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Wednesday, July 29, 2009

Théâtre surréaliste et ennuyeux

La colonie de Kiriyat Arba (littéralement Village Quatre en hébreu) qui surplombe la ville palestinienne de Hébron (Al Khalil) au sud de la Cisjordanie, renferme les colons les plus agressifs, les plus fanatiques et les plus irrationnels. C’est d’ailleurs le rabbin de cette colonie, Eliezer Waldmann, qui a mené la manifestation des colons lundi à Jérusalem contre le président américain Barack Obama nommément.
Ses diatribes contre Obama, qualifié au passage de « raciste », étaient de la musique aux oreilles des colons fanatisés à l’extrême. « Comment ose-t-il (Obama) dire où les juifs doivent et ne doivent pas habiter ? Obama attention, cette insolence va provoquer la désintégration de la superpuissance américaine », s’époumonait le rabbin de Kiriyat Arba, surchauffant le millier de colons qui traitaient eux-mêmes le président américain de tous les noms et invitaient son envoyé spécial, George Mitchell, à rentrer chez lui.
Ils n’ont pas encore affublé Obama de l’uniforme SS, comme ils l’ont fait pour Arafat et Rabin, mais cela ne saurait tarder. L’Amérique et son président sont devenus les ennemis à abattre parce qu’il a été demandé au gouvernement israélien de simplement geler la construction des colonies. Qu’arrivera-t-il alors le jour où l’Amérique demandera ce qu’elle aurait dû demander depuis des décennies, c'est-à-dire le démantèlement de toutes les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-est et le transfert des 400.000 colons à l’intérieur d’Israël ?
Ce à quoi nous assistons depuis des décennies ressemble à une pièce de théâtre surréaliste et extrêmement ennuyeuse par son caractère répétitif. Les administrations américaines successives, chaque fois qu’elles sont d’humeur « combative » demandent gentiment le gel des projets de construction de nouvelles colonies. Les gouvernements israéliens successifs écoutent poliment les requêtes américaines, perçoivent annuellement la taxe de 3 milliards de dollars imposée au contribuable américain et allouent une bonne partie de cette somme à l’extension des colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-est.
Depuis les accords d’Oslo de 1993 qui interdisaient toute nouvelle construction de colonies, le nombre de colons dans les territoires occupés a plus que doublé ainsi que le nombre de maisons les abritant évidemment. Depuis cette date jusqu’à ce jour le débat n’a jamais porté sur autre chose que sur le « gel » de la construction des colonies. Imaginez un débat autour du fait qu’un voleur puisse garder ce qu’il a volé, mais il est prié seulement d’arrêter de subtiliser d’autres biens ! Surréaliste n’est-ce pas ? C’est, en substance, ce qui se passe avec Israël. Aucune puissance, aucune instance ou autorité politique ou morale internationale n’a demandé sérieusement à Israël de rendre les terres qu’il a volées et de ramener ses colons à l’intérieur de ses frontières du 4 juin 1967.
On ne peut pas préserver le sentiment de sécurité et de tranquillité parmi les citoyens en priant le voleur de geler son activité illicite, mais en le traînant en justice et en le forçant à rendre les objets volés à leurs propriétaires. De même, on ne peut pas assurer la paix et le sécurité dans la région du Moyen-Orient en demandant une fois ou deux par an à Israël de geler la construction des colonies, tout en continuant à le faire bénéficier d’un statut très particulier. Statut qui lui permet d’être l’unique pays au monde de tuer, détruire, voler des terres et refuser de les rendre sans pour autant faire l’objet de la moindre sanction ou de la moindre menace sérieuse qui le dissuaderait de se comporter en bandit déchaîné.
Cette fois, le ciel semble tomber sur la tête des colons et du gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu parce que Barack Obama a insisté un peu plus que ses prédécesseurs sur le gel de la colonisation. Depuis 1956 quand Eisenhower frappa fort sur la table en ordonnant l’arrêt de l’agression tripartite anglo-franco-israélienne contre l’Egypte, aucun président américain n’avait osé donné un ordre semblable pour qu’Israël arrête son banditisme militaire qui est devenu sa principale caractéristique aux yeux du monde. Pire encore, non seulement l’Amérique ne faisait rien pour raisonner son « allié stratégique », mais chaque fois qu’il y’ait une timide tentative au conseil de sécurité de l’ONU pour demander des comptes à Israël, le veto américain surgit automatiquement récompensant l’agresseur, tournant le dos à l’agressé et frustrant tous ceux et celles qui rêvent d’un règlement juste au Moyen-Orient.
Le président Obama ne peut ignorer que l’histoire n’honore que ceux qui se tiennent du côté de la justice. Il ne peut ignorer que seul Eisenhower a fait plier Israël en lui donnant l’ordre d’arrêter son agression contre l’Egypte et que, un demi siècle plus tard, on se rappelle toujours de lui avec respect, contrairement aux Johnson et autres George W. Bush. La meilleure voie à suivre est donc évidente. Il a une occasion unique d’entrer dans l’histoire du Moyen-Orient par la grande porte.
Mais il faut insister ici que le meilleur moyen de rater cette occasion, c’est de continuer comme par le passé d’exiger mollement le gel de la colonisation. Le fond du problème n’est pas de convaincre Israël et les Israéliens de la nécessité d’arrêter de construire de nouveaux logements pour colons en Cisjordanie et à Jérusalem-est, mais de leur faire comprendre que tout ce qui a été construit depuis 1967 jusqu’à ce jour est illégal et en contradiction flagrante avec la loi internationale et la quatrième Convention de Genève. Bien sûr tout cela a été dit et redit et Israël en a toujours ri aux éclats. Brandir la loi internationale sans se donner les moyens de punir ceux qui la violent est la meilleure recette pour l’aggravation des crises internationales. Les Palestiniens, pour ne citer qu’eux, continuent de payer de leurs vies et de leurs biens l’incapacité de la société internationale d’appliquer le chapitre VII de la Charte de Nations Unies, seul moyen de mettre fin une fois pour toutes manu militari aux crimes de guerre israéliens dont les colonies ne sont pas le moindre.

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