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Saturday, December 05, 2009

L'initiative suédoise, un test pour l'Europe

En 1980, quand le gouvernement israélien avait fait voter par le Knesset l’annexion de la partie arabe de la ville de Jérusalem, la déclarant « capitale éternelle et unifiée d’Israël », le Conseil de sécurité de l’ONU avait alors condamné ce nouveau fait accompli dans la résolution 478 du 20 août 1980, estimant que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la puissance occupante, qui ont modifié ou visent à modifier le caractère ou le statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et non avenues. »
Respectant l’esprit et la lettre de cette résolution, tous les pays du monde ont refusé ce fait accompli et aucun n’a déplacé son ambassade dans la ville sainte, à l’exception de deux pays latino-américains minuscules, le Costa Rica et le Salvador qui, faute d’avoir fait des émules, ont fini par quitter honteusement Jérusalem et réinstaller leur ambassade à Tel Aviv en 2006.
Mais s’il n’y a aucune ambassade à Jérusalem, il y a des consulats, principalement ceux des Etats-Unis et de pays européens. Ces consulats sont implantés dans le quartier Cheikh Jarrah, où les principales exactions et les plus grandes injustices sont commises à l’encontre des résidents palestiniens. La famille al-Kurd, expulsée de sa maison du quartier de Cheikh Jarrah le 8 novembre à 3h30 du matin par la police israélienne, est devenue le symbole à la fois du calvaire et de la résistance des Palestiniens de Jérusalem-Est contre la colonisation rampante et la judaïsation forcée de la terre de leurs ancêtres.
Selon le quotidien israélien « Haaretz », Israël a, en 2008, retiré 4577 permis de résidence aux Palestiniens de Jérusalem, soit 21 fois la moyenne des retraits de permis de résidence au cours des quarante dernières années. La famille al-Kurd, qui habite depuis 52 ans la maison d’où elle a été expulsée le 8 novembre dernier a donc perdu son toit et son permis de résidence, et Dieu sait maintenant sous quelle tente et dans quel camp de réfugiés se trouvent ses membres. Et les familles qui vivent le même calvaire et subissent le même sort que la famille al-Kurd se comptent par milliers.
Sans doute choqués par le martyre quotidien enduré par les résidents de Jérusalem-est, les consuls européens ont rédigé, toujours selon le quotidien « Haaretz », un rapport secret dans lequel ils ont décrit dans le détail les exactions et les mesures discriminatoires contre les résidents palestiniens. Ce rapport aurait fait sensation à Bruxelles et versé de l’eau au moulin de la présidence suédoise de l’Union européenne qui a elle-même préparé un projet de résolution qui sera discuté par les 27 demain lundi 7 décembre, et dans lequel la Suède demande à ses pairs européens de se prononcer en faveur d’ « un Etat palestinien viable comprenant la Cisjordanie et Gaza, avec Jérusalem-est pour capitale. »
L’initiative suédoise, même si elle rencontre des résistances, même si elle n’est pas adoptée telle quelle, même si elle subit des changements dans la formulation, elle constitue néanmoins un tournant dans les relations israélo-européennes et dans la manière dont les pays européens perçoivent Israël. Elle constitue une indication claire de l’impatience grandissante, voire d’un ras-le-bol de la part de beaucoup d’Européens vis-à-vis de l’arrogance, des exactions, des abus, des injustices que font subir sur une base quotidienne les Israéliens à leurs voisins pour la seule et unique raison qu’ils ont une armée puissante qu’ils utilisent depuis plus de quarante non pas pour se défendre, mais pour agresser, non pas pour protéger leur territoire, mais pour violer celui des autres, le charcuter et le grignoter un bout après l’autre.
Les Européens ont longtemps regardé ailleurs pendant les innombrables huis-clos sanglants opposant l’armée israélienne aux civils palestiniens, souvent désarmés. L’occupation et la répression israéliennes des Palestiniens les ont pendant longtemps mis dans l’embarras. Ils se sont trouvés très souvent en porte à faux avec les principes de justice et de liberté qu’ils défendent. Mais puisqu’il s’agit d’Israël, on formule quelques critiques à la sauvette, sans jamais aller au fond des choses, sans jamais prendre la peine de poser la question jusqu’à quand durera cette inhibition qui paralyse l’Europe et l’empêche de jouer un rôle politique proportionnel à son importance économique.
L’holocauste commis par les nazis est une honte non seulement pour l’Europe, mais pour l’humanité entière. Cependant, il est absurde que cette immense injustice historique continue de servir de prétexte pour ne pas agir et pour se donner bonne conscience face à une autre immense injustice qui dure depuis plus de 42 ans.
Israël a mobilisé toutes ses énergies pour s’opposer à l’initiative suédoise et son Premier ministre, Benyamin Netanyahu, multiplie les déclarations menaçantes et les mises en garde contre toute reconnaissance de Jérusalem-est comme capitale du futur Etat israélien. Le même procédé a été utilisé contre l’initiative excessivement timide et modérée d’Obama consistant à demander à Israël un simple gel de la colonisation. La mobilisation des énergies israéliennes était telle que le président américain a dû faire machine arrière. L’initiative suédoise connaîtra-t-elle le même sort que l’initiative d’Obama ou s’imposera-t-elle en résistant aux pressions israéliennes et en annonçant au monde la fin de l’inhibition européenne ? On ne tardera pas à le savoir.

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