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Sunday, January 25, 2009

L'exception israélienne, principal obstacle

Le symbole est clairement lisible. En choisissant de faire son premier discours au département d’Etat et non à la Maison blanche, Barack Obama a voulu donner un signal au monde que les Etats-Unis ont changé et que, enterrant l’ère de l’arrogance et de l’usage abusif de la force, ils privilégient désormais la diplomatie. C’est une bonne nouvelle pour le monde et pour les Etats-Unis. C’est une bonne nouvelle surtout pour l’armée américaine qui, poussée à l’extrême par George Bush, va mettre un terme à sa dangereuse manie de chercher des ennemis à abattre, et s’atteler à terminer avec le moins de dégâts possible son engagement en Irak et en Afghanistan.
En trois jours de service, le nouveau président a donné amplement la preuve qu’il est pressé de réparer les dégâts causés par son prédécesseur et à rétablir l’image et la réputation de l’Amérique, gravement endommagées pendant huit ans de présidence chaotique de George Bush. En effet, en dépit de la gravité de la situation économique et de l’ampleur des difficultés intérieures, le nouveau président a consacré son premier discours à la politique étrangère, son premier décret à la fermeture du bagne de Guantanamo et son deuxième décret à la nomination de George Mitchell à la fonction d’envoyé spécial au Moyen-Orient et Richard Holbrooke à celle d’envoyé spécial en Afghanistan et Pakistan.
Cependant, certains commentateurs se demandent déjà si, en nommant ces deux envoyés spéciaux, Barack Obama n’a pas déjà mis la charrue devant les boeufs. Aucun plan de paix n’a été annoncé et aucune grande ligne de négociation pour l’un ou l’autre des envoyés spéciaux n’a été définie par le nouveau président.
Pour Holbrooke au moins, les choses sont à peu près claires. Une puissante armée est déjà à l’œuvre en Afghanistan. Elle est là pour faire la guerre, mais aussi pour soutenir les efforts diplomatiques. Mieux encore, avant même qu’il ne commence sa mission, Holbrooke est d’ores et déjà énormément aidé dans sa tâche par le changement d’attitude de l’Etat pakistanais qui, depuis un certain temps, mène une guerre sans répit contre les groupes terroristes et les talibans pakistanais, sans l’aide desquels les talibans afghans seraient déjà morts et enterrés.
Ce n’est pas le cas de George Mitchell dont l’unique atout est d’avoir joué un rôle déterminant dans la résolution du conflit irlandais. Celui-ci, évidemment, est nettement moins complexe que le conflit du Moyen-Orient.
L’encre du décret de nomination de George Mitchell n’a pas encore séché que l’on a eu droit de nouveau à la rengaine habituelle de l’engagement sans faille des Etats-Unis à côté d’Israël et du droit de « la démocratie israélienne » à se défendre. On a eu droit aussi aux accusations habituelles contre les fusées artisanales et banales des Palestiniens et au silence assourdissant sur l’usage excessif et hautement disproportionné de la machine de guerre meurtrière d’Israël, les destructions insensées à Gaza, les colonies, les centaines de barrages qui quadrillent la Cisjordanie, le mur de la honte qui l’étouffe etc...
On n’a aucune idée sur les éventuelles instructions données par le président Barack Obama et/ou la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, à George Mitchell. Mais à écouter le nouveau président parler du Moyen-Orient, la première impression qui se dégage est celle du statisme et de la réticence à mettre le doigt sur les vrais problèmes.
Ce qu’a dit Obama sur Israël, on l’a entendu chez pratiquement tous les présidents qui l’ont précédés. Ce que s’apprête à faire George Mitchell, d’autres avant lui l’ont déjà fait. Les centaines de voyages effectués au Moyen-Orient par Dennis Ross, Martin Indyk, Madeleine Albright, Condoleezza Rice et d’autres encore n’auront servi finalement qu’à polluer l’atmosphère avec les milliers de tonnes de kérosène brûlés par leurs avions, sans faire avancer d’un iota la cause de la paix.
Pourquoi tout ce beau monde n’a pas réussi à provoquer la moindre percée sur la voie de la paix en dépit des centaines de navettes effectuées entre Washington, Tel Aviv, Ramallah, Le Caire, et Amman ? La réponse est simple : tous les présidents américains, avec un satisfecit spécial pour George W. Bush, ont considéré Israël comme un Etat exceptionnel nécessitant de la part des Etats-Unis un soutien exceptionnel, et cette anomalie, avec le temps, est devenue pour le citoyen américain un aspect anodin de la politique étrangère de son pays qui ne suscite aucun questionnement de sa part.
Aucun envoyé spécial américain dans la région n’a pu faire son travail en dehors du cadre fixé par cette anomalie. En d’autres termes, aucun n’a pu s’armer de l’objectivité nécessaire, qualité essentielle pour tout médiateur, avant d’entamer sa médiation. On a même eu droit à des nominations grotesques, comme celle de Martin Indyk, ancien président de l’AIPAC, le plus grand lobby israélien aux Etats-Unis, envoyé par Bill Clinton au Moyen-Orient pour jouer les médiateurs entre Arabes et Israéliens…
George Mitchell n’est pas Martin Indyk. C’est un homme honnête et intègre. Il l’a prouvé en 2001 quand il a rendu un rapport sur la situation dans les territoires occupés, recommandant, comme préalables à la paix, l’arrêt des attentats suicide par les Palestiniens et l’arrêt de la colonisation par les Israéliens. Depuis ceux-ci ont construit des milliers de nouvelles habitations pour leurs colons sur « les collines chauves » de Cisjordanie.
George Mitchell semblait enthousiaste pour le poste de médiateur. Il est suffisamment intelligent et expérimenté pour savoir que si sa médiation se passait dans le cadre de l’exception israélienne de la politique moyen-orientale américaine, s’il n’avait pas la latitude de considérer désormais Israël un Etat comme les autres, il n’aurait pas plus de succès que ses prédécesseurs.

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