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Wednesday, January 21, 2009

Les bons choix qui s'imposent

L’Amérique a donc un nouveau président. Pas n’importe quel président. Il y a moins de 60 ans, comme il l’a dit dans son discours inaugural, son père « n’aurait pas été servi dans un restaurant local » à cause de la couleur de sa peau. Aujourd’hui, Obama est le 44eme président des Etats-Unis.
Tout se passe comme si, en ouvrant les portes de la Maison blanche à un président afro-américain, l’Amérique voulait se faire pardonner pour tout le mal fait aux Noirs aux époques de l’esclavage et de la discrimination raciale.
Tout se passe comme si, en choisissant un président aux antipodes de George W. Bush, l’Amérique voulait se faire pardonner pour tout le mal fait au monde par la politique arrogante et violente que celui-ci a mis en œuvre pendant les interminables années de son règne, et en même temps restaurer une image gravement détériorée.
Barack Hussein Obama, 44eme président des Etats-Unis, est un être particulièrement chanceux puisque, quels que soient les réussites et les échecs qu’il accumulera pendant un mandat ou deux, il a déjà une place assurée dans l’histoire en tant que premier président noir d’un pays où, il y a juste un demi siècle, la discrimination raciale faisait rage et qui, jusqu’à ce jour, continue de marquer certains aspects de la vie sociale et économique américaine.
Mais, en même temps, il est particulièrement malchanceux si l’on prend en compte l’ampleur des défis qui demandent à être relevés et de l’étendue des dégâts légués par George Bush et qui demandent à être réparés. Il en est conscient, et son premier souci semble être, et c’est légitime, la crise économique qu’il a attribuée dans son adresse inaugurale à « notre échec collectif à faire les choix difficiles », invitant les Américains à s’unir pour la confronter et la surmonter.
George Bush et Dick Cheney devaient se sentir dans leurs petits souliers mardi quand, assis à quelques mètres de Barack Obama, ils l’écoutaient décocher les critiques les plus acerbes à leur politique basée huit ans durant sur la xénophobie, la peur et la trahison des principes fondateurs de la République américaine. Il a récusé devant eux « le faux choix entre la sécurité et les idéaux » de l’Amérique. Il a stigmatisé leur arrogance en ces termes : « A elle seule, notre puissance ne peut ni nous protéger, ni nous autoriser à faire tout ce qu’on veut. (…) Notre sécurité émane de la justesse de notre cause, de la force de notre exemple et des qualités modératrices de l’humilité et de la retenue. »
Humilité et retenue sont sans aucun doute les mots les plus importants du discours inaugural d’Obama. C’est ce que le monde attend de l’Amérique et c’est ce que celle-ci attend de ses nouveaux dirigeants pour restaurer son image et son prestige.
Il est nécessaire de préciser ici que si l’Amérique a eu tant de difficultés au cours des huit dernières années, si elle a causé tant de problèmes au monde, c’est parce qu’elle a effacé les mots humilité et retenue de son lexique politique. C’est parce qu’elle a considéré que ces deux mots étaient contraires au prestige et à la sécurité, qu’elle a suivi une dangereuse politique inspirée par l’arrogance et basée sur l’usage débridé et, dans certains cas, gratuit de la force.
Le nouveau président semble avoir compris cela et paraît déterminé à renverser la tendance et à remettre le pays sur la juste voie. Ce qui est rassurant, c’est que le nouveau président a compris l’erreur fondamentale de Bush et son équipe et qui consistait à confondre arrogance et prestige, usage débridé de la force et sécurité. Obama semble aussi avoir compris le caractère particulièrement dangereux du manichéisme de Bush, « avec nous ou contre nous ». En décidant de tendre la main « aux vieux amis et aux anciens ennemis », il a éloigné d’un seul coup le spectre de nouvelles guerres qui a plané sur le monde pratiquement jusqu’au dernier jour de l’administration précédente.
Mais si le discours d’Obama a été bien accueilli aux Etats-Unis et dans le monde, beaucoup dans le monde arabe, et particulièrement les Palestiniens, ont exprimé leur « déception » face au silence du président sur les événements tragiques de Gaza, dont l’atrocité a secoué le monde pendant trois semaines. Pas la moindre allusion non plus au conflit israélo-arabe qui continue de mettre en péril non seulement la région du Moyen-Orient, mais le monde entier.
Certains attribuent ce silence à l’influence de Rahm Emmanuel, américain d’origine israélienne ayant servi dans l’armée d’Israël, et personnage clé de la nouvelle administration. En l’absence d’informations précises, cela relève de la spéculation, évidemment. Mais, compte tenu de l’ampleur de la tragédie qui a frappé le peuple palestinien à Gaza, le silence persistant d’Obama est en effet troublant.
A moins que, face à un problème aussi complexe que celui du Moyen-Orient, il ait décidé en son for intérieur d’être de ceux qui agissent et ne parlent pas plutôt que de ceux qui parlent et n’agissent pas. La discrète et rapide désignation de George Mitchell (père irlandais et mère libanaise), ancien sénateur, au poste d’envoyé spécial au Moyen-orient est de bonne augure. George Mitchell a prouvé sa compétence dans le rôle déterminant qu’il a joué dans la fin du conflit irlandais à travers l’accord de 1998 dont il était le principal artisan.
Récidivera-t-il en aidant à la résolution d’un conflit autrement plus complexe que le conflit irlandais ? Cela ne dépendra pas de ses compétences, mais de la volonté ou non du nouveau président américain de transformer la « relation spéciale » qui lie les Etats-Unis et Israël en relation ordinaire. Les impératifs de la paix dans la région et les intérêts supérieurs des Etats-Unis dictent à Obama cette décision stratégique. Sautera-t-il le pas ou se laissera-t-il, tout comme ses prédécesseurs, dicter sa conduite par des lobbies dont les intérêts n’ont rien à voir avec les intérêts du peuple américain ?

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