airelibre

Friday, January 18, 2008

En attendant le jugement de l'histoire (article censuré par le directeur de La Presse)

Le président américain vient de terminer une longue tournée au Moyen Orient et dans le Golfe qui a duré huit jours. Tout au long de cette tournée, il n'a cessé de se présenter comme un promoteur de paix et de stabilité et comme inspirateur de liberté et de démocratie.
Avant d'entamer cette tournée, Bush a accordé le 4 janvier dernier une interview à la deuxième chaîne israélienne dans laquelle il a affirmé:"Je peux prévoir que les historiens diront que George W. Bush avait décelé les menaces du 21eme siècle, les avait clairement définies, avait eu une grande foi en la capacité de la liberté de transformer le désespoir en espoir, et avait jeté les bases de la paix en prenant quelques décisions terriblement difficiles".
Les Irakiens, les Palestiniens, les Libanais et, d'une manière générale, les Arabes et les Musulmans ont sans doute une idée sensiblement différente de celle que se fait Bush de lui-même. Une majorité des populations des pays européens, alliés ou non des Etats-Unis, ne croient pas un mot de ce qu'a dit Bush au début de ce mois à la télévision israélienne. Plus de 70% des Américains ne croient pas que l'histoire sera aussi tendre avec leur président dont le taux de popularité chez lui est descendu sous la barre des 30% Le seul endroit au monde où l'on croit Bush sur parole est Israël, et ce n'est pas un hasard que le président américain choisisse une chaîne israélienne pour lui confier ses prédictions quant à la manière dont ses deux mandats seront jugés par l'histoire. C'est aussi très probablement la seule télévision au monde qui aura écouté ses prédictions avec sérénité, sans penser à lui rappeler les centaines de milliers d'innocents morts en Irak et en Afghanistan, les millions de réfugiés et de déplacés, la tragédie de Fallouja, le massacre de Haditha, le scandale d' Abou Ghraib, etc…
Convaincu que l'histoire le jugera comme l'homme qui tiré la sonnette d'alarme et entrepris à terrasser les "menaces du 21eme siècle", qui guettent l'humanité, Bush a entamé sa tourné au Moyen-Orient avec, selon lui, la volonté de poursuivre la construction des "bases de la paix". Seulement voilà, entre ce que dit Bush et la réalité, il y a comme un hiatus vertigineux.
Même si l'on oublie toutes les décisions, y compris les plus désastreuses, prises par le président américain durant les sept années qu'il a déjà passées à la Maison blanche et qu'on le juge seulement à travers son comportement et ses déclarations durant sa tournée moyen-orientale, il est difficile de croire qu'il était venu avec l'intention de "jeter les bases de la paix".
Bush a commencé sa tournée par Israël. Les Palestiniens et les Arabes ne peuvent oublier les 30 milliards de dollars d'aide supplémentaire promise aux Israéliens pour "maintenir l'avantage stratégique" de ceux-ci dans la région, comme le président américain ne cesse de le rappeler, y compris pendant sa récente rencontre avec Olmert et ses ministres. Plutôt que de s'engager à assurer la "supériorité stratégique" d'Israël, celui qui veut "jeter les bases de la paix" devrait exiger que l'occupant s'engage à quitter les territoires qu'il occupe depuis plus de quatre décennies. Or, non seulement le président américain n'a rien exigé de tout ça pendant sa tournée, mais il a rempli ses hôtes israéliens d'aise en répétant ce qu'il avait confié à Sharon en 2004, c'est à dire qu'il n'y aura pas de retour aux frontières du 4 juin 1967, puisqu'"il faut prendre en compte la situation sur le terrain", et qu'il n'y aura pas de retour de réfugiés, car "un fonds international" se chargerait de les dédommager.
Si la visite de Bush en Israël a rempli d'aise les dirigeants israéliens, sa visite à Ramallah n'a pas eu le même effet sur les dirigeants palestiniens, tant s'en faut. Car enfin, comment Mahmoud Abbas et ses ministres peuvent-ils se sentir à l'aise quand le président américain, après avoir observé la multitude de postes de contrôle israéliens avec leurs blocs de béton et leurs soldats armés jusqu'aux dents, après avoir longé le mur qui charcute la Cisjordanie, il confie à ses hôtes palestiniens que tout ça "est nécessaire pour la sécurité d'Israël"!
Comment les Palestiniens peuvent-ils être convaincus qu'en venant à Ramallah, le président américain a l'intention de "jeter les bases de la paix" alors qu'il n'a pas montré la moindre compassion vis-à-vis des enfants de Gaza qui manquent de nourriture et de médicaments à cause de l'embargo israélien, alors qu'il n'a pas prononcé la moindre petite déclaration en leur faveur, même pour la forme, alors qu'il n'a même pas pris la peine de demander à ses alliés israéliens d'arrêter leurs bombardements quotidiens des territoires occupés au moins pendant son séjour dans la région, alors qu'il n'a pas jugé nécessaire de proférer même à travers sa secrétaire d'Etat une condamnation, même formelle, des massacres de Gaza et des violentes interventions de l'armée israélienne à Naplouse et Djénine…
Enfin, pour dire un mot de l'autre grand sujet de la visite de Bush dans la région, on ne peut s'empêcher de se demander comment le président américain peut-il à la fois "jeter les bases de la paix" tout en exhortant les pays du Golfe à se préparer à une éventuelle confrontation avec l'Iran? La visite de Bush dans les pays du Golfe a montré que ceux-ci ont une conception de la paix sensiblement différente de celle de Bush. Celui-ci a visiblement échoué à les convaincre que l'Iran est leur ennemi. La preuve est que le Koweït par exemple, le pays le plus proche de Washington, n'a cessé de marteler qu'il ne permettra pas à l'armée américaine d'attaquer l'Iran à partir de son territoire. C'est la position de tous les pays du Conseil de Coopération du Golfe, y compris et surtout celle de Qatar que le président américain n'a pas inclus dans sa tournée pour cause, dit-on, de "profondes divergences" sur la question iranienne.
Bush a terminé sa tournée dans la région avec une visite de quatre heures à Charm el Cheikh alors que les rues du Caire étaient sillonnées par les manifestants qui conspuaient le président américain et brûlaient ses effigies. L'histoire prendra-t-elle en considération cette tournée dans son évaluation des deux mandats de George Bush. Une chose est certaine: cette tournée est peu historique ne serait-ce que parce qu'elle a été quasiment absente des premières pages de la presse américaine. Il est vrai que les Américains se penchent actuellement sur la question de savoir qui sera leur prochain président plutôt que de soucier de ce que fait l'actuel chef de l'exécutif dont le compte à rebours a déjà commencé.

1 Comments:

Blogger Unknown said...

.A l'heure ou monsieur Bush est contesté ,voire fustigé dans son propre pays ,il se trouve quelqu'un pour en prendre la defense.

5:03 PM  

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