airelibre

Monday, July 27, 2009

Doutes sur l’identité de l’éventuel futur agresseur

Le travail a été un peu bâclé dimanche dernier. David Gregory, l’animateur du célèbre programme de la chaîne NBC « Meet the press », a posé des questions plus ou moins pertinentes à son invitée Hillary Clinton qui a répondu de manière plus ou moins convaincante sur divers sujets, sauf sur le dossier iranien. Ses réponses sur la question du nucléaire iranien ont reflété l’indécision de l’administration américaine et son incapacité à mettre en œuvre une politique claire, rationnelle et volontariste vis-à-vis de l’Iran.
Sûre d’elle, du moins en apparence, Mme Clinton a joué la fermeté en affirmant : « ce que nous voulons faire c’est envoyer un message à ceux qui ont pris ces décisions pour leur dire que si vous développez votre programme nucléaire dans le but d’intimider ou de faire étalage de votre force, nous n’allons pas permettre que cela arrive. »
David Gregory est passé à autre chose en laissant passer une belle occasion de souligner l’absence de stratégie envers l’Iran. Il n’a pas eu l’idée ou le réflexe ou le désir de rappeler à la secrétaire d’Etat la déclaration qu’elle avait faite la semaine dernière en Thaïlande à l’occasion du sommet sur la sécurité au cours duquel elle a soulevé la possibilité de mettre en place « un parapluie de défense sur le Moyen-Orient afin de protéger les autres nations d’un Iran détenteur de l’arme nucléaire ».
Ainsi, après avoir considéré déjà la détention de l’arme nucléaire par l’Iran comme une réalité inévitable et proposé d’ouvrir son « parapluie protecteur » pour protéger les amis de l’Amérique, Mme Clinton est revenue quelques jours plus tard à la position traditionnelle que Washington a toujours réaffirmé depuis le temps de Bush fils : ne jamais permettre à l’Iran de posséder l’arme nucléaire.
En mai dernier on avait cru à un réel changement dans la politique de la Maison blanche sur cette question quand la sous-secrétaire d’Etat américaine, Rose Gottemoeller, parlant dans une conférence sur le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP) a dit ceci : « L’adhésion universelle au TNP, y compris par l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du nord demeure un objectif fondamental des Etats-Unis ». Il faut rappeler ici que Mme Gottemoeller avait alors inclus Israël sans qu’il y’ait la moindre coordination avec les responsables de la question nucléaire à Tel Aviv qui, se lamentaient-ils, l’avaient « appris dans les médias ».
C’était la première fois, en effet, depuis l’administration Kennedy au début des années 60 du siècle dernier, que le département d’Etat se réfère à Israël en tant que pays nucléaire qui doit adhérer au traité de non prolifération, et donc s’ouvrir à l’inspection de l’AIEA à laquelle sont soumis 189 pays signataires du traité de 1970.
Avec du recul, on est bien obligé de constater que la déclaration de Mme Rose Gottemoeller ne constituait en rien un changement dans le sens d’un rééquilibrage de la position américaine vis-à-vis de la question nucléaire dans la région du Golfe et du Moyen-Orient, mais plutôt une déclaration circonstancielle sans suite.
Il est difficile de croire que la sous-secrétaire d’Etat ait pris seule l’initiative d’inclure Israël dans la liste des pays devant signer le TNP sans l’aval de la Maison blanche. La sensibilité du sujet est telle aux Etats-Unis que Mme Gottemoeller aurait été aussitôt dénoncée et relevée de ses fonctions. Mais cet épisode révèle sans le moindre doute la lutte au sein de l’establishment américain entre ceux qui désirent traiter Israël comme n’importe quel autre pays dans le monde et ceux qui placent les intérêts israéliens au dessus des intérêts américains eux-mêmes.
Visiblement le vice président Joseph Biden et la secrétaire d’Etat Hillary Clinton font partie de la seconde catégorie. Il y a trois semaines le vice président américain est allé jusqu’à justifier une éventuelle attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes. Interrogé le 6 juillet par George Stephanopoulos sur ABC, Joseph Biden a été d’une clarté limpide. Israël fait face à une « menace existentielle » et « on n’a pas le droit de s’opposer à la décision d’une nation souveraine de se défendre », c'est-à-dire de bombarder l’Iran.
Le cafouillage qui a suivi et l’embarras dans lequel Biden a mis l’administration qu’il vice-préside est révélateur de ce bras de fer auquel se livrent les deux tendances de l’establishment américain au sujet de la question nucléaire iranienne et de la nécessité ou non de la lier à la question nucléaire israélien.
En effet, il n’y a aucun doute qu’au sein de cet establishment il y a des hommes et des femmes qui veulent servir les intérêts de leur pays et les impératifs du droit et de la justice avant les intérêts d’Israël. Il y a des hommes et des femmes qui éprouvent un malaise évident en voyant leur pays remuer ciel et terre face à un pays qui est encore au stade de l’enrichissement de l’uranium et tourner le dos à celui qui possède 200 têtes nucléaires et les fusées nécessaires pour les livrer à n’importe quel pays qu’Israël considère comme ennemi.
Mme Clinton dans son intervention en Thaïlande a supposé déjà que l’Iran détiendra l’arme nucléaire et a proposé le déploiement du « parapluie de défense » pour protéger les « amis » de l’Amérique. Elle a du coup désigné l’éventuel futur agresseur et les éventuelles futures victimes à protéger. Seulement, il n’est pas sûr que les éventuelles victimes que Mme Clinton veut protéger soient d’accord avec elle sur l’identité de l’éventuel agresseur. Celles-ci ont plus de raisons de craindre Israël dont la réputation d’agresseur est bien établie depuis plus de six décennies et qui plus est assis sur 200 têtes nucléaires, plutôt que l’Iran qui, d’après l’AIEA, ne possède pas l’ombre d’une arme nucléaire et qui plus est n’a jusqu’à ce jour agressé personne.

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