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Saturday, June 14, 2008

Un projet d'accord contestable


Pour enfoncer une porte ouverte, disons que l’agression américaine contre l’Irak en mars 2003 était le renversement du régime de Saddam Hussein, et le but du renversement du régime baathiste était de transformer l’Irak en Etat satellite où Washington contrôlerait les immenses ressources énergétiques du pays en livrant leur exploitation aux multinationales américaines.
Après plus de six ans de guerre atroce, force est de constater que cet objectif est loin d’être atteint. Le régime de George Bush qui n’a plus que huit mois d’existence est engagé dans une course contre la montre pour tenter de réaliser à travers un accord négocié ce qu’il n’a pu faire par la force militaire brutale.
Le Pentagone veut faire croire actuellement qu’il est en train de négocier avec les autorités irakiennes un accord sur ce qu’il appelle un « simple statut des forces », semblable à ceux qui sont conclus avec l’Italie, l’Allemagne ou encore le Japon où Washington entretient des bases militaires depuis 1945.
Rien n’est moins vrai, car l’accord sur le statut des forces américaines avec l’Italie, l’Allemagne et le Japon préserve la totale souveraineté de ces pays qui peuvent traîner en justice les soldats américains pour viol ou même pour simples altercations au cours d’une soûlerie. Ce qui n’est pas le cas des termes de ce projet d’accord défendu actuellement bec et ongles avec le Pentagone auprès du gouvernement de Nouri al Maliki. Selon les quelques détails publiés par la presse américaine, en plus de « la plus grande ambassade américaine dans le monde », située dans la zone verte à Bagdad, le Pentagone désire établir 58 bases militaires dans les différentes régions de l’Irak.
Mais le plus choquant est que les forces américaines qui gèreraient ces bases auraient le droit d’arrêter des Irakiens et de les emprisonner, alors que la justice irakienne n’aurait le droit de poursuivre ni les soldats ni même les contractants de nationalité américaine qui se rendraient coupables de crimes ou délits.
Les détails du projet d’accord concernant les aspects énergétiques et commerciaux ne sont pas connus, mais, sans aucun doute, ils ne peuvent pas être plus avantageux pour les Irakiens que l’aspect militaire du projet. Déjà, au temps de Paul Bremer, ancien représentant de Bush en Irak, il y avait eu une tentative de déposséder les Irakiens du contrôle de l’exploitation des ressources énergétiques, tentative avortée grâce à l’héroïque résistance des puissants syndicats irakiens de l’industrie pétrolière.
Cette forte résistance manifestée au temps de Paul Bremer est, apparemment en train de se répéter actuellement chez toutes les tendances politiques du pays, y compris la coalition gouvernementale entre les chiites du parti de Maliki et les Kurdes représentés par le président irakien Jalal Talabani. D’après le journaliste américain Patrick Cockburn, cette opposition virulente des Irakiens au projet d’accord proposé par George Bush a obligé celui-ci à faire des concessions au niveau du nombre des bases militaires (révisé à la baisse) et au niveau de l’immunité accordé aux contractuels américains servant en Irak. Ces concessions auraient été consenties pour encourager le gouvernement irakien à signer le projet d’accord sur « le statut des forces » avant le 31 juillet.
Visiblement l’administration américaine est très pressée de conclure ce projet d’accord de défense et de commerce avec le gouvernement irakien, ce qui est de nature à accroître la suspicion et la méfiance vis-à-vis de ses intentions profondes.
Il est peu probable que les concessions faites par l’administration américaine face à la résistance de la classe politique irakienne soient suffisantes pour la signature du projet d’accord. Car les objections soulevées par les politiciens irakiens ne concernent pas seulement le contenu du projet mis au point et ficelé au Pentagone, mais aussi au timing. Plusieurs responsables irakiens font observer à raison qu’il serait sage de signer l’accord non pas avant le 31 juillet comme l’exige Bush, mais après les élections législatives irakiennes prévues dans quelques mois, et surtout après les élections américaines de novembre, le temps pour les Irakiens d’être édifiés sur les orientations de la politique étrangère américaine que mettra au point le prochain locataire de la Maison blanche.
Mais une autre question importante se pose. Pourquoi est-ce que les deux candidats démocrate et républicain, Barack Obama et John McCain, se taisaient-il face à cette tentative de George Bush de leur lier les mains en Irak par cet accord ? Pourquoi un président, qui a commis des erreurs politiques et stratégiques monumentales au cours de ses deux mandats, s’arroge-t-il le droit d’imposer ses vues de la question irakienne à son successeur ? Si les vues de McCain, qui voulait que l’armée américaine reste « un siècle » en Irak, sont plutôt proches de celles de Bush, ce n’est pas le cas d’Obama. Clui-ci garde un silence étonnant sur ce projet d’accord qui risquerait de l’engager, s’il était élu président en novembre prochain.
Le mot de la fin revient à Sami al Askari, un politicien chiite très proche de Premier ministre Nouri al Maliki. Il a affirmé récemment au Washington Post : « Les Américains sont en train de faire des demandes qui pourraient mener à la colonisation de l’Irak…Si nous n’arrivons pas à conclure un accord honnête, beaucoup d’Irakiens diront : ‘Goodbye, les troupes américaines. Nous n’avons pas besoin de vous’. »

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