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Tuesday, October 06, 2015

Le dictateur du monde

En 1963, John Fitzgerald Kennedy prononça son plus important discours à l’Université américaine de Washington. La guerre froide faisait rage à l’époque et Kennedy, dans une tentative de réduire la tension internationale, conspuait les va-t-en guerre et louait les efforts déployés en faveur de la paix. Il avait alors prononcé quelques paroles mémorables visant à rapprocher les hommes et les nations : « Notre lien de base le plus commun, dit-il, est que nous habitons tous la même planète. Nous respirons tous le même air. Nous chérissons tous l’avenir de nos enfants. Et nous sommes tous mortels. » Kennedy n’était pas le premier à vouloir moraliser la politique américaine. Près d’un siècle et demi avant lui, John Quincy Adams, secrétaire d’Etat de 1817 à 1825, avait mis en garde son pays contre des dévoiements politiques qui pourraient s’avérer catastrophiques pas seulement pour les Etats-Unis, mais pour le reste du monde : « L’Amérique, dit-il, ne s’aventure pas à l’étranger en quête de monstres à détruire (…). Elle sait bien que si jamais elle se rangeait ne serait-ce qu’une fois sous d’autres bannières que la sienne, fussent-elles celles de l’indépendance d’autres peuples, elle s’impliquerait sans pouvoir s’en extraire dans toutes les guerres d’intérêt et d’intrigue, d’avarice individuelle, d’envie et d’ambition, qui adopteraient les couleurs et usurperaient l’étendard de la liberté. Elle pourrait devenir le dictateur du monde. Elle ne serait plus maitresse de son propre esprit. ». Les désirs de paix de Kennedy ne se sont pas concrétisés et les mises en garde de Quincy Adams sont restées lettre morte, mais les craintes du secrétaire d’Etat, exprimées au début du dix neuvième siècle, sont, elles devenues réalité en ce début du XXIe siècle, c'est-à-dire près de deux cents ans plus tard. En effet, aujourd’hui, les Etats-Unis, ivres de leur puissance militaire inégalée, certains de leur impunité quoiqu’ils fassent, ont toutes les caractéristiques de dictateur et se comportent comme tel. Le dictateur ne respecte ni la Constitution ni la loi internationale. Pour un oui ou pour un non, il se déchaîne contre tout le monde, opprimant, emprisonnant et torturant impunément. Il n’a aucun respect ni pour sa parole ni pour ses engagements. Le dictateur fait aux autres ce qui ne leur plait pas, mais n’accepte pas qu’on le paye de retour. Sa devise est : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Autant de caractéristiques qu’on décèle aisément dans les comportements et les attitudes de la plus grande puissance militaire de tous les temps. Si les Etats-Unis respectaient leur Constitution et la loi internationale, s’ils se comportaient en puissance bienfaitrice comme beaucoup de citoyens américains le croient par naïveté ou par ignorance, il n’y aurait eu ni attaques du 11 septembre 2001, ni invasion de l’Irak, ni d’émergence spectaculaire du fléau du terrorisme. Si les Etats-Unis respectaient leur parole et leurs engagements, nous ne serions pas maintenant au bord d’une deuxième guerre froide. Aujourd’hui, si Washington et Moscou sont à couteaux tirés, c’est parce que ni les deux Bush, ni Clinton, ni Obama n’ont respecté les engagements pris par Ronald Reagan lors de ses négociations avec Mikhaïl Gorbatchev entre 1986 et 1988. Le dictateur est souvent aveuglé par la taille excessive de son égo. Il manque lamentablement de grandeur d’âme pour pouvoir considérer l’une des vertus cardinales, l’humilité. Par conséquent, il se trouve dans l’incapacité de tirer les leçons de ses erreurs ou de celles des autres. Là aussi, le parallèle avec les Etats-Unis saute aux yeux. Ce pays n’a tiré les leçons ni de la guerre du Vietnam, ni de celles d’Irak et d’Afghanistan. Bien que ces trois guerres soient des désastres gigantesques sur tous les plans, bien qu’elles aient entaché gravement et durablement la réputation de l’Amérique, on trouve aujourd’hui dans l’establishment washingtonien de hauts responsables qui vous expliquent tranquillement et sereinement que seul le bombardement de l’Iran est de nature à assurer la paix dans le monde. Bien que le monde ait vécu pendant plus de quatre décennies le calvaire de la guerre froide, avec des périodes de véritable terreur de voir la planète détruite par un conflit nucléaire majeur, on trouve aujourd’hui des apprentis-sorciers à Washington dont la fonction est de rallumer à nouveau la guerre froide et de ressusciter le spectre terrifiant d’un conflit nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie. Parmi eux, on peut citer la néoconservatrice Victoria Nuland, secrétaire d’Etat adjointe, qui a orchestré le renversement de l’autorité légitime en Ukraine et son remplacement par une autorité de fait, mais anti-russe et pro-occidentale. Et c’est cette même Victoria Nuland qui aujourd’hui met la pression sur la Bulgarie et la Grèce pour les pousser à interdire le survol de leurs territoires par les avions cargos russes transportant une aide militaire de Moscou à Bashar Al Assad, ultime barrage contre la mainmise totale des terroristes sur la Syrie… Dans le discours susmentionné, Kennedy avait affirmé que « nous habitons tous la même planète ». La pratique politique américaine sur un demi-siècle nous convainc du contraire. L’Amérique vit dans sa propre planète, une véritable forteresse protégée par deux immenses océans et une armée surpuissante. Là aussi on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le dictateur qui sévit tout en prenant soin de se terrer dans son bunker.

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