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Wednesday, June 11, 2008

La paix, ce danger qui terrorise Israël

Quand on dit que la classe politique israélienne redoute la paix comme la peste, on ne verse pas dans « la propagande anti-israélienne primaire », comme l’affirment haut et fort les défenseurs d’Israël. C’est un constat tout à fait objectif et parfaitement démontrable. Et quand on dit que les Palestiniens ont raté un nombre incalculable d’occasions pour créer leur Etat et vivre en paix, cela relève de la propagande israélienne la plus grotesque, car le monde entier est témoin de l’incroyable ampleur des concessions faites par l’OLP depuis la fameuse conférence d’Alger en 1988 jusqu’à ce jour, sans obtenir le moindre résultat concret. L’expérience des vingt dernières années montre clairement que plus les Palestiniens font des concessions, plus la classe politique israélienne se montre arrogante et plus les collines de Cisjordanie se hérissent de nouvelles colonies.
Le processus de paix israélo-palestinien atteint des proportions surréalistes. Rappelons nous les négociations d’Annapolis organisées par les Américains à grand renfort de publicité. Les israéliens, pour démontrer l’importance qu’ils accordaient à cet événement, n’avaient trouvé de meilleur moment pour annoncer la construction de 750 nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie. Et les rencontres rituelles entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas sont souvent l’occasion pour celui-là d’annoncer de nouvelles extensions dans les colonies de Jérusalem-Est et ailleurs. Le degré de surréalisme atteint par le processus de paix est tel que même si Israël accepte aujourd’hui la création d’un Etat palestinien, celui-ci ne trouvera pas l’espace contigu nécessaire pour bâtir ses institutions et exercer ses prérogatives.
Bon nombre de politiciens israéliens font de l’instabilité régionale leur fonds de commerce. Ils sont comme un poisson dans l’eau dans les situations de crise et de tension et manifestent des signes de graves perturbations dès qu’un espoir de paix se dessine à l’horizon. La dernière occasion sérieuse de résolution du conflit israélo-palestinien s’était présentée en août 2000, quand l’ancien président américain Bill Clinton avait réuni Yasser Arafat et Ehud Barak, alors Premier ministre d’Israël, pour discuter à Camp David.
Cette occasion fur ratée non pas à cause de l’ « intransigeance » du chef de l’OLP, comme le prétendaient la délégation israélienne aux négociations et les milieux pro-israéliens aux Etats-Unis, mais par l’intransigeance de Barak, comme en témoigne Robert Malley, ancien conseiller de Clinton et qui, à ce titre, avait suivi de très près le déroulement de tout le processus des négociations du début jusqu’à leur échec. Rappelons que, pour avoir dit la vérité sur ce qui s’était réellement passé à Camp David, Robert Malley se trouve aujourd’hui sur la liste noire du lobby israélien aux Etats-Unis, l’omnipotent AIPAC (Americain Israeli Public Affairs Committee).
La plus sérieuse occasion depuis le début des négociations israélo-palestiniennes fut ainsi torpillée parce qu’Ehud Barak s’était soudain trouvé en danger de paix. Pour éloigner ce danger, il s’était mis à faire monter les enchères avec l’intention de rendre impossible la mission de la délégation palestinienne, faisant ainsi échouer délibérément une rare occasion qui aurait pu résoudre l’un des conflits les plus dangereux pour la stabilité et la sécurité du Moyen-Orient, et même du monde.
Ehud Barak n’était pas stupide au point d’ignorer que l’échec des négociations de Camp David devait nécessairement se traduire par une explosion dans les territoires occupés. Il n’était pas stupide au point d’ignorer que la visite provocatrice d’Ariel Sharon à l’esplanade des mosquées, un mois après l’échec de Camp David, allait mettre le feu aux poudres. Pourtant, il avait laissé faire parce qu’il préférait la guerre avec les Palestiniens à laquelle il était préparé à la paix avec eux qu’il avait sabotée en août 2000, à la grande frustration de l’hôte américain, Bill Clinton, qui, par la faute de Barak, avait lui-même échoué à se faire une petite place dans l’histoire.
Actuellement, des négociations indirectes par l’intermédiaire de la Turquie se déroulent entre Israël et la Syrie. Ce sont des négociations laborieuses et très complexes sans aucun doute. Ce n’est sûrement pas demain ni le mois prochain que l’on aura la surprise de voir les Israéliens et les Syriens en train de signer un accord de paix et les troupes israéliennes en train d’évacuer les colons du Golan. Pourtant, il y’a en Israël des hommes politiques que cette éventualité de paix dérange. Ils s’accommodent beaucoup mieux de cet état d’animosité et d’hostilité permanentes qu’avec une relation de bon voisinage avec la Syrie.
Dès que l’information relative aux négociations indirectes d’Istanbul était rendue publique, on avait assisté à une véritable levée de boucliers de la part de nombreux politiciens israéliens que la paix dérange. On avait eu droit aux rengaines éculées du « soutien syrien aux terroristes » auxquelles était venue s’ajouter une nouvelle trouvaille : « Si Israël se retirait du Golan, ce plateau serait transformé aussitôt en base militaire iranienne »…
Pour brouiller encore plus les cartes et entretenir le spectre de la guerre si indispensable à la classe politique israélienne, le ministre des transports, Shaul Mofaz, d’origine iranienne, vient d’affirmer qu’«une attaque contre l’Iran est inévitable ». Pourquoi ? Parce qu’un pays de sept millions d’habitants qui possède deux cents armes nucléaires soupçonne un pays de soixante dix millions d’habitants de vouloir en fabriquer quelques unes. Sur la base d’un soupçon, balayé d’ailleurs par le rapport des renseignements américains de décembre dernier, Mofaz veut détruire le pays qui l’a vu naître…
Cette peur congénitale de la paix qui hante la classe politique israélienne n’est pas nouvelle. C’est une anomalie qui a marqué toutes les générations des politiciens d’Israël depuis pratiquement la création de ce pays en 1948. On sait maintenant qu’en 1971, juste une année après la mort de Jamal Abdenasser, Anouar Sadate avait fait une proposition de paix à Golda Meir, alors Premier ministre d’Israël. Golda Meir qui redoutait elle aussi la paix comme la peste, refusa la proposition de Sadate. Deux ans après, une nouvelle guerre israélo-arabe éclata. Plusieurs milliers de morts des deux côtés dont 3000 soldats israéliens. Trente cinq après, la peur de la paix continue à faire des ravages.

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