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Saturday, July 17, 2010

A propos d'un "Comité d'urgence pour Israël"

Ils rasent les murs pendant un moment, font profil bas, tentent de se faire oublier, puis émergent de nouveau et, comme si de rien n’était, comme s’ils n’avaient provoqué aucun malheur, comme s’ils n’avaient contribué à aucun désastre, reprennent leur travail de sape de la paix dans le monde en général, et au Moyen-Orient en particulier.
On se rappelle comment les néoconservateurs américains se sont alliés aux chrétiens sionistes et aux évangélistes. On se rappelle comment ils ont profité de la naïveté politique de George W. Bush pour le convaincre qu’il est un bienfaiteur de l’humanité, que Dieu l’a chargé de la mission sacrée de « terrasser l’axe du mal » et qu’il devait commencer par abattre son premier pilier : le régime baathiste de Saddam Hussein.
Après avoir contribué de manière décisive à embourber leur pays dans les sables mouvants mésopotamiens, les pseudo-intellectuels du courant néoconservateur américain se sont inscrits pendant un certain temps aux abonnés absents. On n’entendait plus beaucoup les Paul Wolfowitz, Richard perle, Robert Kagan, William Kristol, Elliot Abrams, Michael Ledeen, David Frum, John Bolton etc.
Certes, les deux organes principaux de ce courant, « Commentary » et « The Weekly Standard », n’ont pas cessé de paraître, mais ils ont perdu beaucoup de leur crédibilité et de leur influence. Le désastre irakien a été pour ces gens du néoconservatisme américain un coup fatal, signalant une triple banqueroute : intellectuelle, morale et politique.
Cependant, en dépit de cette banqueroute, on vient d’apprendre par la presse américaine que les durs à cuire de ce courant, William Kristol, Michael Goldfarb, Noah Pollack, Rachel Abrams et quelques autres, se sont associés avec l’évangéliste Gary Bauer pour créer un… « Comité d’urgence pour Israël ».
Mais avant de commenter cette nième trouvaille américaine pour la défense d’Israël, on doit avouer qu’il est réellement difficile de conclure si ces revenants sont conscients de leur banqueroute multiforme et font comme si elle n’existe pas, ou alors, tout comme le fou de Gogol qui se prend pour le roi d’Espagne, ils se prennent pour la crème des intellectuels américains, convaincus que non seulement les intérêts d’Israël et des Etats-Unis sont intimement liés, mais que les intérêts du reste de la planète ne peuvent se concevoir qu’en fonction des intérêts israélo-américains.
Quoiqu’il en soit, ces pseudo-intellectuels pensent qu’Israël court un grand danger et a besoin, en plus de l’armée la plus puissante du Moyen-Orient, en plus des deux cents têtes nucléaires, en plus du soutien inconditionnel financier et militaire américain, en plus de tout cela donc, Israël a besoin d’un « Comité d’urgence » évangélisto-néoconservateur pour terrasser les dangers qui le menacent.
C’est un fait qu’Israël a besoin de toute urgence de ce genre de Comité. Non pas parce qu’il est en danger, mais parce qu’il est un danger. Un danger pour ses voisins d’abord, pour lui-même ensuite.
Depuis sa création, Israël s’est révélé être un Etat incroyablement agressif. Si l’on fait le bilan de la période historique allant du 5 juin 1967 (guerre des 6 jours) au 28 décembre 2009 (guerre de Gaza), on restera bouche bée face au nombre monstrueusement élevé de guerres et d’agressions contre ses voisins, face à son appétit gargantuesque d’avaler les terres des autres, face à l’inhumanité foncière qui l’habite et qui le pousse à détruire en une journée des infrastructures que ses victimes mettent des années à construire. Les Palestiniens et les Libanais en particulier ont vécu cela dans leur chair et peuvent citer mille et un exemples sur la férocité de ce pays qui, depuis 43 ans au moins, constitue pour eux un danger permanent.
Mais Israël s’est révélé aussi être un danger pour lui-même dans la mesure où, durant près d’un demi siècle, son comportement d’Etat agressif, injuste, impitoyable et au dessus des lois internationales devrait un jour ou l’autre avoir l’effet d’un boomerang. Et de fait, de par son isolement international de plus en plus prononcé, de par l’inimitié ou le mépris que lui vouent des milliards d’êtres humains dans le monde, de par l’impasse dans laquelle il s’engage inexorablement, Israël est en train de vivre cet effet de boomerang, se transformant chaque jour un peu plus en danger pour lui-même.
Danger pour lui-même et pour ses voisins, Israël n’a pas besoin d’un « Comité d’urgence » évangélisto-néoconservateur, mais d’un véritable Comité d’urgence que créerait un groupe de pays pour traiter ce cas pathologique inédit dans les relations internationales. Il y a un groupe de pays qui, en plus du crédit international dont il dispose aux yeux d’une bonne partie du monde, possède les moyens politiques et matériels pour créer un tel Comité : le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).
Ces quatre pays sont suffisamment honnêtes et suivent des politiques suffisamment équilibrées avec les uns et les autres. Par conséquent, ils ne peuvent qu’être assurés du soutien le plus large possible pour toute initiative par laquelle ils viseraient à assainir les relations internationales de la pollution provoquée depuis des décennies par les excès de la politique israélienne.
Pour revenir aux néoconservateurs, il faut relever ici le paradoxe qui veut qui ceux qui ne cessent de mette Israël en difficulté en le poussant à commettre les plus grandes folies, sont aussi ceux qui s’inquiètent le plus de ces difficultés au point de créer des comités d’urgence pour lui venir en aide. Cela dit, le meilleur service que ces gens du néoconservatisme américain puissent présenter à Israël, à leur propre pays et au monde, c’est de s’abstenir d’aider. C’est de ne plus rater les occasions en or de se taire.

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