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Tuesday, January 20, 2009

La fin de la tragédie américaine

On aurait souhaité fêter le départ de George Bush quatre ans plus tôt, c'est-à-dire le 20 janvier 2005. Mais le peuple américain, bizarrement, en avait décidé autrement en imposant au monde un second mandat pour une administration qui avait déjà semé un chaos indescriptible durant son premier mandat.
Deux mandats successifs pour un président genre George Bush junior, c’est trop, beaucoup trop. Aujourd’hui, non seulement ses opposants, mais aussi ceux qui l’avaient élu et réélu expriment leur soulagement face à ce qu’il faut bien appeler la fin de la tragédie américaine . Car les huit années de règne de George Bush, et des néoconservateurs qui l’ont soutenu, ont été une véritable tragédie dont les conséquences aux Etats-Unis et dans le monde se feront sentir pour des années encore.
Le premier mandat de Bush a commencé de manière étrange : il était l’unique président dans l’histoire américaine à accéder à la charge suprême, tout en ayant un demi million de voix de moins que son concurrent Al Gore. Le dénouement judiciaire de l’élection contestée de novembre 2000, était au bénéfice de George Bush, finalement désigné président des Etats-Unis par cinq juges de la Cour Suprême contre quatre.
L’ironie du sort a voulu qu’un président désigné par la Cour Suprême (à une voix de majorité), donc avec un important déficit de légitimité, soit celui qui engage l’Amérique dans les conflits armés les plus coûteux depuis la deuxième guerre mondiale. Les experts américains évaluent les coûts globaux des guerres d’Irak et d’Afghanistan entre deux et trois trillions de dollars (2000 à 3000 milliards de dollars).
L’ironie du sort a voulu aussi que ce président, avec un important déficit de légitimité au départ, engage son pays dans une guerre, qui s’avèrera être la plus désastreuse dans l’histoire américaine. La guerre d’Irak n’était nécessaire ni pour la sécurité des Etats-Unis ni pour aucun de leurs intérêts. Elle était une obsession des néoconservateurs qui la voulaient depuis les années 1990 et que Bill Clinton avait refusé d’acheter. George Bush a non seulement adopté le projet de guerre des néoconservateurs, mais a inventé une série de mensonges éhontés pour vendre sa guerre aux citoyens américains qui, dans leur grande majorité, ont cru aux balivernes des armes de destruction massive d’abord, et des « intentions bienveillantes » de leur pays de voler au secours du peuple irakien ensuite.
L’ironie du sort a voulu enfin que ce président, qui a fait son service militaire dans le cadre confortable et sécurisé de la Garde nationale au moment où des dizaines de milliers d’Américains non pistonnés étaient précipités vers l’enfer vietnamien, envoie 150.000 soldats en Irak avec les résultats que l’on sait.
Irak, Afghanistan, soutien inconditionnel à Israël dans ses guerres à Djénine (2002) au Liban (2006) à Gaza (ces dernières semaines), crise économique inconnue depuis 1929, chômage record, une dette record de 10,6 trillions de dollars (10600 milliards de dollars), sans parler du nombre record d’ennemis que la politique de Bush a fait gagner à son pays ou de la réputation en lambeaux de l’Amérique qui, pourtant, a tout pour se faire respecter et admirer : le bilan des huit années de l’administration Bush est désastreux. C’est une évaluation universelle.
Mais contre l’avis du monde entier, George Bush s’est tenu jusqu’au bout droit dans ses bottes, défendant l’indéfendable et tentant désespérément de trouver quelque succès à mettre en avant dans un long règne de bout en bout chaotique. La « réalisation » qu’il évoquait à tout bout de champ est la suivante : « J’ai protégé l’Amérique qui n’a pas connu un seul attentat depuis le 11 septembre 2001 » se plaisait-il à répéter. C’est un fait que le territoire américain, contrairement à la Grande Bretagne ou à l’Espagne, n’a pas connu d’actes terroristes majeurs depuis les terribles attentats contre les tours jumelles à New York et le Pentagone à Washington. Mais ces attentats n’avaient pas eu lieu du temps du prédécesseur de Bush.
L’Amérique fut frappé au cœur le 11 septembre 2001 alors que George Bush était président depuis 9 mois. Il n’avait pas su protéger son pays alors que de nombreux rapports alarmants lui étaient parvenus de la CIA et du FBI sur les préparatifs d’attaques terroristes par les gens de Ben Laden qui comptaient « transformer des avions civils en missiles ». Aucune mesure ne fut prise, ce qui avait poussé certains, y compris aux Etats-Unis, à spéculer sur le fait que l’administration Bush avait délibérément laissé faire les terroristes afin d’utiliser les attentas comme prétexte à la politique de la canonnière que Bush comptait déclencher pour refaire le monde en fonction de l’idéologie néoconservatrice, en commençant par le Moyen-Orient.
En toute objectivité, la seule « réalisation » que l’on pourrait mettre à l’actif de George Bush est qu’il n’a pas commis une ultime folie contre l’Iran avant de quitter la Maison blanche comme l’y poussaient Israël et son vice président, Dick Cheney. Et encore, cette retenue qui a épargné à l’Amérique et au Moyen-Orient un désastre supplémentaire d’une ampleur inimaginable, on ne la doit sûrement pas à la « sagesse » de George Bush, mais à la résistance irakienne qui a déraillé brutalement les projets néoconservateurs et enterré les rêves de Bush, dans les marécages mésopotamiens.
Aujourd’hui Bush quitte la Maison blanche la tête basse. Il laisse derrière lui des champs de ruine en Irak, en Afghanistan et ailleurs. Il livre à son successeur une Amérique épuisée et exsangue politiquement, économiquement, financièrement et militairement. Des milliards d’être humains à travers le monde sont soulagés de le voir partir. Des dizaines de millions d’Américains vivront longtemps avec le regret de l’avoir élu et réélu.
Beaucoup de voix s’élèvent aux Etats-Unis, dont celle du Prix Nobel d’économie, Paul Krugman, pour exiger que « les crimes commis pendant le règne de Bush ne restent pas impunis ». Il y a peu de chance que ces voix soient entendues. La justice des hommes est ainsi faite. Quand un petit voyou est accusé de vol à la tire, on le juge et on l’envoie en prison. Quand le président de la plus grande puissance du monde détruit sans raison un pays de 25 millions de personnes, provoque la mort et le déplacement de 5 millions d’entre eux et ruine financièrement son propre pays, il part tranquillement à une retraite dorée avec une protection policière à vie aux frais du contribuable.

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