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Monday, January 26, 2009

Force de destruction massive

Désormais, les guerres que mène Israël se suivent et se ressemblent. Elles se caractérisent principalement par un usage excessif de la force brutale pour infliger le maximum de destruction aux villes bombardées, le respect de la vie humaine étant, cela va sans dire, le dernier souci des hiérarchies politiques et militaires israéliennes.
Les dégâts infligés en 2006 au Liban et ces dernières semaines (du 27 décembre au 18 janvier) à Gaza sont d’une telle ampleur qu’ils ne peuvent pas être le « triste résultat de dommages collatéraux ». Ils sont le résultat d’une stratégie qu’Israël ne prend même pas la peine de passer sous silence, étant assuré de l’impuissance de la communauté internationale à lui imposer la moindre sanction quels que soient la nature des armes que ce pays utilise, l’étendue des destructions qu’il inflige et le nombre des morts et des mutilés qu’il provoque.
Depuis la guerre du Liban, l’armée israélienne s’est dotée de ce qui est connue désormais sous le nom de « Dhahya Doctrine » (la doctrine de la banlieue), en référence à la banlieue de Beyrouth, entièrement détruite par les bombardements massifs de l’été 2006. Cette doctrine, qui fait d’Israël une force de destruction massive, a été résumée par une phrase de Dan Halutz, alors chef d’état major de l’armée israélienne : « Les bombardements massifs du Liban, dit-il, visent à ramener ce pays vingt ans en arrière. »
En octobre dernier, Gadi Eisenkot, commandant de la région nord d’Israël, a clarifié encore plus cette nouvelle stratégie israélienne en ces termes : « Ce qui est arrivé dans la banlieue de Beyrouth en 2006, arrivera à tout village d’où Israël est visé par des tirs. Nous répondrons par un usage disproportionné de la force et nous infligerons de grands dommages et des destructions étendues. De notre point de vue, ce ne sont pas là des villages où vivent des civils, mais des bases militaires. Il ne s’agit pas ici d’une recommandation, mais d’un plan. » On ne peut pas être plus clair.
L’application de cette stratégie de la destruction massive à la ville de Gaza a été annoncée dès le premier jour de la guerre par le commandant de la région sud d’Israël, Yoav Galant : « Le but de cette guerre, a-t-il dit, est d’envoyer Gaza des décennies en arrière. »
Ce commandant israélien a eu gain de cause en effet. Son armée a réussi, comme il a dit, à ramener Gaza des décennies en arrière. La rage avec laquelle l’armée israélienne s’est acharnée sur Gaza est telle qu’elle a tué, blessé et mutilé les Palestiniens par milliers. Cette rage est telle qu’elle s’est attaquée méthodiquement aux infrastructures, aux habitations, aux écoles, aux hôpitaux, aux mosquées, aux usines, aux ateliers, sans oublier les terres agricoles et les plantations gravement endommagées par les chars. En détruisant les fondations de l’économie de Gaza, Israël vise de toute évidence à rendre la vie impossible aux survivants.
Dans une rencontre avec la presse, Ehud Olmert, l’un des principaux initiateurs du cataclysme de Gaza, affirme avoir « pleuré » en regardant à la télévision le calvaire des enfants palestiniens. « Qui peut voir ces enfants morts et ne pleure pas ? », s’est-il écrié dans un accès de tendresse à vous briser le cœur. Les crocodiles généralement versent quelques larmes sur leurs proies déchiquetées. Les larmes d’Olmert sont de même nature face aux Palestiniens déchiquetés par les mâchoires d’acier de la machine de guerre israélienne lâchée contre eux par le tendre Premier ministre.
On aimerait bien avoir l’avis de cette âme sensible sur les « performances » de ses troupes d’élite (les Givati) lâchées contre les femmes, les enfants et les hommes sans défense. Quelques uns de ces soldats d’élite « ont couvert les murs de l’une des rares maisons restées debout d’inscriptions à la craie :’’ La place des Arabes est sous terre’’ ; ‘’ Si vous êtes un vrai Givati, vous devez tuer les Arabes’’ ; ‘’ Jérusalem-Est pour Israël’’ » (1). On nage en plein surréalisme tragique. Un Premier ministre qui envoie ses troupes d’élite massacrer les enfants, ensuite, compatissant, il essuie quelques larmes.
Mais celui qui a pleuré sur le sort des enfants palestiniens, continue de verrouiller les passages reliant Gaza au monde extérieur et à bloquer les matériaux de construction qu’attendent les gens de Gaza pour entamer la reconstruction de leur ville dévastée par la machine de guerre israélienne.
Mais à supposer que les matériaux de construction rentrent à un rythme soutenu et que les Gazaouis ont entamé déjà la reconstruction de ce qu’Israël a détruit. Combien de temps ce pays se retiendra-t-il avant de détruire encore ce qui a été reconstruit ? Combien de fois les donateurs continueront-ils à financer des reconstructions qu’Israël pourrait impunément transformer à tout moment en ruines ?
Ces questions ne sont plus chuchotées derrière des portes closes et loin des oreilles indiscrètes. Un parlementaire européen les a posées clairement à ses collègues la semaine dernière à Strasbourg. Il n’était pas le seul. Le ministre norvégien des Affaires étrangères, Jonas Gahr Stoere, a exprimé l’amertume que ressentent sans doute tous les pays donateurs en s’exclamant il y a quelques jours : « Allons nous encore une fois financer la construction de quelque chose qui a été détruite, reconstruite et détruite ? »
En attendant les réponses à ces questions, la communauté internationale continue d’observer tranquillement Israël construire des stratégies de destruction massive et envoyer son armée démolir en quelques jours ce que ses voisins palestiniens et libanais mettent des années à construire.


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(1) « Le Monde » du samedi 24 janvier 2009

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