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Tuesday, January 13, 2009

Ras-le-bol universel

Tout se passe comme si l’armée israélienne a, chaque jour, un nombre, déterminé d’avance, de bombes et de missiles qu’elle doit lancer sur la tête des Palestiniens à Gaza. On est renforcé dans cette idée par le comportement de cette armée qui, à défaut de trouver suffisamment de combattants du Hamas, lance ses bombes à l’aveuglette, tuant femmes, enfants, vieillards, médecins, chauffeurs d’ambulances et de camions de l’UNRWA. Même les voitures du Comité International de la Croix Rouge n’ont pas été épargnées.
Alors que son armée continue de faucher la vie des Palestiniens et de détruire leurs propriétés à Gaza, Israël a déjà perdu la guerre des images, de la communication et des relations publiques. Bien sûr, comme l’a dit l’historien israélien, Benny Morris, plus la deuxième guerre mondiale s’éloigne de nous dans le temps, plus le souvenir de l’holocauste d’estompe et plus l’opinion publique occidentale se montre audacieuse dans son interpellation d’Israël et acide dans ses critiques.
Le degré de mobilisation sans précédent de l’opinion publique occidentale en faveur des Palestiniens a surpris plus d’un. Samedi 10 janvier, des manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes ont eu lieu dans cinquante villes françaises. Des manifestations similaires ont eu lieu dans pratiquement tous les pays européens, et en particulier en Grande Bretagne où 100.000 personnes ont défilé, conspuant le terrorisme israélien, ou encore en Espagne où les manifestants criaient à tue-tête « nous sommes tous palestiniens ».
A voir ces centaines de milliers de personnes défiler dans des centaines de villes européennes en soutien au peuple palestinien, on ne peut s’empêcher de penser à la signification d’une telle explosion de colère de la part de peuples qui, jusqu’à une date récente, penchaient plutôt du côté d’Israël. L’explication est sans aucun doute un ras-le-bol général. Ce ras-le-bol devient universel quand on ajoute aux centaines de manifestations européennes, les milliers de manifestations dans le monde arabe, en Iran, au Pakistan, en Inde, en Indonésie, en Malaisie, au Japon et en Australie. Même les habitants de Hongkong ont exprimé leur ras-le-bol d’une armée qui n’a pratiquement rien à faire d’autre dans la vie que de semer continuellement la mort et la destruction chez un peuple sans défense.
L’élément le plus important dans cette révolte de l’opinion publique mondiale contre Israël est la participation de juifs dans le concert des protestations. De Londres à San Francisco des milliers de manifestants conspuaient Israël et exigeaient l’arrêt des massacres. A San Francisco, des manifestants juifs portaient une pancarte sur laquelle il était écrit « Gaza = Ghetto de Varsovie » et un artiste célèbre à San Francisco, Jack Fertig, s’était adressé à la foule en ces termes : « En tant que descendant de survivants d’Auschwitz, je dis que nous devons nous identifier avec les opprimés et non avec les oppresseurs. »
Un haut responsable de l’administration californienne, l’Attorney de Berkeley Steve Pearcey, est allé plus loin encore : « Un nombre significatif de gens à travers le monde considèrent Israël comme un Etat terroriste, et beaucoup de monde aux Etats-Unis pensent la même chose.», a-t-il dit sous les applaudissements de la foule. Plus grave encore pour Israël, son aventurisme militaire est en train de contribuer lentement mais sûrement à un affaiblissement de l’AIPAC, lobby aveuglément pro-israélien aux Etats-Unis, et au renforcement de « Americans for Peace Now » et de J-Street », deux organisations juives qui, selon le San Francisco Chronicle, « ont commencé à servir d’alternative à l’AIPAC, le puissant lobby qui dominé la scène américaine pendant longtemps. »
Une question que beaucoup ne se sont pas posés : pourquoi Israël a-t-il choisi ce moment précis pour lancer une campagne d’une violence sans précédent ? Les roquettes du Hamas ? Celles-ci tombaient depuis huit ans sur Sderot et sont d’une inefficacité telle qu’Israël s’en était accommodé pendant longtemps. Donc il y a autre chose, un autre motif pressant qui a amené les dirigeants israéliens à agir vite.
Le motif le plus plausible est la proximité du 20 janvier, date du départ de George Bush, l’allié le plus fidèle et le plus enthousiaste d’Israël depuis la création de ce pays. C’est à une course contre la montre qu’Olmert, Barak et Livni semblaient s’être engagés depuis le 27 décembre 2008. Le but est de changer la réalité politique sur le terrain à Gaza avant l’arrivée de Barack Obama à la Maison blanche qui, le moins qu’on puisse dire, ne sera pas aussi inconditionnel vis-à-vis de Tel Aviv que son prédécesseur.
Comme à chaque fois qu’Israël fait des calculs, les résultats sont aux antipodes des buts visés. Il renforce la popularité ses ennemis, crée de nombreux autres ennemis et sème la mort et la destruction chez les populations civiles. Nous vu cela pendant l’été 2006 au Liban et nous sommes en train de revivre pratiquement le même scénario cet hiver à Gaza.
De faux calculs à répétition, une agressivité choquante, un usage répétitif et disproportionné de la force brutale, un mépris des principes de base du droit international et du droit humanitaire, tels sont les motifs du ras-le-bol universel manifesté par la planète entière contre un pays minuscule et dont l’insolence est inversement proportionnelle à la taille. Barack Obama prendra ses fonctions dans une semaine. Pourra-t-il se permettre d’ignorer ce ras-le-bol universel ?

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