airelibre

Wednesday, March 11, 2009

On n'est pas sorti de l'auberge

On avait espéré jusqu’au bout que cette fois le test d’indépendance entre l’administration Obama et les lobbies juifs aux Etats-Unis s’avèrerait concluant. La déception est d’autant plus frustrante que l’espérance était grande.
En fait le test n’était pas d’une importance particulière et son enjeu était loin d’être vital. Il s’agissait tout simplement de la confirmation d’un haut fonctionnaire à son poste, confirmation qui, même si elle avait bénéficié de l’accord des décideurs, n’aurait rien changé à la politique étrangère américaine au Moyen-Orient. Mais nous autres Arabes et Musulmans, avons accumulé tellement de déceptions et de frustrations générées par la politique étrangère de Washington, que l’on a pris l’habitude de scruter les moindres détails et de suivre les péripéties des nominations de responsables, y compris dans les postes sans importance, dans l’espoir d’y déceler quelque signe d’indépendance à l’égard des lobbies pro-israéliens.
Pendant les deux dernières semaines, et même si l’événement était occulté par les grands médias américains, un bras de fer avait opposé l’administration Obama aux lobbies juifs concernant la nomination de Charles Freeman, ancien ambassadeur américain en Arabie Saoudite, au poste de directeur du Conseil National des Renseignements (CNR), un poste sans la moindre influence sur la conception de la politique étrangère américaine et dont le chef n’est désigné ni par Obama ni même par l’un de ses ministres, mais par les directeur général des Renseignements, l’Amiral Dennis Blair.
En dépit du caractère subalterne et marginal de cette nomination, le Lobby s’est vite mobilisé pour remuer ciel et terre et barrer la route à Charles Freeman. Pourquoi ? Parce qu’il a occupé pendant trois ans le poste d’ambassadeur US à Ryadh (1989-1992), et parce qu’il avait osé critiquer la politique de colonisation israélienne des territoires palestiniens, expliquant calmement qu’elle ne sert pas les intérêts d’Israël qui « un jour ou l’autre aura à choisir entre le défi démocratique et le défi démographique ».
C’était suffisant pour que Charles Freeman soit mis sur la liste noire du Lobby. L’Amiral Dennis Blair, le patron des 16 agences de renseignement américaine avait beau expliquer au lobby que « nous ne faisons pas de politique, nous donnons seulement des informations », il a beau mettre en avant « les capacités analytiques » de Charles Freeman dont le Renseignement américain a un besoin urgent, rien n’y fait. Le Lobby a dit non et a déclenché ses structures tentaculaires de harcèlement.
Ce qui est tragi-comique, est que celui qui a pris la tête de cette campagne de harcèlement est un ancien responsable de l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee), un certain Steve Rosen, inculpé par la justice américaine et attendant son procès pour « espionnage en faveur d’Israël ». Y a-t-il un pays au monde où un homme inculpé d’espionnage et en attente de son procès puisse maintenir intactes ses capacités de lobbying et son influence sur la nomination ou non des hauts fonctionnaires de l’Etat qu’il a trahi en vendant ses secrets ? Le cas époustouflant de Steve Rosen prouve que cette incroyable anomalie politique existe aux Etats-Unis.
Certes, Steve Rosen n’était pas seul. Il avait avec lui le Lobby et ses hommes au Congrès dont les représentants, républicains et démocrates, ont joué un rôle déterminant dans le harcèlement de Charles freeman. Pour ne citer que quelques uns, rappelons que le représentant républicain, Peter Hoekstra, a arrangé une interview avec le très conservateur ‘Wall Street Journal’ dans laquelle il a appelé l’administration Obama à renoncer à la nomination de Freeman. Après cette interview, le journal a publié un éditorial incendiaire contre Freeman. De son côté, le représentant démocrate de New York, Steve Israël, a exigé que l’administration Obama « mène une enquête sur les liens entre Freeman et l’Arabie saoudite ». Bien entendu, nul aux Etats-Unis n’ose réclamer une enquête sur les liens entre ce représentant du peuple américain et le pays dont il porte le nom dans sa carte d’identité… Huit autres représentants du Lobby au Congrés s’étaient déchaînés, chacun à sa manière, contre Charles Freeman dont le seul tort est d’avoir été choisi par le patron du Renseignement américain, Dennis Blair, pour diriger l’institution chargée de l’analyse des informations collectées par la CIA et ses petites sœurs.
Cette campagne de harcèlement intensif a eu raison de Charles Freeman qui, ne supportant plus l’intense pression exercée sur lui, a fini par jeter l’éponge en informant mardi dernier Dennis Blair qu’il renonce au poste. L’amiral Blair a accepté cette renonciation « avec regret ».
On n’arrête pas de s’étonner face à la démission d’une si grande puissance devant un Lobby qui continue d’imposer sa loi et de s’immiscer dans les moindres décisions d’un Etat qui se dit le plus puissant du monde et dont les lourdes responsabilités s’étendent d’un bout à l’autre de la planète. Il est regrettable qu’un Etat d’une telle puissance s’avère si impuissant face au Lobby et incapable de protéger un postulant au poste de haut fonctionnaire d’un harcèlement intolérable, parce qu’il avait servi dans un pays arabe ou parce qu’il a fait une déclaration qui déplaît aux espions de l’AIPAC.
On ne se serait pas tellement inquiétés si cette anomalie n’avait pas de réverbérations en dehors des frontières américaines. Mais le problème est que cette anomalie est d’autant plus grave qu’elle continue d’avoir des répercussions effrayantes et des conséquences dévastatrices sur les pays du Moyen-Orient. Plus le Lobby s’immisce dans les moindres détails et s’impose comme le faiseur de rois et l’ultime décideur de la politique moyen-orientale américaine, plus l’existence de millions de personnes est menacée soit dans leurs vies soit dans leurs biens. Depuis des décennies, le lobby assume une grande part de responsabilité dans la destruction des centaines de milliers de vies et de milliers de maisons en Palestine, au Liban et ailleurs. L’administration Obama ne comprend-elle donc pas cela ?

1 Comments:

Blogger Unknown said...

Ariel Charon avait raconté un jour pour souligner la puissance du personnel politique Israelien comment il avait fixé du regard G.W Bush jusqu'à ce que ce dernier baisse les yeux.
Cela en dit long sur l'indépendance du personnel politique américain.

6:06 PM  

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