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Thursday, January 03, 2008

Les divagations d'Ehud Olmert

On est habitué depuis des décennies à voir les Etats-Unis d'Amérique prendre systématiquement le parti d'Israël. Pas un seul gouvernement n'a eu le courage politique ni la force morale de frapper un jour sur la table du bureau ovale de la Maison blanche et dire stop! Assez! Trop c'est trop! A l'exception d'Eisenhower, qui avait pris la décision honorable d'arrêter l'agression tripartite franco-anglo-israélienne contre l'Egypte en 1956, aucun président américain n'avait jugé nécessaire de se placer du côté de la justice et contribuer à régler un conflit qui a fait trop de ravages, nourri trop de tensions et fait couler des torrents de larmes et de sang.
George W. Bush, qui se prépare à une longue visite au Moyen-Orient la semaine prochaine, avait été plus loin qu'aucun autre de ses prédécesseurs n'avait osé aller. Dans une lettre écrite en 2004 à l'ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, Bush l'encourageait à ne pas revenir aux frontières de 1967, (comme si Sharon avait besoin d'encouragement), puisque d'après lui, "il est irréaliste de ne pas tenir compte de la réalité sur le terrain". En d'autres termes, le président américain avalisait la prise de possession par la force des territoires d'autrui et encourageait l'agresseur à les conserver.
Il faut dire qu'à l'exception de la Chine et de la Russie, toutes les autres grandes puissances, même si elles n'ont pas été aussi loin que le président américain, elles parlent, dans le meilleur des cas, mollement et pour la forme des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, et Israël n'avait vraiment jamais ressenti de pressions sérieuses de leur part de nature à lui faire changer d'attitude et de l'obliger à prendre au sérieux les dizaines de résolutions internationales lui enjoignant d'arrêter ses intolérables injustices commises quotidiennement contre le peuple palestinien.
Il est à peine croyable que plus de quarante ans après l'occupation des terres palestiniennes, la situation internationale demeure plus favorable que jamais à Israël et le Premier ministre Ehud Olmert y voit même un signe de Dieu. Dans une interview publiée ce vendredi par le Jerusalem Post, Ehud Olmert voit "la main de Dieu" dans la fait que " George Bush se trouve président des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy président de la France, Angela Merkel chancelière de l'Allemagne, Gordon Brown Premier ministre de Grande Bretagne et Tony Blair envoyé spécial au Moyen-Oient". Olmert ne cache pas sa satisfaction de la présence d'une telle "constellation de personnalités de premier plan sur la scène internationale, créant des conditions de négociation favorables à Israël qui ne pourraient jamais se répéter."
Olmert n'a pas tort dans le sens où toutes ces personnalités citées par lui n'ont jamais caché leur soutien actif à l'occupant israélien, mettant toujours l'accent sur "les impératifs de sécurité d'Israël", ignorant les droits fondamentaux des Palestiniens, et regardant ailleurs chaque fois que l'armée israélienne entreprend une campagne de répression contre les civils palestiniens. Olmert n'a pas tort non plus de considérer ces personnalités comme "la meilleure combinaison possible" qui, une fois décomposée, pourrait ne pas se répéter de sitôt. Il semble pressé d'engager des négociations pour profiter de ces "conditions favorables", et c'est dans ce sens qu'il a, pour la première fois, parlé des frontières de 1967 et de la "nécessité pour Israël d'intérioriser l'idée de diviser Jérusalem".
Après de longues décennies au cours desquelles les dirigeants israéliens successifs ne juraient que par "Jérusalem unie, capitale éternelle d'Israël", Olmert semble avoir écorné un tabou qu'aucun de ses prédécesseurs n'a osé faire. "Israël doit intérioriser l'idée que même ses plus fervents amis conçoivent l'avenir d'Israël sur la base des frontières de 1967 avec Jérusalem divisée", a-t-il dit au quotidien israélien, The Jerusalem Post. A première vue, cela ressemble à un scoop qui aurait dû faire les manchettes des journaux du monde entier. Mais ce n'est pas un scoop parce que le Premier ministre israélien, qui demande à ses compatriotes d'intérioriser cette idée, ne l'a pas intériorisée lui-même, puisque dans la même interview il estime que "Ma'ale Adumim fait partie intégrante de Jérusalem et d'Israël".
Ce qu'il faut savoir ici c'est que Ma'ale Adumim est la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie. Située à sept ou huit kilomètres à l'est de Jérusalem sur des collines surplombant la route reliant la ville sainte à la mer morte, cette colonie s'est transformée en véritable ville comptant des dizaines de milliers de colons qui travaillent pour la plupart à Jérusalem ou dans les villes israéliennes au-delà de la ligne verte et font le va et vient tous les jours, contribuant grandement à engorger les routes à l'heure de pointe.
Olmert ne s'est pas expliqué sur sa contradiction qui consiste d'une part à appeler les Israéliens à intérioriser l'idée de devoir partager la ville sainte avec les Palestiniens et, d'autre part, à persister à considérer que "Ma'ale Adumim fait partie de "Jérusalem et d'Israël". Cette colonie est un prolongement de Jérusalem est et c'est elle, avec la colonie d'Ariel, presque tout aussi grande, qui constituent les plus grands obstacles à un règlement du conflit israélo-arabe.
Olmert le sait et c'est pour cela qu'il s'empêtre dans ses contradictions. Il veut réellement la solution des deux Etats palestinien et israélien, par ce que, il l'a dit au Jerusalem Post, il tient à ce que l'Etat israélien garde son "caractère juif", mais il ne sait pas comment gérer le problème des colonies qui, tel un cancer en pleine métastase, minent la Cisjordanie. Il semble tellement déboussolé, qu'il commence même à divaguer en affirmant :"Je ne pense pas que quand les gens parlent de colonies, ils pensent à Ma'ale Adumim". On ne s'étonne pas que de telles balivernes font sortir les Palestiniens de leurs gonds. Un haut responsable de l'Autorité palestinienne à Ramallah a réagi en ces termes:"Olmert doit vivre sur une autre planète. La paix et les colonies ne vont pas ensemble. Si c'est ça sa politique, il peut oublier qu'il a un partenaire du côté palestinien."

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