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Monday, March 09, 2009

Une bonne conscience à bas prix

Cela s’appelle tirer le diable par la queue. Le Conseil de sécurité de l’ONU sait parfaitement bien qu’il est au centre d’une grande controverse mondiale au sujet de la sempiternelle question de la politique des deux poids et deux mesures qu’il n’a cessé d’appliquer depuis des décennies. Il ne peut ignorer le nombre de criminels de guerre que compte le monde et dont la vie est un long fleuve tranquille que rien ni personne n’ose troubler. Pourtant en 2005, alors que les civils irakiens tombaient comme des mouches suite à la déstabilisation de leur pays par la guerre d’agression lancée par George Bush et Tony Blair, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a rien trouvé de plus urgent à faire que de commander une enquête sue « les crimes de guerre » commis au Darfour.
La plupart des révoltés contre l’injustice, en particulier dans le monde arabe et musulman, s’en prennent au procureur Luis Moreno Ocampo qui a enquêté sur la guerre du Darfour. Ocampo est un fonctionnaire international à qui on a confié une mission qu’il n’a pas refusée. L’aurait-on chargé d’enquêter sur les crimes de guerre commis en Irak par exemple, il aurait probablement recommandé à la Cour pénale internationale d’inculper les anciens président et Premier ministre des Etats-Unis et de Grande Bretagne.
Le nœud du problème n’est donc pas Ocampo, mais le Conseil de sécurité qui, ne pouvant ni empêcher les guerres d’agression contre les pays sans défense, ni poursuivre les criminels de guerre protégés par les grandes puissances, se cherche une bonne conscience à bas prix en ordonnant des enquêtes sur des guerres beaucoup plus complexes que ne semble croire l’ONU, et en plaçant sa décision contre le président soudanais sous le chapitre VII qui permet l’usage de la force pour l’arrêter.
Avant de lancer son enquête sur les « crimes de guerre » au Darfour, le Conseil de sécurité de l’ONU aurait dû écouter les spécialistes de l’environnement qui expliquent depuis des années que le drame du Darfour est le résultat de « la première guerre causé par le changement climatique » dans le monde. Par conséquent, la guerre du Darfour doit être placée dans une liste à part, celle des guerres pour la survie, qui risque malheureusement de s’allonger si la tendance du changement climatique s’aggrave.
Il ne s’agit pas ici de justifier les abus commis contre les populations civiles du Darfour par les cavaliers janjaweeds ou leurs alliés de l’armée soudanaise. Ceux-ci ont commis sans aucun doute des abus et ont infligé des souffrances intolérables aux populations civiles du Darfour. Mais ces abus et ces souffrances sont le résultat non pas de calculs politiques ou stratégiques, mais engendrés par l’instinct de survie qui anime tous les êtres humains et tous les groupes sociaux sur cette planète.
La différence fondamentale entre les Janjaweeds et les Néoconservateurs américains est que ceux-ci ont décidé d’agresser l’Irak pour assouvir leur soif inextinguible de richesse, de pouvoir et d’influence dans le monde, et ceux-là ont agressé les habitants du Darfour tout simplement pour survivre. L’armée américaine n’a pas traversé la moitié de la planète parce que le peuple américain a faim et qu’elle doit le nourrir du produit des terres fertiles de la Mésopotamie, mais pour servir un programme politique dont les deux principaux piliers sont la cupidité et la volonté de puissance. En décidant d’agresser les populations du Darfour, les cavaliers janjaweeds n’étaient animés par aucun souci politique ou stratégique, par aucune cupidité ni volonté de puissance, mais étaient poussés par le besoin de se nourrir pour ne pas mourir de faim.
Imaginons que du jour au lendemain on annonce qu’il n’y a plus dans les entrailles de la terre qu’un seul milliard de barils de pétrole. L’Otan va-t-elle rester Otan et l’Occident demeurera-t-il uni ? Bien sûr que non. L’instinct de survie le plus primaire, celui qui a poussé les Janjaweeds hors de chez eux, poussera les anciens alliés à s’entredéchirer pour l’appropriation des derniers barils de pétrole. Toute autre considération disparaîtra face au désir de survivre ne serait-ce qu’un jour de plus que les autres.
Ainsi, le moins qu’on puisse dire est que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas été particulièrement inspiré en 2005 en décidant son enquête sur le Darfour. Il est futile, insensé même, de vouloir résoudre les problèmes engendrés par « la première guerre causée par le changement climatique » en chargeant un procureur argentin de mener l’enquête. Il est dangereux pour les Darfouris qu’on veut protéger (comme l’atteste l’expulsion des ONG chargés de les aider), pour la stabilité au Soudan et en Afrique, et il est dangereux même pour la stabilité du système international basé sur la souveraineté des Etats d’inculper un président en exercice et de placer des gardiens dans les aéroports du monde pour l’arrêter si des fois il voyage hors du Soudan, pour la simple et unique raison qu’il n’est pas puissant et n’est pas protégé par les grandes puissances.
Le Conseil de sécurité a un problème lancinant avec le chapitre VII de la Charte de l’ON qui autorise l’usage de la force pour faire respecter ses décisions. Depuis 1950, quand il a été utilisé pour la première fois dans une résolution relative à la guerre de Corée, le chapitre VII n’a servi à punir que les pays arabes, la Libye, l’Irak et, maintenant, le Soudan. Sa décision de 2005 d’enquêter sur le Darfour et son obstination à ne dépoussiérer le chapitre VII que contre les Arabes met le Conseil de sécurité dans une situation embarrassante. La situation de celui qui se lève d’un coup, attache des casseroles à sa taille et commence à courir dans les artères de la ville.
La guerre d’agression contre l’Irak ? Les destructions rituelles et régulières par Israël des infrastructures libanaises et palestiniennes ? Les massacres innombrables commis par l’armée israélienne contre les populations palestiniennes ? L’occupation depuis 42 ans des territoires palestiniens et leur grignotage assidu par des colons venus de New York et de Moscou ? Tout cela n’a aucune espèce d’importance pour le Conseil de sécurité. Le plus urgent c’est l’enquête sur la guerre du Darfour dont il ne semble même pas saisir les causes complexes.

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