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Saturday, June 28, 2008

L'été de tous les dangers

Les manœuvres militaires israéliennes effectuées au début de ce mois dans l’est de la Méditerranée ont fait, avec un peu de retard, les grands titres de l’actualité internationale. Le retard est dû au fait que ces manœuvres étaient secrètes avant que des « fuites », organisées ou non, n’arrivent au New York Times qui en a fait état le premier.
Ce ne sont p as tant les manœuvres elles-mêmes que leur signification qui a intéressé la presse internationale. Les manœuvres, Israël est habitué à en faire assez souvent, notamment avec son « allié stratégique », les Etats-Unis d’Amérique. Mais les manœuvres du début du mois de juin étaient bien particulières dans la mesure où, sans aucun démenti de la part d’Israël, elles ont été présentées comme un entraînement préparant l’armée israélienne à un éventuel bombardement des installations nucléaires iraniennes.
Cette question de l’enrichissement de l’uranium iranien est devenu cette année un grand sujet de discorde internationale. La quasi-totalité des pays souhaitent que cette question soit résolue pacifiquement, c’est à dire à travers les moyens diplomatiques ou, tout au plus, par le moyen de sanctions commerciales et économiques.
Cependant, il y a des personnalités ça et là, en particulier aux Etats-Unis, dont l’attachement pathologique à la guerre comme moyen de régulation des relations internationales empêche de voir l’Iran autrement que comme une menace terrifiante suspendue sur la tête de l’humanité. C’est le cas de John Bolton par exemple. Cet ancien représentant des Etats-Unis à l’ONU, de juin 2005 à janvier 2006, et que le sénat américain a refusé de confirmer dans son poste, ressemble à une boule de nerfs en perpétuelle convulsion, déversant son langage ordurier sur quiconque soupçonné de préférer la diplomatie aux bombardiers américains pour résoudre les différends internationaux.
Même George Bush n’a pas échappé à l’ire boltonienne quand il a décidé de retirer la Corée du nord de la liste noire américaine. Pyongyang a en effet détruit la tour de refroidissement de son fameux réacteur nucléaire qui a longtemps empoisonné ses relations avec Washington. Cette preuve irréfutable que le réacteur n’est plus en activité n’a pas impressionné John Bolton qui s’est déchaîné contre le président américain qui, au lieu d’envoyer ses bombardiers détruire Pyongyang, a annulé les sanctions économiques imposées à ce pays, selon le constat amer de ce faucon cul-de-jatte.
Bien qu’il n’ait aucun poste de responsabilité, ce vrai cul-de-jatte de l’administration américaine finissante se démène comme un diable et ne rate aucun forum ni séminaire pour pointer du doigt non seulement l’Iran, mais aussi la Syrie, le Liban ou encore le Soudan jurant ses grands Dieux que le monde courrait à sa perte si l’armée américaine ne réglait pas leurs comptes à ces pays.
Mais depuis mai dernier, les tournées belliqueuses de John Bolton deviennent de plus en plus dangereuses. En effet, le 28 mai dernier, après qu’il ait donné une conférence incendiaire sur les relations internationales au Pays de Galle, il a été « arrêté » par un citoyen britannique. Alors qu’il quittait la tribune pour regagner sa place, John Bolton a subi l’assaut inattendu du journaliste britannique du Daily Telegraph, George Monbiot, qui a crié en plein séminaire : « John Bolton, je vous arrête pour crimes de guerre ». Alors que l’ancien secrétaire d’Etat adjoint se débattait pour échapper à l’emprise du citoyen britannique Monbiot, le service d’ordre était intervenu pour le libérer de cette « arrestation citoyenne ». Expliquant son geste symbolique mais spectaculaire, George Monbiot a affirmé : « Beaucoup pensent que le lancement de la guerre d’Irak est un crime international. Mais, jusqu’à présent personne n’a agi pour arrêter l’un des auteurs de ce crime. »
Si les manœuvres israéliennes de l’est méditerranéen s’avéraient être réellement des préparatifs à une attaque contre l’Iran, cela veut dire qu’un nouveau crime international est en cours de préparation. Si Israël est déterminé à commettre à la fois un crime international et une erreur stratégique grave, y compris contre ses propres intérêts, en bombardant un pays qui ne lui a absolument rien fait, l’opinion publique internationale ne pourra sans doute rien faire pour l’empêcher. Celle-ci a démontré son impuissance lors des préparatifs de l’agression contre l’Irak. L’extraordinaire mobilisation dans de nombreuses capitales à travers le monde n’a pas empêché George Bush de lancer sa guerre désastreuse contre l’Irak.
L’espoir vient des divisions au sein des classes politiques des deux seuls pays qui pourraient perpétuer une agression contre l’Iran : Israël et les Etats-Unis. Dans ce dernier pays, on sait que l’establishment politico-militaire est fortement divisé sur la question iranienne. Il est de notoriété publique que les secrétaires d’Etat et à la défense, Condoleezza Rice et Robert Gates, ainsi que plusieurs officiers supérieurs de l’armée américaine sont contre tout bombardement de l’Iran et que le vice président Dick Cheney y pousse de toutes ses forces.
Un petit espoir se dessine toutefois. Selon le journal en ligne, The Jewish Chronicle (http://www.thejc.com/), Ehud Olmert a toujours été confiant que George Bush tiendrait ses promesses (qu’il renouvelait constamment à Olmert et à son prédécesseur Sharon) d’attaquer l’Iran plutôt que de le laisser développer son programme nucléaire. Il se trouve que lors de sa dernière visite à Washington il y a trois semaines, le Premier ministre israélien n’a pas reçu les assurances habituelles de Bush, ce qui, apparemment, l’a fortement perturbé et l’a poussé à considérer sérieusement l’option du « cavalier seul ». C’est dans cette perspective qu’il s’est réuni avec un certain Aviam Sela, un colonel à la retraite, qui n’est autre l’architecte de l’attaque israélienne de juin 1981 contre le réacteur nucléaire irakien Osirak…
Un autre espoir se dessine à la lecture du Jewish Chronicle. Il réside dans la division de la classe politique israélienne concernant l’éventuelle attaque contre l’Iran. Selon ce journal, bien informé des intrigues des coulisses du pouvoir israélien, il y a désormais deux camps opposés : le premier qui soutient le projet d’attaque est dirigé par le ministre des transports Shaul Mofaz, le parlementaire Yitzhak Ben-Yisrael et le général Eliezer Ben Ashkedi. Ce trio considère les sanctions comme une perte de temps et estiment qu’Israël devrait passer à l’attaque le plus tôt possible.
Le second camp qui s’oppose à toute attaque contre l’Iran, la considérant comme aventureuse et dangereuse pour la sécurité d’Israël, est dirigé par le président Shimon Peres. Il vient de recevoir l’appui précieux du chef du Mossad, Meir Dagan, qui conseille à Olmert de prendre tout son temps avant de prendre une décision, car « l’Iran a encore un bon chemin à faire avant de fabriquer une arme nucléaire ».
Si ces deux camps continuaient à se chamailler jusqu’à l’élection du prochain président américain et l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations internationales, on traverserait sans trop de dégâts cet été que d’aucuns n’exagèrent nullement en appelant l’été de tous les dangers.

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