airelibre

Wednesday, January 28, 2009

Un tabou en lambeaux

Il est vrai que le complexe de culpabilité des Européens envers les Juifs et leur consternation devant l’holocauste n’étaient pas suffisamment puissants au point de leur donner, en guise de réparation, une province allemande, la Bavière par exemple, pour y établir un Etat. Ils ont choisi de réparer une injustice par une autre et, en dépossédant un peuple de sa terre et en le transformant en groupes de réfugiés disséminés un peu partout au Moyen-Orient, ils ont fait de cette région une poudrière qui, depuis plus de soixante ans, ne cesse de mettre la paix du monde en danger.
Ce qui est étonnant, c’est que la dépossession du peuple palestinien de sa terre et l’établissement de l’Etat juif n’ont pas suffi à déculpabiliser les Européens et leurs cousins d’Amérique. Bizarrement, ils ont continué durant plus de soixante ans à porter sur leurs épaules le fardeau d’une culpabilité envers les Juifs que ceux-ci n’ont pas perdu de temps à transformer en avantages politiques et financiers faramineux aux dépens des Arabes en général et des Palestiniens en particulier. Ils ont poussé l’exploitation du complexe de culpabilité jusqu’à imposer à de nombreux pays européens la criminalisation du négationnisme, c'est-à-dire l’adoption de lois permettant la poursuite pénale de tous ceux qui nient l’holocauste, et même ceux qui simplement mettent en doute le chiffre de 6000.000 de morts dans les camps de concentration de Hitler.
Ce qui est étonnant, c’est que la dépossession des Palestiniens de leurs terres et le calvaire biblique qu’ils continuent de vivre depuis plus de soixante ans n’a pas généré le moindre sentiment de culpabilité chez les Européens. Certes, ils aident financièrement les Palestiniens, mais le complexe de culpabilité qu’ils continuaient de nourrir envers les Juifs les empêchait de se ranger du côté de la justice, et de se plier aux impératifs élémentaires de la morale qui veut que l’on soutienne les victimes contre les bourreaux.
Depuis les horribles événements de Gaza, on assiste en Europe à des convulsions qui tendent à débarrasser la conscience européenne de ce complexe de culpabilité. Il n’y a qu’à voir les immenses manifestations de solidarité avec le peuple palestinien organisées dans les quatre coins de l’Europe, dénonçant avec une facilité et une virulence inconnues les « pratiques nazies » de l’armée israélienne.
Ce phénomène n’a pas été observé seulement chez les foules qui ont pris possession des rues européennes. Les diplomates européens avaient de la peine à cacher leur ras-le-bol et certains d’entre eux ont lâché le mot « nazis ». Une diplomate norvégienne, Trine Lilleng, a fait circuler par e-mail une série de photos représentant les enfants palestiniens de Gaza à côté des enfants juifs des camps de concentration nazis et des soldats israéliens à côté des soldats hitlériens de la Wehrmacht.
Il y a une semaine ou deux, la diplomate européenne, Benita Ferrero-Waldner, en visite en Israël a parlé à Shimon Peres avec une franchise inhabituelle : « Je vous le dis Monsieur le président, l’image d’Israël dans le monde a été détruite. »
Même les Etats-Unis n’échappent pas au phénomène. Un diplomate israélien installé sur la côte est n’en revient pas. Il a écrit un rapport alarmant à son ministère de tutelle sur les questions que des citoyens américains lui posaient sur « les crimes de guerre israéliens à Gaza ».
En Israël, c’est la panique. L’historien Zeev Sternhell a choisi le quotidien « Haaretz » pour lancer cet avertissement : « Israël ne peut plus agir à sa guise. Les pays amis sont en train de lui tourner le dos ».
Un signe évident de cette panique est l’organisation la semaine dernière en toute hâte d’un congrès à Jérusalem par diverses institutions juives qui s’est penché sur « la flambée de l’anti-sémitisme » à la suite des événements de Gaza. La principale conclusion de ce congrès telle que rapportée par le journal « Haaretz » est que « les événements de Gaza ont mis fin au tabou européen sur la comparaison des Juifs avec les Nazis ». Le journal cite l’universitaire Dine Porat qui, dans son intervention au congrès, a dit ceci : « Les Européens vivent avec le fardeau de l’holocauste sur les épaules. Accuser les Juifs de se comporter comme les Nazis aide à alléger le poids de ce fardeau et à atténuer le sentiment de culpabilité. »
Cette panique a vite gagné les lobbies juifs aux Etats-Unis qui, face à l’ampleur du désastre causé à l’image d’Israël par les crimes de guerre commis à Gaza, ont recouru à la vieille méthode de faire flèche de tout bois pour contrer la déferlante anti-israélienne. La Ligue contre la diffamation (Anti-Defamation League), l’un des lobbies israéliens les plus puissants aux Etats-Unis, a eu l’idée d’acheter plusieurs pages de publicité dans divers journaux américains pour faire passer le message suivant sous forme de question : « Et si le Hamas était votre voisin ? » (1)
Mélange de naïveté, de mensonge et d’hypocrisie, le message dresse une carte géographique des Etats-Unis avec plein de fusées « Qassam » tombant sur la ville de Phoenix, dans l’Etat de l’Arizona. Le texte tente de convaincre le citoyen américain que « les Israéliens sont quotidiennement agressés, et ils passent le clair de leurs temps cachés dans les abris ».
La bonne nouvelle est que les lobbies juifs ne sont plus seuls sur le terrain de la communication. Leur propagande n’est pas restée sans réponse cette fois. Le Comité arabe-américain contre la diffamation (ADC) a réagi en utilisant les mêmes armes que son adversaire. Reprenant le même message, il a simplement remplacé le Hamas par Israël et les fusées « Qassam » par des bombardiers F-16 et des hélicoptères Apache israéliens survolant Washington (2). En comparant les deux messages, personne n’aimerait être le voisin d’Israël.


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(1) http://www.adl.org/Israel/posters/HamasAd_Phoenix.pdf

(2) http://www.adc.org/PDF/gazaposter.pdf

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