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Tuesday, June 03, 2008

Lobby arrogant et candidats obséquieux

Le télévangéliste texan John Hagee a endossé la candidature du républicain John McCain et a appelé ses troupes à faire campagne pour lui. Mais celui-ci a vite fait de rejeter cet appui au motif que John Hagee, un extrémiste chrétien et un féroce défenseur d’Israël et de la colonisation des territoires palestiniens, a affirmé récemment que « Dieu a envoyé Hitler pour aider les Juifs à atteindre la terre promise ».
Aussi grotesque soit-elle, la remarque de John Hagee aurait eu un sens si son auteur avait évité de spéculer sur une volonté divine derrière la folie hitlérienne et sur le mythe de la terre promise. Du point de vue de l’analyse historique pure, il y a un lien évident entre le massacre à grande échelle des Juifs par Hitler et le calvaire que vivent depuis 60 ans les Palestiniens en particulier et la région du Moyen-Orient en général.
John Hagee n’est pas anti-juif. C’est l’un des chefs de file de ces sionistes chrétiens qui encouragent Israël non seulement à ne pas rendre les territoires conquis en 1967 mais à occuper la « totalité de la terre promise », condition sine qua non d’après la secte télévangéliste de John Hagee du retour du messie… John Hagee aime Israël non pas parce qu’il a un amour particulier pour les Juifs, mais parce que pour lui, Israël est l’instrument qui est de nature à précipiter le retour du Messie et… la reconversion (volontaire ou forcée) des Juifs au christianisme.
La remarque de Hagee sur une volonté divine derrière la politique anti-juive de Hitler a mis en émoi les Juifs américains et poussé le candidat McCain à prendre ses distances avec une personnalité capable de lui faire gagner des millions de voix dans les milieux extrémistes chrétiens. Peut-être McCain a-t-il fait une simple opération arithmétique à l’issue de laquelle il a pu constater que les voix que lui apporteraient les Juifs seraient plus nombreuses que celles qu’aurait pu lui apporter John Hagee, et il était donc plus judicieux pour lui de refuser l’endossement de Hagee et de chercher celui de l’AIPAC (Americain Israeli Public Affairs Committee).
Il a certainement fait le bon choix car, d’après les dernières informations, l’AIPAC est, semble-t-il, plus fort que jamais et ni le livre de Mearsheimer et Walt, ni la création de J Street (un mini lobby juif anti-AIPAC) n’ont encore entamé sérieusement le crédit de cette anomalie sur la scène politique américaine. Pour sa conférence annuelle qu’il organise actuellement à « Convention Center » à Washington du 2 au 4 juin, l’AIPAC n’a jamais réuni autant de monde depuis le début de ses activités au milieu des années 1950. Pas moins de sept mille lobbyistes et leurs invités discutent des meilleurs moyens de soutenir Israël et donc de perpétuer les injustices et les risques de déstabilisation et de guerres.
Cette année, l’AIPAC tient ses assises à quelques mois de l’élection d’un nouveau président à la Maison blanche. Et comme il est largement admis qu’aucun candidat n’a de chance de se faire élire s’il n’obtient pas la bénédiction de ce lobby, les enchères battent leur plein entre les candidats. L’enjeu est de taille et John McCain, Barack Obama et Hillary Clinton rivalisent d’ingéniosité, pour ne pas dire d’obséquiosité, pour décrocher le gros lot, c'est-à-dire se faire endosser par le puissant lobby. Même Mme Clinton, qui n’a plus aucune chance d’être investie candidate des démocrates, a tenu a aller à « Convention Center » pour répéter qu’elle n’hésiterait pas à « oblitérer » l’Iran par le feu nucléaire si ce pays osait toucher à un poil d’Israël.
McCain a eu l’insigne honneur d’ouvrir la conférence des lobbyistes juifs américains en insistant sur sa principale trouvaille : ignorer l’Organisation des Nations Unies si celle-ci refuse d’imposer les sanctions les plus dures à l’encontre de l’Iran. Quant au candidat Obama, il a donné le ton bien avant l’ouverture de la conférence de l’AIPAC.
En effet, si Mc Cain a pris ses distances avec le télévangéliste John Hagee pour se rapprocher du lobby, Obama a pris ses distances à la fois avec Jimmy Carter et avec l’ancien conseiller de Bill Clinton, Robert Malley. Le premier pour avoir qualifié Israël d’Etat pratiquant une politique d’apartheid vis-à-vis des Palestiniens, et le second pour avoir fait assumer l’échec des pourparlers de Camp David d’août 2000 non pas à Yasser Arafat, comme le veut le lobby, mais à l’intransigeance israélienne et à la complaisance américaine avec l’occupant.
L’AIPAC continue d’être une grosse anomalie sur la scène politique américaine contre laquelle personne n’a encore rien pu faire. Son arrogance est telle que, tout en regroupant des Juifs qui se disent citoyens américains, la discussion des intérêts des Etats-Unis est bannie des forums du lobby. Toute référence à une possible divergence entre les intérêts américains et israéliens équivaut à un blasphème. Bien que cette divergence soit bien réelle, comme l’ont brillamment démontrée Mersheimer et Walt dans leur essai sur « Le lobby israélien et la politique étrangère américaine », quiconque y fait la moindre allusion voit sa carrière politique détruite.
L’AIPAC continue d’être une anomalie aux Etats-Unis parce qu’il continue d’imposer impunément une surenchère humiliante pour les politiciens américains en termes de loyauté et de fidélité à Israël. Pire encore, ce lobby se délecte de l’étonnante obséquiosité dont font preuve les candidats à la Maison blanche. C’est d’autant plus consternant que le candidat obséquieux face à ce lobby arrogant présidera, en cas de victoire aux destinées des Etats-Unis et influencera dans une large mesure la politique mondiale. Le cynisme de l’AIPAC a atteint un degré tel que ses membres ne prennent plus la peine de cacher la condescendance avec laquelle ils traitent les candidats qui cherchent leur appui. L’un d’eux n’a pas hésité à parler des trois candidats encore en lice en ces termes : « ils veulent rivaliser à qui mieux soutiendrait Israël ? Laisse les rivaliser » !

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