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Friday, January 16, 2009

Pathologies israéliennes

Henry Kissinger, le secrétaire d’Etat de Richard Nixon, raconte dans ses volumineuses mémoires deux rencontres au cours desquelles il incitait Itzhak Rabin à faire des concessions pour la paix. Une fois quand Israël était « faible », et la deuxième quand il est devenu « fort ». Les deux fois, Rabin décline les demandes de Kissinger. L’argument avancé lors de la première rencontre était : « Israël étant faible, nous ne pouvons pas nous permettre de faire des concessions. » L’argument par lequel Rabin justifiait son refus lors de la deuxième rencontre était : « Israël étant devenu fort, nous n’avons aucune raison de faire des concessions. »
Ces deux réponses succinctes de Rabin à Kissinger résument à elles seules toute la politique israélienne vis-à-vis du monde arabe depuis la création de ce pays en mai 1948 jusqu’à ce jour. Agressions tous azimuts et refus absolu de toute ouverture, de toute initiative de paix et de toute main tendue venant des pays arabes qui, depuis 1973, date du dernier conflit armé israélo-arabe, ont changé de stratégie en substituant la négociation à la guerre. L’OLP, de son côté, se rendant finalement compte qu’elle n’avait pas les moyens militaires nécessaires à la libération de la Palestine par la force, changea de stratégie elle aussi pendant la réunion historique d’Alger de 1988.
Depuis, les concessions ont été unilatérales, seulement du côté arabe. Les Palestiniens, depuis la réunion de Madrid de 1991, désirant montrer à la communauté internationale leur volonté d’arriver à une paix négociée avec les Israéliens, sont allés très loin dans les concessions. Et le drame est que plus les Palestiniens faisaient des concessions, plus les Israéliens devenaient intransigeants et en exigeaient encore.
Les concessions consenties par les Palestiniens sont telles qu’ils ont accepté d’édifier leur Etat national sur moins de la moitié des terres que leur accordaient les Nations Unies dans la résolution 181, dite résolution de partage, votée par le Conseil de sécurité le 29 novembre 1947. Cette résolution accordait 52% de la Palestine aux Juifs et 48% aux Palestiniens. De 48% des terres, les Palestiniens sont descendus, si l’on peut dire, jusqu’à 22%. Mais Israël n’est toujours pas satisfait de l’ampleur de ces concessions et exige maintenant autre chose.
Il est clair qu’Israël n’a aucune intention de rendre les territoires arabes occupés. Il est clair aussi que l’étrange régime que George Bush a instauré aux Etats-Unis pendant les huit dernières années, a renforcé les politiciens israéliens dans leur volonté de défier la loi, la morale et la raison. Rappelons ce qu’avait dit Bush en 2004 : « Il est irréaliste de demander à Israël de retourner aux frontières de 1967 ». Aussitôt après, cette affirmation du président américain est adoptée sous forme de résolution par la Chambre des représentants par 407 voix contre 9.
Comment peut-on attendre d’un pays comme Israël de se soumettre à la légalité internationale si la plus grande puissance du monde, celle qui est sensée jouer le rôle déterminant dans le conflit proche-oriental, l’encourage à ignorer cette légalité. Quand Rabin disait qu’ « étant fort, Israël n’a aucune raison de faire des concessions », Rabin comptait sans doute sur le soutien américain, mais il n’allait sûrement pas jusqu’à espérer q’un jour l’Amérique devienne plus israélienne qu’Israël et juge « irréaliste » le retour aux frontières de 1967.
Grâce à George Bush, l’Amérique sur laquelle le monde comptait pour raisonner Israël, a non seulement encouragé ce pays à ignorer la loi internationale, mais aussi à commettre des crimes de guerre à Djénine en 2002, au Liban en 2006 et maintenant à Gaza. Sans parler du soutien à l’encerclement d’Arafat par Sharon à Ramallah ou de l’opposition de l’administration Bush aux négociations de paix avec la Syrie qui, en 2000, avant l’arrivée de Bush au pouvoir, avaient atteint un niveau encourageant.
Les huit années de George Bush ont aggravé la pathologie dont souffrait déjà Israël. La folie de grandeur de ses dirigeants les a amenés à ne plus se contenter des concessions pour la paix, mais à vouloir transformer le peuple palestinien en une espèce de Congrès américain, soucieux des intérêts israéliens plus qu’il ne l’est de ses propres intérêts.
Les dirigeants israéliens ne comprennent pas comment, par lobby interposé, ils ont pu imposer une discipline de fer parmi les politiciens américains en menaçant de mort politique immédiate quiconque sortirait des rangs, et échouent à imposer la même discipline aux Palestiniens en menaçant de mort réelle quiconque mettrait en cause la confiscation par la force des terres arabes.
L’acharnement terrifiant sur Gaza s’explique d’abord par la rage qui mine les décideurs israéliens face à leur impuissance d’imposer un comportement servile au peuple palestinien. Il s’explique ensuite par leur volonté de mener une ultime tentative d’enterrer le nationalisme palestinien sous les décombres de Gaza. Qu’il soit volontaire ou involontaire, la massacre d’enfants palestiniens par centaines est hautement symbolique et extrêmement significatif. Tout se passe comme si, en tuant ces enfants dans leur berceau, Israël voulait extirper la nationalisme palestinien à la racine en le privant de porte-flambeau. Mais il fait fausse route évidemment, car il y aura toujours assez de Palestiniens pour exiger le retour de leurs terres confisquées.
En attendant la fin ce nième crime de guerre impuni, le Congrès américain a voté vendredi dernier, par 390 voix contre 5, une nième résolution de soutien au « droit d’Israël à l’autodéfense »…

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