airelibre

Wednesday, January 07, 2009

D'une bombe deux coups

Pauvres Israéliens. Les menaces qui pèsent sur eux sont si grandes qu’ils perdent le sommeil. Les dangers qui les guettent sont si énormes qu’ils dépriment. Ils sentent que leur existence dans la terre sainte est de plus en plus précaire, et ils ne savent plus à quel saint se vouer. Quiconque a lu l’article de Benny Morris, publié dans le New York Times le 30 décembre dernier, alors que l’offensive de l’armée israélienne contre Gaza battait son plein, se retiendra difficilement de verser une larme ou deux sur le sort inquiétant des 5,5 millions d’Israéliens.
Benny Morris, professeur d’histoire à l’université Ben-Gourion, a décrit d’un trait de plume une série de dangers qui pèsent sur Israël. Et ces dangers sont si sérieux qu’il serait inhumain de ne pas tout lâcher pour voler au secours de ce peuple pacifique plongé dans une profonde dépression par une méchante angoisse existentielle.
Avant de détailler les menaces une à une, le professeur Benny Morris informe les lecteurs du New York Times que « le monde arabe et, de manière plus large, le monde islamique n’ont jamais accepté la légitimité de l’Etat israélien en dépit des espoirs nourris par Israël dès 1948, et malgré les traités de paix que l’Egypte et la Jordanie ont signés en 1979 et 1994 ».
Sans prendre la peine de nous préparer psychologiquement, le professeur Morris nous assène une mauvaise nouvelle qui nous brise le cœur : « L’opinion publique occidentale –et ses dirigeants ne manqueront sûrement pas de lui emboîter le pas- est de moins en moins favorable à la cause d’Israël (…). Petit à petit la mémoire de l’Holocauste s’estompe et perd de son impact, alors que les Etats arabes renforcent leur puissance et s’affirment davantage. »
Se souciant visiblement très peu du stress que cause aux lecteurs ces mauvaises nouvelles, le professeur Benny Morris enchaîne avec « la série de menaces toutes plus néfastes les unes que les autres » qui guettent Israël. « A l’est, l’Iran fait avancer son programme nucléaire à marche forcée. (…) Au nord, le Hezbollah s’est réarmé depuis la guerre contre Israël en 2006, et dispose maintenant, selon les services secrets israéliens de 30.000 à 40.000 roquettes de fabrication russe que la Syrie et l’Iran lui ont fournies. (…) Au sud, Israël doit faire face au Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, et dont la charte voue Israël à la disparition et veut placer chaque centimètre carré de la Palestine sous la férule de la loi de l’Islam. »
Comme si tout cela n’est pas assez, le professeur Benny Morris joue encore avec nos nerfs en analysant le pire des dangers, un danger qui prend la forme d’ « une menace interne à l’existence d’Israël : la minorité arabe qui vit dans le pays. » Après avoir déploré « la désaffection croissante que les Arabes israéliens manifestent à l’égard d’Israël », le professeur Morris ne cache pas son inquiétude face aux perspectives démographiques lugubres pour Israël : « Si les tendances statistiques actuelles se confirment, les Arabes pourraient constituer la majorité de la population israélienne à l’horizon de 2040 ou 2050. Dans un avenir plus proche, d’ici cinq à dix ans, les Palestiniens – l’ensemble formé par les Arabes israéliens et les Arabes vivant en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza- seront majoritaires en ‘Palestine’ au sens du territoire qui s’étend du Jourdain à la Méditerranée. »
Il faut garder en tête l’idée que cet article larmoyant et qui a toutes les caractéristiques d’une admonestation de l’opinion publique occidentale pour sa tiédeur croissante à l’égard de « la cause d’Israël », a été publié le 30 décembre, c'est-à-dire trois jours après le début de l’offensive militaire israélienne dont la violence, de l’avis de tous les observateurs, est sans précédent depuis la guerre de 1967. Il a été publié dans le plus grand journal américain, le New York Times, et traduit et publié par l’un des plus grands journaux européens, le quotidien français « le Monde » dans son édition du 3 janvier 2009.
Le message est clair et il vise les opinions publiques américaine et européenne : ne vous laissez pas ébranler par les images de la mort et de la destruction que sèment l’armée israélienne à Gaza, mais concentrez vous plutôt sur les dangers mortels qui guettent ce « havre de paix et de démocratie » entouré de toutes parts par des ennemis impitoyables qui veulent sa mort.
La vérité est que le professeur Morris a troqué sa casquette d’académicien pour celle de propagandiste à la solde d’un Etat sanguinaire qui n’hésite pas à lâcher sa machine de guerre terrifiante contre les enfants, les femmes et autres civils sans défense. Un propagandiste qui met en avant le mensonge et s’assoit sur la vérité historique, ce qui est d’autant plus grave et d’autant plus malhonnête qu’il se prétend historien.
« Historien du Moyen-Orient » et professeur à l’université Ben-Gourion, on imagine aisément le genre d’enseignement que M. Benny Morris sert à ses étudiants. Quand il leur dit que « les mondes arabe et islamique n’ont jamais accepté la légitimité de l’Etat israélien en dépit des espoirs nourris par Israël dès 1948, et malgré les traités de paix que l’Egypte et la Jordanie ont signés en 1979 et 1994 », il tord le cou à la réalité et inverse les rôles des acteurs moyen-orientaux durant les cinquante dernières années.
La vérité est qu’Israël n’a jamais nourri d’espoirs de paix et n’a jamais voulu s’intégrer dans l’environnement géographique et politique du Moyen-Orient. Il s’est plutôt appliqué à étouffer systématiquement dans l’œuf tout espoir de paix nourri par les Arabes et les Palestiniens.
Dès sa création, Israël s’est installé dans le rôle de bandit armé qui pille les biens des autres et traite de terroriste quiconque réclame son bien confisqué par la force. Depuis plus de 40 ans, Israël ne s’est jamais plié à une seule résolution du Conseil de sécurité. Deux ans après la signature des accords de paix avec l’Egypte de 1979, et reniant tous ses engagements de Camp David, Israël a annexé Jérusalem en 1981, et entamé le peuplement de la Cisjordanie et de Gaza en y installant les colons les plus fanatiques et les plus violents qu’il a fait venir par charters des quatre coins du monde. Et jamais la colonisation n’a été aussi intense qu’après les accords d’Oslo, le but étant de réduire de tels accords en lettres mortes qui ne valent pas le papier sur lequel ils ont été rédigés.
En bombardant aveuglément Gaza et en assassinant massivement femmes et enfants, Israël est-il en train d’exprimer devant le monde entier ses espoirs de paix ? A moins qu’il ne soit en train de faire d’une bombe deux coups si l’on peut dire : montrer son attachement à la paix et renverser « la tendance démographique » en concentrant son feu sur les femmes et les enfants.

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