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Thursday, June 26, 2008

Bush sur le terrain des désastres

Le climat devient de plus en plus difficile à comprendre. Son comportement est en train de rivaliser, en termes de complexité et d’irrationalité, avec celui des hommes. On a l’impression qu’il est en train de leur emprunter le pire de ce que leur esprit a enfanté : l’extrémisme et la violence.
En effet, quoi de plus extrémiste et de plus violent que de maintenir un immense pays comme l’Australie sous le régime d’une sècheresse épique qui dure depuis dix ans et de noyer sous les flots de nombreuses localités dans de nombreux pays, de la Chine aux Etats-Unis en passant par la Birmanie et l’Inde ? Inutile de dire que les inondations et la sècheresse, dans une extraordinaire alliance entre les extrêmes, coordonnent leurs efforts pour exacerber la crise la plus déroutante de ce début de siècle : l’envolée des prix des denrées alimentaires.
Face au déchaînement de la nature, les pays frappés de plein fouet, petits ou grands, se découvrent soudain vulnérables et se trouvent dans un état d’impuissance qui les empêche de secourir efficacement les victimes. Leurs dirigeants en sont réduits à prier pour que les victimes soient sauvées miraculeusement à défaut de l’être par les moyens de l’Etat. On l’a vu chez les plus faibles, après le passage du cyclone Nargis en Birmanie, et on l’a vu chez les plus puissants après le passage du hurricane Katrina au sud des Etats-Unis ou encore avec la crue du Mississippi et de ses affluents qui endeuille aujourd’hui le Midwest américain.
Le président américain, quoique avec un peu de retard et d’une manière qui a suscité de vives critiques, avait été sur les lieux du désastre laissé par Katrina, et, plus récemment, vient d’arpenter de long en large le Midwest, et l’Etat de l’Iowa en particulier, priant pour les victimes, confortant les survivants et promettant l’aide de l’Etat fédéral, ce qui lui a valu le titre de « consoleur en chef » (comforter in chief), attribué par la journaliste du New York Times, Sheryl Gay Stolberg. Ce qui a fait dire aussi à George Bush lui-même, lors d’une réunion avec ses collaborateurs consacrée aux inondations : « J’ai malheureusement dû me rendre sur les lieux de bien trop de désastres en tant que président. »
Il est certain que, en parlant de ses visites « sur les lieux de bien trop de désastres », le président américain n’avait en tête que les désastres d’origine naturelle. Il ne visait sans doute aucun des désastres qu’il a lui-même engendrés par sa politique de « guerre globale contre le terrorisme » qui, comme tout le monde sait, a fortement renforcé ce fléau qui a pris des proportions hallucinantes depuis que Bush a tourné le dos à Al Qaida et aux talibans en Afghanistan pour régler son compte avec Saddam Hussein.
Tous les économistes vous le diront : si l’on comptabilise les pertes humaines et matérielles provoquées par le hurricane Katrina et les récentes inondations du Midwest et on les compare avec celles que continue de provoquer le seul désastre irakien, on constatera, chiffres à l’appui, que la politique de Bush est plus mortelle et plus destructrice que les plus violents des désastres naturels.
Le plus ahurissant est que, après plus de cinq ans de souffrances de proportions bibliques endurées par 25 millions d’Irakiens, le président américain continue jusqu’à maintenant à clamer haut et fort que sa décision d’occuper l’Irak était la bonne, qu’il n’avait aucun regret à ce sujet et que le monde est plus sûr sans Saddam Hussein.
La vérité est que le monde était beaucoup plus sûr avec Saddam Hussein pour une raison tout à fait objective. En effet, Saddam constituait un véritable barrage contre le terrorisme et en son temps Bagdad était une ville aussi sûre que Tokyo ou Oslo. Et ici la similitude entre le violent cyclone Katrina et la violente politique de Bush contre l’Irak sont frappantes. Katrina a détruit les digues qui protégeaient la Nouvelle Orléans et du coup la capitale du jazz se trouva submergée par les eaux. Bush a détruit le régime de Saddam Hussein et du coup l’Irak et ses sept mille ans d’histoire se trouvent submergés par la vague déferlante du terrorisme.
Tout comme la Nouvelle Orléans était bien mieux avant le hurricane Katrina, l’Irak et l’Amérique étaient bien mieux avant l’arrivée de Bush au pouvoir. Tous les stratèges vous le diront. Les plus grands perdants des mésaventures militaires de la Maison blanche sont les Irakiens bien sûr, mais aussi le contribuable américain qui paiera les frais de cette guerre pendant des dizaines d’années, et l’armée américaine littéralement dépassée par l’ampleur des dégâts physiques et psychiques subis par ses soldats. Si, rien qu’en Irak, le nombre de ses morts dépasse les 4000, le nombre des blessés (physiques et psychiques) dont la vie est totalement ou partiellement détruite dépasse les six cent mille.
D’après une étude de la RAND corporation (une fondation néoconservatrice plutôt pro-Bush), le nombre de soldats de retour d’Irak et d’Afghanistan avec un « PTSD » (post traumatic stress disorder) tourne autour de 300.000 et ceux de retour avec « une blessure au cerveau » sont évalués à 320.000 (1). Voici donc des centaines de milliers de soldats qui, depuis la guerre du Vietnam jusqu’au printemps 2003, vivaient tranquillement dans leurs bases et qui depuis vivent dans l’enfer du stress, de l’angoisse, de l’insomnie ou du cauchemar engendré par les guerres d’Irak et d’Afghanistan. Sans parler du nombre inquiétant des suicides au sein de l’armée US qui a atteint des records en 2007.
L’Irak et l’Afghanistan ont été transformés en véritables désastres dont l’ampleur, on n’insistera jamais assez, n’a rien à voir avec celle de la Nouvelle Orléans ou du Midwest. Bush les a visités à plusieurs reprises, souvent secrètement pour des raisons de sécurité, mais il ne lui arrive jamais à l’idée de les classer dans la catégorie des « lieux de désastres » qu’il a visités en tant que président. Mais, qu’on le veuille ou non, ils font partie de cette catégorie, même si l’ « ordre » d’occuper l’Irak lui a été donné par un « Père Supérieur » (Higher Father), comme il l’a prétendu au cours de l’un de ses nombreux entretiens avec le journaliste du Washington Post, Bob Woodward.

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(1) Voir l’article de Bob Herbert « Wounds of war » (Blessures de guerre) dans le New York Times du 24 juin 2008.

1 Comments:

Blogger Unknown said...

tres belle parabole;

11:34 AM  

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