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Saturday, July 10, 2010

Sortira-t-on un jour de l'auberge?

Commençons par rappeler les faits. Mars 2010 : le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, arrivait aux Etats-Unis pour rencontrer le président Barack Obama. Celui-ci était furieux contre celui-là, et l’accueil était extrêmement glacial. Obama avait même laissé patienter le visiteur indésirable, le temps de terminer tranquillement son dîner avec sa famille dans les étages supérieurs de la Maison blanche. Photographes et cameramen avaient chômé ce jour là, et les agences de presse n’avaient pas le moindre communiqué commun ni la moindre déclaration à se mettre sous la dent.
Juillet 2010 : le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, arrivait aux Etats-Unis pour rencontrer le président Barack Obama. Celui-ci était tout sucre tout miel avec celui-là. L’accueil était extrêmement chaleureux. Photographes et cameramen avaient fait des heures supplémentaires ce jour là, et les téléscripteurs n’avaient pas arrêté de cracher toutes sortes d’informations sur la rencontre, ponctuée d’éloges mutuels que se faisaient les deux hommes, de déclarations enfiévrées sur le caractère indestructible des relations entre Israël et les Etats-Unis, sur l’engagement éternel de ceux-ci pour la sécurité et le bien-être de celui-là etc.
Mais les choses ne s’arrêtaient pas là. Si l’on en croit le quotidien israélien « Haaretz », l’administration Obama « a reconnu le droit d’Israël de posséder des armes nucléaires à des fins dissuasives », une première dans les annales de la diplomatie américaine. D’autre part, la même administration a promis à Israël que la conférence sur la dénucléarisation du Moyen-Orient, prévue en septembre prochain, serait tout bonnement annulée, si les participants maintenaient leur intention de faire du nucléaire israélien l’objet central de cette conférence qui, rappelons-le, était une idée américaine.
Mieux encore, l’administration Obama a regretté ce qu’elle a appelé son « erreur » d’avoir demandé à ce qu’Israël rejoigne le TNP et ouvre ses installations nucléaires à l’inspection de l’AIEA…
Comme si tout cela n’est pas assez, Obama s’est adressé aux Israéliens sur leurs chaînes de télévision pour les rassurer de son soutien indéfectible. Quand la journaliste Yonit Levy de la deuxième chaîne israélienne lui faisait part de l’ « anxiété » qu’il suscitait chez les Israéliens, Obama répondit que « ça s’explique par le fait que mon patronyme est Hussein, et cela crée la suspicion »…
Mais Obama se voulait plus rassurant et plus persuasif encore sur la deuxième chaîne israélienne : « Mon chef du personnel (à la Maison blanche) s’appelle Rahm Israel Emanuel, et mon plus grand conseiller politique est un descendant de survivants de l’Holocauste. Et mon étroite relation avec la communauté juive américaine est probablement ce qui m’a propulsé au sénat américain.»
La prudence américaine et les caresses dans le sens du poil continuent. A la question si les Etats-Unis vont presser Israël de prolonger le moratoire sur la colonisation qui se termine en septembre prochain, Obama n’a pas répondu. Il a tout simplement esquivé la question. En revanche, il a répondu avec empressement à la question de la journaliste israélienne s’il considérait Netanyahu capable de signer un accord de paix avec les Palestiniens : « Oui », Obama pense que « Netanyahu pourrait le faire ». Voilà, Netanyahu est, selon Barack Hussein Obama, un homme de paix, tout comme l’était Sharon, selon George Walker Bush…
Qu’est ce qui s’est passé entre les deux visites de Netanyahu chez Obama ? Rien, sinon qu’Israël a encore aggravé son cas en attaquant dans les eaux internationales la flottille de la paix et en tuant neuf personnes, dont un Américain d’origine turque. Pourquoi alors ce changement de 180° dans l’attitude du président américain vis-à-vis de Netanyahu ? Ce désir ardent de plaire aux Israéliens ? Ces appels du pied au Lobby ?
Une chose est certaine : Obama et ses conseillers ont clairement regretté l’accueil glacial réservé à Netanyahu en mars dernier et ont décidé de tout entreprendre pour lui faire oublier cette petite humiliation, tout en se fixant des lignes rouges à ne pas dépasser. Tout le monde a remarqué que l’équipe Obama n’a pas évoqué le moindre sujet de nature à déplaire aux Israéliens ou susceptible de froisser l’âme sensible de leur Premier ministre. Exit donc les questions relatives aux colonies et à l’attaque contre la flottille de la paix dans les eaux internationales, et place à la liste interminable des droits d’Israël et des devoirs des Etats-Unis à son égard.
La raison concrète de ce revirement de 180° ? Il reste moins que quatre mois aux élections de mi-mandat de novembre 2010 qui verront le renouvellement du tiers du sénat et de la totalité de la Chambre des représentants. L’administration Obama est visiblement inquiète du fait que plus cette échéance approche, plus la situation économique et sociale se complique et plus les chances des Républicains de rafler la mise se précise.
L’économie menace de sombrer dans la dépression, le chômage est en augmentation constante, des dizaines de millions d’Américains peinent à joindre les deux bouts ou à s’acquitter de leurs crédits bancaires, le Golfe du Mexique est sinistré par la plus grande catastrophe écologique de l’histoire, bref rien d’encourageant dans l’horizon.
Obama et ses conseillers ont donc dû se rendre à l’évidence qu’avec toutes ces perspectives plus sombres les unes que les autres, ils ne pouvaient pas se permettre d’avoir sur le dos le Lobby, compte tenu de son influence inégalable sur l’issue des élections américaines.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le processus de paix au Proche-Orient, le revirement de l’administration Obama prouve encore une fois que l’engagement américain est rythmé par les considérations de politique intérieure, plutôt que par les grands principes de justice, de paix ou de concorde internationale. En un mot, on n’est pas sorti de l’auberge. Mais au fait, sortira-t-on un jour de l’auberge ?

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