airelibre

Saturday, June 21, 2008

Folies estivales israéliennes

C’est connu, et on a la preuve historique, que l’été ne fait pas monter seulement les températures en Israël, mais aussi la fièvre guerrière. En juin 1967, l’agression israélienne contre l’Egypte, la Syrie et la Jordanie a transformé la région en poudrière permanente, et les effets de cette guerre sont toujours brûlants, plus de 40 ans plu tard.
En juin 1981, l’armée israélienne envoie l’un de ses pilotes lancer une bombe sur le réacteur nucléaire irakien Osirak.
En juin 1982, Israël s’engage dans sa désastreuse occupation du Liban, la deuxième après celle du printemps de 1978. Les conséquences sont terrifiantes non seulement pour les Libanais, mais aussi pour les Israéliens eux-mêmes qui, contrairement à leurs prévisions, se trouvent enfoncés jusqu’au cou dans le bourbier du sud-Liban duquel, dix huit ans plus tard, ils se retirent dans l’humiliation sous les coups douloureux du Hezbollah.
En juillet 2006, l’armée israélienne, encouragée par le régime de George Bush, s’attaque de nouveau au Liban qu’elle bombarde pendant 36 jours d’affilé détruisant les infrastructures, massacrant les civils et lançant sur les routes des milliers de réfugiés, avant de se retirer la tête basse et sans avoir atteint le moindre de ses objectifs.
Le 6 juin 2008, l’ancien chef d’état major de l’armée israélienne et actuel ministre des transports, Shaul Mofaz, fait une déclaration fracassante à la presse : « si l’Iran continue de développer son programme d’armes nucléaires, nous l’attaquerons. Les sanctions ne sont pas efficaces. Attaquer l’Iran afin d’arrêter son programme nucléaire sera inévitable ».
Le 19 juin 2008, le New York Times publie son « scoop ». Israël, affirme le journal new yorkais, s’est livré au début de ce mois à un vaste exercice militaire dans l’est méditerranéen en préparation à une attaque contre les installations nucléaires iraniennes. Pas moins de 100 avions F15 et F16 ont été impliqués dans l’exercice ainsi que des avions ravitailleurs, car la distance aller-retour que devraient faire faire ces avions en cas d’attaque est de 3000 kilomètres au minimum.
Il est pour le moins curieux que peu de temps après que Manouchehr Mottaki, annonçait dans la capitale ougandaise, Kampala, où se tenait un sommet des pays islamiques, la disposition de l’Iran à discuter les nouvelles propositions des 5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) transmises à Téhéran il y a quelques jours par l’émissaire européen Javier Solana, le New York Times publiait son « scoop ».
Cela pourrait relever des « coïncidences calculées », par lesquelles Israël, chercherait à pousser l’Iran à durcir sa position, à faire capoter les tentatives européennes d’atteindre un accord négocié avec Téhéran sur la crise du nucléaire iranien et de donner ainsi des arguments supplémentaires aux partisans de frappes aériennes contre l’Iran à Washington. Car, il est évident qu’Israël souhaite, et de loin, entraîner les Etats-Unis à ses côtés dans une éventuelle aventure militaire plutôt que d’affronter seul un aussi grand pays.
Le premier à avoir ressenti le danger des manœuvres israéliennes et à avoir réagi avec colère est Mohamed El Baradei, le directeur de l’AIEA. El Baradei, qui sait de quoi il parle, a affirmé que, outre le fait qu’aucune preuve tangible d’un programme nucléaire militaire iranien n’est établie, une attaque israélienne contre l’Iran « transformerait la région en une boule de feu ».
El Baradei a affirmé qu’il démissionnerait en cas d’attaque israélienne, mais cela doit être compris moins comme une menace que comme un avertissement qu’après une attaque israélienne ou israélo-américaine, l’Iran cesserait sans doute tout contact avec l’AIEA et, par conséquent, El Baradei n’aurait plus rien à faire à la tête de cette organisation qui a déjà échoué à empêcher la guerre de Bush contre l’Irak, bien qu’elle ait répété haut et fort que Saddam Hussein ne développait aucun programme d’armes de destruction massive.
L’Iran de 2008 n’est pas l’Irak de 1981. Si les partisans à Washington et Tel Aviv d’une frappe aérienne massive pensent que l’Iran réagirait à leur folie par un communiqué de presse condamnant l’agression, ils se trompent lourdement. Un pays qui rumine un lourd sentiment d’injustice depuis au moins 1953 (date du renversement par une action anglo-américaine du Premier ministre Mosaddeq, démocratiquement élu) répondra sans doute à la violence par une violence plus grande.
Il n’est nullement exclu qu’en cas d’attaque contre leur pays, les autorités iraniennes recourront à la fermeture pure et simple du détroit d’Hormuz par lequel transite 40% du pétrole consommé dans le monde. Et si après la déclaration provocatrice de Shaul Mofaz, le baril a gagné 11 dollars en une seule journée, à combien sera le baril si le marché perd soudain 40% du pétrole consommé dans le monde et qui transitent par le détroit d’Hormuz ?
Mais le pétrole n’est pas la seule préoccupation ni même la plus importante qui devrait être prise en considération pour empêcher impérativement une nouvelle folie estivale israélienne. La sécurité de la région et du monde est cette fois-ci très sérieusement menacée pour que les pays capables d’arrêter Israël continuent à regarder ailleurs. Il ne faut pas compter sur cette administration américaine pour le faire, bien sûr, mais l’Europe, la Russie et les puissances régionales doivent cette fois tracer une véritable ligne rouge à Israël et lui signifier qu’il a suffisamment éreinté le monde en jouant à l’enfant gâté dans une usine d’explosif et qui crie à gorge déployée dès qu’on touche à ses allumettes.
Parmi les puissances régionales, la Turquie est à coup sûr une pièce maîtresse face à Israël. D’abord parce qu’elle a des relations développées avec ce pays, ensuite parce qu’Israël ne peut aller bombarder l’Iran sans survoler l’espace aérien turc. Si Ankara interdisait le survol de son territoire aux bombardiers israéliens, un grand obstacle serait érigé sur la voie de l’aventurisme israélien. Et ce serait toujours ça de gagné.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home