airelibre

Monday, December 21, 2009

Echec à Copenhague

La montagne n’a même pas accouché d’une souris. C’est la première idée qui vient en tête quand on passe en revue le bilan « désastreux », selon de nombreux observateurs, du sommet tant attendu de Copenhague, censé prendre à bras-le-corps les dérèglements climatiques. La campagne médiatique mondiale, confinant au tintamarre, qui a précédé le sommet, a focalisé l’attention générale sur l’événement et a nourri de faux espoirs que quelques milliers d’hommes politiques et d’ « experts », réunis à Copenhague, allaient régler son compte au réchauffement climatique.
Peut-être la saison est mal choisie. Car enfin peut-on, tout en grelottant de froid et en pataugeant dans la neige qui couvre la capitale danoise, se pencher sérieusement sur la chaleur qui monte et qui risque d’étouffer la planète et nous avec ? Peut-on lutter fougueusement contre le réchauffement du climat alors que, dans le même temps, on fuit comme la peste les morsures du froid arctique et on se calfeutre à l’intérieur de palaces où les radiateurs tournent à plein régime ?
Plus sérieusement, les fameux e-mails diffusés en plein sommet, ont jeté la consternation parmi les délégués dont l’ardeur a dû subir un coup de froid. De quoi s’agit-il ? Des scientifiques et des spécialistes de renommée mondiale, dont l’Américain Kevin Trenberth, chef de la section de l’analyse du climat dans le centre de recherches atmosphériques du Colorado, affirment, la main droite sur le cœur, que les 11 et 12 octobre 2009, « on a battu des records avec un froid jamais enregistré. » Mieux encore, ou pire c’est selon, « la moyenne de température des dix dernières années a été statique ».
Ces e-mails, diffusés intentionnellement pendant le sommet sur le climat, visent sans doute à jeter le trouble et à verser de l’eau au moulin des « sceptiques climatiques » qui souhaitent l’échec de cette réunion universelle tant attendue.
En fait, les raisons concrètes de ce qu’il faut bien appeler l’échec de Copenhague est que les trois poids lourds de la pollution atmosphérique, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, qui représentent à eux trois la moitié de l’espèce humaine, sont venus dans la capitale danoise avec la ferme idée de défendre leurs économies respectives, plutôt qu’un climat énigmatique dont on ne sait trop ni comment il fonctionne, ni comment il évolue.
L’argument de la Chine et de l’Inde est qu’elles sont toutes deux « nouvelles » dans le domaine de l’émission à grande échelle de gaz carbonique, et qu’il est « injuste » de leur demander maintenant de polluer modérément alors qu’Européens et Américains polluaient sans retenue depuis au moins deux siècles. Les Etats-Unis, de leur côté, n’entendaient nullement mettre en danger une reprise économique fragile. Du coup, et en dépit de leurs intérêts économiques divergents, Pékin, New Delhi et Washington ont vu qu’il était de leur intérêt de barrer la route à tout accord contraignant qui les obligerait à des limitations chiffrées d’émission de CO2.
L’accord produit « à la sauvette » par les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, auxquels se sont joints le Brésil et l’Afrique du sud, a été qualifié par beaucoup de participants comme une manœuvre tendant à « saboter » le sommet de Copenhague. Les ONG parlent de « fiasco » et de « naufrage révoltant », l’Union européenne l’a trouvé « en dessous des ambitions ».
Cet accord qui ne contraint personne à faire quoi que ce soit, prévoit tout de même de « limiter le réchauffement planétaire en dessous de 2°C ». Comment et par quels moyens ? Ceux qui ont rédigé l’accord n’en savent pas plus que le commun des mortels. Finalement, on est en droit de nous demander si le forum de Copenhague aura plus d’effet qu’une réunion dans un jardin public d’un groupe de paumés qui, jugeant le monde trop injuste, décident de le changer ?
La frustration est quasi-générale à l’issue de deux semaines de négociations stériles. Un député européen a déploré la transformation de « cette conférence en show », et s’en est pris aux délégations officielles, parties précipitamment et qui « n’ont même pas assumé publiquement, en plénière, leur échec. »
Un autre participant européen non identifié, qui s’est confié à Susan Watts, la correspondante scientifique de la BBC, n’a trouvé d’autre exutoire à sa frustration que les Africains qui, selon lui, « méritent maintenant d’être incinérés ». Pourquoi cette hargne anti-africaine ? D’après les confidences faites à la BBC par cet illustre anonyme, il était venu à Copenhague pour « aider les Africains », mais voilà que l’Afrique du sud ne trouve rien de plus intéressant à faire que de se joindre au groupe des « saboteurs », apposant sa signature sur un document qui laisse les mains libres aux pollueurs.
Il est facile de s’en prendre au maillon le plus faible du « groupe des cinq ». Rien n’aurait changé évidemment à Copenhague et l’échec aurait été consommé, même si l’Afrique du sud n’avait pas signé le document en question. Seulement, l’Afrique du sud et, par extension, les Africains, sont les plus commodes à servir de boucs émissaires. Pour l’interviewé de la BBC, les choses sont simples : le sommet a échoué, les Africains sont responsables, donc ils « méritent d’être incinérés ». La question qu’on ne peut pas ne pas poser est comment peut-on déléguer un homme avec des idées aussi simplistes dans un forum d’une importance aussi capitale pour la planète ? Et s’il y’en avait beaucoup comme lui, avec des idées aussi simplistes, ne serait-ce pas là une autre raison qui expliquerait l’échec du sommet de Copenhague ?

0 Comments:

Post a Comment

<< Home