airelibre

Monday, November 13, 2006

Blanc bonnet, bonnet blanc?


Par Hmida Ben Romdhane



Mardi 7 Novembre, les Américains ont élu la totalité de la Chambre des représentants, un tiers du sénat, plusieurs gouverneurs, et ont en même temps approuvé ou rejeté plusieurs projets de loi relatifs à la vie sociale et économique. Après le vote, le soulagement était perceptible en Amérique pour deux raisons: d'abord la campagne électorale la plus nauséeuse de l'histoire du pays pendant laquelle les candidats se traînaient dans la boue et s'insultaient comme des charretiers a pris fin; ensuite, les résultats ont mis un terme à une longue domination du Congrès par le parti républicain, qui domine aussi l'exécutif depuis Janvier 2001, date de l'entrée de George Bush à la Maison Blanche.
Les Démocrates ont remporté la Chambre des représentants à une large majorité ; quant au sénat, le suspense entre les deux rivaux pour le second poste de sénateur, George Allen (Républicain) et James Webb (Démocrate) n'a duré que 24 heures. Ce dernier dépassait son rival de 7480 voix, ce qui représente 0,3% du total des suffrages exprimés, et donc le candidat républicain avait théoriquement le droit de demander un recomptage aux frais de l'Etat de Virginie. Selon la loi de cet Etat, quand la différence des voix départageant les candidats est moins de 0,5%, le recomptage exigé éventuellement par le candidat malheureux se fait aux frais du contribuable. Et si cette différence se situe entre 0,5 et 1%, le candidat qui conteste les résultats, pourra exiger un recomptage, mais à ses frais. Mais on n'en est pas là puisque après une valse-hésitation et des pressions exercées sur lui par la hiérarchie de son parti, le Républicain George Allen a fini par concéder la victoire à son rival démocrate, James Webb. Avec 51 sénateurs et une large majorité de représentants, les Démocrates ont donc reconquis les deux Chambres du Congrès, après plus d'une décennie de marginalisation.
Quelques heures après la confirmation de la victoire des Démocrates, le président américain a tenu une conférence de presse à la Maison blanche. Le changement de ton était saisissant. D'abord, juste une semaine après avoir annoncé avec son arrogance coutumière que "le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, restera à son poste jusqu'en 2009" (le second et dernier mandat de Bush se terminera le 20 Janvier 2009), il a annoncé à des journalistes médusés… la démission de ce même Rumsfeld. Ensuite, et alors que jusqu'à la dernière minute de la campagne électorale les Démocrates étaient traités de tous les noms "mous, alliés objectifs des terroristes, dangereux pour la sécurité de l'Amérique…), ils étaient devenus magiquement pour George Bush "les partenaires du pouvoir" auxquels il "tend la main", les invitant à "travailler ensemble".
Une journaliste lui a alors posé la question suivante: " Il y'a juste quelques jours, Nancy Pelosi (cheffe de file des Démocrates et probable prochaine présidente de la Chambre des représentants) vous a traité d'incompétent, de menteur et d'homme dangereux. Comment pouvez-vous travailler avec une femme qui vous manque tellement de respect?" Visiblement décontenancé, Bush, mettant en avant ses expériences électorales, a tenté d'expliquer la différence entre ce qui se dit dans les campagnes et ce que l'on doit faire une fois les urnes ont livré leur verdict. Il n'avait permis aucune autre question. Il avait mis fin à la conférence après cette question un peu brutale.
Mais au-delà de la campagne de très bas niveau, au-delà des blessures infligées, Démocrates et Républicains sont obligés de travailler ensemble. Il ne faut pas se faire trop d'illusions. Ceux qui s'attendent à des changements radicaux dans la politique étrangère américaine seront sans doute déçus. Les différences entre les deux partis sont si minimes que certains n'hésitent pas à soutenir sérieusement que l'Amérique est gouvernée par un parti unique comportant deux tendances rivales. Sans doute y'a-t-il des différences au niveau de la politique fiscale (les riches payent moins d'impôts quand les Républicains commandent) ou au niveau de la politique de sécurité sociale (les familles démunies sont mieux prises en charge quand les Démocrates sont au pouvoir), mais quand il s'agit de la politique étrangère, les différences s'estompent. Toutes les guerres commencées par un parti sont aussitôt adoptées par l'autre dès qu'il arrive au pouvoir. Que l'on pense à la guerre du Vietnam, ou encore à la guerre d'Irak. Le républicain Bush père a déclenché la guerre en 1991; le démocrate Clinton qui lui a succédé a étouffé le peuple irakien par les horribles sanctions pendant ses deux mandats successifs 1992-2000, sans compter les bombardements intermittents et même la guerre qui a duré quelques jours à la fin du mois de décembre 1998 ; et le républicain Bush fils a pris le relais et a détruit ce que sont père et Clinton ont épargné.
Tout ça pour dire qu'il ne faut pas s'attendre à un miracle en Irak parce que les Démocrates ont remporté les élections du 110eme Congrès des Etats-Unis.
Les Démocrates ne s'opposent pas à l'idée de la guerre en Irak, mais à la manière dont cette guerre est menée; ils n'ont jamais dénoncé les budgets militaires gigantesques qui atteignent aujourd'hui la somme faramineuse de 500 milliards de dollars par an, c'est-à-dire près d'un milliard quatre cent millions de dollars par jour, c'est-à-dire quelque 60 millions de dollars par heure et un million de dollars par minute. Voilà le budget du seul Pentagone sans que les Démocrates ne trouvent à redire. Le mot juste a été dit par Robert Kagan, un intellectuel américain qui vit à Bruxelles. Dans un article publié le 2 Novembre dernier dans le Washington Post, il a écrit:" Beaucoup à travers le monde se réjouiront la semaine prochaine à la défaite de Républicains. Ils doivent profiter de l'occasion et vite car, quand le rideau se lève, ils se retrouveront à nouveau en relation avec la même Amérique avec ses vertus et ses vices".

0 Comments:

Post a Comment

<< Home