plusieurs gouvernements successifs ont fait en 42 ans, le gouvernement d’extrême droite qui s’apprête à prendre les rênes, compte le réaliser en « quelques années ». Car, si on fait les comptes à raison de quatre personnes en moyenne par logement, il y aura 300.000 colons supplémentaires en Cisjordanie. Sur les 73000 logements prévus, 3000 seront construits entre Maale Adumim et Jérusalem-Est de manière à ce que la ville-colonie et la ville sainte soient reliées entre elles.
En fait, le projet de rendre un Etat palestinien matériellement impossible à réaliser, faute de territoire, n’est pas né aujourd’hui avec la victoire des extrémistes du Likoud, d’Israël Beitenou et des fanatiques de l’Union nationale. Les travaillistes l’ont conçu bien avant eux et avant même que le Russe Avigdor Lieberman ne mette les pieds en Israël. En 1973, le ministre de la Défense d’alors, le travailliste Moshé Dayan, a affirmé que les Israéliens doivent rester en Cisjordanie jusqu’à la fin des temps ». Et quand quelqu’un lui fit remarquer que c’est de l’expansionnisme, il rétorqua : «Si vous considérez que le désir de se sentir chez soi dans toute la Cisjordanie comme une ambition expansionniste, alors oui, je suis expansionniste ».
Les urbanistes en Israël sont une race un peu particulière. Contrairement à leurs collègues dans le reste du monde, les urbanistes israéliens n’exercent pas leurs talents en fonction des besoins et des contraintes et des impératifs que dictent la démographie et l’environnement, mais en fonction du projet sioniste qui consiste à multiplier les faits accomplis sur le terrain de manière à rendre matériellement impossible l’établissement d’un Etat palestinien.
La gravité de ce projet de 73 000 logements réside dans le fait que les urbanistes israéliens et les politiciens qui, derrière eux, tirent les ficelles semblent maintenant déterminés en finir avec la question palestinienne. Apparemment, tout est conçu cette fois de manière à rendre la cause palestinienne « caduque », si l’on peut dire, par l’urbanisation selon les vues sionistes de ce qui reste de la Cisjordanie. En d’autres termes, ce que veulent cette fois les concepteurs du projet de 73 000 logements, c’est de rendre toute négociation sur le territoire, le troisième élément constitutif d’une nation, sans objet.
Si la communauté internationale, les Etats-Unis en tête, va continuer cette fois à regarder ailleurs comme elle l’a toujours fait, on aura le paysage suivant : toutes les collines de Cisjordanie seront colonisées. En bas, nous aurons des bantoustans palestiniens surplombés et surveillés d’en haut par les colons et l’armée israélienne qui les protège. On assistera aussi à la jonction entre Maale Adumim et Jérusalem-Est, ce qui défigurera définitivement la ville sainte qu’Israël jure depuis des années d’en faire sa « capitale éternelle ».
Si l’on ajoute à cela le régime strict de discrimination en faveur des Juifs, on aura un pays qui rappelle en tous points le système hideux d’apartheid de l’ancienne Afrique du sud, quand John Vorster faisait la loi et Nelson Mandela moisissait dans son cachot de Robin Island.
On reste pantois face à la stupidité des politiciens israéliens. Car enfin, s’ils réussissent à rendre sans objet toute négociation avec les Palestiniens, ils n’auront d’autre chois que d’instaurer un système d’apartheid qui, l’histoire le démontre, a été méprisé et isolé pendant des années avant de s’effondrer comme un château de cartes. L’autre possibilité, un Etat laïque, unitaire et démocratique pour Juifs et Arabes est totalement exclu, compte tenu du complexe de supériorité, de l’arrogance, de la suffisance et autres nuisances qui étouffent la majorité des citoyens israéliens d’aujourd’hui.
Toute la question est de savoir si la communauté internationale, après avoir vécu pendant des décennies avec la plaie hideuse et douloureuse de l’apartheid sud africain, est prête à revivre la même expérience avec un apartheid israélien ? Ce serait une honte non seulement pour les Arabes et les Musulmans, mais pour l’humanité entière.
Une chose est certaine. Même si la communauté internationale laissait faire, les Palestiniens n’accepteraient jamais de vivre dans les bantoustans où Benyamin Netanyahu et Avigdor Lieberman rêvent de les entasser. La victoire des Noirs sud-Africains est là pour leur servir d’exemple et aiguiser leur volonté. Pourtant il y a un moyen très simple pour éviter de tels bouleversements aux conséquences imprévisibles : renvoyer en Israël les 300 000 colons qui vivent actuellement en Cisjordanie au lieu de doubler leur nombre.

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